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Le phénomène Bergoglio ou l'effet François...
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Le 25 novembre 2014 -
(E.S.M.)
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Le pape Bergoglio coïncide avec un projet très clair:
introduire l'Eglise dans la réalité de ce que l'on nomme le nouvel
ordre mondial". Une interview de Francesco Colafemmina.
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Francesco Colafemmina
Le phénomène Bergoglio ou l'effet François...
Entretien avec Francesco Colafemmina sur "l'effet François"
Le 25 novembre 2014 - E.
S. M. -
Francesco Colafemmina, philologue, essayiste et écrivain, avec une
passion pour l'art et l'architecture sacrée est originaire des Pouilles.
Il anime le blog
Fides et Forma.
Question: Partons du phénomène / effet Bergoglio: ses paroles,
ses actes, représentent une contradiction vivante: à côté de déclarations à
teneur décidément catholique (bien que beaucoup d'entre elles devraient
paraître relativement évidentes, puisque c'est un pontife de la Sainte
Eglise romaine qui les prononce), d'autres suivent, imprégnées d'ambiguïté
et de confusion, de sorte que l'on semble assister au classique «un pas en
avant et deux pas en arrière». Résultat: une Eglise en proie à la confusion
et à la désorientation, avec l'effet de détruire tout ce qui a été construit
au cours des siècles. Qu'en pensez-vous?
Francesco Colafemmina: Franchement, je pense que le pape Bergoglio
coïncide avec un projet très clair: introduire l'Eglise dans la réalité de
ce que l'on nomme le nouvel ordre mondial. Je ne veux pas dire, de façon
paranoïaque qu'il y a une sorte de «conspiration», mais plutôt une nécessité
politique, ou géopolitique. Nous vivons dans un monde de plus en plus
dominé par l'élite financière et la puissance de la technologie. Dans ce
monde qui a effacé la culture classique, qui ne repose plus sur les racines
culturelles de l'Europe, mais sur les diktats d'un indifférentisme culturel
et moral amorphe, l'Eglise a deux possibilités: finir écrasée par la culture
dominante ou essayer de survivre, et pour ce faire, elle doit en assumer
dans une sorte de mimétisme mortel, les mêmes caractéristiques:
contradiction, caractère provisoire, a-historicité, entropie (ndt: à
l'origine, terme de thermodynamique, qui revêt de nombreux sens "détournés":
dans le contexte, à comprendre au sens de "état de désordre, ou une
hypothétique tendance vers un tel état", cf.
www.thefreedictionary.com/entropy ). En particulier, cette dernière qui,
aux dires d'un grand sociologue tel que Zygmut Bauman, est la clé de voûte
de la «culture» des élites financières. L'entropie, le chaos,
l'imprévisibilité sont le sel des marchés boursiers, le sel de la politique,
le sel des spéculateurs. Voilà, le discours va désormais bien au-delà de la
controverse séculaire entre traditionalistes et progressistes au sein de
l'Eglise. Croyez-vous vraiment que l'Église catholique, avec toutes ses
propriétés, avec ses ambassades, avec la diffusion capillaire de ses
ministres à travers le monde, puisse être sous-estimée par les puissances de
ce monde? Evidemment pas.
L'Eglise est persécutée quand elle continue à proposer l'éthique et la
logique d' «l'ancien ordre du monde», mais elle ne reçoit tout à coup que
les applaudissements lorsqu'elle se plie à la logique hégélienne, quand elle
se met elle-même en question, ouvrant l'abîme sur son histoire, sur la
vérité objective et immuable, sur la nature du bien et du mal. Bergoglio
n'est que l'expression d'une vaste frange de cardinaux, évêques et surtout
diplomates qui ont compris à la fin du pontificat de Jean-Paul II que, pour
survivre, l'Eglise n'avait pas d'autres options que de définir un «compromis
raisonnable» avec le monde, selon la définition opportune du controversé
mais prophétique jésuite Malachi Martin.
Q: Il semble que le binôme progressistes / conservateurs représente dans
les faits quelque chose de dépassé: aujourd'hui, nous sommes dans une
nouvelle ère, une ère que certains appellent la période post-conciliaire,
d'autres, même, Vatican III. Ce qui est certain, c'est que nous sommes
au-delà du progressisime / traditionalisme, à une époque où il y a d'un côté
une véritable massification des fidèles et de l'autre un petit groupe de
personnes qui souhaitent, quel que soit le coût, rester fidèles à ce que
l'Eglise a toujours enseigné. C'est bien cela?
FC: Oui, mais il s'agit d'un processus beaucoup plus vaste. Considérons par
exemple le débat surréaliste sur l'école italienne et la survie du lycée
classique. Pourquoi le lycée classique est-il attaqué? Parce qu'il
représente un résidu de cet ancien ordre mondial de culture et de morale,
voire de société. Désormais, l'enseignement des classiques est considéré
comme obsolète parce qu'il n'«éduque» pas à une post-société fondée sur le
royauté de l'individu, mais au contraire à une societas, une
agrégation d'hommes et de femmes qui ont certes leur dignité intrinsèque,
mais ont toujours besoin d'un amélioration morale, culturelle, spirituelle.
De la même façon, au sein de l'Eglise, le Pape Bergoglio se dépense
chaque jour, depuis la chaire de Santa Marta (une structure qui est déjà un
signe de l'horizontalité de son message) pour attaquer surtout les
catholiques que j'appellerais cohérents. Des catholiques comme mes
grands-parents qui ont lutté dans la vie pour rester cohérents avec
l'Evangile. Des catholiques comme de nombreux prêtres anonymes qui jour
après jour ont accompagné enfants, fiancés, époux, personnes âgées, malades,
sur le chemin de Jésus-Christ. Ces catholiques ne sont ni des pharisiens,
ni des sépulcres blanchis, et pourtant ils sont chaque jour apostrophés
comme tels par Bergoglio qui - satisfait du succès mondain qui l'entoure -
se sent au-dessus de tous, et tout en ne jugeant pas ceux qui vivent en état
de péché grave, trouve chaque jour de nouveaux mots pour vilipender ceux qui
persistent à adhérer à l'Evangile et au Magistère. Tout cela est
vraiment inacceptable, mais nous nous faisons une raison, car nous savons
quel est le cadre général dans lequel s'insère l'action de François.
Q: Un clergé dans un état évident de confusion quant à la doctrine et à
la liturgie contribue au message moderniste funeste: la vie semble s'épuiser
sur cette terre, où la grande absente est l'âme: personne n'en parle plus
(comme d'autres vérités de foi comme l'Enfer, le Purgatoire, les choses
dernières ...) mais tout ramène à une vision strictement horizontale qui
prévoit l'exaspération des droits sans les devoirs, la réalisation de ses
propres désirs et l'expulsion de ses propres responsabilités, le
libertinage considéré comme liberté, le mal y compris ostentatoire et le
bien persécuté. Quelle est l'urgence pour un catholique de nos jours?
FC: Comme le répétait mon bien-aimé professeur de littérature chrétienne
ancienne, notre objectif aujourd'hui est de «sauver la semence». Peu importe
combien de graines nous sauverons, et de quel type, la chose importante est
de travailler dur pour les sauver. Chacun a son charisme et son témoignage à
offrir. Nous ne savons pas quand et comment germeront de nouvelles
pousses à partir des graines dormantes, nous savons seulement que, tôt ou
tard elles se réveilleront, parce que la foi et le sacrifice de beaucoup
n'ont pas été en vain.
Aujourd'hui, le catholique doit essayer de raisonner avec détachement.
Ignorer les proclamations du Vatican et les querelles entre cardinaux et
s'occuper de la sanctification de sa propre âme. Et pour ce faire,
malheureusement, aujourd'hui, il faut revenir à l'ancien, car il est facile
de se perdre en un instant sur la route des idéologies sociales et des
utopies new age. Qu'est-ce qui est le plus facile aujourd'hui? Faire
don d'un paquet de pâtes à la Caritas ou s'améliorer soi-même, faire preuve
de retenue dans ses passions, ses accès d'égoïsme? Tout le monde nous répète
qu'il est beau et saint de faire la première chose - une action louable,
mais inutile si elle est motivée par la simple auto-satisfaction - on ne
nous parle plus de vertu et de vice, de péché et de rédemption,d'«ascèse»,
un mot noble, l'exercice, la fatigue, la difficulté de renaître hommes
nouveaux dans le Christ.
Q: Sur votre site <Fides et Forma>, vous avez écrit: «Aujourd'hui, nous
vivons dans une société occidentale convulsive, décadente et sans mémoire.
Nous vivons dans un monde où la beauté est un simple sursaut, un moment
destiné à disparaître, à être aspiré dans le magma des images, des
sensations, des émotions qui estompent le quotidien dans un film déjà vu,
ennuyeux et répétitif ». On parle beaucoup de beauté, mais qu'est-ce que la
beauté? Et quelle relation existe-t-il entre la beauté et le christianisme?
Quel rôle (ou devrait jouer) l'Église catholique dans cette «société
occidentale décadente et sans mémoire»?
FC: À une certaine époque l'Église a coïncidé avec la beauté, mais la beauté
entendue à la manière de l'ancien ordre mondial: symétrie et perfection.
D'où l'art, l'architecture, la musique, la liturgie elle-même qui est un art
en soi et qui possède ces caractéristiques nobles parce qu'elle aspire à
l'immuable, à la perfection suprême, à ce qui n'est pas blessé par le temps
et l'individualité. A cette dynamique verticale s'est substituée une
dynamique horizontale et émotionnelle dans laquelle la recherche de la
perfection qui rapproche du Créateur a été supplantée par la consommation
spasmodique des émotions, des états d'âme. La recherche constante du
singulier, la transformation de la liturgie de l'universel au particulier,
le personnalisme aujourd'hui incarné même un pape, règnent en
maîtres. On comprend bien que l'Eglise ait été tellement affaiblie. En cela,
je suis d'accord avec un intellectuel marxiste comme Pasolini qui, en 1974
s'exprimait en ces termes:
* *
«Dans une perspective radicale, peut-être utopique, ou, c'est le cas de le
dire, millénariste, ce que l'Église doit faire pour éviter une fin sans
gloire est clair. Elle devrait passer à l'opposition (ndt: mais n'est-ce
pas ce que Benoît XVI a fait? Et ce qu'on lui a fait payer?). Et, pour
passer à l'opposition, elle devrait tout d'abord se renier elle-même. Elle
devrait passer dans l'opposition contre un pouvoir qui l'a si cyniquement
abandonnée, projetant de la réduire à du pur folklore. Elle devrait se
trahir, pour reconquérir les fidèles (ou ceux qui ont un "nouveau" besoin de
foi) qui l'ont abandonnée justement pour ce qu'elle est. Reprenant un combat
qui est par ailleurs dans ses traditions (la lutte de la papauté contre
l'Empire), mais pas pour la conquête du pouvoir, l'Église pourrait être le
guide grandiose mais non autoritaire, de tous ceux qui refusent (et c'est un
marxiste qui parle) le nouveau pouvoir de la consommation qui est
complètement irréligieux; totalitaire; violent; faussement tolérant, et
même, plus répressif que jamais; corrupteur; dégradant (jamais plus
qu'aujourd'hui l'affirmation de Marx que le capital transforme la dignité
humaine en marchandise n'a eu autant de sens)».
* *
Pasolini avait compris que dans la lutte entre les élites et l'Eglise,
celles-ci triompheraient, et pourtant il était conscient de la puissance
spirituelle explosive de l'Eglise qui, exprimée avec cohérence,
menacerait la survie même de la «société de consommation» qui a éclaté en
1974 et aujourd'hui, 40 ans après, ne cesse de montrer toutes les
conséquences de sa dégradation. Toutefois, Pasolini prétendait que l'Eglise
passe à l'«opposition» en renonçant précisément à l'élément clé de
l'opposition, c'est-à-dire l'auctoritas. Une Église sans
auctoritas est l'Église privée de katechon, c'est en fait l'Église de
Bergoglio.
Néanmoins, je suis convaincu qu'un certain type de progressistes et de
nombreux traditionalistes, mais aussi beaucoup de catholiques simples, qui
ne rentrent dans aucune catégorie, se trouvent aujourd'hui confrontés à un
ennemi commun, seulement que les uns ne parviennent pas à entrevoir la
soumission de l'Eglise au monde et sont satisfaits si Bergoglio voyage en
Ford Focus (sans regarder aux 8,6 millions d'euros dépensés l'an dernier en
consultants par l'IOR), et les autres continuent de combattre le
progressisme social, la propagande des années 60 et 70, sans essayer de
comprendre et de faire comprendre à leurs frères que l'ennemi d'aujourd'hui
a une nature complètement différente et doit être combattu ensemble. Je me
réfère à l'opposition des catholiques traditionalistes contre le Chemin
Néocatéchuménal. Je pense au contraire que le Chemin, malgré les dérives de
ses «leaders» et tant d'autres choses que j'ai d'abord critiqué, a été une
création stratégique de Jean-Paul II dans une tentative de défendre la
famille catholique. Une légion de familles nombreuses et prolifiques
auxquelles il faudra expliquer les changements que Bergoglio entendait
introduire avec le Synode d'Octobre et qu'à mon avis, il réussira
certainement à introduire dans le Synode de l'année prochaine. D'autre
part, il le dit lui même: «Je suis fourbe». Comment expliquer les deux
messages récents - toutefois marginaux - contre l'avortement, l'euthanasie
et en faveur des familles avec père et mère autrement que comme la tentative
d'un «fourbe» d'endiguer la critique de tout le monde pro-vie pour
l'éviction du cardinal Burke?
Q: À une époque où la famille et donc le mariage est l'objet d'attaques,
vous avez écrit un livre intitulé «Le mariage dans la Grèce classique» avec
un sous-titre piquant: «Rites et traditions au-delà des mystifications
contemporaines, pour une éthique matrimoniale partagée entre hellénisme et
du christianisme». Quel est l'objectif de cet ouvrage?
FC: L'objectif était de témoigner que la culture classique n'est pas un
unicum ou une pièce de musée, et que dans de nombreux cas, il n'y a pas
eu une véritable opposition entre le christianisme et la culture
greco-romaine. C'est pas un hasard si Jésus est venu au monde précisément
dans cette période historique où Auguste inaugurait un empire fondé sur une
éthique très convaincante mais néanmoins menacée par des phénomènes
incontrôlables de dérive morale. Ce monde a beaucoup à nous offrir parce
que, en particulier dans la Grèce classique, la vie se déroulait à mon avis,
dans une dimension plus à mesure d'homme, avec une authentique société faite
de polites et non d'idiotes.
Quand j'ai écrit cet essai, j'étais sûr que tôt ou tard l'institution du
mariage serait étendu à des relations qui n'ont rien à voir avec le mariage.
Relations qui nécessitent néanmoins l'imitation de l'institution du mariage
afin de se sentir «normal» et d'être perçus comme tels. C'est comme si
l'Etat-belle-mère, juste pour satisfaire ses enfants qui se croient adultes,
les dotait tous de moustaches.
Mais le discours est trop complexe parce que, dans cette réalité
contemporaine nous sommes tous victimes de quelques bourreaux sans
scrupules.
Et au lieu d'aider nos frères qui sont dans le péché à reconnaître
l'identité de leurs bourreaux et le poids de leurs péchés, nous les
encourageons à valoriser leur condition pécheresse. Une façon de dire que le
péché n'existe pas.
Et au contraire, moi qui suis un pécheur, le péché, je le sens et je me
bats, et justement parce que je sais combien il menace notre âme, je ne
demande pas, mais je prétends que l'Eglise m'aide moi et tous mes frères et
sœurs à reconnaître nos péchés, à nous améliorer, à vivre dans le Christ et
à sauver nos âmes. Mais qui parle encore d'âme?
Sources : benoit-et-moi
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 25.11.2014
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