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Benoît XVI : texte intégral de la 59e catéchèse
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ROME, Jeudi 24 août 2006. Le Vatican vient de publier le texte
intégral de la 59e Audience générale du pape Benoît XVI. Le pape
nous rappelle que Jean, en tant qu'apôtre et ami de Jésus, nous fait
voir quels sont les éléments, ou mieux, les étapes de l'amour
chrétien, un mouvement caractérisé par trois moments.
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Saint Jean le théologien
BENOÎT XVI -
59e AUDIENCE GÉNÉRALE
Jean, le
théologien
Chers frères et soeurs,
Avant les vacances, rappelle Benoît XVI,
j'avais commencé de brefs portraits des douze Apôtres. Les Apôtres étaient
les compagnons de route de Jésus, les amis de Jésus et leur chemin avec
Jésus n'était pas seulement un chemin extérieur, de la Galilée à Jérusalem,
mais un chemin intérieur, dans lequel ils ont appris la foi en Jésus Christ,
non sans difficulté, car ils étaient des hommes comme nous. Mais c'est
précisément pour cela, parce qu'ils étaient compagnons de route de Jésus,
des amis de Jésus qui ont appris la foi sur un chemin difficile, qu'ils sont
aussi des guides pour nous, qui nous aident à connaître Jésus Christ, à
l'aimer et avoir foi en Lui. J'ai déjà parlé de quatre des douze Apôtres:
Simon Pierre, son frère André, Jacques, le frère de saint Jean, et l'autre
Jacques, dit "le Mineur", qui a écrit une Lettre que nous trouvons dans le
Nouveau Testament. Et j'avais commencé à parler de Jean l'évangéliste, en
recueillant dans la dernière catéchèse avant les vacances les informations
essentielles qui définissent la physionomie de cet Apôtre. Je voudrais à
présent concentrer l'attention sur le contenu de son enseignement.
Les écrits qui feront l'objet de notre intérêt
aujourd'hui sont donc l'Evangile et les Lettres qui portent son nom.
S'il est un thème caractéristique qui ressort des écrits de Jean,
précise Benoît XVI, c'est l'amour. Ce n'est pas par hasard que j'ai voulu
commencer ma première Lettre encyclique par les paroles de cet Apôtre: "Dieu
est amour (Deus
Caritas Est); celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu
et Dieu demeure en lui" (1 Jn 4, 16). Il est très
difficile de trouver des textes de ce genre dans d'autres religions.
Et ces expressions nous placent donc face à un concept très particulier du
christianisme. Assurément, Jean n'est pas l'unique auteur des origines
chrétiennes à parler de l'amour. Etant donné qu'il s'agit d'un élément
constitutif essentiel du christianisme, tous les écrivains du Nouveau
Testament en parlent, bien qu'avec des accents divers. Si nous nous arrêtons
à présent pour réfléchir sur ce thème chez Jean, c'est parce qu'il nous en a
tracé avec insistance et de façon incisive les lignes principales. Nous nous
en remettons donc à ses paroles. Une chose est certaine: il ne traite pas de
façon abstraite, philosophique ou même théologique de ce qu'est l'amour.
Non, ce n'est pas un théoricien. En effet, de par sa nature, le véritable
amour n'est jamais purement spéculatif, mais exprime une référence directe,
concrète et vérifiable à des personnes réelles. Et Jean, en tant qu'apôtre
et ami de Jésus, nous fait voir quels sont les éléments, ou mieux, les
étapes de l'amour chrétien, un mouvement caractérisé par trois moments.
Le premier concerne la Source même
de l'amour, que l'Apôtre situe en Dieu, en allant jusqu'à
affirmer, comme nous l'avons entendu, que "Dieu est Amour" (1 Jn 4, 8.16).
Jean est l'unique auteur de Nouveau Testament à nous donner une sorte de
définition de Dieu. Il dit par exemple que "Dieu est esprit" (Jn 4, 24) ou
que "Dieu est Lumière" (1 Jn 1, 5). Ici, il proclame avec une intuition
fulgurante que "Dieu est amour". Que l'on remarque bien: il n'est pas
affirmé simplement que "Dieu aime" ou encore moins que "l'amour est Dieu"!
En d'autres termes: Jean ne se limite pas à décrire l'action divine, mais va
jusqu'à ses racines. En outre, il ne veut pas attribuer une qualité divine à
un amour générique ou même impersonnel; il ne remonte pas de l'amour vers
Dieu, mais se tourne directement vers Dieu pour définir sa nature à travers
la dimension infinie de l'amour. Par cela, Jean veut dire que l'élément
constitutif essentiel de Dieu est l'amour et donc toute l'activité de Dieu
naît de l'amour et elle est marquée par l'amour: tout ce que Dieu fait, il
le fait par amour et avec amour, même si nous ne pouvons pas immédiatement
comprendre que cela est amour, le véritable amour.
Mais, à ce point, il est indispensable de faire un pas en avant et
de préciser que Dieu a démontré de façon concrète son amour en entrant dans
l'histoire humaine à travers la personne de Jésus Christ incarné, mort et
ressuscité pour nous. Cela est le second moment constitutif de
l'amour de Dieu. Il ne s'est pas limité à des déclarations verbales, mais,
pouvons-nous dire, il s'est véritablement engagé
et il a "payé" en personne. Comme l'écrit précisément Jean, "Dieu a tant
aimé le monde (c'est-à-dire nous tous), qu'il a donné son Fils unique" (Jn
3, 16). Désormais, l'amour de Dieu pour les hommes se concrétise et se
manifeste dans l'amour de Jésus lui-même. Jean écrit encore: Jésus "ayant
aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'à la fin" (Jn 13,
1). En vertu de cet amour oblatif et total, nous sommes radicalement
rachetés du péché, comme l'écrit encore saint Jean: "Petits enfants [...]
si quelqu'un vient à pécher, nous avons comme avocat
auprès du Père Jésus Christ, le Juste. C'est lui qui est victime
de propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi
pour ceux du monde entier" (1 Jn 2, 1-2; cf. 1 Jn 1, 7). Voilà jusqu'où est
arrivé l'amour de Jésus pour nous: jusqu'à l'effusion de son sang pour notre
salut! Le chrétien, en s'arrêtant en contemplation devant cet "excès"
d'amour, ne peut pas ne pas se demander quelle est la réponse juste. Et je
pense que chacun de nous doit toujours et à nouveau se le demander.
Cette question nous introduit au troisième moment du mouvement de
l'amour, poursuit Benoît XVI: de destinataires qui recevons un amour qui
nous précède et nous dépasse, nous sommes appelés à
l'engagement d'une réponse active qui, pour être adéquate, ne
peut être qu'une réponse d'amour. Jean parle d'un "commandement". Il
rapporte en effet ces paroles de Jésus: "Je vous donne un commandement
nouveau: vous aimer les uns les autres; comme je vous ai aimés, aimez-vous
les uns les autres" (Jn 13, 34). Où se trouve la nouveauté dont parle Jésus?
Elle réside dans le fait qu'il ne se contente pas de répéter ce qui était
déjà exigé dans l'Ancien Testament, et que nous lisons également dans les
autres Evangiles: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Lv 19, 18; cf.
Mt 22, 37-39; Mc 12, 29-31; Lc 10 27). Dans l'ancien précepte, le critère
normatif était tiré de l'homme ("comme toi-même"), tandis que dans le
précepte rapporté par Jean, Jésus présente comme
motif et norme de notre amour sa personne même: "Comme je vous ai
aimés". C'est ainsi que l'amour devient véritablement chrétien, en portant
en lui la nouveauté du christianisme: à la fois dans le sens où il doit
s'adresser à tous, sans distinction, et surtout dans le sens où il doit
parvenir jusqu'aux conséquences extrêmes, n'ayant d'autre mesure que d'être
sans mesure. Ces paroles de Jésus, "comme je vous
ai aimés", nous interpellent et nous préoccupent à la fois; elles
représentent un objectif christologique qui peut apparaître impossible à
atteindre, mais dans le même temps, elles représentent un encouragement qui
ne nous permet pas de nous reposer sur ce que nous avons pu réaliser. Il ne
nous permet pas d'être contents de ce que nous sommes, mais nous pousse à
demeurer en chemin vers cet objectif.
Le précieux texte de
spiritualité qu'est le petit livre datant de la fin du Moyen-Age intitulé
Imitation du Christ, écrit à ce sujet: "Le noble amour de Jésus nous pousse
à faire de grandes choses et nous incite à désirer des choses toujours plus
parfaites. L'amour veut demeurer élevé et n'être retenu par aucune bassesse.
L'amour veut être libre et détaché de tout sentiment terrestre... En effet,
l'amour est né de Dieu et ne peut reposer qu'en Dieu, par-delà toutes les
choses créées. Celui qui aime vole, court, et se réjouit, il est libre, rien
ne le retient. Il donne tout à tous et a tout en toute chose, car il trouve
son repos dans l'Unique puissant qui s'élève par-dessus toutes les choses,
conclut Benoît XVI, dont jaillit et découle tout bien" (Livre III, chap. 5).
Quel meilleur commentaire du "commandement nouveau" énoncé par Jean? Prions
le Père de pouvoir le vivre, même de façon imparfaite, si intensément, au
point de contaminer tous ceux que nous rencontrons sur notre chemin.
Benoît XVI a centré sa catéchèse sur l'apôtre Jean
et plus particulièrement sur l'amour immense de Dieu révélé dans son Fils
Jésus-Christ. Lire la synthèse:
»
Benoît XVI
Sources: Vatican 09.08.2006
Eucharistie sacrement de la miséricorde - 24.08.2006 - BENOÎT XVI -
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