Benoît XVI s'adresse aux jésuites, un
discours venant du cœur |
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Rome, le 26 février 2008 -
(E.S.M.) - Les 225 membres de la
35ème CG avec l’équipe de la Congrégation et quelques représentants de
la Curie furent accompagnés dans la splendide Salle Clémentine où le
Saint Père les recevrait à 11h30. Après quelques minutes, le Saint Père
Benoît XVI fit son entrée dans l’aula, souriant et accueillant. La
séance de l’après-midi était clairement influencée par l’impact des
paroles du Pape sur les délégués
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Le pape Benoît XVI -
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Benoît XVI s'adresse aux jésuites, un discours venant du cœur
Le 21 février, à 10h30, un groupe nombreux de jésuites s’était déjà réuni
devant la Porte de Bronze, entrée officielle du Palais Apostolique. Les 225
membres de la 35ème CG avec l’équipe de la Congrégation et quelques
représentants de la Curie furent accompagnés dans la splendide Salle
Clémentine où le Saint Père les recevrait à 11h30. Avec quelques minutes de
retard, le Saint Père Benoît XVI fit son entrée dans l’aula, souriant et
accueillant.
Au nom de la Congrégation, le Père Général adressa quelques mots cordiaux de
salutation (six minutes) au Pape. Après, le Pape tint un discours de 21
minutes, répondant aux attentes de l’audience. Les deux références au Père
Kolvenbach furent accentuées par des applaudissements. À la fin du discours,
le Père Général présenta les membres du Conseil au Pape. Chacun d’entre eux
salua le Pape et reçut un petit souvenir de la visite. Quand fut le tour
du Père Kolvenbach, le sourire et la poignée de main du Pape témoignèrent du
lien chaleureux et fructueux qu’ils maintinrent les dernières années. Vers
12h30, l’audience fut terminée et les membres de la Congrégation rentrèrent
à la Curie en échangeant pendant leur chemin de retour leurs impressions.
À 15h30, la Congrégation a repris son travail en séance plénière. Les
interventions évoquèrent spontanément l’Audience du matin et la satisfaction
qu’elle avait suscitée était évidente. « Un discours venant du cœur », dit
quelqu’un, en énonçant clairement l’estime du Saint Père pour les Exercices
Spirituels, et son appréciation pour le service de la Compagnie à l’Église
dans le passé. Le Pape a cité les paroles adressées par Paul VI aux jésuites
en 1974 : « Partout dans l’Église, même dans les domaines les plus
difficiles et spécialisés, dans les cercles sociaux il existait ou il existe
toujours une confrontation entre les besoins urgents de l’homme et le
message éternel de l’Évangile, là il y a eu et il y a des jésuites ».
Certains délégués étaient surpris par les mots finals du discours de Benoît
XVI, qui référaient à la prière de Saint Ignace Prends, Seigneur, et reçois
que le Pape définit comme « une prière qui me parait si grande que j’ose à
peine la dire mais à laquelle il nous faut sans cesse avoir recours ».
La séance de l’après-midi était clairement influencée par l’impact des
paroles du Pape sur les délégués. La « consolation» était telle qu’un membre
de la Congrégation avertit : « Saint Ignace nous a enseigné de ne faire
aucun changement dans des moments de consolation et de désolation. Prenons
garde à ne pas prendre des décisions aujourd’hui que nous pourrions
regretter plus tard… ».
Discours du Saint Père Benoît XVI
Chers Pères de la Congrégation Générale de la Compagnie de Jésus,
C’est une joie pour moi de vous accueillir ici aujourd’hui alors que vos
travaux, très prenants, viennent d’entrer dans leur dernière phase. Je
remercie le nouveau Préposé général, le Père Adolfo Nicolas, d’avoir été
l’interprète de vos sentiments et de votre engagement à répondre aux
attentes qui sont placées en vous. Je vous en ai parlé dans le message que
j’ai adressé au Père Kolvenbach et – par son intermédiaire – à toute votre
Congrégation au début de vos travaux. Je remercie encore une fois le Père
Peter-Hans Kolvenbach du précieux service qu’il a rendu à la tête de votre
Ordre pendant près d’un quart de siècle. Je salue également les membres du
nouveau Conseil Général et les Assistants qui aideront le Préposé dans sa
délicate mission de guide, à la tête de la vie religieuse et apostolique de
toute votre compagnie.
Votre Congrégation a lieu à un moment de grands changements sociaux,
économiques, politiques; où les problèmes éthiques, culturels,
environnementaux, et de conflits en tout genre, s’accentuent; mais où la
communication entre les peuples se fait plus intense, ouvrant de nouvelles
possibilités de connaissance et de dialogue, et où les aspirations à la paix
sont profondes. Ces situations interpellent profondément l’Eglise catholique
et sa capacité d’annoncer à nos contemporains la Parole d’espérance et de
salut. Je souhaite donc vivement que toute la Compagnie de Jésus, forte des
résultats de votre Congrégation, puisse vivre, avec élan et dans une ferveur
renouvelée, la mission pour laquelle l’Esprit l’a suscitée dans l’Eglise et
qui, depuis plus de quatre siècles et demi lui a permis de conserver son
extraordinaire fécondité apostolique. Je veux aujourd’hui vous encourager,
vous et vos frères, à persévérer sur la voie de cette mission, en totale
fidélité au charisme de vos origines, dans le contexte ecclésial et social
qui caractérise le début de ce millénaire. Comme vous l’ont dit plusieurs
fois mes prédécesseurs, l’Eglise a besoin de vous, compte sur vous, et
continue de s’adresser à vous avec confiance, pour atteindre en particulier
ces régions physiques et spirituelles où d’autres n’arrivent pas ou ont des
difficultés à se rendre. Restent gravées dans vos cœurs les paroles de Paul
VI: « Partout dans l’Eglise, même dans les situations les plus difficiles et
les plus actuelles, aux carrefours des idéologies et dans les tranchées
sociales, il y a toujours eu et il y a confrontation entre les exigences
brûlantes de l’homme et le message éternel de l’Evangile, et là étaient
présents les jésuites et ils le sont encore ” (3 décembre
1974, à la 32e Congrégation Générale).
Comme le dit la Formule de votre Institut, la Compagnie de Jésus a été
fondée avant tout « pour défendre et propager la foi ». A une époque où
s’ouvraient de nouveaux horizons géographiques, les premiers compagnons
d’Ignace s’étaient mis à la disposition du Pape pour qu’il « les utilise là
où ils seraient jugés aptes à travailler pour la gloire de Dieu et pour le
salut des âmes » (Autobiographie, n. 85). Ils furent donc envoyés pour
annoncer le Seigneur à des peuples et des cultures qui ne le connaissaient
pas encore. Ils le firent et le font en faisant preuve d’un courage et d’un
zèle exemplaires: le nom de Saint François-Xavier est le plus connu de tous,
mais combien d’autres pourrait-on citer ! Aujourd’hui les nouveaux peuples
qui ne connaissent pas le Seigneur, ou qui le connaissent mal, au point de
ne pas savoir le reconnaître sous les traits du Sauveur, sont loin de nous
géographiquement mais surtout culturellement. Aujourd’hui les obstacles que
rencontrent les messagers de l’Evangile ne sont ni les océans ni les grandes
distances mais plutôt ces frontières qui, en raison d’une vision erronée ou
superficielle de Dieu et de l’homme, viennent s’interposer entre la foi et
le savoir humain, la foi et la science moderne, la foi et l’engagement pour
la justice.
Aussi l’Eglise a-t-elle un besoin urgent de personnes à la foi solide et
profonde, dotées d’une bonne culture et d’une vraie sensibilité humaine et
sociale, de religieux et de prêtres qui consacrent leur vie sur ces
frontières pour témoigner et aider à comprendre qu’il existe au contraire
une profonde harmonie entre la foi et la raison, entre l’esprit évangélique,
la soif de justice et l’engagement pour la paix. C’est la seule manière de
pouvoir faire connaître le vrai visage du Seigneur à tous ceux qui,
aujourd’hui, ne le trouvent pas ou le méconnaissent. C’est à cela que la
Compagnie de Jésus doit se consacrer en priorité. Fidèle à sa meilleure
tradition, celle-ci doit continuer à former soigneusement ses membres à la
science et à la vertu, et éviter de se contenter de la médiocrité, car le
devoir de confrontation et de dialogue avec les nombreux et divers contextes
sociaux et culturels et les différentes mentalités du monde d’aujourd’hui
est l’une des taches les plus difficiles et les plus laborieuses. Et cette
recherche de qualité et de solidité humaine, spirituelle et culturelle, doit
également caractériser les multiples activités de formation et d’éducation
des Jésuites, à l’égard de toutes les catégories de personnes, où qu’elles
se trouvent.
Dans son histoire la Compagnie de Jésus a vécu des expériences
extraordinaires d’annonce et de rencontre entre l’Evangile et les cultures
du monde – il suffit de penser à Matteo Ricci en Chine, à Roberto De Nobili
en Inde, ou aux « Réductions » de l’Amérique Latine. Vous en êtes fiers, à
juste titre. Je sens que mon devoir est aujourd’hui de vous inviter à vous
mettre à nouveau sur les traces de vos prédécesseurs avec autant de courage
et d’intelligence, mais surtout avec autant de profonde motivation de foi et
de passion à servir le Seigneur et son Eglise. Toutefois, alors que vous
cherchez à reconnaître les signes de la présence et de l’œuvre de Dieu dans
chaque région du monde, voire-même au-delà des frontières de l’Eglise
visible, alors que vous vous efforcez de construire des ponts de
compréhension et de dialogue avec ceux qui n’appartiennent pas à l’Eglise ou
trouvent quelque difficulté à en accepter les positions et les messages,
vous devez en même temps prendre en charge avec loyauté le devoir
fondamental de l’Eglise qui est de rester fidèle à son mandat d'adhésion
totale à la Parole de Dieu, et le devoir du Magistère de garder la vérité et
l'unité de la doctrine catholique dans son intégralité. Cela ne vaut pas
seulement pour l’engagement personnel de chaque jésuite: car travaillant
comme membre d’un même corps apostolique, vous devez également être
attentifs à ce que vos œuvres et institutions conservent toujours leur
claire et explicite identité, afin d’éviter que le bienfondé de votre
activité apostolique ne soit ambigu ou obscur, et afin que tant d’autres
personnes puissent partager vos idéaux et se joindre à vous activement et
avec enthousiasme, en partageant votre engagement au service de Dieu et de
l'homme.
Vous le savez parce que, suivant les Exercices Spirituels de Saint Ignace,
vous avez maintes fois médité sur les « deux étendards » : notre monde est
le théâtre d’une lutte entre le bien et le mal, et de grandes forces
négatives y sont à l’œuvre. Ces forces engendrent, chez nos contemporains,
des situations dramatiques d’asservissement spirituel et matériel que vous
avez souvent dit vouloir combattre, vous engageant en faveur de la foi et la
promotion de la justice. Aujourd’hui ces forces se manifestent sous
plusieurs formes, mais de façon plus particulièrement évidente à travers des
courants culturels qui ont souvent tendance à dominer, tels le
subjectivisme, le relativisme, l’hédonisme, le matérialisme pratique. C’est
pourquoi j’ai demandé à ce que vous renouveliez votre engagement à
promouvoir et défendre la doctrine catholique « notamment sur des points
névralgiques aujourd’hui fortement attaqués par la culture séculière », et
dont j’en explique certains dans ma Lettre. Les thèmes, aujourd’hui
continuellement débattus et mis en cause, se rapportent au salut de tous les
hommes en Jésus-Christ, à la morale sexuelle, au mariage et à la famille.
Ils sont développés et expliqués dans le contexte de la réalité
contemporaine, mais dans un souci d’harmonie avec le Magistère qui évite de
jeter le trouble et semer la confusion au sein du peuple de Dieu.
Je sais et je comprends bien que ce point est un point particulièrement
sensible et exigeant pour vous et pour certains de vos confrères, surtout
pour ceux qui sont engagés dans la recherche théologique, dans le dialogue
interreligieux ou dans le dialogue avec les cultures modernes. C’est pour
cette raison justement que je vous ai invités et vous invite , aujourd’hui
encore, à réfléchir pour retrouver pleinement le sens de votre « quatrième
vœu » d’obéissance au Successeur de Pierre, qui n’exige pas seulement que
vous soyez prêts à être envoyés en mission dans des terres lointaines, mais
également prêts – dans le plus pur esprit ignacien qui consiste à “être avec
l’Eglise et dans l’Eglise ” – à « aimer et servir » le Vicaire du Christ sur
terre avec cette dévotion « effective et affective » qui doit faire de vous
ses précieux et irremplaçables collaborateurs dans son service pour l’Eglise
universelle.
Je vous encourage en même temps à poursuivre et à renouveler votre mission
au milieu des pauvres et avec les pauvres. Hélas, les nouvelles causes de la
pauvreté et de la marginalisation ne manquent pas en ce monde marqué par de
graves déséquilibres économiques et écologiques, par un processus de
globalisation où l’égoïsme l’emporte sur la solidarité, par des conflits
armés dévastateurs et absurdes. Comme j’ai eu maintes fois l’occasion de le
répéter aux évêques latino-américains réunis au Sanctuaire d’Aparecida, «
L’option préférentielle pour les pauvres est implicite dans la foi
christologique en ce Dieu qui pour nous s'est fait pauvre, afin de nous
enrichir par sa pauvreté (2 Cor 8,9) ». Il est donc naturel que ceux qui
veulent être de vrais compagnons de Jésus, partagent réellement son amour
pour les pauvres. Pour nous le choix des pauvres n’est pas un choix
idéologique, mais naît de l’Evangile. Innombrables et dramatiques sont les
situations d’injustice et de pauvreté dans le monde d’aujourd’hui, et s’il
nous faut nous engager à en comprendre les causes structurelles et à les
combattre, il faut également savoir descendre et combattre, jusque dans le
cœur-même de l’homme, les racines profondes du mal, le péché qui le sépare
de Dieu, sans oublier d’aller au-devant des besoins les plus urgents dans
l’esprit de charité du Christ. En accueillant et développant une des
dernières intuitions clairvoyantes du père Arrupe, votre Compagnie a le
mérite de perpétuer une œuvre de service auprès des réfugiés. Considérés
souvent comme les plus pauvres parmi les pauvres, ces derniers ont besoin
d’une aide matérielle, mais ils ont aussi besoin d’une approche spirituelle,
humaine et psychologique plus profonde qui est justement de votre ressort.
Je vous invite enfin à porter une attention spéciale au ministère des
Exercices spirituels qui, dès ses origines, a caractérisé votre Compagnie.
Les Exercices sont pour vous source de spiritualité et l’origine de vos
Constitutions, mais c’est aussi un don que l’Esprit du Seigneur a fait à
l’Eglise entière : à vous de continuer à en faire un instrument précieux et
efficace pour la croissance spirituelle des âmes, pour leur initiation à la
prière, à la méditation, dans ce monde sécularisé où Dieu est comme absent.
La semaine dernière justement, j’ai profité moi aussi des Exercices
Spirituels, avec mes plus proches collaborateurs de la Curie Romaine, sous
la conduite de votre cher confrère, le Card. Albert Vanhoye. A une époque
comme la nôtre où, en raison de la confusion et de la multiplicité des
messages, de la rapidité des changements et des situations, nos
contemporains ont bien du mal à mettre de l’ordre dans leur propre vie et à
répondre, résolument et joyeusement, à l’appel que le Seigneur adresse à
chacun d’entre nous, les Exercices Spirituels constituent une voie et une
méthode particulièrement précieuse pour chercher et trouver Dieu, en nous,
autour de nous et en chaque chose, pour connaître sa volonté et la mettre en
pratique.
Dans cet esprit d’obéissance à la volonté de Dieu, à Jésus-Christ, qui
devient aussi humble obéissance à l’Eglise, je vous invite à poursuivre et à
terminer les travaux de votre Congrégation et je m’unis à vous dans la
prière que saint Ignace nous a enseignée au terme des Exercices – une prière
qui me parait si grande que j’ose à peine la dire mais à laquelle il nous
faut sans cesse avoir recours: « Prends Seigneur, et reçois toute ma
liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté ; tout ce que j’ai
et possède, c’est toi qui me l’as donné : A Toi, Seigneur, je le rends ;
Tout est à Toi, disposes-en selon Ton entière volonté. Donne-moi ton amour
et ta grâce : c’est assez pour moi. » (Es 234).
Texte
original du discours du Saint Père
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Sources: sjweb.info
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 26.02.2008 -
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