Le mystère de NOËL:
le Tout-Puissant incarné
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Nous publions la Méditation du Mystère de la
Nativité que nous a envoyée Nestor Turcotte, Philosophe (Matane, Québec). Il nous parle du Tout-puissant incarné. Il est, dit-il, Celui qui se cache, depuis deux mille ans, au cœur du monde. Il est celui qui vit au cœur de l’homme, fait à l’image et à la ressemblance de son Créateur, en amour et en folie d’amour pour sa créature.
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Le mystère de NOËL : le Tout-Puissant incarné
Nestor Turcotte
L’Incarnation du Fils de Dieu ne peut s’éclairer qu’en relation avec le mystère de la Trinité. L’Être de Dieu trine est surabondance intérieure. La vie des trois Personnes divines a besoin de s’épancher, de dire son Amour. Dieu, en trois Personnes, dans un mystère d’amour incompréhensible, a dit son Amour, une première fois, en tirant du néant la création visible et invisible. La création est don permanent de l’Amour de Dieu à tout être qui a besoin, pour subsister dans l’être, de celui qui est l’Être absolu et de qui dépend tout être qui n’a pas l’être par lui-même et qui, forcément, n’aurait pas l’être si l’Être absolu ne lui donnait pas d’être. La création actuelle est contingente.
Dieu va manifester son amour trinitaire, une autre fois et d’une façon plus éclatante encore, en envoyant son Fils incarné, c’est-à-dire en s’unissant d’une manière immédiate à une nature individuelle. Création et Incarnation, deux mystères d’une profondeur insondable et qu’on ne peut séparer. «O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu. Que ses décrets sont insondables et ses voies incompréhensibles…» (Rm 1,33).
Le refus de l’Incarnation
Deux attitudes religieuses, habituellement opposées entre elles, refusent d’adhérer au mystère de l’Incarnation, selon l’acceptation chrétienne. L’une invoque uniquement la notion d’immanence; l’autre uniquement la notion de transcendance.
Les religions antiques rejettent la notion d’Incarnation selon le sens chrétien parce qu’elles imaginent Dieu comme une puissance impersonnelle plus ou moins confondue avec le monde. Le monde physique leur apparaît comme une sorte d’incarnation anonyme du monde divin.
La thèse de l’immanence se retrouve dans l’animisme et dans les religions appelées cosmiques. Dieu est alors connu à travers les phénomènes de la nature. Le Créateur est immergé dans son œuvre. Une autre doctrine de l’incarnation se retrouve dans la grande tradition brahmaniste ou hindouiste. Les avatars, c’est-à-dire les Descentes – forcément multiples – sont les manifestations incarnées de la divinité.
Ces multiples formes d’incarnation de la divinité dans le monde surtout oriental posent plusieurs questions. Elles parlent de Dieu dans le monde mais ne marquent pas suffisamment la distance infinie entre le Créateur et la créature. L’animisme risque de faire disparaître, d’immerger la divinité dans le cosmos. L’hindouisme et le brahmanisme risquent de résorber le cosmos dans la divinité.
L’Islam refuse le mystère de l’Incarnation tel que soutenu par le christianisme. Il admet le Dieu unique, personnel, transcendant, créateur de l’univers. Dieu, selon l’Islam, est trop pur, trop grand, trop saint pour s’incarner. «Dieu est Dieu» veut dire : Dieu est incommunicable. En ce sens, Dieu ne peut être Trine ni se révéler dans le mystère du Dieu fait homme.
Le don unique du Fils de Dieu
La foi chrétienne, tout en respectant les autres grandes religions, enseigne que l’Incarnation de Dieu n’est pas impossible. Elle suppose une donation plénière de Dieu à l’humanité. Et que celle-ci ne peut se faire en plusieurs étapes, qu’elle ne peut se faire qu’une seule fois. «Le Christ, après s’être offert une seule fois (hapax)…, apparaîtra une seconde fois, pour leur salut, à ceux qui l’attendent» (He 9, 28) .
La présence du Fils de Dieu incarné dans le monde n’est donc pas anodine. Jésus incarné est Fils de Dieu par nature, afin que chacun puisse être fils de Dieu par grâce. Il est l’Unique engendré venant dans l’humanité pour que chacun puisse Être en lui fils par adoption. Dieu en s’incarnant attache l’humanité au Christ qui devient la Tête de la nouvelle humanité restaurée, autour du Corps mystique qu’est l’Église. Il est possible d’approcher ce mystère de foi. Il est impossible d’en saisir toute la portée.
Et le Verbe s’est fait chair
Conventionnellement, les catholiques et certaines confessions chrétiennes du monde entier célèbrent, le 25 décembre, la naissance du Sauveur. Distraits, accaparés par le folklore qui dénature l’événement, ils oublient en cela l’essentiel. L’essentiel, le voici.
Un éminent théologien, en peu de mots, résume l’événement. Le Verbe, le Fils, seconde Personne de la Trinité divine, qui est Dieu éternellement, s’est fait homme, il y a deux mille ans; il s’est adjoint étroitement une nature humaine pour pouvoir habiter au milieu de nous; désormais il possède pour toujours, dans son unique Personne divine, deux natures, deux vies, l’une incréée et divine, l’autre créée et humaine. Voilà Jésus. Voilà l’immense et adorable mystère de l’Incarnation. Le point central de ce mystère : l’union en la seule Personne divine de Jésus de deux natures, celle de la divinité incréée et celle de l’humanité créée.
La folie de l’Incarnation
Les chrétiens n’imposent pas cette vision de Dieu et de l’homme. Il la propose, dans la foi. Aux yeux de la plupart des religions de ce monde, ce geste de Dieu est inadmissible. Mais la foi chrétienne accepte que Dieu aime l’humanité d’un amour et d’une folie aussi grande qu’il consent à venir parmi ses créatures pour restaurer ce que la liberté a permis de faire : détruire le plan originel de Dieu. Car, le christianisme est une foi en un Dieu d’Amour et une foi immesurée dans la personne humaine. En sa liberté. Le christianisme est la seule religion à avoir poussé aussi loin le respect de la liberté humaine.
Tant que les chrétiens n’auront pas compris que Noël est une folie de l’amour de Dieu, ils n’auront rien compris au mystère de Noël. Tant qu’ils n’auront pas compris que la foi chrétienne c’est croire en cette folie, ils n’auront pas compris ce qu’est la foi.
La nouvelle crèche de Jésus
Le Dieu des chrétiens est donc un Dieu à la fois transcendant et immanent.
Il est le Tout-puissant incarné
. Il est Celui qui se cache, depuis deux mille ans, au cœur du monde. Il est celui qui vit au cœur de l’homme, fait à l’image et à la ressemblance de son Créateur, en amour et en folie d’amour pour sa créature.
Il donne un signe particulier de sa présence dans ce monde, comme il le donna, la première nuit de Noël : les pauvres qui vinrent l’accueillir dans l’humble mangeoire de Bethléem. C’est dans le cœur du pauvre, de l’humble, du méprisé, du rejeté que son Visage rayonne et se révèle. A chaque fois qu’un homme reconnaît la dignité de l’homme sur tous les chemins des hommes, Dieu s’incarne. Il tient sa promesse : «Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles».
Les chrétiens ne doivent pas chercher Dieu dans un au-delà imaginaire. Ils doivent le trouver sur tous les chemins de leur existence humaine. Dans la main tendue à la sortie d’un métro, dans le mendiant gelé dans une rue de la métropole, dans l’enfant affamé, humilié, abandonné dans le Tiers-Monde, dans le jeune près du suicide, le malade agonisant, le grand-papa et la grand-maman isolés et esseulés dans les milieux hospitaliers. Dieu parle, se montre, donne des signes. Se pourrait-il que tant de chrétiens, distraits par les attractions de ce monde, ne reconnaissent plus le Dieu qui les a visités, il y a deux mille ans, et qui pleure, au quotidien, sur les chemins de la vie?
Dieu se manifestera une dernière fois dans le monde. L’Église catholique, en célébrant l’Eucharistie chante qu’elle attend son retour divin. Distraits ou pas, cette troisième et dernière manifestation ne pourra pas nous échapper. En attendant…Dieu est là. Il est le Tout-puissant incarné qui attend qu’une porte lui soit ouverte. Les temps sont accomplis : à chacun de les réaliser dans sa vie personnelle.
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M. Turcotte nous
écrit au sujet de l'article qui suit: " Comme vous avez pu vous en rendre
compte, je me suis largement inspiré du grand livre de Benoît XVI, Foi hier et
aujourd'hui. Merci de faire la promotion de ce grand livre.
Je souhaiterais bien que celui-ci se
retrouve dans toutes les mains des catholiques du monde entier."
Benoît XVI : sa conception de la foi
chrétienne.
Eucharistie,
Sacrement de la Miséricorde. 24.12.2005/MEDITATION
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