Qu’on cesse de prendre Benoît XVI
comme exutoire de phobies ou de fantasmes ! |
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Le 26 février 2009 -
(E.S.M.)
- Gérard Leclerc : "Je plaiderais, toutefois, que j’ai tenté de
m’en extraire, ne serait-ce qu’en le désignant, le décrivant, en tentant
une sortie pour demander qu’on reprenne ses esprits, et qu’on cesse de
prendre Benoît XVI comme exutoire des phobies, des fantasmes et plus
généralement des ressentiments de tout un chacun".
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Gérard Leclerc,
éditorialiste de France Catholique
Qu’on cesse de prendre Benoît XVI
comme exutoire de phobies ou de fantasmes !
Le Journal de Gérard Leclerc - Vitorio Mancuso
Le 26 février 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- Je commence à me lasser de cette polémique provoquée par la levée de
l’excommunication des évêques intégristes, mais je ne me sens nullement
responsable de la folie de ces dernières semaines, à moins que le fait même
d’être partie prenante de la discussion, forcément violente, qui s’ensuit ne
m’associe au processus mimétique ? Je plaiderais, toutefois, que j’ai tenté
de m’en extraire, ne serait-ce qu’en le désignant, le décrivant, en tentant
une sortie pour demander qu’on reprenne ses esprits, et qu’on cesse de
prendre Benoît XVI comme exutoire des phobies, des fantasmes et plus
généralement des ressentiments de tout un chacun.
Plus je réfléchis, me renseigne, converse avec les interlocuteurs les plus
divers, plus je m’aperçois que le processus est en effet servi par la
logique du ressentiment et que celui-ci s’alimente aux motifs que les uns et
les autres entretiennent pour ne pas aimer le Pape, et même le détester,
sans pouvoir toujours l’avouer. Que l’affaire soit partie d’Allemagne est
hautement symptomatique, car c’est le pays qui accumule le plus de raisons,
avouables ou non avouables, pour prendre ce pape qui vient de chez elle
comme objet d’identification, de rejet ou de troubles transactions qu’une
psychanalyse sociale aurait à décrypter. Ressentiment ? Le mot demanderait à
lui seul tout un examen. Nietzsche lui a conféré une puissance singulière en
l’associant à la morale chrétienne, « morale d’esclave », et même au
christianisme tout court.
Fort heureusement, Max Scheller est intervenu ensuite pour montrer comment
l’auteur de La généalogie de la morale avait fait fausse route et s’était
totalement mépris en dépit de sa remarquable acuité psychologique. Il est
intéressant de noter que le mot choisi, et par Nietzsche et par Scheller,
est le mot français « ressentiment » parce qu’il n’a pas d’équivalent
exact en allemand. Scheller précise que le mot associe deux aspects.
D’abord, « l’expérience et la rumination d’une certaine réaction
affective dirigée contre un autre », qui donnent à ce sentiment de
gagner en profondeur et de pénétrer peu à peu au cœur même de la personne, «
en s’enfouissant en elle ». Il y a ainsi reviviscence de l’émotion
même un ressentiment très particulier. En second lieu, le mot désigne une «
exaspération obscure, grondante, continue, indépendante de l’activité du
moi, qui engendre, petit à petit, une longue rumination de haine ou
d’animosité sans hostilité bien déterminée, mais grosse d’une infinité
d’intentions hostiles ».
Il me semble qu’à l’égard de Benoît XVI, en Allemagne particulièrement, on a
bien affaire à cette rumination et cette exaspération obscure qui commandent
des conduites de désignation d’un coupable, suivant des processus pas
forcément clairs et nets. Qui oserait prétendre, sans s’apercevoir
immédiatement de sa bourde, que Benoît XVI est négationniste ? C’est donc
par des procédés détournés qu’on parviendra tout de même à faire peser sur
lui une culpabilité indirecte et insinuante. (Voir à ce
propos chez nous certains dessins de Plantu, le caricaturiste du Monde, qui
n’ose pas dire directement, mais insinue fortement). Quant à
l’amuseur Stéphane Guillon, sur France-inter ou Canal +, lui, il y va
franco : Ratzinger est dans la ligne du membre des jeunesses hitlériennes
qu’il a été à douze ans. « Hénaurme »,
(insupportable, mais les amuseurs ont tous les privilèges pour diffamer,
insulter, salir en toute immunité).
12 février
Un religieux ami me transmet un entretien qui paraît dans Le Point et
qui constitue, dans le climat actuel, un bien intéressant symptôme à
analyser. Je ne connaissais pas la personne interrogée, qui est présentée
comme un théologien de 46 ans, très en vue en Italie, professeur de
théologie moderne à l’université San Raffaele de Milan. (Ici)
Ce Vito Mancuso connaîtra-t-il un succès analogue à celui d’un Drewermann
dans les années 90 ? Ce qui apparaît d’ores et déjà, c’est qu’il ne manque
pas de culot et que sa façon de fabriquer sa publicité auprès des media le
désigne comme un ambitieux assez redoutable. Ne parlons pas de sa prétention
intellectuelle qui dépasse le ridicule ! Je n’ai que ce court entretien pour
me faire une idée de son livre intitulé De l’âme et de son destin où il
remettrait en cause, selon l’hebdomadaire parisien, « des piliers du
dogme comme le péché originel, l’éternité, la damnation de l’enfer, le lien
entre le salut et le sacrifice du Christ sur la Croix, la nature strictement
divine de l’âme ». Je ne vois pas très bien ce que signifie cette
dernière expression, mais je suis assez abasourdi par cette énumération qui
défie le bon sens théologique. Je me méfie par principe des personnages qui
prétendent dépasser saint Paul, saint Augustin, et plus encore - si j’en
crois l’interviewé - la Bible elle-même.
Cela fait partie de la maladie de nos media : mettre en vedette ce qui
paraît sulfureux, susceptible de provoquer quelque scandale. C’est à dessein
que j’ai opéré le rapprochement avec Drewermann qui fut largement une
fabrication médiatique et dont le renom s’est éclipsé dès lors qu’il n’était
plus susceptible de produire de l’émotionnel. Je remarque aussi que Mancuso
a commencé sa carrière avec un ouvrage sur le Mal. Exactement comme
Drewermann, qui avait commencé avec Les structures du Mal à partir de quoi
son dérapage doctrinal et spirituel n’a cessé de se précipiter. Ce qui
s’explique assez aisément. C’est la fascination pour cette question abyssale
qui détermine le décrochage, par rapport à l’étiologie biblique, paulinienne
et augustinienne. J’ai le sentiment qu’il se passe exactement le même
phénomène avec Mancuso, si ténue soit l’information répercutée par Le Point.
Le trouble, profondément ressenti par l’intéressé, doit provoquer un doute
quant à la rédemption apportée, vécue, traversée par le Christ. C’est
toujours le même processus gnostique qui se met en route pour extérioriser
le mal, en décharger si possible l’humanité, et n’en plus faire l’objet du
salut. Le recours à une sorte de néo-platonisme s’impose alors, et il semble
que tel est le cas de Vito Mancuso. Mais alors, ce qui m’étonne, c’est la
préface donnée à cet ouvrage par le cardinal Martini, ancien archevêque de
Milan, et bibliste universellement reconnu. Je vois tout de même plutôt
difficilement Martini cautionner quelqu’un qui prétend avoir des lumières
supérieures à la Bible ! Entendons-nous, il y a des lumières de raison à
retenir en dehors de la Bible, notamment à travers les diverses traditions
philosophiques développées jusqu’à nous ou même réinventées. Mais la
Révélation est unique. Jusqu’à preuve du contraire, c’est ma conviction
inentamable.
14 février
J’ai gardé sous le coude une page de l’hebdomadaire Réforme du 22 janvier,
qui se présente comme une analyse de la ligne Benoît XVI comparée à la ligne
Jean-Paul II. Son intérêt est surtout d’émaner d’un théologien protestant
italien, Fulvio Ferrario, spécialiste des relations œcuméniques, qui ne se
veut ni hostile ni bienveillant, mais s’efforce d’abord de comprendre pour
lui-même à qui il a affaire et comment le pape de Rome analyse la situation
du christianisme dans le monde d’aujourd’hui. Comme dans tout exercice de ce
genre, l’auteur se révèle autant qu’il révèle l’objet de sa recherche, avec
ses présupposés idéologiques. D’ailleurs, son analyse semble dépendre
uniquement du différend entretenu par les deux papes avec la modernité. Même
si Ferrario ne nous dit rien de ses propres convictions, on devine qu’il
appartient à un protestantisme qui se veut en phase avec cette modernité et
qu’il prend au sérieux le diagnostic Ratzingérien sur un protestantisme
promis au déclin par son « autosécularisation ». Rome considérerait
les Églises de la Réformes comme « faibles et sociologiquement à
l’agonie, sans aucun futur ». D’où une préférence pour les orthodoxes,
en dépit des désaccords subsistant.
Le problème c’est que Fulvio Ferrario se garde bien d’esquisser l’ébauche
d’une « stratégie alternative ». Tout juste pose-t-il la question en
la laissant en suspens. S’il partage l’idée d’une conception plus positive
de la modernité, s’il se considère dans la dépendance directe des Lumières,
s’il se réfère, dans une ligne très luthérienne, à considérer positivement
le concept de « morale naturelle », on ignore selon quelle modalité, quelle
problématique, avec quelles éventuelles réserves. La perspective d’une
disparition des Églises classiques de la Réforme relayée par les Églises
évangéliques est simplement évoquée. Elle devrait pourtant provoquer des
protestations ou répliques, d’autant que c’est le problème de fond qui est
ainsi posé. La dissolution de la réactivité chrétienne à travers
l’alignement systématique à une culture dite moderne n’est pas un risque
illusoire.
Sources : francecatholique
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 26.02.2009 -
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