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Le Concile de Nicée a dix-sept siècles, mais il en faudrait un autre
aujourd’hui
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Le 27 février 2025 -
E.S.M.
- Le pape François a à plusieurs reprises
fait part de son intention de se rendre à Nicée, pour
mettre un instant au moins de côté les controverses sur
les questions telles que les théories du « gender », le mariage des
prêtres ou les femmes évêque, et remettre au centre la question capitale
de la divinité du Fils de Dieu fait homme en Jésus, car c’est bien pour
cette raison et nulle autre que le concile de Nicée avait été convoqué.
S. M.
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Le Concile de Nicée a dix-sept siècles, mais il en faudrait un autre
aujourd’hui
Le 27 février 2025 -
E.S.M. -
Il y a 1700 ans, Silvestre, l’évêque de Rome de l’époque, ne s’était pas
rendu au premier concile œcuménique de l’histoire, à Nicée. Il y avait
envoyé deux de ses presbytres, Viton et Vincent. Et il est probable que
son successeur actuel François, à cause de sa santé déclinante, ne se
rende pas non plus à la grande réunion œcuménique qui sera organisée
là-bas pour célébrer l’anniversaire de ce concile avec les responsables
protestants et les chefs des Églises d’Orient.
Et pourtant, le pape
François avait à plusieurs reprises fait part de son intention de se
rendre à Nicée, pour mettre un instant au moins de côté les controverses
sur les questions telles que les théories du « gender », le mariage des
prêtres ou les femmes évêque, et remettre au centre la question capitale
de la divinité du Fils de Dieu fait homme en Jésus, car c’est bien pour
cette raison et nulle autre que le concile de Nicée avait été convoqué.
Si seulement ce déplacement d’attention pouvait advenir, le pape
François lui-même ferait sienne cette « priorité au-dessus de toutes les
autres » que Benoît XVI avait confiée aux évêques du monde entier dans
sa mémorable
lettre du 10 mars 2009 ; rouvrir l’accès à Dieu aux hommes de peu de
foi de notre époque, non pas « à n’importe quel dieu » mais « à ce Dieu
qui nous reconnaissons en Jésus Christ crucifié et ressuscité ». Une
priorité » qui constituerait aussi un héritage que François confierait à
son successeur.
Il n’est pas dit qu’un « évangile » à ce point à contre-courant soit
aujourd’hui en mesure de pénétrer un monde anesthésié par l’indifférence
sur les questions ultimes. Aux premiers siècles déjà, quand les
chrétiens étaient bien plus minoritaires qu’aujourd’hui, l’écoute était
loin d’être acquise.
Et pourtant, la question qui s’est jouée à Nicée a eu un impact qui a
largement dépassé les seuls évêques et théologiens professionnels.
À Milan, accompagné par des milliers de fidèles, l’évêque Ambroise a
occupé pendant des jours et des nuits la basilique que l’impératrice
Justine voulait confier à la faction défaite par le concile de Nicée. Le
jeune Augustin en fut témoin et rapporte qu’en ces jours-là, Ambroise
écrivit et mit en musique des hymnes sacrés qui, entonnés par la foule,
furent ensuite intégrés dans l’Office divin qui est encore prié
aujourd’hui.
Grégoire de Nysse, le génial théologien de Cappadoce, a traité avec
une ironie mordante l’implication des gens ordinaires dans la
controverse. Demandez le cours d’une monnaie à un changeur – écrit-il –
et on vous répondra par une dissertation sur le généré et l’ingénéré ;
allez chez le boulanger, il vous dira que le Père est plus grand que le
Fils ; allez aux thermes demander si l’eau est à température, on vous
répondra que le Fils a surgi du néant.
Arius lui-même, ce presbytre d’Alexandrie d’Égypte dont les thèses
ont été condamnées à Nicée, fascinait à ce point les foules que sa
théologie s’étalait également dans des chansons populaires chantés par
les marins, les meuniers et les vagabonds.
Mais au fait, quelles étaient les thèses d’Arius ? Et comment le
concile de Nicée les a‑t-il réfutées ?
De grands théologiens et historiens, comme Jean Daniélou et
Henbri-Irénée Marrou ont écrit des pages remarquables sur le sujet, mais
on trouvera une excellente reconstruction de cette controverse
théologique et de son contexte historico-politique dans le dernier
numéro de la revue « Il
Regno » sous la plume de Fabio Ruggiero, spécialiste des premiers
siècles chrétiens, et d’Emanuela Prinzivalli, professeur ordinaire
d’histoire du christianisme à l’Université de Rome « La Sapienza » et
spécialiste réputée des Pères de l’Église. Les citations qui suivent
sont tirées de cet essai.
*
Le conflit éclate en 323 dans l’Église d’Alexandrie, siège primatial
d’un territoire immense, entre deux protagonistes, l’évêque Alexandre et
l’un de ses presbytres, un certain Arius. « Tous deux soutenaient
l’origine divine et la divinité primordiale du Fils, mais ils se
distinguaient par une compréhension différente de la manière dont le
Fils est né du Père ».
Si l’on s’en tient à ce qu’écrit Arius dans une lettre adressée à
l’évêque Eusèbe de Nicomédie, son compagnon d’étude, voici les
affirmations qu’on lui reprochait et qu’il ne reniait pas lui-même :
« Le Fils a un commencement, tandis que Dieu est sans commencement » et
« Le Fils a été créé à partir du néant ».
Arius n’a pas, à proprement parler, rompu une unité dogmatique déjà
formulée précédemment dans l’Église de l’époque. Cette unité est encore
en cours d’élaboration et la théologie la plus aboutie sur le thème de
la Trinité divine est jusque-là celle d’Origène, quoique beaucoup ne
partagent pas.
Arius avance donc dans le sillage d’Origène mais il ajoute des
développements qui poussent à l’extrême la subordination du Fils au
Père. Et, dans un premier temps, l’ambitieux évêque Eusèbe de Nicomédie
se range à ses côtés face à son rival Alexandre d’Alexandrie, chacun
avec une importante faction d’évêques à sa suite.
Le conflit qui oppose ces deux importants sièges épiscopaux d’Orient
est à ce point virulent que l’empereur Constantin s’emploie
personnellement « à rétablir cette paix religieuse qu’il considérait
absolument nécessaire à la stabilité de l’empire », faisant usage envers
la religion chrétiennes des prérogatives du « pontifex maximus » qui
revenaient traditionnellement à l’empereur.
Dans l’une de ses premières lettres adressées à Alexandre et Arius,
Constantin reproche à l’évêque d’être responsable du conflit. Mais dans
une autre lettre, il change de point de vue après avoir envoyé à
Alexandrie, pour enquêter sur place, l’évêque Ossius de Cordoue, son
fidèle conseiller de longue date.
C’est ainsi qu’a germé dans le chef de l’empereur l’idée de convoquer
un concile œcuménique, le premier qui soit étendu à l’Église tout
entière. Il choisit comme siège Nicée, aujourd’hui appelée Iznik, près
de Nicomédie qui était la capitale impériale de l’époque, avant
Constantinople, et qui n’était par ailleurs pas très éloignée du
Bosphore, afin de faciliter l’arrivée des évêques provenant de rivages
éloignés.
Constantin n’a pas seulement convoqué le concile, il l’a également
présidé et a prononcé le discours d’ouverture, dans la salle impériale
de Nicée. Dans l’illustration ci-dessus, c’est lui qui se trouve au
centre, tenant en main ce qui sera le document final.
Nous sommes le 20 mai 325 et, autour de Constantin, plus de 250
évêques sont réunis, dont une centaine en provenance d’Asie Mineure, une
trentaine venus de Syrie et de Phénicie, moins de vingt de Palestine et
d’Égypte. Seuls six ont fait le déplacement depuis l’Occident latin,
dont Ossius de Cordoue, en plus des deux prêtres envoyés par le pape
Silvestre. Arius est présent lui aussi. Il ne siège pas avec les évêques
mais on le consultera à plusieurs reprises pour obtenir des
éclaircissements sur sa doctrine.
« Le compte-rendu chronologiquement le plus proche des événements est
celui de l’évêque Eusèbe de Césarée », écrit la professeur Prinzivalli.
Eusèbe est un docte héritier d’Origène et de son « Didaskaleion »,
l’école théologique d’élite qu’il a fondée en terre de Palestine. Il est
venu à Nicée avec sa propre proposition de « Symbole » de la foi. Une
proposition qui ne sera toutefois pas celle qui sera approuvée par le
concile au terme des travaux.
Voici les paragraphes initiaux des deux textes, avec les principales
différences en italique.
Symbole d’Eusèbe de Césarée
« Nous croyons en un seul Dieu Père tout-puissant, créateur de toutes
les choses visibles et invisibles. Et en un seul Seigneur Jésus-Christ,
le Logos de Dieu, il est Dieu né de Dieu, lumière née de la
lumière, vie née de la vie, Fils unique, premier né de toutes les
créatures, engendré par le Père avant tous les siècles, et par lui
toutes choses ont été créée ».
Symbole de Nicée
« Nous croyons en un seul Dieu Père tout-puissant, créateur de toutes
les choses visibles et invisibles. Et en un seul Seigneur Jésus-Christ,
le Fils de Dieu, engendré premier-né du Père, c’est-à-dire de la
substance (‘ousia’) du Père, Dieu né de Dieu, lumière née de
lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré, non pas créé,
consubstantiel (‘homoousios’) au Père, et par lui toutes les choses
ont été créées au ciel et sur la terre ».
Le professeur Pinzivalli commente :
« Malgré les similitudes, on peut considérer comme douteuse
l’hypothèse que le Symbole d’Eusèbe ait servi de base pour celui de
Nicée. Le Symbole présenté par Eusèbe est parfaitement orthodoxe et
aurait mis tout le monde d’accord, mais c’est justement pour cette
raison qu’il ne convenait pas, parce qu’il fallait qu’un camp soit
défait à Nicée. L’accord obtenu à Nicée, au moyen d’un compromis entre
des théologies relativement divergentes, fut imposé par Constantin qui,
bien qu’il n’ait jamais renié le Symbole de Nicée, l’a toujours
considéré comme un simple instrument pour rétablir la paix religieuse ».
Cette formule de condamnation fait suite au Symbole de Nicée :
« Ceux qui disent : ‘il y a un temps où il n’était pas’ ou ‘avant de
naître, il n’était pas’ ou ‘il a été créé à partir du néant’ ou qui
affirment qu’Il est issu d’une autre hypostase ou substance ou que le
Fils de Dieu a été créé ou qu’il est muable ou sujet au changement,
l’Église catholique et apostolique les condamne ».
Le concile s’acheva sur un très large consensus. Les seuls à être
condamnés à l’exil furent Arius et deux évêques libyens, Second de
Ptolémaïs et Théonas de Marmarique.
Mais la controverse n’était pas encore résolue. La professeur
Prinzivalli poursuit :
« Le consens et la paix religieuse nécessitaient en effet un temps
qui n’était pas celui d’une décision politique. Il faudra encore la
clarification doctrinale des pères de Cappadoce en Orient et un second
concile œcuménique à Constantinople en 381 pour obtenir, avec le Symbole
de Nicée-Constantinople, une formulation qui soit véritablement acceptée
par la majorité des évêques, même si l’arianisme continuera longtemps à
être la foi des peuplades germaniques ».
Le Symbole de Nicée-Constantinople, c’est-à-dire le « Crédo », est
celui que l’on proclame aujourd’hui encore chaque dimanche dans toutes
les églises. Mais combien sont-ils à y croire vraiment ?
Un grand
colloque international s’ouvre aujourd’hui, 27 février, à
l’Université pontificale grégorienne de Rome sur l’histoire et la
théologie du concile de Nicée. Il sera suivi en octobre d’une seconde
session en Allemagne, à l’Université de Münster. La première leçon, à
l’ouverture des travaux, sera donnée par la professeur Emanuela
Prinzivalli. Au
programme figurait notamment (avant son hospitalisation) une
rencontre avec le Pape François.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 27.02.2025
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