La sainteté "light" et le désir de
Dieu |
|
Le 24 juin 2009 -
(E.S.M.)
-
Le désir de Dieu, désir de vérité et donc désir vrai ou vrai désir, nous met
debout et nous fait vivre, avec "une puissance" comme dirait
saint Paul, une intensité que nous ne réalisons pas tant que
nous restons étrangers à l'aventure. (blogspot)
|
La sainteté "light" et le désir de Dieu
par l'abbé Guillaume de Tanoüarn
Le 24 juin 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
Il y a des anglicismes qui n'ont pas d'équivalents en français, celui-là par
exemple, que l'on peut facilement rapprocher d'un autre : soft, par exemple
dans l'expression si bien trouvée soft idéologie qui caractérise notre
aujourd'hui. Les idéologies ont perdu leur mordant, c'est incontestable.
Elles n'ont rien perdu de leur prégnance. Nous restons englués dans une
vision du monde où le positionnement idéologique (devenu virtuel pourtant et
quasi vide de signification) a plus d'importance sociale que la pensée
personnelle. On peut penser que c'est moins grave, l'idéologie, parce que
c'est soft : plus d'Auschwitz, plus de Goulags. Mais toujours moins de force
vitale. Toujours moins de pensée. Toujours moins de responsabilités
personnelles. Toujours plus de confort. Toujours plus de consensus. toujours
plus conformité collective et de conformisme.
Ce conformisme, saint Paul nous l'interdit : Nolite conformari huic
saeculo, ne vous conformez pas à ce siècle. Quand il y a unanimité
quelque part sur un pb moral ou spirituel, c'est mauvais signe ! Ne vous
conformez pas, ne rentrez pas dans la logique de l'imitation, qui, comme
l'explique René Girard est celle de l'envie. Ou alors - toujours saint Paul
- "Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ".
La seule imitation qui n'est pas mortifère est celle du Christ. Pourquoi ?
Bérulle, le grand cardinal de la dévotion française l'explique à l'envi,
cette imitation-là n'est pas de notre fait, elle se réalise en nous par lui.
Il le dit et le répète : "Jésus est le vrai peintre de soi-même". Son éclat
se reproduit sur nos âmes comme sur des miroirs, sans que nous y prenions
garde. C'est lui qui s'imite en nous. Ou alors c'est artificiel. Ou alors
nous essayons de l'imiter sans beaucoup de succès.
Est-ce à dire que nous sommes purement passifs et que les quiétistes ont
raison ? Non ! Pour que le Christ s'imite en nous, encore faut-il que nous
l'admirions, que nous nous tournions vers lui, que nous désirions comprendre
son image. Un miroir ne reflète rien s'il est mal orienté. Si nous ne nous
orientons pas de toute notre liberté vers le Christ, le Christ ne peut pas
s'imiter en nous.
Nous, c'est vrai, nous aimerions imiter ce que nous comprenons de lui. Pour
l'un ce sera son humilité. Pour l'autre, sa puissance sur les foules. Pour
un troisième sa proximité merveilleuse avec le Père. Si nous n'aimons pas
assez le Christ, si notre amour n'est pas assez actif, s'il n'est pas
vraiment inconditionnel, alors nous choisissons tel ou tel aspect du Christ,
tel ou tel enseignement du christianisme.
Celui qui est vraiment actif, non seulement il choisit tout, mais il est
prêt à tout, à n'importe quel moment de sa vie, sans souci de cursus ou de
ses préférences personnelles. Cette "indifférence", caractérisée génialement
par saint Ignace dans ses Exercices, n'a rien à voir avec la passivité du
fatalisme. Cette indifférence est le propre de celui qui, littéralement est
prêt à tout. La sainteté c'est cela : être prêt à tout pour Dieu et avec
Dieu.
Dans toute sainteté, il y a une forme de radicalisme. Pas de demi mesure.
Pas de demi foi. La sainteté disait sainte Thérèse d'Avila, c'est quelque
chose de viril : "Soyez viriles mes filles". La sainteté ne procède pas
seulement du choix de Dieu, mais du désir qui nous oriente vers lui. Sans ce
désir, rien ne se passe.
C'est ce qui me choque dans certains portraits de saints ou de saintes, qui
ont illustré les années 60, autrement dit les fameuses Glorieuses dont parle
Fourastier. Je viens de lire Pauvre et saint curé d'Ars de Mgr Pézeril :
c'est un peu cela. Le géant devient surtout un gentil. Oui : gentil curé
d'Ars. Rémi Soulier l'avait remarqué en son temps. On gomme les aspérités du
personnages ou alors on les fait servir à une démythification du bonhomme,
dépressif, cyclothymique, comme nous tous ! Idem pour sainte Thérèse de
l'Enfant Jésus racontée par Jean François Six : une jeune fille trop
imaginative et qui le paiera cher... Le bouquet, c'est le relooking du Père
de Foucault : ce mauvais garçon, qui fonda un bordel militaire et passa sa
vie à faire pénitence, on en fait une sorte de feignasse, donneur de leçons
retiré de tout, spécialiste de l'inculturation et de l'enfouissement, dont
on tâche d'oublier le martyre. La Congrégation des petits frères et des
petites sœurs paiera cher une telle erreur de lecture.
Il n'y a pas de sainteté light. La sainteté est une conversion du désir.
Jamais son abolition. C'est la raison pour laquelle, même si les saints
peuvent avoir leur déséquilibre, la sainteté qui commence par ce désir
éperdu de Dieu et de l'image du Christ en nous, suppose, en tant que désir
réalisé, une intégration psychologique et un équilibre, qui se réalise sans
doute à des hauteurs dont on n'a pas l'habitude, mais qui ne peut pas se
réaliser dans l'abandon, le mal de vivre ou une ataraxie quelconque, qu'elle
soit subie ou suscitée.
Le désir de Dieu, désir de vérité et donc désir vrai ou vrai désir, nous met
debout et nous fait vivre, avec "une puissance" comme dirait saint Paul, une
intensité que nous ne réalisons pas tant que nous restons étrangers à
l'aventure. Pas de déséquilibrés parmi les saints. La sainteté est un
équilibre, parce qu'elle est un désir qui trouve son objet et s'y complaît.
Si ce désir vous prend ou vous a pris le cœur, ne croyez pas que vous le
satisferez de manière light, en restant dans le monde. Il ne vous laissera
pas en paix, vous prendra et vous reprendra, tant que vous n'aurez pas
trouvé moyen de tout (lui) donner.
Sources : blogspot
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 24.06.09 -
T/Eglise |