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L'immortalité essentielle de l'homme d'après Benoît XVI
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Le 26 mars 2023 -
E.S.M.
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Pour parler théologiquement, l'immortalité naturelle de l'être
humain n'est-elle pas confondue ici avec le don surnaturel de
l'amour éternel qui apporte à l'homme la béatitude ? Ne faut-il pas,
pour garder à la foi même son caractère humain, maintenir fermement
l'immortalité naturelle, parce qu'une survie de l'homme conçue de
façon purement christologique glisserait nécessairement dans le
merveilleux et le mythologique ? A cette dernière question l'on peut
répondre sans hésiter par l'affirmative.
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Benoît XVI -
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THEOLOGIE
L'immortalité essentielle de l'homme d'après Benoît XVI
Les réflexions précédentes auront fait apparaître dans une certaine mesure
de quoi il est question exactement dans le message biblique de la
résurrection : le contenu essentiel de ce message n'est pas la
représentation d'une restitution des corps aux âmes après une longue période
intermédiaire ; son sens, c'est de dire aux hommes que ce sont eux,
eux-mêmes, qui continueront à vivre ; non pas par leurs propres forces, mais
parce que Dieu les connaît et les aime, d'une manière telle qu'ils ne
peuvent plus périr. Contrairement à la conception dualiste de l'immortalité,
telle qu'elle s'exprime dans le schéma grec : corps-âme, la formule biblique
de l'immortalité par résurrection cherche à donner une idée de l'immortalité
qui englobe l'homme tout entier et se fonde sur un dialogue : ce qui est
essentiel dans l'homme, la personne, demeure ; ce qui a mûri au cours de
cette existence terrestre de « spiritualité » corporelle et de corporalité
pénétrée d'esprit, continue à exister d'une autre manière. Cette réalité
demeure, parce qu'elle vit dans la mémoire de Dieu. Et parce que c'est
l'homme lui-même qui vivra et non pas seulement une âme isolée, l'élément de
solidarité communautaire appartient aussi à l'avenir ; c'est pour cela que
l'avenir de l'homme particulier ne sera accompli que lorsque l'avenir de
l'humanité le sera également.
Ici toute une série de questions se posent. La première pourrait s'exprimer
ainsi : Dans ce cas, l'immortalité ne devient-elle pas pure grâce, alors
qu'en réalité elle est une exigence de l'essence de l'homme en tant qu'homme
? Ou en d'autres termes : Est-ce qu'on n'aboutit pas ainsi à une immortalité
réservée aux seuls gens pieux, et donc à une discrimination de la destinée
humaine qui est inadmissible ? Pour parler théologiquement, l'immortalité
naturelle de l'être humain n'est-elle pas confondue ici avec le don
surnaturel de l'amour éternel qui apporte à l'homme la béatitude ?
Ne
faut-il pas, pour garder à la foi même son caractère humain, maintenir
fermement l'immortalité naturelle, parce qu'une survie de l'homme conçue de
façon purement christologique glisserait nécessairement dans le merveilleux
et le mythologique ? A cette dernière question l'on peut répondre sans
hésiter par l'affirmative. Mais cela ne contredit nullement notre point de
vue. Même en partant de celui-ci, il faudra affirmer nettement : cette
immortalité que nous avons appelée « résurrection » en raison de son
caractère « dialogique », revient à l'homme en tant qu'homme, à chaque
homme, et ce n'est pas du « surnaturel » surajouté secondairement. Mais ne
faut-il pas aller plus loin et demander : qu'est-ce qui fait que l'homme est
véritablement homme ? et qu'est-ce qui en définitive est spécifique de
l'homme ? Nous devons sans doute répondre : ce qui distingue l'homme, c'est,
en prenant les choses par en haut, le fait d'être interpellé par Dieu,
d'être le partenaire du dialogue avec Dieu, l'être appelé par Dieu. En
prenant les choses par en bas,
cela signifie que l'homme est cet être qui
peut penser Dieu, qui est ouvert au
transcendant. La question n'est pas de savoir si de fait il pense Dieu, si
de fait il s'ouvre à lui ; il s'agit de dire qu'il est fondamentalement
l'être capable de cela, même si effectivement, pour une raison ou pour une
autre, il n'arrive jamais à réaliser cette capacité.
On pourrait alors dire : mais n'est-il pas plus simple de voir le signe
distinctif de l'homme dans le fait qu'il a une âme spirituelle, immortelle ?
Cela est juste, mais nous essayons précisément de mettre en lumière le sens
concret de ce fait. Les deux ne s'opposent pas, mais expriment la même chose
en des formes "de pensée différentes. Car avoir une « âme spirituelle »
signifie justement : être voulu spécialement, être connu et aimé
spécialement par Dieu ; avoir une âme spirituelle, cela revient à dire : être
appelé par Dieu à un dialogue éternel, et être par le fait même capable, de
son côté, de reconnaître Dieu et de lui répondre. Ce que nous appelons dans
un langage plus « substantialiste » : « avoir une âme », nous l'exprimons en
un langage plus historique et plus actualiste : « être partenaire du
dialogue avec Dieu ». Cela ne signifie pas que cette façon de parler de
l'âme soit fausse (comme le prétend parfois aujourd'hui un certain
biblicisme unilatéral et peu critique); elle est même nécessaire à certains
égards pour exprimer la totalité de ce dont il s'agit ici. Mais, d'autre
part, elle a besoin aussi d'être complétée si l'on ne veut pas retomber dans
une conception dualiste, qui ne saurait rendre justice à la vision «
dialogique » et personnaliste propre à la Bible.
Si donc nous disons que
l'immortalité de l'homme est fondée sur le dialogue
avec Dieu, dont l'amour seul peut assurer l'éternité, nous ne prétendons pas
à une destinée spéciale réservée aux gens pieux, nous voulons seulement
faire ressortir ce qui fait l'immortalité essentielle de l'homme en tant
qu'homme. D'après nos dernières réflexions, il est très possible de
développer la même idée à partir du schéma : corps-âme, dont l'importance,
et peut-être même la nécessité, consiste en ce qu'il met en relief le
caractère essentiel de l'immortalité de l'homme. Mais il doit malgré tout
être replacé continuellement dans l'optique biblique et être corrigé à
partir d'elle, pour rester au service de cette perspective que la foi a
ouverte sur l'avenir de l'homme. Par ailleurs, l'on peut constater une
nouvelle fois ici qu'en dernière analyse il n'est pas possible de faire de
séparation nette entre « naturel » et « surnaturel » : le dialogue
fondamental qui constitue l'homme en tant qu'homme, passe sans interruption
au dialogue de la grâce qui a nom Jésus-Christ. Comment pourrait-il en être
autrement, si le Christ est véritablement le « second Adam », le véritable
accomplissement de cette nostalgie infinie qui s'élève du premier Adam, de
l'homme en un mot ?
c) La question du corps ressuscité
Nous ne sommes pas encore au bout de nos questions. Y a-t-il dans ce cas un
corps ressuscité, ou bien le tout se réduit-il à une simple façon d'exprimer
l'immortalité de la personne ? Voilà le problème qu'il nous reste encore à
examiner. Ce n'est pas un problème nouveau ; Paul déjà était assailli par les
Corinthiens avec de telles questions, comme en témoigne le chapitre 15 de la
première aux Corinthiens ; l'Apôtre essaye d'y répondre dans la mesure où
cela est possible dans ce domaine qui se situe au-delà de notre imagination
et de notre expérience. Beaucoup d'images parmi celles dont Paul se sert,
nous sont devenues étrangères ; mais sa réponse globale demeure encore
toujours ce qui a été dit de plus profond, de plus audacieux et de plus
convaincant à ce sujet.
Partons du verset 50, qui me paraît être une sorte de clé pour l'ensemble :
« Je l'affirme, frères, la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de
Dieu, ni la corruption hériter de l'incorruptibilité
». Il me semble que
cette phrase occupe dans notre texte la même place que le verset 63 dans le
chapitre 6, le chapitre eucharistique de l'évangile de Jean. Du reste, ces
deux textes apparemment si différents sont en fait plus apparentés qu'il ne
paraît au premier abord. Jean, après avoir souligné très fortement la
présence réelle de la chair et du sang de Jésus dans l'Eucharistie, dit : «
C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien
». Dans le texte
johannique comme dans le texte paulinien, il s'agit de développer le
réalisme chrétien de la « chair ». Jean fait ressortir le réalisme des
sacrements, c'est-à-dire le réalisme de la résurrection de Jésus et de sa «
chair » qui, grâce à la résurrection, nous est donnée. Chez Paul, il s'agit
du réalisme de la résurrection de la « chair », de la résurrection des
chrétiens et du salut qui s'y réalise pour nous. Mais dans les deux
chapitres, se trouve posé également un contre-point très net qui, en face
d'un réalisme purement terrestre et quasi-physique, présente le réalisme
chrétien comme un réalisme au-delà de la physique, comme réalisme de
l'Esprit-Saint.
Notre expression : « chair », ne peut ici rendre toutes les nuances du grec
biblique. Ainsi, le mot soma désigne le corps, mais également le sujet
personnel. Et ce soma peut être sarx, c'est-à-dire le corps dans sa
condition terrestre, historique, soumis aux lois physico-chimiques ; mais il
peut être aussi pneuma - ce qu'il faudrait traduire alors par « esprit »
d'après les lexiques ; en réalité cela veut dire : le sujet personnel qui
apparaît maintenant dans un corps tangible et soumis aux lois
physico-chimiques peut apparaître à nouveau, définitivement, dans un mode
d'être trans-physique. Dans le langage de Paul, « corps » et « esprit » ne
s'opposent pas ; ce qui s'oppose, ce sont d'une part « le corps de chair »,
et d'autre part le « corps selon l'esprit ». Nous ne chercherons pas à
élucider les problèmes compliqués d'histoire et de philosophie, ainsi
soulevés. Une chose cependant paraît claire : aussi bien Jean (6, 53) que
Paul (1 Co 15, 50) montrent à l'évidence que la « résurrection de la chair
»
est la résurrection des hommes et non pas seulement une résurrection des
corps. Ainsi la conception paulinienne, considérée du point de vue moderne,
apparaît bien moins naïve que la spéculation théologique postérieure, avec
ses discussions subtiles sur la possibilité de corps éternels.
Paul,
répétons-le encore une fois, n'enseigne pas la résurrection des corps, mais
celle des personnes, et cela non pas par une reconstitution des « corps de
chair », c'est-à-dire des composés biologiques, ce qu'il déclare
expressément impossible (« ce qui est corruptible ne peut devenir
incorruptible »), mais selon un mode nouveau de vie ressuscitée, tel qu'il
est préfiguré en Notre Seigneur.
Mais alors, la résurrection n'a-t-elle donc aucun rapport avec la matière ?
Et le « dernier jour » devient-il sans objet, si la vie nous arrive
continuellement par l'appel de Dieu ? Nous avons, au fond, déjà répondu à
cette dernière question par nos réflexions sur le retour du Christ. Si le
cosmos est de l'histoire, et si la matière représente un moment dans
l'histoire de l'esprit, alors il n'y a pas une juxtaposition neutre et
éternelle de la matière et de l'esprit, mais une « complexité » ultime, dans
laquelle le monde trouvera son Oméga et son unité. Alors il y a une
connexion ultime entre la matière et l'esprit, dans laquelle la destinée de
l'homme et du monde trouve son accomplissement, même s'il ne nous est pas
possible aujourd'hui de définir le mode de cette connexion. Alors il y a un
« dernier jour » où la destinée de chaque homme particulier trouve son
accomplissement, parce que la destinée de toute l'humanité est accomplie.
Le but du chrétien, ce n'est pas une béatitude privée, mais la totalité. Il
croit en Jésus-Christ, et pour cette raison il croit à l'avenir du monde,
non pas seulement à son avenir personnel. Il sait que cet avenir est au-delà
de ce qu'il peut réaliser lui-même. Il sait qu'il y a un Sens qu'il est
incapable de détruire. Doit-il pour autant rester les bras croisés ? Au
contraire, parce qu'il sait qu'il y a un Sens, il peut et doit collaborer
joyeusement et courageusement à l'œuvre de l'histoire, même si de son point
de vue limité, il a le sentiment que tout cela reste un travail de Sisyphe,
et que l'on ne fait pas autre chose que pousser le rocher de la destinée
humaine vers le haut, toujours à nouveau, de génération en génération, pour
le voir de même glisser toujours à nouveau vers le bas et réduire à néant
tous les efforts antérieurs. Le croyant sait que notre histoire « avance »
vers un point et n'est pas un éternel recommencement. Le croyant sait que
l'histoire ne ressemble pas à la toile de Pénélope, tissée toujours à
nouveau pour être toujours à nouveau défaite. Peut-être le chrétien
connaîtra-t-il lui aussi les affres de la peur devant l'inutilité et la
vanité, ce cauchemar où le monde pré-chrétien a puisé ses images émouvantes
de la peur devant l'inefficacité de l'activité humaine. Mais au milieu de
son cauchemar, le chrétien entend la voix libératrice de la réalité : «
Gardez courage, j'ai vaincu le monde
» (Jn 16, 33).
Le monde nouveau, dont
l'évocation, sous les traits de la Jérusalem définitive, clôt la Bible,
n'est pas une utopie, mais une certitude vers laquelle nous avançons dans la
foi. Il y a une rédemption du monde, voilà l'assurance qui porte le
chrétien et qui fait encore aujourd'hui tout le prix de la foi chrétienne.
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Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
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constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 26.03.2023
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