Le latin en Liturgie au lendemain du
Motu Proprio du pape Benoît XVI |
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Le 28 mai 2008 -
(E.S.M.)
- Au moment du concile Vatican II, l'Eglise catholique romaine a
fait le choix de donner le statut de "langues liturgiques" aux langues
parlées; elle n'a cependant jamais eu l'intention de reléguer le latin
au second plan, comme on a cherché à le faire croire jusqu'à une époque
très récente où l'on a vu les journalistes annoncer "le retour de la
messe en latin" au lendemain de la publication du Motu Proprio du pape
Benoît XVI.
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Le latin en Liturgie au lendemain du Motu Proprio du pape Benoît XVI
Il est impossible de comparer le latin employé par l'Eglise pour sa
liturgie, avec d'autres langues; il est impossible de supprimer le latin
dans nos célébrations liturgiques au motif que les gens ne le comprennent
plus. D'une part, on n'a jamais demandé au latin liturgique de rendre les
services que rendent les langues courantes, et d'autre part, le latin
employé dans le culte chrétiens depuis le IIIème ou le IVème siècle ne fut
jamais un latin parlé et facilement compris par les gens.
Le latin liturgique n'a jamais été une langue comme les autres: il est une
langue que l'Eglise s'est forgée dans un but bien particulier, à partir
d'une langue qui était en train de disparaître. C'est pour cela qu'on parle
de "latin d'Eglise". Ce n'est pas du "mauvais latin" en comparaison du latin
"classique": c'est simplement un latin différent, auquel on demande de jouer
un rôle qui n'est pas celui qu'a pu jouer le latin "classique".
Le latin d'Eglise est une langue qui est d'office étrangère a tous ceux qui
l'emploient. C'est un premier grand avantage: il met ainsi tout le monde sur
un pied d'égalité face à la célébration des mystères. En même temps, il est
une langue capable de beaucoup de poésie associée à non moins d'érudition.
C'est un deuxième grand avantage: il est ainsi apte à formuler des vérités
de foi avec une grande rigueur, et en même temps d'exprimer ces mêmes
vérités dans des prières devenues accessibles aux fidèles les plus humbles.
Le latin liturgique sait ainsi conjuguer avec un rare bonheur les formules
théologiques les plus denses avec l'esthétique poétique la plus accomplie.
On pense tout particulièrement ici au chant grégorien...
Quand on utilise le latin pour célébrer la liturgie, on ne comprend pas
tout. C'est exact. Mais c'est précisément cela qui est bien! Celui qui
comprend les mots sans faire d'efforts, finit par croire qu'il n'est pas
nécessaire de s'appliquer à entrer en possession du sens des formules qu'il
emploie pour prier. Il imagine alors que comprendre les mots employés par la
liturgie implique que l'on saisisse automatiquement le sens de ce qui est
célébré. Ce qui est un leurre.
L'emploi du latin oblige à une attention plus soutenue et à un intérêt plus
marqué au mystère célébré. Mais cette attention ne porte pas obligatoirement
sur l'ensemble de ce qui est dit: avec le latin, il suffit souvent de ne
retenir qu'un mot, qu'une idée simple, parfois même qu'une sonorité... C'est
sur cette idée, sur ce mot, sur cette sonorité que viendront, au cours de
chaque messe, se greffer des notions nouvelles qui permettront au fidèle de
progressivement s'ouvrir à l'immense richesse de la liturgie. Ainsi, par
exemple, d'une année à l'autre, un même introït n'aura pas le même impact
dans le cœur des fidèles. D'où aussi l'utilité de la répétition des mêmes
formules liturgiques. Le latin liturgique est donc un véritable trésor: il
propose des niveaux de compréhension tellement nombreux, tellement élevés,
tellement variés, qu'on n'a jamais fini d'en faire le tour et d'en exploiter
les infinies richesses. C'est un troisième grand avantage.
En outre - quatrième grand avantage - le latin liturgique nous rend humbles:
il nous interdit de pervertir la liturgie en y introduisant ce que nous
croyons - toujours à tort - utile d'y introduire, et il nous rappelle que la
première condition à respecter pour saisir ce que la liturgie a à nous dire,
c'est d'y entrer avec confiance en sachant qu'un jour non seulement nous
comprendrons ce qui est célébré, mais en plus nous y prendrons part dans une
dimension qui nous échappe tant que nous sommes ici-bas. On peut dire que le
latin liturgique nous invite à mettre notre ego de côté pour nous placer
devant la dimension eschatologique que doit manifester toute célébration
liturgique.
Il est totalement inexact de dire que le latin est une langue morte: c'est
plutôt une langue "ressuscitée" depuis que l'Eglise se l'est attribuée.
En réalité, ce sont nos langues courantes qui sont "mortelles": on s'en rend
d'ailleurs compte quand on voit à quelle vitesse se démodent les cantiques
et les prières en langues courantes que nous avons introduits dans nos
célébrations en croyant naïvement qu'ils allaient contribuer à rendre la
liturgie automatiquement plus "vivante".
Le latin est devenu une langue "ressuscitée" à partir du moment où l'Eglise
en a fait la langue avec laquelle elle chante le Christ ressuscité et
toujours vivant: le latin est ainsi devenu apte à proclamer d'une manière
toujours actuelle le mystère de notre foi, à le chanter, à le célébrer à
travers les siècles.
Par rapport à ces avantages et à ces richesses que représente l'usage
pluriséculaire du latin, la prétention liturgique d'un certain clinquant
vernaculaire qui a toute juste quelques décennies semble proprement
ridicule. Si certains textes liturgiques en langues courantes peuvent avoir
une certaine autorité, une certaine pertinence ou d'impact, c'est uniquement
en raison de l'autorité, de la pertinence, de l'impact des textes
liturgiques originaux en latin dont ils sont la traduction plus ou moins
réussie. Mais sans le texte original latin en arrière-plan ou dans le
subconscient du fidèle, il n'est plus du tout certain que les formules
liturgiques en langues courantes puissent conserver longtemps leur portée et
leur force. D'où la difficulté - pour ne pas dire l'impossibilité - de
transmettre aux générations qui suivent les trésors de la liturgie en
langues vernaculaires lorsque ces générations sont systématiquement privées
de contacts réguliers avec les textes liturgiques originaux.
Le latin d'Eglise est une langue de prière et de réflexion chrétienne. Ou
mieux formulé: il est une langue de réflexion mûrie dans la prière.
La réflexion conjuguée à la prière chrétienne ont tant transformée et
ciselée cette langue que le savant latiniste qui l'entend ne peut pas
prétendre avoir une foi plus solide, plus mûre, que l'humble paysan qui
l'emploie à la messe du dimanche. Dans "Le cheval d'orgueil", Pierre-Jackez
Hélias formulait cette vérité d'une façon très simple: lui qui ne savait que
le breton du temps où il était enfant, écrit que "le latin de la messe était
son breton du dimanche". Magnifique formule! Les fidèles de cette époque,
pleins de bon sens, savaient que la messe du dimanche était une chose trop
importante pour qu'on puisse y parler avec le Bon Dieu et la Sainte Vierge -
Aotrou Doué hag Itron Varia - dans la langue de tous les jours.
Le monde orthodoxe a fait un choix différent pour ce qui concerne la langue
cultuelle: les textes liturgiques sont proclamés en différentes langues
courantes. Mais les fidèles ont une autre approche de la liturgie: celle-ci
s'opère plus par ce qui se voit que par ce qui s'entend. C'est la richesse
expressive du rite qui touche d'abord les fidèles et non prioritairement les
paroles. Aussi la liturgie peut-elle être chantée en grec, en slavon... ou
en toute autre langue, sans que la participation du croyant à la Divine
Liturgie en soit amoindrie puisque quel que soit le parler utilisé, le rite
demeure. Sur le plan linguistique, les Eglises orthodoxes sont donc
autocéphales: leur unité s'opère grâce au respect du rite employé.
On peut imaginer que dans l'univers catholique, il a pu en être longtemps
ainsi: les fidèles comprenaient-ils les mots de la liturgie dans les
cathédrales à l'acoustique généreuse et à une époque où l'on chantait des
motets dont les huit voix - ou parfois plus - embrouillaient passablement
les textes sacrés? Il n'est pas interdit de penser que pendant plusieurs
siècles, les fidèles ont fait davantage attention à ce qu'ils voyaient faire
à l'autel qu'à ce qu'ils entendaient chanter au chœur. Ce qui expliquerait
d'ailleurs la multiplication et l'amplification des gestes des célébrants
dont nous avons hérité à travers la liturgie romaine codifié à la suite du
concile de Trente, le chant ne venant ici que pour "habiller" en quelque
sorte le rite et pour intensifier l'ambiance générale se dégageant de la
célébration liturgique.
Au moment du concile Vatican II, l'Eglise catholique romaine a fait le choix
de donner le statut de "langues liturgiques" aux langues parlées; elle n'a
cependant jamais eu l'intention - comme l'a souligné le Cardinal Ratzinger -
de reléguer le latin au second plan, comme on a cherché à le faire croire
jusqu'à une époque très récente où l'on a vu les journalistes annoncer "le
retour de la messe en latin" au lendemain de la publication du
Motu Proprio Summorum pontificum par le pape Benoît XVI.
Si l'expression de notre foi, par le biais de la liturgie, doit devenir plus
"adulte", alors il est nécessaire que nous sortions de nos microcosmes
paroissiaux et que nous nous familiarisions avec une expression plus
universelle de notre foi. La langue commune de l'Eglise peu nous y aider.
C'est d'ailleurs ce qu'ont souhaité les évêques du monde entier dans
l'Exhortation post-synodale Sacramentum Caritatis. C'est aussi ce qui est
souhaité dans l'édition la plus récente du missel romain.
La "vernacularisation" systématique de notre liturgie romaine n'est, si l'on
examine les choses de plus près, qu'une dissipation des trésors permettant
l'expression de notre foi catholique à partir d'un centre commun. Cette
dissipation des trésors conduit bien des fidèles à rester cloisonnés dans
leur temps (le temps que dure une langue vivante) et dans leur espace (une
église particulière), ce qui est une attitude qui contredit la catholicité
de l'Eglise. Cette "vernacularisation" va vers un échec dès lors qu'elle
prétend s'établir en détrônant le latin. Car l'usage du latin dans la
liturgie de l'Eglise romaine n'est pas que le résultat d'un aléa historique:
il est le fruit d'un développement qui s'est fait sous la conduite de
l'Esprit-Saint, de ce même Esprit-Saint qui nous a donné le chant grégorien,
chant inspiré s'il en est, dont les paroles sont et ne peuvent d'ailleurs
être... qu'en latin.
Grand merci à l'internaute qui a fourni la trame de cette réflexion.
Sources : PRO LITURGIA
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 28.05.2008 -
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