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Benoît XVI explique que l'on considérerait à tort
l'immortalité de l'âme comme une idée chrétienne
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Le 25 mars 2023 -
E.S.M.
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Ainsi apparaît résolue, par un retour à la pensée biblique, la
question souvent débattue de la possibilité d'une communion des
hommes entre eux après la mort ; cette question ne pouvait, en fin
de compte, se poser que par suite d'une prépondérance de l'élément
grec au point de départ de la réflexion : là où l'on croit à la «
communion des saints », l'idée de l'anima separata (de l' « âme
séparée » dont parle la scolastique) se trouve finalement dépassée,
affirme Benoît XVI.
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« Celui qui croit au Fils a la vie éternelle » -
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THEOLOGIE
a) Le contenu de l'espérance néo-testamentaire de la résurrection
Cet article de la résurrection de la chair nous pose un
singulier dilemme. Nous avons découvert à nouveau que l'homme est
indivisible ; nous vivons notre corporalité avec une intensité nouvelle, et
nous la reconnaissons comme indispensable pour réaliser l'être de l'homme. A
partir de là, nous pouvons mieux comprendre le message biblique qui ne
promet pas l'immortalité à une âme séparée, mais à l'homme tout entier.
C'est ce sentiment qui, dans notre siècle, a poussé surtout la théologie
protestante à s'opposer expressément à la doctrine grecque de
l'immortalité
de l'âme, que l'on considérerait à tort comme une idée chrétienne. Il s'y
exprimerait en réalité un dualisme foncièrement opposé au christianisme ; la
foi chrétienne ne connaîtrait que la résurrection des morts, opérée par la
puissance de Dieu. Mais alors, des objections se présentent immédiatement à
l'esprit : si la doctrine grecque de l'immortalité est problématique,
l'affirmation biblique n'est-elle pas pour nous encore plus difficilement
concevable ? Pour ce qui concerne l'unité de l'homme, c'est bien, mais
comment se représenter à partir de notre vision du monde actuelle, une
résurrection du corps ? Car, cette résurrection impliquerait, semble-t-il,
un ciel nouveau et une terre nouvelle ; elle exigerait des corps immortels,
sans besoins alimentaires, un état de la matière radicalement différent.
Mais tout cela n'est-il pas parfaitement absurde, absolument contraire à
notre intelligence de la matière et de ses propriétés, et donc
inexorablement mythologique ?
Il me semble que de fait l'on ne peut trouver une réponse
qu'en recherchant avec soin les véritables intentions de l'affirmation
biblique et en reconsidérant en même temps le rapport entre les conceptions
bibliques et grecques. Car le contact entre les deux conceptions les a
toutes deux modifiées, et recouvert ainsi les intentions originelles de
l'une et de l'autre voie par une nouvelle vision d'ensemble, que nous devons
d'abord déblayer si nous voulons retrouver le point de départ. L'espérance
de la résurrection des morts représente tout d'abord simplement la forme
fondamentale de l'espérance d'immortalité de la Bible ;
dans le Nouveau
Testament, elle n'apparaît pas vraiment comme une idée complémentaire d'une
immortalité de l'âme antécédente et indépendante, mais comme l'affirmation
fondamentale sur la destinée humaine. Certes, il y avait déjà dans le
judaïsme tardif des amorces pour une doctrine de l'immortalité d'inspiration
grecque, et c'est là probablement une des raisons pour lesquelles on en est
arrivé très vite, dans le monde gréco-romain, à ne plus comprendre dans
toute leur ampleur les implications de l'idée de résurrection. On en vint à
considérer la conception grecque de l'immortalité de l'âme et la prédication
biblique de la résurrection des morts comme apportant chacune une
demi-réponse à la question de la destinée éternelle de l'homme, et on les
ajouta l'une à l'autre. A l'idée grecque de l'immortalité de l'âme, la Bible
aurait ajouté la révélation de la résurrection des corps à la fin des temps,
pour que ceux-ci puissent partager à jamais la destinée de l'âme, pour le
meilleur et pour le pire (damnation ou béatitude).
Contrairement à cette interprétation, nous devons affirmer que primitivement
il ne s'agissait pas de deux conceptions complémentaires; nous nous trouvons
plutôt devant deux représentations générales différentes, que l'on ne
saurait additionner purement et simplement. L'image de l'homme, l'image de
Dieu et l'image de l'avenir est chaque fois totalement différente, de sorte
que l'on peut considérer chacune de ces conceptions comme un essai de
réponse totale à la question de la destinée humaine. La conception grecque
est fondée sur cette représentation que dans l'homme deux substances, de soi
étrangères l'une à l'autre, sont réunies, dont l'une (le corps) se
décompose, alors que l'autre (l'âme) est de soi immortelle et continue de ce
fait à subsister par elle-même, indépendamment de tout autre être.
Et c'est
même en se séparant du corps, étranger à sa nature, que l'âme arrive à
réaliser pleinement son être propre. A l'opposé, la pensée biblique
présuppose l'unité de l'homme ; l'Écriture, par exemple, ne connaît aucun mot
qui ne désignerait que le corps (séparé et distinct de l'âme), et
inversement, le mot âme signifie le plus souvent l'homme tout entier avec le
corps ; les quelques passages où semble se dessiner une autre vision des
choses, oscillent entre la pensée grecque et la pensée hébraïque, sans
renier pour autant l'ancienne conception. La résurrection
des morts (non des
corps !) dont parle l'Écriture, concerne le salut de l'homme tout entier et
non le destin d'une moitié (peut-être même secondaire) de l'homme. Il est
donc clair que l'essence de la foi en la résurrection ne consiste pas dans
l'idée d'une restitution des corps, telle que nous l'imaginons
habituellement ; cela reste vrai même si la Bible se sert couramment de
cette représentation imagée. Mais alors, quel est le véritable contenu de
l'espérance annoncée aux hommes à travers l'expression mystérieuse de
résurrection des morts ? Le meilleur moyen pour dégager ce contenu, c'est,
me semble-t-il, de l'opposer à la conception dualiste de la philosophie
antique :
1) L'idée d'immortalité que la Bible exprime par le mot de résurrection,
vise à une immortalité de la « personne », de l'être un, qu'est l'homme.
Alors que dans la pensée grecque, l'être
typique « homme » est un produit voué à la décomposition, qui ne saurait
survivre en tant que tel, et qui, de par sa composition hétérogène de corps
et d'âme, suit deux voies différentes, dans la pensée biblique, c'est
précisément cet être d'homme qui continue à subsister en tant que tel, bien
qu'il soit transformé.
2) II s'agit d'une immortalité de caractère « dialogique » ( =
ressusciter !) ; cela veut dire que l'immortalité ne résulte pas simplement
d'une non-possibilité naturelle de mort, propre à l'être indivisible ; elle
provient de l'action salvifique de quelqu'un qui nous aime et qui a la
puissance nécessaire : si l'homme ne peut plus être totalement anéanti,
c'est parce qu'il est connu et aimé de Dieu. S'il est vrai que tout amour
veut l'éternité, l'amour de Dieu va bien plus loin ; non seulement il veut
l'éternité, mais il la réalise et il l'est lui-même. De fait, l'idée
biblique de résurrection procède directement de ce thème « dialogique » :
l'homme qui prie sait, dans la foi, que Dieu rétablira le droit (Jb 19,25 ss;
PS 73,23 ss) ; le croyant est convaincu que ceux qui ont souffert pour la
cause de Dieu, auront aussi part à la récompense promise
(2 M 7,9 ss).
L'immortalité décrite par la Bible ne procède donc pas de la puissance
propre d'un être qui serait par lui-même indestructible, mais provient du
fait que cet être est assumé, introduit dans le dialogue avec le Créateur;
et c'est pour cette raison qu'elle s'appelle nécessairement résurrection.
Parce que le Créateur a en vue non pas seulement l'âme, mais l'homme tout
entier, qui se réalise au milieu de la corporalité de l'histoire, parce que
c'est à l'homme tout entier que le Créateur donne l'immortalité, cette
dernière s'appelle nécessairement résurrection des morts = des hommes. Il
faut noter ici que dans la formule de notre Symbole, où il est question de «
résurrection de la chair », le mot « chair » lui aussi est synonyme de «
monde des hommes » (dans le sens des expressions bibliques comme : « toute
chair verra le salut de Dieu », etc.); ici non plus, le mot n'est pas pris
au sens d'une corporalité isolée de l'âme.
3) Le fait que cette résurrection est attendue pour le « dernier jour »,
pour la fin des temps, et dans la communion de tous les hommes, indique le
caractère solidaire de l'immortalité humaine ; celle-ci se réfère à
l'ensemble de l'humanité, l'individu ayant vécu, et arrivant donc à sa
béatitude ou à sa perte, en dépendance de la totalité, avec elle et ordonné
à elle. Ce n'est là au fond qu'une conséquence naturelle du caractère propre
de l'idée biblique d'immortalité, qui voit l'homme dans sa totalité.
Pour la
pensée grecque, le corps et donc aussi l'histoire restent extérieurs à
l'âme ; celle-ci peut exister séparément et n'a pas besoin pour cela d'un
autre être. Au contraire, pour l'homme conçu comme unité, la solidarité avec
les autres est quelque chose de constitutif ; si c'est lui qui doit continuer
à vivre, cette dimension ne saurait manquer. Ainsi apparaît résolue, par un
retour à la pensée biblique, la question souvent débattue de la possibilité
d'une communion des hommes entre eux après la mort
; cette question ne
pouvait, en fin de compte, se poser que par suite d'une prépondérance de
l'élément grec au point de départ de la réflexion : là où l'on croit à la «
communion des saints », l'idée de l'anima separata
(de l' « âme séparée »
dont parle la scolastique) se trouve finalement dépassée,
affirme Benoît XVI.
Ces idées ne pouvaient recevoir toute leur ampleur qu'à travers la
réalisation concrète de l'espérance biblique dans le Nouveau Testament ;
l'Ancien Testament, en effet, laisse en fin de compte le problème de
l'avenir de l'homme en suspens. Ce n'est qu'avec le Christ, - l'homme qui
est « un avec le Père », l'homme grâce à qui l'être de l'homme est entré
dans l'éternité de Dieu, - que l'avenir de l'homme apparaît définitivement
ouvert. C'est seulement en lui, le « second Adam », que la question qu'est
l'homme lui-même trouve une réponse. Le Christ est homme pleinement;; la
question que nous sommes est donc présente en lui. Mais en même temps il est
la « parole de Dieu » adressée aux hommes. Le dialogue entre Dieu et l'homme
poursuivi depuis les origines de l'histoire, parvient en lui à un stade
nouveau : en lui, la parole de Dieu est devenue « chair », elle s'est
insérée réellement dans notre existence. Or, si le dialogue de Dieu avec
l'homme est synonyme de vie, s'il est vrai que le partenaire de Dieu dans ce
dialogue possède la vie du fait même qu'il est interpellé par celui qui vit
éternellement, cela signifie que le Christ, parole de Dieu à nous adressée,
est lui-même « la résurrection et la vie » (Jn
ll, 25). Cela signifie, en
outre, que l'entrée dans le Christ, c'est-à-dire la foi, devient en un sens
nouveau une entrée dans ce dialogue où Dieu nous connaît et nous aime, ce
qui est l'immortalité : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle
» (Jn
3, 15 s; 3, 36; 5, 24). C'est à partir de là seulement que l'on peut
comprendre la pensée du quatrième Évangéliste, qui veut faire saisir à son
lecteur, à travers le récit de la résurrection de Lazare, que la
résurrection n'est pas simplement un événement lointain au terme de
l'histoire, mais un fait actuel qui se réalise par la foi. Celui qui croit a
engagé avec Dieu un dialogue qui est vie et qui se continue après la mort.
Ainsi se rejoignent finalement, d'une part la ligne « dialogique », se
référant directement à Dieu, et d'autre part la ligne de la solidarité
humaine, qui ensemble constituent l'idée biblique d'immortalité. En effet,
dans le Christ-homme, nous rencontrons Dieu ; mais en lui nous rencontrons
également la communauté des autres, dont le chemin vers Dieu passe par lui
et converge donc vers lui. L'orientation vers Dieu devient du même coup en
lui orientation vers la communion des hommes ; ce n'est qu'en acceptant cette
communion que l'on marche vers Dieu, car Dieu ne se trouve pas en dehors du
Christ, ni par le fait même en dehors de la trame de l'histoire humaine et
de sa destination communautaire.
Cela éclaire également la question, souvent discutée au temps des Pères et à
nouveau depuis Luther, concernant l' « état intermédiaire » entre la mort et
la résurrection. Cet « être avec le Christ » inauguré dans la foi, est déjà
le commencement d'une vie ressuscitée, qui continue donc au-delà de la mort
(Ph 1, 23; 2 Co 5, 8; 1 Th 5, 10). Le dialogue de la foi est déjà maintenant
une vie qui ne peut plus être brisée par la mort. L'idée du sommeil de la
mort, continuellement reprise par les théologiens luthériens et récemment
avancée aussi par le Catéchisme Hollandais, ne peut donc se soutenir au
regard du Nouveau Testament, ni se justifier par l'emploi répété du mot «
dormir » que l'on y rencontre : l'univers spirituel du Nouveau Testament
s'oppose radicalement à une telle interprétation, qui serait aussi du reste
difficilement concevable vu le stade auquel était parvenue, dans le judaïsme
tardif, la réflexion sur la vie après la mort.
A suivre : L'immortalité essentielle de l'homme
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Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 25.03.2023
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