L’Enfant roi et l’Enfant mendiant |
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Bruxelles, le 24 décembre 2007 -
(E.S.M.) - La nuit de Noël, le Très-Haut nous
a élevés d’un état de mendiant à la condition royale. Désormais, nous
sommes tous de sa famille, enfants de Roi, princes du Roi de l’univers.
Regardons l’Enfant dans la crèche pour l’adorer. Mais n’oublions pas ses
milliards de petits frères et de petites sœurs partout dans le monde et
tout près de chez nous.
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Les
enfants soldats: leurs jouets sont remplacés par un fusil. Leur jeu est de
tuer - Agrandir
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C'est ici
L’Enfant roi et l’Enfant mendiant
Nous vous proposons la lecture le message de Noël du cardinal Danneels. Si
vous voulez suivre la messe de minuit célébrée par le pape Benoît XVI ce
soir dans la basilique vaticane, voici les liens de la télévision du Vatican ►
ici et de KTO ►
ici qui proposent de suivre la cérémonie
en direct.
Noël 2007 -
Homélie du cardinal Godfried Danneels
(Belgique)
Sainte et joyeuse fête de Noël! Que la paix de l’Enfant dans la crèche
descende dans vos cœurs et soit avec tous ceux et celles qui vous sont
chers.
L’Enfant dans la crèche : Un enfant comme les autres ?
Non. Cet Enfant est le Fils de Dieu. L’Église – depuis deux millénaires –
professe que cet Enfant est Dieu lui-même venu habiter parmi nous. A partir
de cette sainte nuit de Bethléem, l’homme n’est donc plus jamais seul. Dieu
est avec nous: Il est «Emmanuel». Au milieu de la nuit, alors qu’un profond
silence enveloppait tout l’univers, son Verbe a quitté le trône céleste pour
épouser notre pauvre nature humaine.
Oui, ce petit enfant couché dans une mangeoire n’est pas comme les autres.
Il ne demande pas seulement que nous nous penchions sur sa crèche avec
attendrissement pour le choyer et le caresser, mais aussi que nous nous
mettions à genoux pour l’adorer: «Venite adoremus» – «Venez,
adorons-le», chante un vieux cantique de Noël.
Enfant-Dieu, oui. Mais non moins aussi enfant comme
tous les autres
Il est né d’une mère humaine. En cette nuit de Noël, Dieu nous demande non
seulement de le regarder Lui-même, mais également de poser notre regard sur
chaque enfant, vivant parmi nous. Regardons-les donc pendant quelques
instants ces innombrables petits êtres humains ici près de nous. Car l’Enfant-Dieu
peut nous apprendre beaucoup de choses sur tous ses petits frères et sœurs
de la terre.
Dans nos régions, l’enfant est roi. Il est
l’accomplissement du rêve de ses parents et un bonheur incomparable pour le
couple. Aussi le comble-t-on de cadeaux. Dès sa naissance, ces cadeaux se
mettent à se multiplier au rythme du cycle des fêtes – de saint Nicolas à
Noël en passant par Carnaval, Pâques et Halloween. Et j’en passe. L’enfant
est couvert de cadeaux, alors que pour sa part l’enfant ne peut offrir à ses
parents que lui-même : Il est, en effet, le plus grand cadeau qu’ils
puissent imaginer.
Mais souvent, c’est sans que les parents ne s’en rendent compte que l’enfant
leur apporte un cadeau bien plus précieux encore que tous ceux que ceux-ci
lui offrent: Il leur enseigne le véritable amour. Car l’enfant fait à ses
parents le cadeau de pouvoir vivre en altérité. Et telle est la condition
même de tout amour authentique. L’enfant, en effet, est le tout autre. Et
étant cet «autre» et tout petit, il ne peut demander que d’être aimé tel
qu’il est. Ainsi introduit-il ses parents dans ce lent apprentissage de
l’amour, qui les mène à aimer l’autre, non pas malgré son altérité, mais
parce qu’il est différent. En cela, l’enfant est vraiment roi, car il fait à
ses parents un cadeau royal que personne d’autre ne peut faire. Ce cadeau
royal, c’est de pouvoir aimer d’un amour vrai.
Ce véritable amour implique autre chose encore : L’enfant réclame non
seulement d’être pris tel qu’il est, mais il demande en outre d’être
respecté. Ce respect requiert plus que de la tendresse et de la générosité à
chaque fête. Oui –l’enfant est roi, mais il n’en demeure pas moins aussi
mendiant. Ce tout-petit mendie tout d’abord de ses parents qu’ils assument
le risque qu’ils ont pris en lui donnant la vie. Ils le feront en lui
permettant de tracer sa propre route. Tel est le risque du lâcher-prise. Le
respect n’implique-t-il pas, en outre, que l’enfant ne soit pas obligé
d’épouser les rêves de ses parents ? Rêves que ceux-ci n’ont souvent pas pu
réaliser eux-mêmes et que – faute de mieux – ils projettent sur leur
progéniture ?
L’enfant surprotégé, l’enfant surchargé, l’enfant
divisé
Mais le respect de l’enfant va plus loin encore: Ce tout-petit mendie de ses
parents de ne pas être surprotégé. Il leur demande de ne pas être comblé de
cadeaux par une sorte de largesse «anticipatrice» et «préventive», avant
même d’avoir eu le temps de les désirer. D’ailleurs, lorsque le cadeau
devient presque un droit et un dû et qu’il perd son caractère de gratuité et
de surprise, est-il encore cadeau ?
Et l’enfant ne mendie-t- il pas aussi de ses parents de ne pas être pris de
court, en étant obligé d’entrer dans la société de consommation, avant
d’avoir pu la choisir ? D’être de la sorte prédestiné à entrer dans le
cercle vicieux du stress qui s’appelle: «tout, tout de suite et pour
toujours»?
Et puis, l’enfant mendie également de ne pas être surchargé. Les jours de
vacances scolaires, doit-il nécessairement faire mille et une choses tout à
la fois: être conduit de l’école de ballet à l’académie de musique et de là,
au club de tennis ? Tout cela est fait pour son bien, bien entendu.
N’empêche que de la sorte les mercredis après-midi et les samedis s’en
trouvent plus chargés encore que les autres jours de la semaine. Oui,
respecter l’enfant signifie aussi de ne pas le surprotéger et de ne pas le
surcharger.
Enfin, il y le nombre croissant d’enfants de couples désunis –
enfants nomades – qui n’ont pas de chez soi, puisqu’ils en ont deux.
Les enfants au loin et enfants tout près
Pourtant, ce n’est pas le plus grave. D’innombrables enfants ne sont – eux
–presque que des enfants mendiants. En général, nous ne les voyons qu’en
image ou derrière le verre de notre télé, un peu comme au musée. Il y a, en
effet, la foule innombrable des enfants qui n’ont rien, si ce n’est la
faim et la soif, la maladie, la violence et les abus. Ceux-là n’ont pas
le problème des mercredis et samedis surchargés. Ce sont les autres jours de
la semaine qui sont vides. Ils n’ont que des vacances et pas d’année
scolaire. Et de ce fait même, ce ne sont plus des vacances. Pire encore, il
y a les enfants soldats: leurs jouets sont remplacés par un fusil.
Leur jeu est de tuer. Certes, ils ont sans doute aussi leurs petites joies
enfantines – jouir du soleil et de l’eau de la rivière, du moins quand l’eau
est claire. Mais ils n’en restent pas moins des enfants mendiants. Deux
mille ans après Jésus, il n’y a pas encore de place pour eux dans l’auberge.
Enfin, plus près de nous, je ne puis m’empêcher en cette nuit de penser à
ces enfants qui sont dans des centres fermés. Ils ne sont pas loin. Ils
sont parmi nous. Est-ce bien là leur place ? Non. Le biotope de l’enfant est
ailleurs. Je sais que c’est un problème délicat et très difficile à
résoudre. Mais ce serait grave si – à la longue – nous en arriverions à
considérer qu’une anesthésie de notre mauvaise conscience à leur égard, soit
la seule solution. Ces enfants mendiants n’en resteront pas moins devant
notre porte.
Ce que vous avez fait à l’un de ces petits …
Frères et sœurs, Dieu a voulu se montrer à nous – tout d’abord – comme un
petit enfant. C’est une invitation pressante à une immense action de grâce
de notre part. La nuit de Noël, le Très-Haut nous a élevés d’un état de
mendiant à la condition royale. Désormais, nous sommes tous de sa famille,
enfants de Roi, princes du Roi de l’univers. Regardons l’Enfant dans la
crèche pour l’adorer. Mais n’oublions pas ses milliards de petits frères et
de petites sœurs partout dans le monde et tout près de chez nous. En ce
temps de Noël – de grâce – faisons un geste généreux et concret en faveur
d’un enfant, qu’il soit au loin et inconnu ou tout près de chez nous. Car
ils sont plus proches de nous tous, ces petits mendiants d’amour – beaucoup
plus proches – que nous ne le pensons.
+ Godfried Card. Danneels
Archevêque de Malines-Bruxelles
NDRL: Dans l'esprit de cet article ci-dessus,
nous souhaitions vous rappeler la situation des enfants au Rwanda
déjà évoquée à plusieurs reprises. Reportez-vous à cette page
"les enfants du Rwanda" et vous pourrez ainsi lire comment les aider.
Pour eux merci. La rédaction
Sources: Conférence des évêques de Belgique
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 24.12.2007 - BENOÎT XVI
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