 |
Témoigner que Dieu demeure en nous
|
Le 24 avril 2023 -
E.S.M.
-
Revenant sur cette parole, Jean parle à plusieurs reprises
dans son Épître de cette « demeure » de l'Esprit dans l'âme. Il le
fait en des termes qui méritent d'être médités. En effet, il ne dit
pas, comme dans le précédent passage, que l'Esprit demeure en nous,
mais il lui assigne comme rôle de « témoigner » que Dieu demeure en
nous.
|
|
Le disciple que Jésus aimait -
Pour agrandir l'image
►
Cliquer
Témoigner que Dieu demeure en nous
Page précédente :
-
Sous la conduite de l'Esprit
Étant spirituelle, l'action de l'Esprit, si elle peut occasionnellement,
dans ses effets, se manifester par instants de manière sensible et visible,
n'en est pas moins, par nature, une réalité intérieure et constante. On ne
peut donc être surpris de voir le Christ appliquer à l'Esprit ce mot «
demeurer » qu'il s'était déjà appliqué à lui-même :
Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet pour être avec vous
à jamais ; l'Esprit de Vérité que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne
le voit ni ne le connaît. Vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure en
vous et qu'il est en vous
14.16,17.
Revenant sur cette parole, Jean parle à plusieurs reprises dans son Épître
de cette « demeure » de l'Esprit dans l'âme. Il le fait en des termes qui
méritent d'être médités. En effet, il ne dit pas, comme dans le précédent
passage, que l'Esprit demeure en nous, mais il lui assigne comme rôle de «
témoigner
»
que Dieu demeure en nous.
Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu et Dieu en lui,
et nous savons qu'il demeure en nous, par l'Esprit qu'il nous a donné
1Jn. 3.24
Ou encore, sous une forme assez semblable :
La preuve à laquelle nous reconnaissons que nous demeurons en lui et lui en
nous, c'est qu'il nous a donné de son Esprit 1Jn. 4-13.
Rien, semble-t-il, ne peut mieux rendre compte de cette présence intérieure
et de cette action constante de l'Esprit que le symbole de l'onction que
Jean lui applique :
Quant à vous, l'onction que vous avez reçue de lui demeure en vous et vous n'avez
pas besoin qu'on vous enseigne. Mais puisque son onction vous
instruit de tout, qu'elle est véridique et non mensongère, comme elle vous a
enseignés, demeurez en lui. Oui, maintenant demeurez en lui, petits
enfants
1Jn 2. 27,28.
Nous retrouverons bientôt cette demeurance, lorsqu'il s'agira d'approfondir
l'action de l'Esprit dans l'âme et les développements qu'il imprime à la
foi. Qu'il suffise de noter ici combien est caractéristique de l'Esprit et
de son action cette « continuité » dans la présence.
Intérieure et continue, l'influence de l'Esprit apparaît en conséquence
créatrice et transformante. Rénovatrice, en un mot. Et ceci introduit de
manière directe la notion de temps.
Cette notion n'est certes pas absente de la parole du Christ «
Demeurez dans
mon amour... Demeurez en moi comme moi en vous
15.9.4 » : la fidélité ne se
prouvant et ne s'éprouvant que grâce au temps. Cependant, ce qui est mis ici
en première ligne, c'est moins le temps, que l'idée d'union et l'intimité de
cette union.
En revanche, lorsque le même mot 'demeurer' est appliqué à l'Esprit, les
notions de temps et de devenir prennent un relief particulier.
Si l'on considère les termes employés dans ce passage relatif à l'Esprit
Saint :
J'ai « encore » beaucoup de choses à vous dire
mais vous ne pouvez les porter « maintenant ».
« Quand » il viendra, lui, l'Esprit de Vérité
il vous « conduira vers » la Vérité tout entière.
Il vous « annoncera » les choses « à venir ».
C'est de mon bien qu'il prendra, pour « vous en faire part 16.12-15 »
on constate qu'ils sont significatifs d'une réalité qui se fait jour
progressivement et demande du temps pour se réaliser.
Cependant, il serait faux d'opposer les deux sens de ce mot, selon qu'il est
appliqué au Christ ou à l'Esprit. En fait, ce dernier ne fait que conférer à
l'union de l'âme (et aussi de l'Église) au Christ, cette dimension qui lui vient du temps.
En annonçant aux siens la venue de l'Esprit, Jésus a en vue ce qui se
réalisera tout au long de ce temps immense et mystérieux qui s'écoulera
jusqu'à la Parousie. Il leur laisse entendre que l'Esprit y est nécessaire
comme guide et lumière de l'Église et de chacun de ceux qui la composent. La
mission de l'Esprit est, en effet, de «
conduire vers la Vérité, d'annoncer,
de faire connaître, de prendre du bien du Christ pour en faire part
» :
toutes réalités qui n'ont de sens que pensées et réalisées dans le temps.
Mais avant de chercher la nature des relations entre ce « temps » et
l'Esprit qui l'utilise pour édifier et accomplir son œuvre, il convient de
préciser, s'il se peut, la forme et la nature de l'action de l'Esprit
lui-même.
Certes, nous l'avons dit, l'Esprit peut agir d'une manière perceptible, et
se manifester extérieurement. Il peut intervenir sous forme d'impulsions ou
de pressions successives. Cependant la forme véritable de son action est
intérieure. Semblable au levain si intimement mêlé à la pâte qu'il est
impossible de discerner sa présence, il fait littéralement germer et lever
notre être spirituel.
Pour être efficace, l'action du levain suppose un contact intérieur et
prolongé avec la matière à transformer ; son travail de fermentation est
progressif et continu. Ainsi en va-t-il de l'action de l'Esprit, intérieure,
constante et cachée.
Aussi le chrétien doit-il comprendre que l'Esprit n'est pas une réalité
extrinsèque, mais bien une présence perpétuellement en acte. Plus intime à
nous que nous-mêmes, il ne peut être dissocié de nous ni perçu
indépendamment de nous, du moins de manière très habituelle.
Chaque fois que le Christ en parle, il use d'expressions qui nous conduisent
à une telle conception des choses. Ainsi lorsqu'il déclare :
Si quelqu'un a soif qu'il vienne à moi, et qu'il boive celui qui croit en
moi.
De son sein couleront des fleuves d'eau vive.
Il parlait de l'Esprit que
devaient recevoir ceux qui croient en lui 7.37-39.
Qu'il s'agisse dans ce passage d'interprétation difficile, du sein du Christ
ou du sein du croyant, il reste que la présence et l'activité de l'Esprit
apparaissent d'une intériorité absolue et si intimement mêlées à notre être,
qu'elles constituent le principe supérieur de ce qui est pour nous, source
de vie et de développement.
On peut en dire autant des expressions utilisées par le Christ dans le
discours après la Cène. C'est de l'intérieur que nous viennent la
connaissance, la compréhension, l'intelligence des vérités révélées par le
Christ, et c'est de l'intérieur que l'Esprit, reprenant ces données, les
développe et les fait venir au jour.
C'est donc d'une véritable maïeutique surnaturelle qu'il faut parler ici.
Non pas limitée à l'esprit, comme dans la dialectique socratique, mais
étendue à tout ce qui, dans un être, est accessible et perméable à l'Esprit.
On l'a dit : il ne s'agit pas pour saint Jean de mettre en lumière les
manifestations de l'Esprit lorsqu'il s'empare de l'homme, mais tout au
contraire de discerner ce qu'il opère sur le donné que la Révélation, la
grâce, la vie du Christ ont déposé en lui. C'est en vain que l'on
chercherait autre chose dans le quatrième Évangile.
Si donc l'on entend spécifier l'influence en nous de l'Esprit on est amené
peu à peu à remplacer le mot « action » par celui de « Présence ». L'action
en effet, bien qu'elle émane d'une personne, finit toujours, même si elle
porte et imprime la marque de son auteur, par se séparer de lui. Il n'en va
pas ainsi de cette Présence active de l'Esprit dans l'âme ; car cette action
de présence ne fait qu'un avec l'Esprit lui-même.
Or, on l'a vu, c'est la Personne de l'Esprit que Jean considère, bien plus
que son action. Ou du moins, s'il envisage cette action, il la conçoit comme
la force par laquelle Dieu ne cesse de nous engendrer, comme la « Virtus
Altissimi » grâce à laquelle il fait de nous ses enfants. Dans ce cas,
en effet, il y a tout ensemble présence et action, mais une action qui n'est
autre que la présence continuée, imprimant sans cesse en celui qu'elle
habite, sa vivante ressemblance. Or c'est bien là ce que l'Esprit opère en
nous.
Le Christ ne dit-il pas à Nicodème qu'il lui faut «
naître de l'Esprit
3.
6 ».
Or ce qui naît en nous sous son influence, c'est l'enfant de Dieu,
c'est-à-dire le Christ lui-même dont l'Esprit imprime en nous la
ressemblance. Et encore, ce mot de ressemblance est-il lui-même inadéquat,
car il ne s'agit pas ici d'une ressemblance obtenue par une copie très
fidèle du modèle,
mais d'une ressemblance
«
vivante »,
c'est-à-dire de la
présence spirituelle et de la vie du Christ versées en nous par l'Esprit.
On comprend pourquoi il était nécessaire que le Christ nous quitte. Sans son
départ, cette génération spirituelle ne se serait pas réalisée « selon
l'Esprit » et notre naissance « en esprit et vérité 4,24 »
n'aurait pu avoir lieu.
De quelle nature sont les fruits de cette vivante présence de l'Esprit en
nous
? Deux mots permettent de l'indiquer : L'Esprit assure en nous la «
continuité » en même temps qu'il est la source d'une perpétuelle « nouveauté
», d'un incessant renouvellement.
Peut-être pourrait-on dire qu'il permet et réalise en nous une « continuité
créatrice ». «
Il vous faut naître de l'Esprit
3. 5 », nous
dit le Christ. Or rien n'apporte une preuve plus évidente d'unité vitale
entre deux êtres, que le fait pour l'un de naître de l'autre. Mais la
naissance selon la nature s'accomplit une fois pour toutes, et l'enfant ne
demeure physiquement tributaire de ses parents que pendant un laps de temps
limité. La naissance spirituelle au contraire se poursuit incessamment, elle
est toujours en acte. Naître de l'Esprit c'est être à tout moment en unité
vitale avec lui, et de plus, c'est connaître un développement imprévisible,
perpétuellement nouveau.
Dans l'ordre physique déjà, le développement d'un être vivant, tout en
obéissant à certaines lois, comporte cependant une marge de nouveauté. Il
est encore bien plus difficile, et positivement impossible dans l'ordre
spirituel, de prévoir avec quelque précision ce qu'un être sera, dans dix,
vingt, quarante ans. La vie, les maladies, les événements, les influences,
la réflexion personnelle, tout ce qu'un être reçoit, apprend, voit,
assimile, pâtit, comme aussi tout ce qui s'accomplit secrètement en lui, et
comme à son insu, pèse sur lui, s'incorpore à lui, imprimant à son évolution
morale et spirituelle, et jusqu'à sa personnalité physique, des caractères
et des traits que personne ne peut prédire ni prévoir. Jour après jour cet
être se fait et sans doute est-il lui-même plus incapable que quiconque de
se connaître assez, pour entrevoir par quels chemins il avance, et vers quel
dénouement. C'est qu'un être nouveau ne cesse de naître en lui, cependant
que par d'autres côtés il se sent demeurer toujours le même.
Beaucoup plus profond encore est le mystère des relations entre l'Esprit et
notre esprit. «
Ce qui est né de l'Esprit est esprit
3. 6 », dit le
Christ à Nicodème et il poursuit, soulignant le caractère mystérieux de ces
relations :
Ne t'étonne pas si je t'ai dit : II vous faut naître d'en haut. Le vent
souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient
ni où il va. Ainsi en va-t-il de quiconque est né de l'Esprit 3. 7,8.
Si la continuité entre ce qui est et ce qui sera en nous, sous l'influence
de l'Esprit, est plus profonde que nous ne pouvons l'imaginer, puisque c'est
vers la Vérité divine que nous conduit l'Esprit de Vérité ; la nouveauté
est, elle aussi, plus radicale que nous ne pouvons même l'entrevoir, car à
la nouveauté de l'objet chaque jour mieux connu, s'ajoute le renouvellement
du sujet connaissant, qui ne cesse, lui aussi, de se transformer. Par sa
présence en nous, l'Esprit nous rend en effet plus capables de la Vérité, et
celle-ci nous apparaît donc sous un jour perpétuellement nouveau, du fait
que nous ne cessons nous-mêmes de naître à la Vérité. Il n'y a donc pas
seulement continuité vivante, mais créatrice.
Tandis qu'au plan humain tout ce qui dure, se répète, ne peut échapper à une
usure, à une dégradation, à un ralentissement ou encore, est menacé par des
déformations ou des adultérations ; au plan de l'Esprit, la durée est au
contraire créatrice, elle ne cesse de rendre nouveaux et plus purs ceux qui
s'approchent de la Source.
En nous redisant sans cesse ce que le Christ nous a enseigné, l'Esprit, loin
de répéter, nous crée, et cette fidélité essentielle et vitale est le
principe même d'une nouveauté véritable, d'une authentique et surnaturelle
création. « Emitte Spiritum tuum et creabuntur, et renovabis faciem
terrae. »
II est impossible d'exprimer ces réalités, ni même de les penser autrement
qu'à la lumière et en fonction du temps. C'est, en effet, en utilisant les
événements de notre existence tissés sur la trame du temps, que l'Esprit
façonne en nous l'être nouveau ; et ces deux données : le temps et
l'Esprit, quoique inégalement mystérieuses, interfèrent en vue d'un résultat
qui demeure le secret de Dieu.
La vie spirituelle en retire non seulement une dimension nouvelle, mais
encore le principe d'incessantes transformations. Bien que toute
comparaison, en telle matière surtout, soit nécessairement imparfaite, on
peut évoquer à ce propos les changements que subit la plante lorsqu'elle
sort de terre. Quelle différence entre la partie qui reste enfouie dans le
sol, et celle qui grandit et s'épanouit à l'air libre, produisant tige,
feuilles, fleurs et fruits. Développement, aspect, respiration,
assimilation, tout est nouveau et procède cependant du germe originel, dont
la plante tire sa vie.
C'est en revenant sans cesse à la notion de
présence qu'il est possible de
saisir le rôle de l'Esprit Saint. Si nous nous souvenons que, pour saint
Jean, l'Esprit est une Personne, une Personne divine, le secret de son
influence nous devient plus accessible et nous nous ouvrons davantage à elle
; en même temps, nous percevons ce « mode d'être » qu'en termes humains on
appelle « un esprit » qui peu à peu s'instaure chez ceux en qui l'Esprit
demeure.
Pour saisir en quoi consiste cet « esprit » il faut reprendre et méditer à
nouveau le mot du Christ à Nicodème : «
Ce qui est né de l'Esprit est
esprit
3.6 », en le rapprochant de ces mots du Prologue : « La
Loi nous fut donnée par l'intermédiaire de Moïse,
la grâce et la vérité nous
sont venues par Jésus Christ
1. 17. »
Ce régime nouveau, auquel saint Paul donnera le nom de « Loi de l'Esprit
Rm 8.2 » afin de mieux l'opposer à la Loi ancienne, vaut, aussi bien au
plan collectif qu'au plan individuel, dans les rapports des hommes entre eux
comme dans leurs rapports avec Dieu, mais exige pour porter ses fruits une
transformation radicale et une refonte de tout l'être.
Afin de nous créer nouveaux «
dans la sainteté de la vérité
Ép. 4.24 »
l'Esprit doit éliminer, brûler, détruire, sublimer, transformer ce qui en
nous est de l'ordre de la pesanteur charnelle.
A cette pesanteur il substitue une vie, pourvue d'un dynamisme qui établit
notre être dans un épanouissement et cependant dans une tension perpétuels.
Encore faudrait-il trouver un autre mot que celui-là, trop marqué de
l'effort à fournir et d'une mobilisation de toute l'énergie en un sursaut de
volonté épuisant.
Le dynamisme et la tension que l'Esprit met en nous n'ont point ce
caractère. Tout au contraire, ils sont comme une possibilité que l'être
trouve au plus intime de lui-même, de se réaliser en rejoignant son
Principe, en retrouvant ses sources, et c'est pourquoi cette tension est
génératrice de liberté, apanage des enfants de Dieu, et d'épanouissement.
Cette liberté intérieure et cette vie portent en elles une exigence de
passer à l'acte. En vivant de la vie de l'Esprit, nous connaissons Dieu,
nous avançons dans la découverte de Dieu et Dieu avance en nous
1.
1 « Celui qui agit dans la
vérité vient à la lumière, écrit saint Jean », 3. 21, tandis que
saint Paul écrit aux Galates: « Puisque l'Esprit est notre vie, que l'Esprit
nous fasse aussi agir » (5.25).
Ainsi l'homme se trouve-t-il engagé sur le chemin où l'entraîne le souffle
de l'Esprit. Mais ce travail de rénovation, de découverte, de transformation
et de création incessantes, s'inscrit dans le temps et demeure tributaire
des circonstances et des conditions dans lesquelles vit chaque être.
Pour mieux comprendre les problèmes que pose cette marche du chrétien à
travers le temps, sous la conduite de l'Esprit et dans la fidélité au
Christ, on peut avoir recours au récit du Livre des Rois qui nous présente
les derniers moments de la vie terrestre d'Élie.
Accompagné d'Elisée son disciple, le vieux prophète avance vers le Jourdain
qu'il doit franchir pour entrer dans le district des nations. Il sait que sa
tâche est achevée et que Dieu va le rappeler à lui. Elisée aussi le sait,
mais il est dans l'angoisse à l'idée de prendre la succession de son Maître.
Comment le pourrait-il s'il n'est pas investi et pénétré de son « esprit » ?
Il voudrait en faire la demande à son Maître,
mais il n'ose pas. Percevant son angoisse, Élie va au-devant de son désir. A
peine ont-ils miraculeusement traversé le Jourdain qu'Élie lui dit :
« Demande : Que puis-je faire pour toi, avant d'être enlevé d'auprès de toi?
» et Elisée répondit : « Que me revienne une double part de ton esprit ! »
Élie reprit : « Tu demandes une chose difficile ; si tu me vois pendant que
je serai enlevé d'auprès de toi, cela t'arrivera, sinon, cela n'arrivera pas
». Or comme ils marchaient en conversant, voici qu'un char de feu et des
chevaux de feu se mirent entre eux deux, et Élie monta au ciel dans le
tourbillon. Elisée voyait et il criait : « Mon Père ! Mon Père ! Char
d'Israël et son attelage! » Puis il ne le vit plus... Les frères prophètes
virent Elisée à distance et dirent : « L'esprit d'Élie s'est reposé sur
Elisée Cf. 2R 2.1-15 ».
Un problème du même ordre, mais infiniment plus redoutable se posa aux
apôtres lorsqu'au jour de l'Ascension leur Maître monta au ciel et les
laissa dans le temps, avec la nécessité d'y vivre et d'y œuvrer, tandis que
lui, quittant la terre, passait de ce monde au Père, là où le temps n'est
plus.
Plus encore qu'Elisée, les apôtres avaient à poursuivre l'œuvre entreprise
par leur Maître, à recueillir et à faire fructifier le divin héritage qui
leur avait été confié. Le Christ n'avait-il pas dit à Simon qu'il était
cette pierre sur laquelle il bâtirait son Église ; et tous avec lui, ils
constituaient cette Église.
Les apôtres n'avaient d'ailleurs pas seulement à garder un dépôt, ils
avaient à transmettre un esprit, à répandre et à communiquer une vie : la
vie même de celui qui les quittait. Ils devaient faire face à des
difficultés, à des divergences possibles dans l'interprétation et la
solution des problèmes qui se présenteraient.
Aussi longtemps que le Maître avait vécu avec eux, ils s'en étaient
entièrement remis à lui. Il était leur lumière, leur guide, leur appui. Mais
il les avait quittés, les laissant dans le monde, c'est-à-dire dans le
temps, et ils sentaient jusqu'à l'angoisse, la nécessité de sa présence vivante et continuée... Eux
aussi comme Elisée auraient voulu pouvoir «marcher en conversant» avec leur
Maître... et posséder « une double part de son esprit... » Mais Jésus avait
pris les devants et avait résolu de leur laisser infiniment davantage...
Il leur avait promis l'Esprit en Personne qui,
lorsqu'il viendrait, leur rappellerait tout ce qu'il leur avait dit, et les
conduirait vers la vérité tout entière ;
l'Esprit qui demeurerait avec eux et serait en eux... Ainsi ne seraient-ils
pas orphelins, ainsi seraient-ils accompagnés, guidés, soutenus, sur la
longue et dure route qui commençait... Ainsi pourraient-ils désormais
« marcher en conversant
».
Seule cette vivante présence pouvait les délivrer d'une angoisse et d'un
sentiment d'insuffisance qui les étreignaient d'autant plus qu'il ne
s'agissait pas seulement de répandre une doctrine dûment réglementée et
codifiée, enfermée dans des commandements semblables à ceux de la Loi
ancienne ; mais d'une doctrine, qui malgré sa cohérence et son unité
parfaites, ne prendrait son sens et ne porterait de fruits que vivifiée par
l'Esprit : « La chair ne sert de rien... c'est l'Esprit qui vivifie
6.63. »
Mais il y avait plus encore : le Christ ne leur avait tracé à l'avance
aucune ligne de conduite précise. Ses consignes relatives à l'apostolat ne
concernaient que les dispositions dans lesquelles ils avaient à
l'entreprendre 2.
2 «
Allez vers les brebis
perdues de la maison d'Israël, proclamez chemin faisant le royaume de Dieu,
guérissez, ressuscitez, donnez gratuitement, ne vous procurez ni or, ni
argent, ni menue monnaie, ni besace, ni deux tuniques, ni chaussures, ni
bâton. En entrant dans une maison, saluez-la, et si l'on refuse de vous
accueillir, sortez de cette maison en secouant la poussière de vos pieds.
» cf Mt 10.
Pour le reste, tout devrait être découvert et résolu au jour le jour, à la
lumière de l'Esprit, et grâce à une intime union avec lui. Là aussi il était
vrai qu'« à chaque jour suffit sa peine Mt 6.34 » ; le
détachement, la confiance, le recours constant
à Dieu, constituant les dispositions
nécessaires à qui veut vivre sous la conduite de l'Esprit.
«
Le vent souffle où il veut
3.8 » et la voile de notre âme doit
rester toujours tendue pour capter le souffle dès qu'il vient et d'où qu'il
vienne...
Mais, en même temps, cette invitation que Dieu nous adresse prouve qu'il ne
peut manquer de nous guider et de nous conduire sans cesse. «
Le Père agit
sans cesse et moi aussi j'agis
5.
17..»
De l'Esprit également il faut dire qu'il est toujours à l'œuvre en nous.
Il
est même, en tant que « digitus paternae dexterae », (doigt
de la droite du Père)
celui qui entre directement,
et demeure perpétuellement en contact avec nous.
Il ne cesse d'écrire la pensée et la volonté de Dieu dans nos âmes, comme il
ne cesse de disposer les événements de telle manière que le dessein de Dieu
s'y inscrit et s'y manifeste.
Avec la venue du Christ, Dieu nous a été révélé, le Fils nous a fait
connaître le Père, mais il reste au dessein divin à s'accomplir jour après
jour en chaque âme, comme en l'Église. L'Esprit est là précisément pour en
guider instant par instant la marche, le déroulement, le développement.
Le Christ, divin Semeur, a accompli sa tâche. « Tout est achevé 19.
30. » lorsqu'il remonte auprès du Père. Maintenant commence le temps
de la germination et de la croissance. L'Esprit y préside dans un monde en
perpétuelle genèse et transformation. Il serait donc vain de prétendre
prévoir et dicter à l'avance la conduite à suivre. Sous peine de tomber dans
le fixisme et la mort, ou de s'engager dans un arbitraire non moins mortel,
parce que limité aux seules lumières et moyens humains, chaque chrétien,
comme aussi l'Église entière, sont tenus de se placer et d'avancer sous la
mouvance de l'Esprit. C'est là une exigence absolue. Si onéreuse qu'elle
puisse paraître, les promesses de vie éternelle sont suspendues à son
accomplissement.
« Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles Mt 28.20.
» affirme le Christ à ses apôtres, en tant que chefs de son Église ; et à
ces mêmes apôtres il dit au plan personnel comme il le dit à tout chrétien «
Demeurez dans mon amour
». Et, par la voix de son évangéliste, il leur dit
aussi qu'ils sauraient «
que Dieu demeure en eux, par l'Esprit qu'il leur a
donné
1Jn
Notre conduite par l'Esprit nous apporte une immense sécurité qui
s'accompagne pourtant de tout l'imprévu de ce qui vit et avance
perpétuellement dans l'inconnu. « Duc in altum Lc 5 4. »
Avance en eau profonde là où bientôt il n'y aura plus rien en vue, ni
côte, ni phare, ni signal d'aucune sorte ; rien que cette mystérieuse
présence de Dieu en nous, sous la forme de son Esprit qui, invisiblement,
guide notre barque.
Dieu qui n'a pas voulu éviter aux hommes de vivre véritablement,
c'est-à-dire dangereusement, ne les a cependant pas lancés en pleine mer
sans un moyen de se reconnaître, ou plutôt de demeurer sans cesse en contact
vital avec lui, en captant les ondes qui leur viennent de lui et les
conduisent à lui. Car, quel que soit, à travers le temps, l'itinéraire que
l'Esprit fait suivre aux âmes, comme à l'Église, c'est en définitive vers
Dieu qu'il les conduit. S'originant au Christ, le trajet aboutit aussi à
lui. L'Esprit est l'Esprit du Christ et c'est à lui qu'il mène, comme il
trace en chacun de nous sa vivante Image.
Mais, en même temps, il entretient en chaque âme, comme en l'épouse du
Christ, l'Église, une ardente tension, une espérance eschatologique, qui
donnent à la vie chrétienne comme à la vie de l'Église leur dynamisme et
leur sens.
Ce n'est pas sans raison que Jean termine son Apocalypse par ces mots :
L'Esprit et l'Épouse disent : Viens...
Que celui qui écoute dise :
Viens
Ap.22. 17.
Ce sont les derniers mots du Nouveau Testament et ils traduisent aussi bien
l'attente individuelle que l'attente ecclésiale du retour du Christ.
C'est afin de remplir de Dieu ce temps d'attente et d'y réaliser ses
desseins sur le monde, afin d'aider chaque enfant de Dieu et l'Église
entière à accomplir leur passage vers le Père, que le Christ nous envoie son
Esprit.
Saint Paul a dit que dans la création entière, l'Esprit gémit dans l'attente
de la Rédemption Rm 8.23. Ce qu'il a mis en lumière, cette attente
constructive, cette tension de tous les êtres vers la Parousie, cette vision
d'un monde en marche : rien ne l'exprime mieux sans doute, que l'image de la
femme en travail, qui s'apprête dans la souffrance à donner naissance à un
être nouveau.
Cette image, le Christ l'a utilisée dans le discours après la Cène et Jean
nous l'a. transmise :
La femme sur le point d'accoucher s'attriste, parce que son heure est venue.
Mais quand elle a enfanté, elle oublie les douleurs dans la joie qu'un homme
soit venu au monde
16. 21.
Elle dit bien le travail que l'Esprit accomplit dans les âmes et dans
l'Église, travail sans lequel la vie apportée par le Christ ne prendrait
pas, au plan personnel ou au plan ecclésial, sa dimension dernière.
Les
lecteurs qui désirent consulter les derniers articles publiés par le
site
Eucharistie Sacrement de la Miséricorde, peuvent cliquer
sur le lien suivant
► E.S.M.
sur Google actualité |
Sources :Texte original des écrits d'un ami, le Père Paul
Marie de la Croix O.C.D.-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 24.04.2023
|