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19 Avril 2005
 

Les évêques des Philippines bafoués. Examinés et recalés

Le 27 janvier 2015 - (E.S.M.) - Pierre de Charentenay, rédacteur jésuite de la revue "La Civiltà Cattolica", reproche aux évêques leur opposition persévérante aux lois relatives aux moyens de contraception, au divorce, au mariage homosexuel. Et le pape ne les défend pas.

Imelda Marcos, veuve de Ferdinand Marcos, à la messe célébrée par le pape François à Tacloban, le 17 janvier 2015.

Les évêques des Philippines bafoués. Examinés et recalés 

par Sandro Magister

Le 27 janvier 2015 - E. S. M. - L'impact du voyage du pape François aux Philippines sur l'opinion publique mondiale a été minimisé par sa malencontreuse boutade à propos des "bons catholiques" qui "ne font pas comme les lapins" Bergoglio croyait faire rire avec son scoop sur les lapins, mais c'est raté !

Mais même si l’on prend en considération l’ensemble de ses discours, qui sont maintenant disponibles – aussi bien ceux qui ont été rédigés que ceux qui ont été improvisés – on ne parvient pas à apprendre grand-chose à propos de la spécificité de ce pays, qui est le seul en Asie où les catholiques soient largement majoritaires Voyage apostolique 12-19 janvier 2015

L’Église catholique des Philippines avait fait parler d’elle dans le monde en jouant un rôle de premier plan dans la pacifique révolution populaire qui détermina, en 1986, la fin du régime de Ferdinand Marcos. Mais peu d’études ont été consacrées à ce qui s’est passé avant et après cet événement.

Mais ce manque de connaissance et d’information a été comblé grâce à un jésuite de haut rang : le Français Pierre de Charentenay, ancien président du Centre Sèvres, l'institut d’études supérieures de la Compagnie de Jésus situé à Paris, ancien directeur, entre 2004 et 2012, d’"Études", la revue des jésuites de France, et, depuis l’année dernière, membre de l’équipe de rédacteurs de "La Civiltà Cattolica", la revue des jésuites de Rome qui n’est imprimée qu’après avoir été contrôlée par les autorités vaticanes et qui est dirigée par un homme très proche du pape, le père Antonio Spadaro.

Au moment du voyage de François dans ce pays, le père de Charentenay a publié un livre consacré aux Philippines, dont le père Federico Lombardi, confrère de l'auteur et directeur du bureau de presse du Vatican, a conseillé la lecture aux journalistes qui s’apprêtaient à couvrir l’événement et dont on présume, à plus forte raison, qu’il aura été lu par Jorge Mario Bergoglio lui-même P. de Charentenay, "Les Philippines, archipel asiatique et catholique", Lessius Éditions, Namur, 2015.

Le livre bénéficie de la connaissance directe que le père de Charentenay a des Philippines, où il s’est rendu à plusieurs reprises à partir de 1982 et où il a séjourné une année entière, en 2013.

Et en effet ce livre se lit d’une traite, en raison de la richesse et de la précision de la reconstitution historique, de la finesse des analyses, de l'agilité de l’écriture, mais également en raison des nombreuses surprises qu’il réserve au lecteur.

Par exemple – les passages cités ci-dessous le montreront plusieurs fois – on est frappé de voir comment, aux Philippines,  le pardon public, y compris la grâce judiciaire, est accordé systématiquement à des personnes qui ont été précédemment reconnues coupables de délits parfois graves.

De même on est stupéfait par la description que le père de Charentenay fait de la plus grande prison des Philippines, qui ressemble à un immense village entouré d’une clôture à l’intérieur de laquelle les condamnés se déplacent et s’organisent de manière relativement libre.

À ce sujet, il aurait été intéressant de savoir quel lien le pape François établit entre cette pratique de la clémence et du pardon qui est typiquement philippine et la "miséricorde" qui est le trait marquant de son pontificat.

Un autre chapitre très intéressant du livre est celui dans lequel le père de Charentenay raconte le récent conflit entre les évêques et le gouvernement à propos de la loi relative à la contraception.

L'auteur n’est pas neutre. Il prend clairement parti pour le président "catholique" Noynoy Aquino et pour le gouvernement, qui ont voulu et approuvé cette loi. Il fait des considérations du même genre à propos d’autres controverses qui sont sur le point d’éclater dans ce pays sur des sujets comme le divorce, ou l’avortement, ou encore les mariages homosexuels. Il accuse les évêques d’être fermés et arriérés, non seulement par rapport aux poussées de la modernité mais également par rapport aux sollicitations de François.

Il écrit :

"La phrase du pape François – 'Nous ne pouvons pas insister uniquement sur les questions d’avortement, de mariage homosexuel ou d’utilisation de méthodes contraceptives. Cela n’est pas possible. Cela ne devrait pas être discuté hors du contexte, pas tout le temps' – a beaucoup interrogé les évêques et l’opinion publique. Mais la conférence des évêques philippins a maintenu son opposition pour des raisons de principe".

À ce sujet il aurait été intéressant de comprendre comment le pape Bergoglio concilie le fait qu’il valorise haut et fort les conférences épiscopales avec la spectaculaire critique qui est adressée à la ligne de conduite des évêques par un rédacteur faisant autorité de la revue "La Civiltà Cattolica" qui fait elle aussi autorité.

On peut lire ci-dessous deux extraits du livre du père de Charentenay.

UNE LOI SUR LA CONTRACEPTION

(pp. 158-162)

Si l’Église a été très impliquée dans le renversement de la dictature, son combat a changé d’objectif après 2010 quand le président Noynoy Aquino a voulu relancer le projet d’une loi sur la contraception et l’éducation sexuelle. Ce projet de loi sur la santé reproductive, dit Reproductive Health Bill (ou RH Bill), était resté en attente au Congrès pendant 14 ans. Il a finalement été voté en décembre 2012. […]

Le projet de loi a été contesté le 18 juin 2013 devant la Cour suprême, qui […] a longtemps hésité. Elle était sous la pression de l’Église catholique, opposée à cette loi. Mais elle savait aussi qu’elle devait prendre en compte le nouvel environnement d’une société devenue moderne et pluraliste. […]

Le premier argument du débat tient dans la séparation de la religion et de la décision politique. Il est clair que l’Église, parlant aux chrétiens et à l’opinion publique, insiste sur des questions importantes, la valeur de la vie, la dignité humaine, une certaine vision de l’homme. Son principal argument est néanmoins religieux. Mais dans la société actuelle aux Philippines, on ne peut plus supposer que tout le monde est chrétien. Une diversification des opinions existe qui empêche l’imposition d’une loi chrétienne, de la même manière qu’elle empêcherait l’imposition de la charia en Malaisie ou en Indonésie, ou dans le sud de Mindanao. […] Ce raisonnement n’est pas compris par l’Église catholique, qui s’étonne qu’un président catholique veuille faire passer une telle loi. […]

Le deuxième niveau ou argument concerne les conséquences politiques d’un tel projet de loi. […] Le projet RH Bill a été conçu pour aider les populations pauvres et leur permettre d’avoir accès à la contraception que la classe moyenne et les riches utilisent déjà. Les groupes sociaux n’ont pas les mêmes possibilités sur ce point. Le projet RH Bill répond donc à une question de justice qui motive le gouvernement en faveur de ces populations pauvres.

Il répond aussi à une volonté d’éviter l’utilisation de l’avortement comme moyen de contraception. […] Dans la discussion, l’Église catholique ne mentionne jamais la multiplication des avortements, ce qui est autrement plus grave que la contraception qu’elle combat. Les deux sont liés, puisque l’avortement est le moyen d’éviter la naissance, lorsque la contraception n’a pas été utilisée. Le pire mal suit le moindre mal.

Un autre élément de désaccord entre l’Église et le gouvernement porte sur les perspectives d’avenir à long terme du pays, sur la population, l’environnement et le développement. Avec 100 millions d’habitants, la densité de la population est déjà au-delà de 300 habitants par kilomètre carré, ce qui est une densité très forte dans un pays qui a déjà détruit une grande partie de ses ressources naturelles, et qui est frappé par tant de catastrophes naturelles. Un effort doit être fait pour contrôler l’augmentation de la population. Avec le projet RH Bill, le pouvoir politique veut limiter la croissance de la population et promouvoir une réelle qualité de vie dans un environnement plus protégé.

En ce sens le projet RH Bill semble être un projet de loi pro-vie, autant dans la qualité de la vie que dans sa politique anti-avortement. […]

À cet argumentaire, l’Église a répondu par une suractivité médiatique ou pastorale pour condamner le projet. C’est que derrière ce combat, se profile un autre thème brûlant, celui du divorce, toujours illégal aux Philippines, […] ce qui met un nombre immense de personnes en situation fort difficile, car le mariage ne se porte pas très bien dans le pays. […] Les jeunes n’écoutent plus l’Église et vivent dans l’illégalité des séparations ou des unions libres. On constate une hésitation à se marier puisque le divorce n’est pas possible. L’Église a déjà dit qu’elle ne l’accepterait pas. Là encore, elle confond la loi religieuse et la loi civile.

Bien entendu, d’autres sujets viendront dans les débats publics : l’avortement, […] le mariage homosexuel. […] Comme on le voit, l’Église des Philippines en est restée à l’idée que tout ce qui est légal doit être moral selon la loi catholique. […] Elle ne veut pas entendre que les non-chrétiens puissent avoir une morale différente. Elle n’a pas quitté la domination sur le législateur qu’elle avait du temps de la colonie espagnole.

Finalement la Cour suprême a validé la RH Bill le 8 avril 2014, moyennant la suppression de quelques articles.

CLÉMENCE ET PARDON

(pp. 106-108)

Certaines attitudes culturelles très profondément ancrées dans la culture philippine viennent directement contre la modernité de l’état de droit et l’application de la loi. L’une d’entre elles est la pratique du pardon et de la clémence vis-à-vis des contrevenants aux lois. Si cette valeur concerne la vie quotidienne, elle s’applique aussi aux plus hautes personnalités politiques. Si elles ont été condamnées, elles seront très vite pardonnées, ce qui peut laisser penser que leur violation de la loi était secondaire. […]

Quelques exemples démontrent l’impact de cette pratique.

Gregorio Honasan est un officier qui a tenté plusieurs coups d’État pendant la présidence de Corazon Aquino, dont un a failli réussir en août 1987. Il est amnistié en 1992 par le président Fidel Ramos, ancien général. Honasan sera sénateur en 1995, en 2004 et en 2007. Il a utilisé son image de rebelle et finit en 2007 dixième sénateur sur 37 candidats, avec 11,6 millions de voix. Dans d’autres pays, il aurait été fusillé pour haute trahison ou mis en prison à perpétuité.

L’ex-président Marcos est un autre cas, autrement plus symbolique. Le corps de Ferdinand Marcos est ramené aux Philippines par le président Estrada juste après son élection en 1998. L’idée était de l’enterrer à côté des héros, au cimetière de Libingan. Personne n’a rien dit ou presque, devant ce projet de retour du dictateur parmi les héros. Pas un mot de Cory Aquino, ni du cardinal Sin. La conférence des évêques a expliqué que les démérites de Marcos ne changent rien au fait qu’il ait été président. […]

Imelda Marcos a été condamnée en 1993 à 12 ans de prison pour corruption. Peu après l’élection du président Estrada, le 8 octobre 1998, la Cour suprême l’acquitte définitivement. Celle qui avec son mari a détourné des millions n’a jamais pu être condamnée. Plus révélateur encore, elle a été plébiscitée par le peuple, qui l’a réélue à la Chambre des représentants en 2014, à l’âge de 84 ans.

Joseph Estrada est accusé en octobre 2000 d’avoir reçu des paiements de différentes sources illégales. Il est jugé coupable par la Chambre des représentants en novembre 2000, et assigné à résidence. Le 12 septembre 2007, Estrada est finalement condamné à la réclusion à perpétuité. Mais, le 25 octobre 2007, Gloria Macapagal Arroyo lui accorde la clémence présidentielle. La notification de clémence dit qu’il ne doit pas chercher à se faire élire de nouveau. En 2010, sans que personne ne soulève la question de son inéligibilité, il se présente sans succès aux élections présidentielles. Mais en 2013 il est candidat et élu à la mairie de Manille. Il soutient ses deux fils dans leurs candidatures politiques au Sénat, où ils sont élus.

Claudio Teebankee est un des fils de l’ancien président de la Cour suprême, condamné en 1995 à une condamnation à vie pour meurtres, dont une fille de 16 ans. Après 13 ans passés à la prison de Bilibid, il est libéré par la grâce de Gloria Macapagal Arroyo en 2008.

Les condamnations sont ainsi fréquemment annulées par la grâce présidentielle car il apparaît contraire aux traditions philippines de ne pas pardonner. Les présidents pardonnent à leurs prédécesseurs des faits majeurs de corruption, légitimant ainsi leur comportement. C’est le débat des années 2010 sur Gloria Macapagal Arroyo, condamnée pour corruption et jamais pardonnée par le président Noynoy Aquino. Des groupes de pression s’insurgent contre ce traitement inhumain, inhumain au regard de la tradition philippine du pardon !


 Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.


 

Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 27.01.2015 - T/International

 

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