Chine. Sept nouveaux évêques ne font
pas le printemps |
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Rome, le 27 juillet 2010 -
(E.S.M.)
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Ils ont été ordonnés et intronisés avec la double approbation de l'Église de
Rome et des autorités communistes. Optimisme au Vatican. Mais aussi
prudence. Pour les catholiques chinois la liberté religieuse continue à être
un rêve interdit.
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Chine. Sept nouveaux évêques ne font pas le printemps
par Sandro Magister
Le 27 juillet 2010 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Par deux fois en quelques jours, "L'Osservatore
Romano" a largement rendu compte de deux nouvelles consécrations épiscopales
qui ont eu lieu en Chine, la première le 10 juillet et la seconde le 15
juillet.
En raison de leur caractère délicat au point de vue diplomatique, les textes
de ces deux articles ont été rédigés non pas au sein de la rédaction du
journal mais directement dans les bureaux de la secrétairerie d’état du
Vatican.
En effet ils enregistrent l’un et l’autre un tournant dans la succession des
ordinations épiscopales en Chine.
Dans ce pays, les ordinations épiscopales ont connu au cours des dernières
années une évolution oscillante, alternant ouvertures et durcissements du
gouvernement communiste. En 2005, tous les nouveaux évêques sont ordonnés
avec l'approbation à la fois du pape et des autorités chinoises. En 2006, au
contraire, en réaction à la nomination comme cardinal de l’évêque de
Hong-Kong Joseph Zen Zekiun – nomination considérée comme un geste hostile
par Pékin – le gouvernement chinois recommence à ordonner des évêques qui
n’ont pas reçu l’accord du pape. En 2007, année de la
Lettre de Benoît XVI
aux catholiques de Chine, les évêques sont à nouveau consacrés avec
l'approbation de Rome. Même le nouvel évêque de Pékin est intronisé avec
l’accord du pape.
Mais à partir de décembre 2007 tout s’est bloqué. Pendant plus de deux ans
il n’y a eu aucune nouvelle ordination, bien que le nombre de diocèses
vacants ou dirigés par des évêques très âgés soit très élevé en Chine.
Le blocage a pris fin le 18 avril 2010, quand le prêtre Paul Meng Quinglu,
47 ans, a été consacré évêque de Hohhot, en Mongolie intérieure.
À partir de ce moment-là, les nouvelles ordinations ont repris à un bon
rythme. Et toujours avec l’approbation à la fois de Rome et des autorités
chinoises.
Le 21 avril, Joseph Shen Bin, 40 ans, a été ordonné évêque de Haimen, dans
la province du Jiangsu.
Le 8 mai, Joseph Cai Bingrui, 44 ans, a été ordonné évêque de Xiamen, dans
la province du Fujian.
Le 24 juin, Joseph Han Yingjin, 52 ans, a été ordonné évêque de Sanyuan,
dans la province du Shaanxi.
Par ailleurs un autre évêque, Matthias Du Jiang, ordonné en 2004 avec
uniquement l’accord du Saint-Siège, a été intronisé, le 8 avril, dans le
diocèse de Bameng, en Mongolie intérieure, avec la reconnaissance officielle
des autorités chinoises.
Le Vatican n’a pas annoncé publiquement les quatre nominations et
l’intronisation officielle mentionnées ici. Il a préféré attendre de voir
comment les choses allaient évoluer. Mais la nouvelle n’a pas échappé aux
observateurs. Le dernier numéro du mensuel international "30 Giorni" – cette
revue, imprimée à Rome, est une lecture indispensable pour les diplomates du
Vatican comme pour les autorités chinoises compétentes en la matière - a
consacré tout un article précisément à ce "changement de pas" dans les
rapports entre le Saint-Siège et Pékin. "30 Giorni" a notamment souligné
que, pour la première fois dans l’histoire de la Chine populaire, un évêque
de Taïwan, Joseph Cheng Tsai-fa, a pris part à la nomination du 8 mai.
Au contraire, le Saint-Siège a donné une large publicité aux deux
nominations épiscopales supplémentaires qui ont eu lieu en juillet, donnant
ainsi la preuve qu’il considère que la nouvelle situation est en phase de
consolidation.
Dans les deux cas, les articles publiés dans "L'Osservatore Romano" ont
précisé non seulement que les nouveaux évêques avaient la double approbation
de Rome et de Pékin, mais que c’était aussi le cas de tous les évêques ayant
participé à leur consécration, qui sont cités un par un.
L’évêque ordonné le 10 juillet à Taizhou, dans la province du Zhejiang, est
Antoine Xu Jiwei, 75 ans. De 1960 à 1985 il a passé beaucoup de temps en
prison et aux travaux forcés. Ces dernières années, il a séjourné en Corée
du Sud et en Europe pour y faire des études. Le diocèse dont il a pris la
direction était vacant depuis 48 ans.
L’évêque ordonné le 15 juillet à Yan'an, dans la province du Shaanxi, est
Jean-Baptiste Yang Xiaoting, 46 ans. Il est coadjuteur, avec droit de
succession, de l’évêque titulaire qui est âgé et malade. Sa formation
culturelle est hors du commun. De 1993 à 1999, il a étudié, à Rome, à
l’Université Pontificale Urbanienne où il a obtenu une licence et un
doctorat en théologie. En 2002, il a également obtenu un mastère en
sociologie des religions à la Catholic University of America de Washington.
Revenu en Chine, il a fondé un centre de formation et de recherche. Il est
directeur des études au séminaire de Xi'an, où il continuera à enseigner.
Plus de 6 000 fidèles ont assisté à son ordination épiscopale, dont 110
prêtres et 80 religieuses.
*
Au Vatican on regarde donc avec un optimisme prudent cette fournée de
nominations épiscopales qui ont eu lieu avec la double approbation de Rome
et de Pékin.
Bien entendu, les diplomates du Vatican savent que de nouveaux durcissements
de la part de la Chine sont toujours possibles. Ils savent surtout qu’une
solution de ce genre n’est sûrement pas la meilleure pour l’Église et pour
la liberté religieuse en général. Actuellement, le Vietnam est le seul pays
au monde où l'obligation d’un "feu vert" de l’État pour tout nouvel évêque
soit imposée à l’Église en vertu d’accords écrits que celle-ci a passés avec
le régime. En Chine, il n’existe aucun accord de ce genre et on ne prévoit
pas qu’il y en ait à brève échéance, mais c’est bien ce qui se passe
actuellement dans les faits. Étant bien entendu que, pour les évêques non
reconnus par le gouvernement, la vie est très dure, pleine d’arrestations et
de vexations. De même que l'activité des évêques reconnus officiellement et
de leurs diocèses est également soumise à des contrôles étouffants.
Mais l’impression qui prédomine au Vatican est que les autorités chinoises
ont aujourd’hui tendance à archiver définitivement la politique religieuse
du passé, qui obligeait les catholiques chinois à rompre leurs relations
avec Rome et à s’inscrire à une sorte d’Église "patriotique", avec des
évêques nommés uniquement par le gouvernement.
Les diplomates du Vatican estiment que les raisons qui ont conduit les
autorités chinoises à ce changement de ligne sont de nature pragmatique. Un
chercheur influent - Ren Yanli, membre de l’académie chinoise des sciences
sociales et de l’institut de recherches sur les religions du monde, qui
étudie depuis des décennies la vie de l’Église catholique chinoise et les
relations entre la Chine et le Vatican - les a présentées au début de cette
année dans une interview accordée à "30 Jours".
Après avoir souligné que "les fidèles n’écouteront jamais des pasteurs
choisis et consacrés de manière autonome, sans l’approbation du pape", et
que "les derniers évêques nommés sans l’accord du pape restent isolés et
personne ne veut recevoir la communion de leurs mains pendant la messe", Ren
Yanli continuait ainsi :
"Le gouvernement a compris que, s’il veut que les évêques soient des
pasteurs estimés et suivis par les fidèles et qu’ils ne soient pas perçus
comme des fonctionnaires isolés et imposés de l’extérieur, il doit admettre
- ce qu’il fait maintenant - que la nomination venant du pape et la pleine
communion avec lui sont des éléments absolument indispensables. Cela veut
dire que, dans les faits, l’idée d’imposer à l’Église une indépendance qui
serait une séparation du pape et de l’Église universelle a été abandonnée.
Le processus qui mène à une affirmation de plus en plus explicite de la
communion des évêques chinois avec le pape – et de tout ce que cela comporte
– est irréversible. Sur cette voie il ne pourra y avoir de retour en
arrière".
*
Toutefois l’opinion plus pessimiste d’autres hommes d’Église qui suivent de
près l’évolution de la situation chinoise s’oppose au prudent optimisme des
diplomates du Vatican.
Parmi eux, le cardinal Zen. C’est un salésien comme le cardinal Tarcisio
Bertone - secrétaire d’état et donc chef de la diplomatie vaticane - mais il
s’est trouvé à plusieurs reprises en désaccord avec lui.
Les divergences entre Bertone et Zen sont à bien des égards les mêmes que
celles qui divisent deux organes de presse internationaux très informés et
très actifs sur la question chinoise : d’un côté la revue "30 Jours", proche
de la diplomatie vaticane, de l’autre "Asia News", l'agence de presse en
ligne dirigée par le père Bernardo Cervellera, de l’Institut Pontifical des
Missions Étrangères.
Dans une note publiée le 23 juillet par "Asia News", y compris en chinois,
le père Cervellera a exposé les raisons qui inciteraient à douter que la
Chine ait vraiment la volonté d’ouvrir un avenir de liberté aux catholiques
de ce pays.
En effet non seulement les évêques "clandestins" ne sont pas libres
d’exercer leur ministère mais les évêques qui ont la double approbation de
Rome et de Pékin ne le sont pas non plus. En fait les évêques doivent obéir
à deux autorités, celle de l’Église et celle de l’État, mais cet État
s’arroge le pouvoir de décision dans des domaines qui sont de la compétence
exclusive de l’Église. Bien souvent, donc, les deux obéissances s’avèrent
incompatibles l’une avec l’autre pour des raisons de foi. Et ceux qui
refusent de s’inscrire à l'Association Patriotique, l'organisme
gouvernemental qui contrôle l’Église, risquent de payer cher cette décision.
Au début de ce mois de juillet, le ministère des Affaires religieuses a
réuni à Pékin des dizaines d’évêques pour quatre jours d’endoctrinement sur
la politique religieuse du gouvernement. Les autorités communistes
s’efforcent de porter l’un de leurs évêques fantoches, Ma Yinling, du
diocèse de Kunming, l’un des très rares évêques chinois non reconnus par le
pape, à la présidence des deux principaux organismes chargés de contrôler
l’Église, l'Association Patriotique et le Conseil des évêques chinois qui
est un semblant de conférence épiscopale, ces deux organismes étant vacants
depuis la mort des évêques fantoches qui les présidaient.
Tous ces faits maintiennent une tension élevée entre les deux composantes du
catholicisme chinois : les communautés "souterraines" et celles qui sont
officiellement reconnues. La lettre écrite en 2007 par Benoît XVI aux
catholiques se heurte à la volonté des autorités chinoises d’entretenir et
d’exploiter à leur profit ces divisions. Et en effet cette lettre est
toujours taboue dans le pays, où elle circule avec difficulté.
Ainsi, alors que le Vatican étudie les dernières manœuvres diplomatiques et
pèse chaque mot, beaucoup de membres des communautés "souterraines"
chinoises se plaignent d’être "oubliés" par l’Église de Rome.
Le Vatican élève rarement la voix pour demander la libération des
catholiques chinois emprisonnés. Il y a deux évêques chinois "souterrains"
qui ont disparu depuis plusieurs années : Jacques Su Zhimin, de Baoding, et
Côme Shi Enxiang, de Yixian.
Le 7 juillet dernier, Jia Zhiguo, évêque "souterrain" de Zhengding, a été
libéré après quinze mois de séquestration par la police. Le cardinal Ivan
Dias, préfet de la congrégation pour l’évangélisation des peuples, lui a
envoyé un message écrit pour lui souhaiter “bon retour au service”.
Et le père Cervellera de commenter :
"Peut-être le cardinal Dias a-t-il pensé qu’il n’était pas encore temps
d’ajouter le mot 'emprisonnement' ou 'isolement' pour faire comprendre au
monde que cet évêque ne revenait pas de vacances, mais d’une période de
suppression de ses droits".
***
La note du père Bernardo Cervellera publiée par "Asia
News" le 23 juillet 2010
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Cina-Santa
Sede- il miraggio e la libertà religiosa per la Chiesa ufficiale e
sotterranea
L'analyse de Gianni Valente dans "30 Jours" (n° 5 de 2010)
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Pechino
vuole vescovi nominati dal papa
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 27.07.2010 -
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