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19 Avril 2005
 

Cardinal Sarah: je crains qu'il n'en résulte une grande crise de toute l'humanité

Le 29 mai  2023 - E.S.M. -  L'Europe ne doit pas oublier que sa culture est tout entière marquée par le christianisme et le parfum de l'Évangile. Si le Vieux Continent se coupe définitivement de ses racines, je crains qu'il n'en résulte une grande crise de toute l'humanité, dont je vois de loin en loin quelques prémices. Qui ne peut déplorer les lois sur l'avortement, l'euthanasie, les nouvelles lois sur le mariage et la famille ?

Le Cardinal Sarah - Pour agrandir l'image ► Cliquer  

Cardinal Sarah:  La contagion de la sainteté peut seule transformer l'Église de l'intérieur

Vous semblez très critique, peut-être même un peu dur, face à l'évolution de l'ancienne Europe chrétienne ?

    Je sais bien que le monde occidental est traversé par des aspirations qui ne sont pas toutes mauvaises. Je n'oserai jamais démentir Jean-Paul II quand il cherchait des motifs d'espérer, des pierres d'attente, dans le monde qui est le nôtre. À la suite de Benoît XVI, je suis convaincu qu'une des tâches les plus importantes de l'Église est de faire redécouvrir à l'Occident le visage rayonnant de Jésus. L'Europe ne doit pas oublier que sa culture est tout entière marquée par le christianisme et le parfum de l'Évangile. Si le Vieux Continent se coupe définitivement de ses racines, je crains qu'il n'en résulte une grande crise de toute l'humanité, dont je vois de loin en loin quelques prémices. Qui ne peut déplorer les lois sur l'avortement, l'euthanasie, les nouvelles lois sur le mariage et la famille ?
    Je n'oublie pas que si j'ai reçu avec ma famille la connaissance du Christ, c'est grâce à des missionnaires français. Mes parents et moi-même avons cru grâce à l'Europe. Ma grand-mère fut baptisée par un prêtre français alors qu'elle quittait ce monde. Je ne serais peut-être jamais sorti de mon village si les spiritains n'avaient pas parlé du Christ à de pauvres villageois. Pour nous, Africains, comment comprendre que les Européens ne croient plus à ce qu'ils nous avaient donné avec tant de joie, dans les pires conditions ? Permettez-moi de me répéter : sans les missionnaires venus de France, je n'aurais peut-être jamais connu Dieu. Comment oublier cet héritage sublime que les Occidentaux semblent laisser sous une triste poussière ?
    Je ne suis pas seul critique à l'égard de l'Occident. Alexandre Soljenitsyne avait des mots sévères pour ceux qui ont perverti le sens de la liberté et établi le mensonge comme règle de vie. En 1980, dans son livre L'Erreur de l'Occident'', il écrivait : « Le monde occidental arrive à un moment décisif. Il va jouer au cours des prochaines années l'existence de la civilisation qui l'a créé. Je pense qu'il n'en est pas conscient. Le temps a érodé votre notion de la liberté. Vous avez gardé le mot et fabriqué une autre notion. Vous avez oublié le sens de la liberté. Lorsque l'Europe l'a conquise, aux alentours du XVIIIe siècle, c'était une notion sacrée. La liberté débouchait sur la vertu et l'héroïsme. Cela vous l'avez oublié. Cette liberté qui, pour nous, est encore une flamme qui éclaire notre nuit, est devenue chez vous une réalité rabougrie et parfois décevante parce que pleine de clinquant, de richesse et de vide. Pour ce fantôme de l'ancienne liberté, vous n'êtes plus capables de faire des sacrifices, tout juste des compromis. [...] Au fond de vous-mêmes, vous pensez que la liberté est acquise une fois pour toutes, et c'est pourquoi vous vous payez le luxe de la mépriser. Vous êtes engagés dans une bataille formidable et vous vous comportez comme s'il s'agissait d'une partie de ping-pong. » Cet homme qui a connu la répression des goulags de l'ex-URSS peut tenir un tel langage. Il sait par expérience ce qu'est la vraie liberté.
    Aujourd'hui, en Europe, il existe des pouvoirs financiers et médiatiques qui cherchent à empêcher les catholiques d'user de leur liberté. En France, la « Manif pour tous » donne un exemple d'initiatives nécessaires. Ce fut une manifestation du génie du christianisme.

L'Eglise se réforme toujours : Ecclesia semper reformanda, dit l'adage. Mais que devons-nous entendre par réforme ? La réforme est-elle nécessairement un progrès ou plutôt une espérance ?

    La réforme est une nécessité permanente. Nous sommes l'Église une, sainte, catholique et apostolique. Saint Paul appelait tous les baptisés « les saints ». Si nous lisons vraiment l'Evangile, nous constatons qu'une parole revient constamment : « Convertissez-vous et croyez en l'Evangile ! » C'est aussi le premier appel de Jésus dans l'Evangile de Marc. La réforme est donc ce travail intérieur que chacun doit réaliser, au plan personnel comme ecclésial, pour répondre toujours mieux à ce que le Christ attend de nous. Il ne s'agit pas uniquement de réorganiser les structures. Car les organisations peuvent être parfaites, mais si les personnes qui les font fonctionner sont mauvaises, le travail sera vain et illusoire. Nous devons toujours marcher en syntonie avec le Christ. L'Église se réforme lorsque les baptisés marchent plus résolument vers la sainteté, en se laissant recréer à la ressemblance de Dieu par la puissance du Saint-Esprit. La contagion de la sainteté peut seule transformer l'Église de l'intérieur. Dès les premiers temps du christianisme, il y a toujours eu un appel à la réforme, conçue comme une plus grande proximité de Dieu. La réforme, c'est une manière de correspondre davantage à l'absolu de la vocation chrétienne. Le Christ nous donne précisément les moyens de cette réforme, à travers sa Parole et la prière, qui représente le noyau dur de toute régénération ; l'Évangile met en nous la vie et la grâce de Dieu. Les sacrements sont des moyens de guérison, de réforme et de renouvellement constants.
    La nostalgie et la recherche de Dieu n'ont jamais été aussi lancinantes, car notre monde traverse une crise morale sans précédent. En même temps, les forces qui veulent repousser Dieu sont si puissantes que l'Église peine à répondre à la quête des hommes. Le grand défi réside dans cette soif inextinguible de l'au-delà.
    Je pense souvent aux Grecs venus à Jérusalem et qui disaient à Philippe : « Nous voulons voir Jésus. » En fait, le monde n'a pas changé ; nos contemporains attendent toujours des chrétiens qu'ils leur montrent le Christ. Aussi les baptisés doivent-ils vivre joyeusement de leur foi. Les temps de grands troubles pour l'Eglise sont justement ces époques où les chrétiens vivent de manière contraire aux principes de l'Évangile. Je ne crois pas être trop loin de la vérité en disant que les clercs comme les laïcs ont aujourd'hui un ardent besoin de conversion. Je sais que beaucoup ne vivent pas le message évangélique. Voilà pourquoi la réforme la plus ambitieuse est celle qui conduit l'Eglise à être plus farouchement déterminée dans sa marche vers la sainteté et son annonce de la Bonne Nouvelle. Les supplications du monde, si faibles peuvent-elles être, pour dépasser les fausses valeurs matérialistes et idéologiques, sont des chances que l'Église ne doit pas laisser passer. À travers elles, les hommes tournent leurs regards vers Dieu. Dans ce monde affairé, où le temps n'existe ni pour la famille ni pour soi-même, encore moins pour Dieu, la vraie réforme consiste à retrouver le sens de la prière, le sens du silence, le sens de l'éternité.
    La prière est le plus grand besoin du monde actuel ; elle reste l'instrument pour réformer le monde. Dans un siècle qui ne prie plus, le temps est comme aboli, et la vie se transforme en course folle. Voilà pourquoi la prière donne à l'homme la mesure de lui-même et de l'invisible. J'aimerais que nous puissions ne pas oublier le chemin que Benoît XVI a décidé de prendre pour l'Église le jour de sa renonciation au siège de Pierre. Il a choisi une voie exclusivement dédiée à la prière, à la contemplation et à l'écoute de Dieu. C'est la route la plus importante car elle prend le sens de la gloire de Dieu. Finalement, le projet de François pour réformer la Curie romaine consiste à la remettre face à face avec Dieu...

Justement, comment pourriez-vous définir ce que François veut pour le gouvernement de l'Eglise ?

    Le cadre institutionnel de toute réforme intérieure est important. Si les structures deviennent des obstacles à l'évangélisation et à la mission de l'Église, il ne faut pas faire semblant de regarder ailleurs ; je pense que nous touchons ainsi le cœur de la réforme gouvernementale voulue avec courage par François. Il était devenu évident que certains aspects de la vie de la Curie romaine devaient faire l'objet d'une véritable réflexion.
    Nous avons beaucoup abordé ces points lors des discussions qui ont précédé l'entrée en conclave, en mars 2013. Personnellement, je pense qu'il faut souligner que les membres de la Curie ne sont pas des hauts fonctionnaires ; ce sont des laïcs, des prêtres, des évêques et des cardinaux qui ne doivent pas oublier leur vocation. Aujourd'hui, le difficile travail du pape consiste à assainir les structures. Mais le Saint-Père veut surtout redonner une plus grande dynamique intérieure à ceux qui travaillent à ses côtés. C'est pourquoi il a souhaité que la Curie réalise, hors de Rome et loin des activités quotidiennes, une longue retraite spirituelle pendant le carême, en 2014.
    À un autre niveau, je pense que la réforme envisagée se situe dans notre rapport au pouvoir, à l'argent et à la richesse. Sur ce point, il y a un grand travail qui va au-delà de la seule Curie romaine ; toute l'Église est hélas concernée par le problème du carriérisme, cette recherche effrénée du pouvoir, des privilèges, des honneurs, des reconnaissances sociales et de la puissance politique et financière. Seule une conversion véritable permettra de dépasser ces défauts, qui ne sont pas nouveaux.
    Le vrai pouvoir dans l'Église est essentiellement un service humble et joyeux à la suite du Christ qui « est venu non pour être servi mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20, 28). Si nous ignorons la pauvreté du Christ, en oubliant qu'il a rappelé que nous ne pouvons pas servir deux maîtres, Dieu et le veau d'or, il n'y aura aucune réforme possible. Une nouvelle fois, la seule solution réside dans la prière pour que les pasteurs se replacent face au Christ et à leur vocation ; en ce sens, nous ne devons pas laisser les langueurs de la lassitude se poser sur les promesses de notre ordination sacerdotale ou de notre profession religieuse.
    Depuis les origines de l'Église, la prière est souvent unie au jeûne ; notre corps doit être totalement impliqué par la recherche de Dieu dans le silence de l'oraison. Il serait fallacieux de mettre Dieu à la première place dans notre vie si notre corps aussi n'était pas réellement impliqué. Si, par amour pour Dieu, nous ne sommes pas capables de refuser à ce corps non seulement des aliments, mais aussi certains plaisirs et besoins biologiques fondamentaux, il nous manquera une disposition intérieure. C'est pourquoi, dès le début de la tradition chrétienne, la chasteté, la virginité, le célibat consacré et le jeûne sont devenus des expressions indispensables du primat de Dieu et de la foi en Lui.
    Concernant ce rapport au corps et à la sexualité, je n'oublie pas que certains membres du clergé, au niveau mondial, ont été accusés de véritables crimes. Le Saint-Siège a fait l'objet de campagnes de presse d'une violence inouïe, comme si de vieux ennemis, toujours prompts à tuer, cherchaient à tirer parti d'une situation de grande faiblesse. Mais j'ai parfaitement conscience des actes abominables qui ont été commis par des prêtres.
    L'abandon de la sexualité fait partie des promesses du prêtre, sauf dans les Eglises orientales où l'ordination d'hommes mariés est possible, encore que la tradition la plus ancienne semblait pourtant retenir l'abstinence comme une règle. Nous comprenons alors que la réforme engage tout l'homme, y compris sa corporéité. Les spiritains que j'ai connus possédaient une réelle maîtrise de leur corps, fruit d'une formation solide et d'un réel contact avec Dieu qui emplissait leur cœur.
    Lorsque je repense à mes années de séminaire, je me souviens d'un grand nombre de règles qui nous aidaient à dominer nos instincts. Par exemple, il était formellement interdit de prendre la moindre collation en dehors des repas. Pour les supérieurs, celui qui ne pouvait pas respecter cette stricte règle alimentaire n'avait pas la vocation ; en effet, il n'était pas capable de maîtriser l'un de ses besoins naturels. Cette discipline du corps était essentielle dans le discernement des futurs prêtres. Je n'ai pas oublié non plus qu'il était absolument interdit de se rendre au dortoir en dehors des heures prévues par le règlement. Toutes nos journées étaient pensées en fonction d'une discipline de l'esprit et du corps. Cette ascèse était comprise comme un chemin de sanctification et d'imitation de Jésus.
    Tous les séminaristes avaient envie de progresser dans la sainteté. Ils avaient nécessairement un directeur spirituel qui pouvait les aider à chaque instant pour affronter une situation de crise. Dans la vie, nous sommes comme les lianes dans la forêt. En Afrique, une liane est une tige flexible incapable de se soulever seule. Elle rampe donc au sol jusqu'à ce qu'elle rencontre un arbre robuste. Alors elle s'accroche à ce support et grimpe jusqu'à la cime. Car elle aussi voudrait voir le soleil. Il en est de même pour nous. Si nous ne trouvons pas un arbre solide, dont les racines sont nourries par Dieu, pour nous faire monter vers le Ciel, il n'y a aucune chance que nous puissions voir la lumière. Rappelons-nous également ce proverbe mooré : « La liane du désert, ne trouvant pas d'arbre autour duquel s'enrouler, s'enroule autour de Dieu. »
    Dans le désert, et à certains moments de notre existence, nous ne pouvons compter que sur Dieu seul.
    Bien sûr, je n'ignore pas qu'un loup peut toujours s'introduire dans une bergerie. Dans ma formation, j'ai eu la chance d'apprendre auprès de professeurs et de prêtres qui nous transformaient par leur exemple et nous conduisaient quotidiennement au Christ.
    Une des raisons de la crise morale trouve sans nul doute son origine dans la révolution sexuelle hédoniste des années 1970. Face à cette « libération » des corps, tournée vers des pulsions, au refus de toute entrave, et devant l'érotisation de pans entiers de la société, l'Église n'a pas fait l'effort de former plus profondément ses ministres. Le début de la réforme doit se concentrer sur les écoles catholiques et les séminaires.
    Je sais que mon propos est ferme ; je ne veux heurter personne, encore moins porter un jugement sur qui que ce soit, mais comment nier que la réforme voulue par François est urgente ?

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Sources : Extraits de la deuxième partie  "Dieu ou rien" - Entretien du cardinal Sarah avec Nicolas Diat -  E.S.M
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 29.05.2023

 

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