George Weigel: le Vatican contre le
Pape Benoît XVI |
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Le 27 avril 2009 -
(E.S.M.)
- Voici une 1ère partie d'un article de G. Weigel publié sur
Catholic Educator Resource Center retraçant le parcours du
cardinal Ratzinger devenu le pape Benoît XVI.
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George Weigel: le Vatican contre le
Pape Benoît XVI
Le 27 avril 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Voici une 1ère partie d'un article de G. Weigel publié sur
Catholic Educator Resource Center. On peut souligner le
remarquable travail de traduction du site
benoit-et-moi.
LE PAPE CONTRE LE VATICAN
GEORGE WEIGEL
Jean-Paul II fut enterré le 8 avril 2005. Durant les 9 jours qui séparent
ses funérailles de l’ouverture du conclave chargé d’élire son successeur,
critiques et ennemis du cardinal Ratzinger s’activèrent fiévreusement pour
empêcher son élection. Le Sunday Times qui jouait les trolls, publiait des
histoires opposant « Joseph Ratzinger-membre-des-jeunesses hitlériennes »
et
Karol Wojtila, « héroïque résistant contre le nazisme et le communisme ». Le
quotidien La Reppublica, fleuron de la gauche italienne, tricotait des
récits fantaisistes sur une coalition germano-américaine qui, en lançant un
appel aux diocèses du Tiers Monde dépendant du soutien financier allemand,
pourrait bloquer l’élection de Ratzinger. Ce n’était pas là le moindre de
leurs arguments. Les activistes progressistes catholiques, intellectuels et
prélats pour qui l’idée du « rottweiler de Dieu » comme pape était un cauchemar
sans nom, soutenaient tacitement et, dans certains cas, encourageaient ces
essais d’anticipation parfois risibles des médias.
Ironie de l’histoire, en parallèle, Joseph Ratzinger déployait tous ses
efforts pour entraver sa propre élection. Tout humble qu’il fût, il savait
qu’il avait brillamment accompli sa tâche de Doyen du Collège des cardinaux,
menant leurs délibérations après la mort de Jean-Paul et dirigeant la prière
aux funérailles de Jean-Paul II. Cela faisait de lui le candidat idéal pour
être le 264ème successeur de saint Pierre. Il n’en voulait à aucun prix! Il
avait prévu de soumettre sa démission au futur pape et de requérir son
acceptation. Auparavant, à trois reprises il avait présenté sa démission,
mais Jean-Paul lui avait demandé de rester. À présent, il était décidé à
retourner dans sa Bavière natale et d’habiter avec son frère, prêtre lui
aussi et maître de chapelle distingué. Il allait avoir 78 ans deux jours
avant le conclave. Il était temps de revenir chez lui et de reprendre le fil
de sa vie de chercheur qu’il avait sacrifiée en devenant évêque de Munich et
Freising en 1977.
Comment un candidat, en tête pour l’élection au siège pontifical, s’y
prend-il pour travailler contre lui-même, d’autant qu’il en a l’intention
ferme et qu’il ne s’agit pas d’une vaine et fausse démonstration d’humilité
et de réserve ? L’affaire Ratzinger contre Ratzinger se résumait très
simplement : « Je ne suis pas un homme de gouvernement » avait-il déclaré
dans la demi douzaine de langues qu’il parle couramment. Ne me faites pas
cela. Ne vous faites pas cela. Ceux qui appuyaient sa candidature – comme
George Pell de Sidney, Christophe Schönborn de Vienne et Angelo Scola de
Venise, trois jeunes dirigeants parmi les plus remarquables de l’Église
catholique – répondirent en substance : « Pourquoi ne laissez-vous pas Dieu
dire ce qu’il a à dire ? Ne préjugez pas du travail de l’Esprit Saint ». Vu
la tournure que prit la situation, le vote ne fut plus qu’une simple
formalité : Ratzinger fut élu au 4ème tour dans un des conclaves les plus
courts de l’Histoire de l’Église. Mais bien des questions restaient en
suspens tant chez ses opposants que chez ses partisans : accepterait-il la
charge qu’il avait essayé d’éviter ? À leur conférence de presse après le
conclave, les cardinaux allemands (parmi lesquels il y avait des opposants
et des partisans) déclarèrent aux journalistes qu’il y eut un énorme soupir
collectif de soulagement lorsque le cardinal Ratzinger accepta. Le matin
après son élection, on vit clairement et sans équivoque que le nouvel élu,
Benoît XVI, avait une conscience aiguë de ses propres limites. Célébrant la
messe avec le collège des cardinaux dans la Chapelle Sixtine, il dit dans
son homélie : « Ne me refusez pas votre conseil ».
Au cours des 4 années écoulées depuis que le 265ème évêque de Rome est
apparu à la loggia de Saint Pierre pour être présenté urbi et orbi, à la
cité et au monde, le pape Benoît XVI a systématiquement fait mentir l’image
caricaturale de « rottweiler de Dieu » que les media brossaient de lui
depuis des lustres.
Quelques mois après son élection, alors qu’il était en vacances à la villa
d’été à Castel Gandolfo, il invita son vieil adversaire en théologie, le
dissident suisse Hans Küng, pour une conversation amicale autour d’une
bière. Les critiques affirmaient que jamais ce pape ne pourrait rivaliser
avec Jean-Paul II Superstar dans le cœur des jeunes ; Benoît XVI les confondit
en présidant deux JMJ réussies, à
Cologne et à
Sydney. Lors de la réunion à
Washington en mai 2008 avec les
victimes des prêtres pédophiles, il
manifesta une sensibilité pastorale pleine de tact, tout comme après sa
prière silencieuse sur les ruines des Tours jumelles de New York, lorsqu’il
eut affaire aux familles des morts du 11 septembre 2001.
Des journalistes qui manquent d’intelligence et de soi-disant vaticanistes
déplorent encore sa causerie à
Ratisbonne, en septembre 2006, sur la foi et
la raison et y voient une gaffe diplomatique
Or la vérité est que Benoît XVI a envoyé une onde de choc si salutaire à travers
les mondes de l’Islam que des modèles de dialogue interreligieux plus
solides se font lentement jour. Grâce à l’insistance du pape, la liberté
religieuse conçue comme un droit humain que la raison peut connaître, et la
nécessaire séparation de l’autorité religieuse et de l’autorité politique
dans un État juste – tous sujets naguère interdits – sont passés au premier
plan du dialogue entre le Catholicisme et l’Islam.
En avril 2008, son
Allocution à l’Assemblée générale des Nations Unies,
présentait un argument fort et irréfutable selon lequel l’exercice de la
liberté doit être guidé par des vérités morales, et que ces vérités morales
sont accessibles aux hommes et aux femmes de bonne volonté qui osent penser
sérieusement. Les
audiences hebdomadaires de Benoît XVI à Rome continuent à
attirer des foules nombreuses, souvent plus importantes que celles
qu’attirait Jean-Paul II. Le pape défie ainsi régulièrement les sceptiques
qui estimaient que Ratzinger ne ferait pas bonne figure en public.
Dans ses deux premières encycliques,
Deus Caritas est et
Spe Salvi, il
montre d’une manière éclatante qu’il sait expliquer les fondements de la foi
chrétienne en tenant compte du scepticisme post-moderne.
Dans ces lettres, le gardien de l’orthodoxie, naguère redouté, répond à
l’absence de foi ou à sa faiblesse dans un esprit de conversation et non
point de condamnation. Son livre
Jésus de Nazareth qui fut une meilleure
vente internationale analyse avec sympathie l’entretien imaginaire d’un
rabbin américain avec Jésus et rappelle à tous les Chrétiens la dette qu’ils
ont envers leur aîné, le judaïsme.
Poucettes* et tenailles restèrent sous clef dans les caves du bureau que
présida Ratzinger, la Congrégation pour la doctrine de la foi, « jadis
connue sous le nom d’Inquisition », comme ne manquent jamais de nous
rappeler les media internationaux*.
Malgré ces réalisations impressionnantes, la 5ème année de son pontificat
commença sous des nuées d’orage. En janvier, ses efforts de réconciliation
avec les ultra-traditionnalistes, disciples de feu l’archevêque Marcel
Lefebvre, déclencha un tollé mondial. L’un des 4 évêques lefebvristes dont
l’excommunication avait été levée, un ci-devant anglican nommé Richard
Williamson, était un négationniste de la Shoah.
Sur Internet, tous les blogueurs et autres surfeurs avertis, des antipodes
jusqu’au Zimbabwe, connaissaient cette sale histoire, mais le pape et ses
conseillers n’étaient au courant de rien.
Le fiasco lefebvriste et le chaos qu’il provoqua dans les relations entre
Juifs et Chrétiens commençait à peine à s’apaiser que ce fut au tour de
l’Autriche de s’embraser. La cause ? La
nommination du nouvel évêque
auxiliaire de Linz, lequel avait des idées curieuses sur les rapports de la
Providence et de la météorologie. Selon lui, l’ouragan Katrina qui avait
ravagé la Nouvelle Orléans était le châtiment de Dieu qui punissait ainsi la
ville pour ses longues années de débauche. Finalement, l’évêque élu demanda
au pape de revenir sur sa nomination, ce que Benoît XVI accepta.
Certains se demandèrent si l’Autriche n’était pas repartie pour un nouveau
tour de joséphisme, à savoir la résistance à l’autorité papale pour la
nomination des évêques, au siècle des Lumières. Alors que ce séisme
ecclésiastique grondait en Europe, la Curie romaine démontra son incapacité
à traiter avec célérité et franchise une autre catastrophe: l’affaire du
père
Marcial Maciel, fondateur de l’ordre ecclésiastique de la Légion du
Christ et du mouvement laïque Regnum Christi. On apprenait qu’il avait mené
une existence dissolue et commis des malhonnêtetés financières. Et pourtant
la Légion du Christ et le mouvement Regnum Christi avaient formé certains
des jeunes prêtres et laïcs engagés les plus enthousiastes.
Alors que ce train déraillait doucement vers l’abîme, le meilleur des
vaticanistes, Sandro Magister de l’hebdomadaire L’Espresso, relatait que le
secrétariat d’état du Vatican avait mal jugé le caractère et les
qualifications de Joseph Li Shan, nouvel évêque de Pékin. Selon Magister, ce
dernier avait trop sympathisé avec le régime communiste chinois et
l’Association catholique patriotique que soutient le gouvernement.
En février,
Nancy Pelosi, porte-parole catholique de la Chambre des
représentants aux États-Unis, et partisane de l’avortement rencontra le pape
qui profita de cette occasion pour rappeler avec fermeté une des vérités
morales que peut connaître la raison : dans toute société juste, la vie
innocente a droit à la protection de la loi. Pelosi avait terriblement envie
d’être photographiée en compagnie du pape, mais elle se le vit refuser–
signe que le Vatican n’avait pas complètement perdu sa capacité de maîtriser
son programme et le rôle du pape dans ce programme. Mais pour les supporters
de Benoît XVI, la remontrance adressée à Pelosi ne fut qu’une brève éclaircie au
milieu de sombres nuages. Benoît XVI avait-il eu raison en 2005 ? N’était-il
vraiment pas un homme de gouvernement ? Et qu’est-ce que cela présageait
pour l’avenir de son pontificat lequel, malgré son âge, pouvait fort bien
s’étendre sur la prochaine décennie ?
► À suivre
Notes :
* poucettes : corde ou chaînette dont on se sert pour attacher les pouces de
certains prisonniers (Littré). Weigel fait bien sûr allusion aux instruments
de torture.
** C’est peut-être la seule chose que ces médias connaissent, et encore la
connaissent-ils mal.
Sources : benoit-et-moi
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 27.04.09 -
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