Benoît XVI en Afrique : il vient
confirmer nos frères dans la foi dit le card. Wamala |
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Le 28 février 2009 -
(E.S.M.)
- Je ne sais pas si le pape Benooit XVI parlera à toute
l’Afrique, déclare le card. Wamala. Et ce n’est certainement pas à moi à
donner des conseils au Saint-Père. Lui, il doit encourager ses évêques
et tous nos frères. Comme Jésus l’a demandé à Pierre. Il peut commenter
les événements du monde ou faire autre chose. Mais sa tâche, c’est de
confirmer nos frères dans la foi. Il doit seulement faire cela et il
vient pour cela.
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LLe cardinal Emmanuel
Wamala devant l’inscription qui rappelle la visite historique de Paul VI en
Ouganda, en 1969
Benoît XVI en Afrique : il vient
confirmer nos frères dans la foi dit le card. Wamala
On veut, à travers les sectes, détruire la Tradition
Le 28 février 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Interview de l’archevêque émérite de Kampala: « Je crois personnellement
qu’il y a une attaque systématique de forces étrangères contre l’Église. On
veut détruire l’Église traditionnelle, je dirais même les Églises
traditionnelles. Les Églises protestantes historiques et l’Église anglicane
ont le même problème. Les nouvelles sectes les attaquent elles aussi. Depuis
trente ans. Avant il n’y en avait pas, on en parlait au Kenya mais pas ici
»
Interview du cardinal Emmanuel Wamala
par Gianni Valente
« Ex Africa lux », disait Jean Paul II dans l’une de ses formules
grisantes et fulgurantes. Le cardinal Emmanuel Wamala, primat émérite
d’Ouganda, est comme un vieux lion qui en a vu de toutes les couleurs. Il
connaît les problèmes de toujours qui tenaillent son pays et tout le
Continent. Sa sagesse futée et son réalisme l’ont immunisé contre la
rhétorique des professionnels de l’enthousiasme mais aussi contre le virus
de la résignation et de l’auto-compassion. 30Jours l’a rencontré à Kampala,
sur la colline de Nsabya, dans la résidence où fut reçu le pape Paul VI lors
de son voyage historique en Ouganda, en 1969. Quarante ans plus tard, un
autre successeur de Pierre est sur le point d’accomplir sa première visite
pastorale en terre africaine. Quant au Vatican, il se prépare à une
assemblée extraordinaire du
Synode des évêques entièrement consacré aux
attentes, aux urgences et aux espoirs des Églises et des sociétés
africaines.
Éminence, que pensez-vous du moment que votre pays est
en train de vivre?
EMMANUEL WAMALA: Ici, en Ouganda, la situation n’est pas encore stable. On
n’est pas encore arrivé au nord à un véritable accord définitif entre le
gouvernement et les rebelles du Lord’s Resistance Army, l’Armée de
résistance du Seigneur. Il y a une trêve mais les négociations sont au point
mort et les ultimatums lancés par le gouvernement aux rebelles pour qu’ils
déposent les armes et signent la paix sont tombés dans le vide. En
attendant, les réfugiés des régions du nord continuent à vivre dans des
camps, assistés par les organismes internationaux. Ils voudraient retourner
sur leurs terres dévastées par la guerre pour vivre en paix, reconstruire
leurs maisons, se remettre à cultiver leurs champs. Mais pour l’instant, on
assiste seulement à une lente marche des réfugiés en direction des lieux
dont ils ont fui et où tout est encore à l’abandon. Nous espérons que les
choses vont changer et nous prions pour cela. Par ailleurs, dans le reste du
pays, persistent encore nos problèmes chroniques comme la pauvreté et les
maladies. Mais les gens sont malgré tout optimistes. Le gouvernement fait
tout ce qu’il peut dans la situation concrète, telle qu’elle est.
Le dernier massacre du Lord’s Resistance Army,
quarante pauvres malheureux massacrés dans une église catholique, a eu lieu
au Congo. L’Ouganda est voisin de ce pays où a éclaté la dernière, terrible
crise africaine. Comment se fait-il que, dans ces régions, il soit
impossible d’obtenir la paix?
WAMALA: Il y a à cela différentes causes. Nous, nous pensons qu’il y a des
ingérences de pouvoirs extérieurs. Des intérêts. Comment se fait-il que ceux
qui combattent ont toujours tant d’armes ? Qui les leur fournit ? Les
Africains n’en ont pas. Elles viennent de l’extérieur. Le Congo a d’immenses
richesses naturelles, il suffit de penser aux minéraux. La même chose
vaudrait pour le Soudan. Ce sont d’immenses richesses dans des pays pauvres,
qui restent pauvres. Il y a un intérêt extérieur qui fait en sorte que tout
cela perdure.
Vous voulez dire qu’on a quelque part intérêt à garder
ouvertes les plaies de l’Afrique…
WAMALA: L’approche de fond de l’Afrique reste une approche colonialiste:
c’est la logique qui revient toujours, quand il s’agit de nous. Et tant que
nous resterons pauvres, cette approche demeurera. Les classes dirigeantes
occidentales cherchent au maximum à s’assurer un appui chez les dirigeants
locaux pour qu’ils prennent soin de leurs intérêts.
Museveni a changé la Constitution pour pouvoir être
réélu. Vous aviez, à cette occasion, exprimé des jugements critiques sur ce
fait.
WAMALA: Museveni suit les idées de beaucoup d’autres leaders. Le premier est
Fidel Castro pour lequel il a une grande admiration. Le second est Kadhafi,
qui est venu ici un bon nombre de fois. Il a donné à Museveni ce conseil:
ceux qui ont pris le pouvoir par les armes ne doivent pas le laisser
démocratiquement. Dans ses rapports avec l’Église, il y a une certaine
indifférence mais pas d’hostilité. Disons que c’est un “doux dictateur”.
Et pourtant vous avez à plusieurs reprises mis en
garde contre la rhétorique qui fait de l’Afrique un continent négligé et
vous avez invité à mettre de côté les mécanismes d’auto-compassion.
WAMALA: L’Afrique doit prendre les problèmes africains en main, en assumer
la responsabilité. J’espère que les prochaines réunions du SECAM
[Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar]
et du Synode des évêques consacré à l’Afrique serviront à étudier nos
problèmes et à trouver la voie juste. Nous ne pouvons pas continuer à penser
que les autres vont résoudre nos problèmes: Anglais, Allemands, Italiens,
Chinois, Américains… Car c’est la voie ouverte à un nouveau colonialisme.
Existe-t-il aussi un danger de néocolonialisme dans le
rapport avec les ONG et les organismes d’assistance internationale?
WAMALA: Certaines de ces organisations nous considèrent toujours comme des
mineurs. Elle ne nous soutiennent pas dans la perspective qu’un jour ou
l’autre nous puissions commencer à faire les choses par nous-mêmes. C’est
peut-être parce que cela leur assure la possibilité d’avoir un travail ici,
chez nous. Elles donnent de l’argent, mais cet argent ensuite elles le
reprennent. Ici nous avons et nous continuons à avoir des situations
critiques, nous avons besoin d’aide et le travail des organisations non
gouvernementales est donc utile et louable mais, il faut qu’avec le temps
ces organisations cherchent à “indigéniser” leurs structures de sorte
que les opérateurs locaux continuent à travailler sans plus dépendre de
l’Europe ou de leurs différents pays d’origine.
Aujourd’hui, certaines organisations catholiques qui
s’occupent en Ouganda de la lutte contre le sida risquent de se trouver dans
une situation difficile. Les organismes internationaux ne financent en effet
que des projets dont la stratégie de prévention repose sur l’usage et la
distribution massive de condoms. Qu’en pensez-vous?
WAMALA: J’ai entendu parler de condoms pour la première fois dans les années
Cinquante, quand je faisais mes études à Rome. Le sida alors n’existait pas.
Le condoms n’ont donc pas été inventés pour combattre le sida. On veut
maintenant les vendre et les diffuser en prenant aussi pour justification le
sida…
Mais, sur ce sujet, des cardinaux influents ont
recommandé une attitude souple. Si l’usage du condom peut contribuer à
sauver des vies humaines, il faut adopter le principe du moindre mal…
WAMALA: La discussion sur ce point continue, à l’intérieur même de l’Église.
Les personnes auxquelles vous faites allusion sont des personnes de poids.
Je crois que l’on arrivera un jour à une solution à peu près acceptable.
Mais pour l’instant, nous, ici, nous avons dit que nous ne pouvons pas, en
tant qu’Église, encourager l’usage du condom et nous aligner sur ceux qui
prétendent qu’il n’y a pas d’autre moyen de combattre le sida. Car si l’on
mise tout sur la distribution massive de condoms, on ne fait, en réalité,
qu’encourager et augmenter la promiscuité sexuelle. Bombarder la population
de condoms, les distribuer, par exemple, dans les écoles ne résout pas le
problème et risque de l’aggraver. Et cela, c’est un fait; ce n’est pas une
question de position à priori, de principe moral. C’est seulement que l’on a
vu que cette forme de réponse n’est pas adaptée au problème. On a constaté
que, dans beaucoup de pays où on a tout misé sur la distribution massive de
condoms, le sida a augmenté. Et puis, les médecins disent que l’usage du
condom n’est pas une mesure sûre à cent pour cent pour prévenir la
contagion. Il reste toujours un certain pourcentage de risque.
Vous continuez à exercer une intense activité
pastorale. Que pensez-vous de la situation de l’Église ougandaise?
WAMALA: L’Église catholique est ici très vivante, elle croît en nombre mais
aussi en sensus fidei partagé. Les laïcs sont pleins d’énergie et
d’enthousiasme, les vocations augmentent chaque année. Nous sommes contents
de cette situation. Mais en face de nous, nous avons les sectes qui
troublent beaucoup les gens. Et en particulier, parmi les jeunes, qui ne
sont pas très assurés dans la foi, n’ont pas de racines profondes, nombreux
sont ceux qui entrent dans les sectes.
Quelle est la force de ces sectes? On entend souvent
dire qu’il s’agit en partie d’une force économique…
WAMALA: Sur ce point, il n’y a aucun doute. L’initiative isolée d’un
individu peut donner naissance à une nouvelle Église. Mais ici, il y de
nouvelles Églises qui poussent dans tous les coins, surtout dans les villes.
Ce ne serait pas possible sans une aide extérieure.
Bref, il y a des pouvoirs qui investissent beaucoup
dans ce domaine.
WAMALA: Je crois personnellement qu’il y a une attaque systématique de
forces étrangères contre l’Église. On veut détruire l’Église traditionnelle,
je dirais même les Églises traditionnelles. Les Églises protestantes
historiques et l’Église anglicane ont le même problème. Les nouvelles sectes
s’attaquent aussi à elles.
Quand a débuté cette agression?
WAMALA: Je dirais, il y a trente ans. Avant, elles n’existaient pas. On en
parlait au Kenya mais pas ici. Amin avait interdit toutes les Églises et
religions en dehors du catholicisme, de l’anglicanisme et de la religion
musulmane. Museveni a proclamé la liberté religieuse. C’est une bonne chose,
c’est indiscutable. Mais depuis lors sont arrivées les nouvelles sectes et
elles commencent à avoir dans le monde une grande influence sur les
dirigeants des pays, et vice-versa. Ici, en Afrique, ce phénomène est
préoccupant, notamment parce que la foi est, semble-t-il, encore jeune. Nous
avons un grand nombre de jeunes qui ne connaissent pas bien le catéchisme.
Nous avons vu en venant ici une église qui
s’intitulait “New Apostolic Church”, nouvelle Église apostolique…
WAMALA: Les sectes prennent des noms qui ressemblent à ceux de l’Église
catholique. Des noms plus ou moins bibliques.
Quelles sont les raisons de leur succès?
WAMALA: Il serait utile d’analyser cette question. Je pense, comme nous
l’avons déjà dit, que l’une des raisons est certainement d’ordre économique.
Les sectes aident, elles donnent des bourses d’étude, elles donnent la
possibilité de voyager. Et puis, elles présentent une doctrine qui comporte
peu d’obligations morales et liturgiques.
Mais est-ce la seule raison? N’y a-t-il rien à
apprendre d’elles?
WAMALA: Elles n’ont pas d’organisations bureaucratiques pesantes comme il y
en a dans l’Église anglicane. Et les gens ne sont pas attirés par une Église
bureaucratique. L’Évangile doit être annoncé de façon simple et directe.
Pour témoigner l’amour de Jésus pour chacun de nous.
En 2009, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure,
beaucoup de représentants des Églises locales catholiques africaines se
retrouveront à Rome pour le Synode extraordinaire des évêques sur l’Afrique.
Il y aura ensuite une importante réunion du SECAM. Le risque n’est-il pas de
multiplier des rencontres qui n’aboutissent à rien?
WAMALA: Pourquoi dites-vous cela? Il faut avant tout se demander à quoi sert
un synode. Je pense que le synode est d’abord une assemblée de communion. Le
seul fait de se rencontrer est une bonne chose, cela permet de renforcer la
communion entre les évêques. Et puis il y a toujours un point important qui
est étudié.
Selon vous, sur quoi l’attention devrait-elle se
concentrer?
WAMALA: Vu la situation de l’Afrique aujourd’hui, sur la justice et sur la
paix. Ce sont les conditions préliminaires. L’annonce passe difficilement
s’il n’y a ni paix ni justice.
On dit parfois que l’Église catholique semble trop
eurocentriste.
WAMALA: C’est aussi pour cela qu’il est utile que les Églises des différents
continents aient leur propre synode. Il faut qu’elles puissent discuter de
leurs problèmes.
Le
Synode “africain” aura lieu à Rome.
Pourquoi pas en Afrique?
WAMALA: À dire vrai, nous, évêques, nous aurions voulu que le premier
Synode, qui s’est déroulé en 1995, se tienne en Afrique. Puis nous avons vu
que tous les autres synodes continentaux ont eu lieu à Rome, où existent des
structures adéquates. Si le Synode avait lieu en Afrique, cela serait un
nouveau signe de marginalisation du continent. Ce serait comme si on nous
disait: discutez donc entre vous de vos affaires, ce sont des choses qui ne
nous concernent pas. Ainsi, au moins pendant un certain temps, les problèmes
de l’Afrique vont être apportés à Rome et ne seront pas balayés comme des
problèmes locaux. Ils seront au contraire reconnus comme des problèmes qui
concernent le cœur de l’Église.
Dans l’Église, aujourd’hui, l’attention se concentre
souvent sur des sujets de morale sexuelle, d’éthique familiale, de
bioéthique. Comment ces tendances apparaissent-elles, vues de l’Afrique?
WAMALA: Il y a des pays qui ont légalisé les mariages homosexuels. Ce ne
sont pas là des problèmes africains. Mais on note une influence extérieure
grandissante qui affaiblit en Afrique aussi les liens familiaux. Avec les
moyens de communication, les choses qui se passent en Europe arrivent ici
aussi chez nous. Qui sait? Ce pourrait être un thème à traiter au Synode.
Ici, dans la maison dans laquelle nous parlons en ce
moment, Paul VI a été reçu pendant sa visite en Ouganda.
WAMALA: L’Ouganda est indépendant depuis 1962. Paul VI est venu en 1969. Je
me le rappelle bien car à cette époque j’étais aumônier de l’Université.
Que faudrait-il reprendre de cette époque?
WAMALA: Nous devons suivre les enseignements du Concile. Mais il ne faut pas
se contenter de les étudier théoriquement, il faut les reprendre et les
appliquer. Sous bien des aspects, ils n’ont pas encore été mis en pratique.
Le Pape Benoît XVI se rendra dans quelques semaines en
Afrique. Qu’espérez-vous et qu’attendez-vous?
WAMALA: Je ne sais pas s’il parlera à toute l’Afrique. Et ce n’est
certainement pas à moi à donner des conseils au Saint-Père. Lui,
Benoît XVI doit encourager ses évêques et tous nos frères. Comme Jésus l’a
demandé à Pierre. Il peut commenter les événements du monde ou faire autre
chose. Mais sa tâche, c’est de confirmer nos frères dans la foi. Il doit
seulement faire cela et il vient pour cela.
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Voyage du saint-Père au Cameroun et en Angola

Sources : 30giorni.it
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 28.02.2009 -
T/Afrique |