Homélie de Benoît XVI, Messe
célébrée à Cassino |
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Le 26 mai 2009 -
(E.S.M.)
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Le dimanche 24 mai 2009, le Pape Benoît XVI s'est rendu en visite à Cassino
et au Mont-Cassin, au sud de Rome, dans le Latium. Nous publions ci-dessous
l'homélie prononcée par le Saint-Père lors de la Messe célébrée Place
Miranda, à Cassino, rebaptisée Place Benoît XVI, en présence de milliers de
fidèles:
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Le pape Benoît XVI
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Homélie de Benoît XVI, Messe
célébrée à Cassino
Rechercher des solutions justes à la crise de l'emploi
pour protéger les familles et les jeunes :
Visite du Pape à Cassino et au Mont-Cassin en Italie
Le 26 mai 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Le dimanche 24 mai 2009, le Pape Benoît XVI s'est rendu en visite à Cassino
et au Mont-Cassin, au sud de Rome, dans le Latium. Nous publions ci-dessous
l'homélie prononcée par le Saint-Père lors de la Messe célébrée Place
Miranda, à Cassino, rebaptisée Place Benoît XVI, en présence de milliers de
fidèles:
Chers frères et sœurs!
"Mais vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit, qui viendra sur
vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la
Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre" (Ac 1, 8). Avec ces mots, Jésus
prend congé des Apôtres, comme nous l'avons entendu dans la première
Lecture. Immédiatement après, l'auteur sacré ajoute qu'"ils le virent
s'élever et disparaître dans une nuée" (Ac 1, 9). C'est le mystère de
l'Ascension, que nous célébrons aujourd'hui solennellement. Mais qu'est-ce
que la Bible et la liturgie désirent nous dire en disant qu'"ils le [Jésus]
virent s'élever"? On comprend le sens de cette expression non à partir d'un
texte unique, ni même d'un unique livre du Nouveau Testament, mais dans
l'écoute attentive de toute l'Ecriture Sainte. L'utilisation du verbe
"élever" est en effet d'origine vétérotestamentaire, et il se réfère à
l'instauration de la royauté. L'Ascension du Christ signifie donc, en
premier lieu, l'établissement du Fils de l'homme crucifié et ressuscité
dans la royauté de Dieu sur le monde.
Il existe cependant un sens plus profond, qui n'est pas immédiatement
perceptible. Dans la page des Actes des apôtres, il est tout d'abord dit que
Jésus fut "élevé" (cf. v. 9), et il est ensuite ajouté qu'"il a été assumé"
(cf. v. 11). L'événement est décrit non pas comme un voyage vers le haut,
mais plutôt comme une action de la puissance de Dieu, qui introduit Jésus
dans l'espace de la proximité divine. La présence de la nuée qui le fit
"disparaître à leurs yeux" (v. 9), rappelle une très ancienne image de la
théologie vétérotestamenaire, et inscrit le récit de l'ascension dans
l'histoire de Dieu avec Israël, de la nuée du Sinaï et au-dessus de la tente
de l'alliance du désert, jusqu'à la nuée lumineuse sur le Mont de la
Transfiguration. Présenter le Seigneur enveloppé dans la nuée évoque en
définitive le même mystère exprimé par le symbolisme de "s'asseoir à la
droite de Dieu". Dans le Christ élevé au ciel, l'être humain est entré de
manière inouïe et nouvelle dans l'intimité de Dieu; l'homme trouve désormais
pour toujours place en Dieu. Le "ciel", ce mot ciel, n'indique pas un lieu
au dessus des étoiles, mais quelque chose de beaucoup plus fort et sublime:
il indique le Christ lui-même, la Personne divine qui accueille pleinement
et pour toujours l'humanité, Celui en qui Dieu et l'homme sont pour toujours
inséparablement unis. L'être de l'homme en Dieu, tel est le ciel. Et nous
nous approchons du ciel, ou mieux nous entrons au ciel, dans la mesure ou
nous nous approchons de Jésus et entrons en communion avec Lui. Aujourd'hui,
la solennité de l'Ascension nous invite donc à une communion profonde avec
Jésus mort et ressuscité, présent de manière invisible dans la vie de chacun
de nous.
Dans cette perspective, nous comprenons pourquoi l'évangéliste Luc affirme
que, après l'Ascension, les disciples revinrent à Jérusalem "remplis de
joie" (24, 52). La cause de leur joie se trouve dans le fait que ce qui
avait eu lieu n'avait pas été, en réalité, un détachement, une absence
permanente du Seigneur: ils avaient même au contraire désormais la certitude
que le Crucifié-Ressuscité était vivant, et qu'en Lui les portes de Dieu,
les portes de la vie éternelle avaient été pour toujours ouvertes à
l'humanité. En d'autres termes, son Ascension ne signifiait pas son absence
temporaire du monde, mais inaugurait plutôt la forme nouvelle, définitive et
inextinguible de sa présence, en vertu de sa participation à la puissance
royale de Dieu. C'est précisément à eux, aux disciples, enhardis par la
puissance de l'Esprit Saint, qu'il reviendra d'en rendre perceptible la
présence à travers le témoignage, la prédication et l'engagement
missionnaire. La solennité de l'Ascension du Seigneur devrait nous combler
nous aussi de sérénité et d'enthousiasme, précisément comme cela fut le cas
pour les Apôtres, qui du Mont des Oliviers repartirent "remplis de joie".
Comme eux, nous aussi, en accueillant l'invitation des "deux hommes vêtus de
blanc", nous ne devons pas rester à regarder le ciel, mais, sous la
direction de l'Esprit Saint, nous devons aller partout et proclamer
l'annonce salvifique de la mort et de la résurrection du Christ. Ces paroles
qui terminent l'Evangile de saint Matthieu nous accompagnent et nous
réconfortent: "Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du
monde" (Mt 28, 19).
Chers frères et sœurs, le caractère historique du mystère de la
résurrection et de l'ascension du Christ nous aide à reconnaître et à
comprendre la situation transcendante de l'Eglise, qui n'est pas née et qui
ne vit pas pour suppléer l'absence de son Seigneur "disparu", mais qui trouve
au contraire la raison de son être et de sa mission dans la présence
permanente bien qu'invisible de Jésus, une présence agissant avec la
puissance de son Esprit. En d'autres termes, nous pourrions dire que
l'Eglise n'exerce pas la fonction de préparer le retour d'un Jésus "absent",
mais, au contraire, elle vit et elle œuvre pour en proclamer la "présence
glorieuse" de manière historique et existentielle. Depuis le jour de
l'Ascension, chaque communauté chrétienne avance dans son itinéraire
terrestre vers l'accomplissement des promesses messianiques, alimentée par
la Parole de Dieu et nourrie par le Corps et le Sang de son Seigneur. Telle
est la condition de l'Eglise - rappelle le Concile Vatican ii - alors
qu'"elle avance dans son pèlerinage à travers les persécutions du monde et
les consolations de Dieu, annonçant la croix et la mort du Seigneur jusqu'à
ce qu'il vienne" (Lumen
Gentium, n. 8).
Frères et sœurs de cette chère communauté diocésaine, la solennité
d'aujourd'hui nous exhorte à renforcer notre foi dans la présence réelle de
Jésus dans l'histoire; sans Lui nous ne pouvons rien accomplir d'efficace
dans notre vie et dans notre apostolat. Comme le rappelle l'apôtre Paul dans
la deuxième lecture, "les dons qu'il a faits aux hommes, ce sont d'abord les
Apôtres, puis les prophètes et les missionnaires de l'Evangile, et aussi les
pasteurs et ceux qui enseignent. De cette manière le peuple saint est
organisé pour que les tâches du ministère soient accomplies et se construise
le corps du Christ" (Ep 4, 11-12) c'est-à-dire l'Eglise. Et cela pour
parvenir "à l'unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu"
(Ep
4, 13), la vocation commune de tous étant d'être appelés "à une seule
espérance, de même qu'il n'y a qu'un seul Corps et qu'un seul Esprit"
(Ep 4,
4). C'est dans cette optique que se situe ma visite d'aujourd'hui qui, comme
l'a rappelé votre pasteur, a pour objectif de vous encourager à "construire,
fonder et réédifier" sans cesse votre communauté diocésaine sur le Christ.
Comment? Saint Benoît lui-même nous l'indique, en recommandant dans sa Règle
de ne rien placer avant le Christ: "Christo nihil omnino praeponere"
(lXII,
11).
Je rends donc grâce à Dieu pour le bien qu'accomplit votre communauté, sous
la direction de son pasteur, le père abbé dom Pietro Vittorelli, que je
salue avec affection et que je remercie pour les paroles courtoises qu'il
m'a adressées en votre nom à tous. Avec lui, je salue la communauté
monastique, les évêques, les prêtres, les religieux et les religieuses
présents. Je salue les autorités civiles et militaires, en premier lieu le
maire, auquel je suis reconnaissant pour les paroles de bienvenue qu'il m'a
adressées en m'accueillant sur cette Place Miranda qui, à partir
d'aujourd'hui, même si je n'en suis pas digne, portera mon nom. Je salue les
catéchistes, les agents de la pastorale, les jeunes et tous ceux qui, de
diverses façons, ont à cœur de diffuser l'Evangile sur cette terre chargée
d'histoire, qui a connu des moments de grande souffrance au cours de la
seconde guerre mondiale. Les nombreux cimetières qui entourent votre ville
ressuscitée, parmi lesquels je rappelle en particulier les cimetières
polonais, allemand et celui du Commonwealth, en sont les témoins silencieux.
Mon salut s'étend enfin à tous les habitants de Cassino et des villes
voisines: qu'à chacun, en particulier aux malades et aux personnes qui
souffrent, parvienne l'assurance de mon affection et de ma prière.
Chers frères et sœurs, nous sentons retentir au cours de notre célébration
l'appel de saint Benoît à garder notre cœur fixé sur le Christ, à ne rien
placer avant Lui. Cela ne nous distrait pas, au contraire, cela nous pousse
encore davantage à nous engager pour construire une société où la solidarité
s'exprime à travers des signes concrets. Mais comment? La spiritualité
bénédictine, que vous connaissez bien, propose un programme évangélique
résumé dans la devise: ora et labora et lege, la prière, le travail, la
culture. Avant tout la prière, qui est le plus bel héritage laissé par saint
Benoît aux moines, mais également à votre Eglise particulière: à votre
clergé, en grande partie formé au séminaire diocésain, dont le siège a été
pendant des siècles dans cette même Abbaye du Mont-Cassin, aux séminaristes,
aux nombreuses personnes éduquées dans les écoles et dans les "patronages"
bénédictins et dans vos paroisses, à vous tous qui vivez sur cette terre. En
élevant le regard de chaque village et contrée du diocèse, vous pouvez
admirer l'appel constant au ciel que représente le monastère du Mont-Cassin,
vers lequel vous montez chaque année en procession à la veille de la
Pentecôte. La prière, à laquelle chaque matin le tintement grave de la
cloche de saint Benoît invite les moines, est le sentier silencieux qui nous
conduit directement au coeur de Dieu; c'est le souffle de l'âme qui nous
redonne la paix au cours des tempêtes de la vie. En outre, à l'école de
saint Benoît, les moines ont toujours cultivé un amour particulier pour la
Parole de Dieu dans la lectio divina, devenue aujourd'hui patrimoine commun
de nombreuses personnes. Je sais que votre Eglise diocésaine, en faisant
siennes les indications de la conférence épiscopale italienne, consacre un
grand soin à l'approfondissement biblique, et a même inauguré un itinéraire
d'étude des Ecritures Saintes, consacré cette année à l'évangéliste Marc et
qui se poursuivra au cours des quatre prochaines années pour se conclure, si
Dieu le veut, par un pèlerinage diocésain en Terre Sainte. Puisse l'écoute
attentive de la Parole divine alimenter votre prière et faire de vous des
prophètes de vérité et d'amour dans un engagement commun d'évangélisation et
de promotion humaine.
Un autre point central de la spiritualité bénédictine est le travail.
Humaniser le monde du travail est typique de l'âme du monachisme, et cela
représente également l'effort de votre communauté qui entend rester aux
côtés des nombreux travailleurs de la grande industrie présente à Cassino et
des entreprises qui y sont liées. Je sais combien la situation de nombreux
ouvriers est critique. J'exprime ma solidarité à tous ceux qui vivent dans
une précarité préoccupante, aux travailleurs au chômage technique, ou même
licenciés. Que la blessure du chômage qui frappe ce territoire pousse les
responsables des affaires publiques, les entrepreneurs et tous ceux qui en
ont la possibilité à rechercher, avec la contribution de tous, des solutions
justes à la crise de l'emploi, en créant de nouveaux emplois pour protéger
les familles. A ce propos, comment ne pas rappeler que la famille a
aujourd'hui un besoin urgent d'être mieux protégée, car elle est
profondément menacée dans les racines mêmes de son institution? Je pense
également aux jeunes qui ont des difficultés à trouver une activité
professionnelle digne qui leur permette de construire une famille. Je
voudrais leur dire: ne vous découragez pas, chers amis, l'Eglise ne vous
abandonne pas! Je sais que 25 jeunes au moins de votre diocèse ont participé
à la Journée mondiale de la jeunesse à Sydney: en tirant profit de cette
extraordinaire expérience spirituelle, soyez un levain évangélique parmi vos
amis et les jeunes de votre âge; avec la force de l'Esprit Saint, soyez les
nouveaux missionnaires sur cette terre de saint Benoît!
Enfin, l'attention au monde de la culture et de l'éducation appartient
également à votre tradition. Les célèbres archives et la bibliothèque du
Mont-Cassin rassemblent d'innombrables témoignages de l'engagement d'hommes
et de femmes qui ont médité et recherché la façon d'améliorer la vie
spirituelle et matérielle de l'homme. Dans votre abbaye, on touche du doigt
le "quaerere Deum", c'est-à-dire le fait que la culture européenne a été la
recherche de Dieu et la disponibilité à se mettre à son écoute. Et cela vaut
également à notre époque. Je sais que vous œuvrez dans ce même esprit è
l'université et dans les écoles, afin qu'elles deviennent des ateliers de
connaissance, de recherche, de passion pour l'avenir des nouvelles
générations. Je sais également que, en préparation à ma visite, vous avez
récemment tenu un congrès sur le thème de l'éducation pour solliciter chez
chacun la profonde détermination à transmettre aux jeunes les valeurs
incontournables de notre patrimoine humain et chrétien. Dans l'effort
culturel actuel, visant à créer un nouvel humanisme, fidèles à la tradition
bénédictine, vous voulez à juste titre souligner également l'attention à
l'homme fragile, faible, aux porteurs de handicap et aux immigrés. Et je
vous suis reconnaissant de me donner la possibilité d'inaugurer aujourd'hui
la "Maison de la Charité", où l'on édifie de façon concrète une culture
attentive à la vie.
Chers frères et sœurs! Il n'est pas difficile de percevoir que votre
communauté, cette portion de l'Eglise qui vit autour du Mont-Cassin, est
l'héritière et la dépositaire de la mission, imprégnée par l'esprit de saint
Benoît, de proclamer que dans notre vie, rien ni personne ne doit ôter la
première place à Jésus; la mission d'édifier, au nom du Christ, une nouvelle
humanité à l'enseigne de l'accueil et de l'aide aux plus faibles. Que vous
aide et vous accompagne votre saint patriarche, avec sainte Scolastique, sa
sœur; que vous protègent les saints patrons et surtout Marie, Mère de
l'Eglise et Etoile de notre espérance. Amen!
Texte original de
l'homélie du Saint Père
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Sources : www.vatican.va
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E.S.M.
(©L'Osservatore Romano - 26 mai 2009)
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 26.05.09 -
T/Benoît XVI |