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Homélie du pape
Benoît XVI, veillée pascale
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Le 24 avril 2011 -
(E.S.M.)
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Au cours de la veillée pascale, samedi soir, Benoît XVI a affirmé
avec force que l'homme n'est pas un produit accidentel de
l'évolution ; la Raison divine est au commencement.
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Le pape Benoît XVI -
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Homélie du pape
Benoît XVI, veillée pascale
Le 24 avril 2011 - E.
S. M. - Au cours de la veillée pascale, samedi soir, Benoît
XVI a affirmé avec force que l'homme n'est pas un produit accidentel de
l'évolution ; la Raison divine est au commencement.
Entouré de trente concélébrants, le Pape a présidé la liturgie solennelle de
la Veillée pascale, en la basilique Saint-Pierre, ce 23 avril, une
célébration riche en symboles, rythmée par la bénédiction du feu, la
procession, la liturgie de la parole, le rite baptismal et la liturgie
eucharistique.
Dans son homélie, le Pape a commenté le récit de la Création.
Basilique Saint-Pierre
Samedi Saint, 23 avril 2011
Chers frères et sœurs!
Deux grands signes caractérisent la célébration liturgique de la Veillée
Pascale. Il y a d’abord le feu qui devient lumière. La lumière du cierge
pascal, qui au cours de la procession à travers l’église enveloppée dans
l’obscurité de la nuit devient une vague de lumières et nous parle du Christ
comme véritable étoile du matin, qui ne se couche pas éternellement – du
Ressuscité en qui la lumière a vaincu les ténèbres. Le deuxième signe est
l’eau. Elle rappelle, d’une part les eaux de la Mer Rouge, l’effondrement et
la mort, le mystère de la croix. Ensuite cependant, elle se présente à nous
comme une eau de source, comme un élément qui apporte la vie dans la
sécheresse. Elle devient ainsi l’image du Sacrement du Baptême, qui nous
rend participants de la mort et de la résurrection de Jésus Christ.
Toutefois, les grands signes de la création, la lumière et l’eau ne sont pas
les seuls à faire partie de la liturgie de la Veillée Pascale. Une
caractéristique absolument essentielle de la Veillée, c’est aussi le fait
qu’elle nous conduit à une importante rencontre avec la parole de la Sainte
Ecriture. Avant la réforme liturgique il y avait douze lectures de l’Ancien
Testament et deux du Nouveau Testament. Celles du Nouveau Testament sont
restées. Le nombre des lectures de l’Ancien Testament a été fixé à sept,
mais, selon les situations locales, il peut aussi être réduit à trois
lectures. À travers une grande vision panoramique, l’Eglise veut nous
conduire, tout au long du chemin de l’histoire du salut, depuis la création,
à travers l’élection et la libération d’Israël, jusqu’aux témoignages
prophétiques, grâce auxquels toute cette histoire se dirige toujours plus
clairement vers Jésus Christ. Dans la tradition liturgique toutes ces
lectures ont été appelées prophéties. Même quand elles ne sont pas
directement des annonces d’évènements futurs, elles ont un caractère
prophétique, elles nous montrent le fondement profond et l’orientation de
l’histoire. Elles font en sorte que la création et l’histoire laissent
transparaître l’essentiel. Ainsi, elles nous prennent par la main et nous
conduisent vers le Christ, elles nous montrent la vraie lumière.
Le cheminement sur les routes de la Sainte Ecriture commence, durant la
Veillée Pascale, par le récit de la création. La liturgie veut nous dire par
là que le récit de la création est aussi une prophétie. Il n’est pas une
information sur le déroulement extérieur du devenir du cosmos et de l’homme.
Les Pères de l’Eglise en étaient bien conscients. Ils n’ont pas compris ce
récit comme une narration sur le déroulement des origines des choses, mais
comme un renvoi à l’essentiel, au vrai principe et à la fin de notre être.
Or, nous pouvons donc nous demander: mais est-il vraiment important durant
la Veillée Pascale de parler aussi de la création? Ne pourrait-on pas
commencer par les évènements au cours desquels Dieu appelle l’homme, se
constitue un peuple et crée son histoire avec les hommes sur la terre? La
réponse doit être: non. Omettre la création signifierait se méprendre sur
l’histoire même de Dieu avec les hommes, la réduire, ne plus voir son
véritable ordre de grandeur. Le rayon de l’histoire que Dieu a fondé
parvient jusqu’aux origines, jusqu’à la création. Notre profession de foi
commence par les paroles: «Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, Créateur
du ciel et de la terre». Si nous omettons ce commencement du Credo,
l’histoire du salut tout entière devient trop réduite et trop petite.
L’Eglise n’est pas une association quelconque qui s’occupe des besoins
religieux des hommes, et qui a justement le but limité de cette association.
Non, elle met l’homme en contact avec Dieu et donc avec le principe de toute
chose. C’est pourquoi Dieu nous concerne comme Créateur et c’est pour cela
que nous avons une responsabilité envers la création. Notre responsabilité
s’étend jusqu’à la création, parce qu’elle provient du Créateur. C’est
seulement parce que Dieu a tout créé qu’il peut nous donner vie et conduire
notre vie. La vie dans la foi de l’Eglise n’embrasse pas seulement un
domaine de sensations et de sentiments et peut-être d’obligations morales.
Elle embrasse l’homme dans sa totalité, depuis ses origines et dans la
perspective de l’éternité. C’est seulement parce que la création appartient
à Dieu que nous pouvons nous fier à lui jusqu’au bout. Et c’est seulement
parce qu’il est Créateur qu’il peut nous donner la vie pour l’éternité. La
joie pour la création, la gratitude pour la création et la responsabilité à
son égard sont inséparables.
Le message central du récit de la création se laisse déterminer encore plus
précisément. Dans les premières paroles de son Evangile, saint Jean a résumé
la signification essentielle de ce récit en cette unique phrase: «Au
commencement était le Verbe». En effet, le récit de la création que nous
venons d’écouter est caractérisé par la phrase qui revient régulièrement:
«Dieu dit…». Le monde est un produit de la Parole, du Logos, comme l’exprime
Jean avec un terme central de la langue grecque. «Logos» signifie «raison»,
«sens», «parole». Il ne signifie pas seulement «raison», mais Raison
créatrice qui parle et qui se communique elle-même. C’est une Raison qui est
sens et qui crée elle-même du sens. Le récit de la création nous dit, donc,
que le monde est un produit de la Raison créatrice. Et ainsi il nous dit
qu’à l’origine de toutes choses il n’y avait pas ce qui est sans raison,
sans liberté, mais que le principe de toutes choses est la Raison créatrice,
est l’amour, est la liberté. Ici nous nous trouvons face à l’alternative
ultime qui est en jeu dans le débat entre foi et incrédulité:
l’irrationalité, l'absence de liberté et le hasard sont-ils le principe de
tout, ou bien la raison, la liberté, l’amour sont-ils le principe de l’être?
Le primat revient-il à l’irrationalité ou à la raison? C’est là la question
en dernière analyse. Comme croyants nous répondons par le récit de la
création et avec Saint Jean: à l’origine, il y a la raison. A l’origine il y
a la liberté. C’est pourquoi être une personne humaine est une bonne chose.
Il n’est pas exact que dans l’univers en expansion, à la fin, dans un petit
coin quelconque du cosmos se forma aussi, par hasard, une certaine espèce
d’être vivant, capable de raisonner et de tenter de trouver dans la création
une raison ou de l’avoir en elle. Si l’homme était seulement un tel produit
accidentel de l’évolution en quelque lieu à la marge de l’univers, alors sa
vie serait privée de sens ou même un trouble de la nature. Non, au
contraire: la raison est au commencement, la Raison créatrice, divine. Et
puisqu’elle est Raison, elle a créé aussi la liberté; et puisqu’on peut
faire de la liberté un usage indu, il existe aussi ce qui est contraire à la
création. C’est pourquoi une épaisse ligne obscure s’étend, pour ainsi dire,
à travers la structure de l’univers et à travers la nature de l’homme. Mais
malgré cette contradiction, la création comme telle demeure bonne, la vie
demeure bonne, parce qu’à l’origine il y a la Raison bonne, l’amour créateur
de Dieu. C’est pourquoi le monde peut être sauvé. C’est pour cela que nous
pouvons et nous devons nous mettre du côté de la raison, de la liberté et de
l’amour – du côté de Dieu qui nous aime tellement qu’il a souffert pour
nous, afin que de sa mort puisse surgir une vie nouvelle, définitive,
guérie.
Le récit vétérotestamentaire de la création, que nous avons entendu, indique
clairement cet ordre des réalités. Cependant il nous fait faire encore un
pas en avant. Il a structuré le processus de la création dans le cadre d’une
semaine qui va vers le samedi, y trouvant son achèvement. Pour Israël, le
samedi était le jour où tous pouvaient participer au repos de Dieu, où homme
et animal, maître et esclave, grands et petits étaient unis dans la liberté
de Dieu. Ainsi le samedi était une expression de l’alliance entre Dieu et
l’homme et la création. De cette façon, la communion entre Dieu et l’homme
n’apparaît pas comme quelque chose de rajouté, instauré par la suite dans un
monde dont la création était déjà terminée. L’alliance, la communion entre
Dieu et l’homme, est prévue au plus profond de la création. Oui, l’alliance
est la raison intrinsèque de la création comme la création est le présupposé
extérieur de l’alliance. Dieu a fait le monde pour qu’il y ait un lieu où il
puisse communiquer son amour et d’où la réponse d’amour lui retourne. Devant
Dieu, le cœur de l’homme qui lui répond est plus grand et plus important que
l’immense cosmos matériel tout entier qui, certainement, nous laisse
entrevoir quelque chose de la grandeur de Dieu.
A Pâques et à la suite de l’expérience pascale des chrétiens, nous devons
cependant faire encore un autre pas. Le samedi est le septième jour de la
semaine. Après six jours, où l’homme participe, en un certain sens, au
travail de la création de Dieu, le samedi est le jour du repos. Mais dans
l’Eglise naissante, quelque chose d’inouï s’est produit : à la place du
samedi, du septième jour, vient le premier jour. Comme jour de l’assemblée
liturgique, il est le jour de la rencontre avec Dieu par Jésus Christ qui,
le premier jour, le dimanche, a rencontré les siens en tant que Ressuscité,
après que ceux-ci eurent trouvé le tombeau vide. La structure de la semaine
est maintenant renversée. Elle n’est plus dirigée vers le septième jour,
pour y participer au repos de Dieu. Elle commence par le premier jour comme
jour de la rencontre avec le Ressuscité. Cette rencontre se renouvelle sans
cesse dans la célébration de l’Eucharistie, où le Seigneur vient de nouveau
au milieu des siens et se donne à eux, se laisse, pour ainsi dire, toucher
par eux, se met à table avec eux. Ce changement est un fait extraordinaire,
si on considère que le samedi, le septième jour comme jour de la rencontre
avec Dieu, est profondément enraciné dans l’Ancien Testament. Si nous nous
rappelons que le parcours depuis le travail jusqu’au jour du repos
correspond aussi à une logique naturelle, le caractère dramatique de ce
tournant devient encore plus évident. Ce processus révolutionnaire, qui
s’est vérifié tout de suite au début du développement de l’Eglise, n’est
explicable que par le fait qu’en ce jour quelque chose d’inouï était arrivé.
Le premier jour de la semaine était le troisième jour après la mort de
Jésus. C’était le jour où il s’était montré aux siens comme le Ressuscité.
Cette rencontre, en effet, avait en soi quelque chose de bouleversant. Le
monde était changé. Celui qui était mort vivait d’une vie qui n’était plus
menacée d’aucune mort. Une nouvelle forme de vie, une nouvelle dimension de
la création, avait été inaugurée. Le premier jour, selon le récit de la
Genèse, est le jour où commence la création. À présent il était devenu d’une
façon nouvelle le jour de la création, il était devenu le jour de la
nouvelle création. Nous célébrons le premier jour. Ainsi nous célébrons
Dieu, le Créateur, et sa création. Oui, je crois en Dieu, Créateur du ciel
et de la terre. Et nous célébrons le Dieu qui s’est fait homme, a souffert,
est mort et a été enseveli et est ressuscité. Nous célébrons la victoire
définitive du Créateur et de sa création. Nous célébrons ce jour comme
origine et, en même temps, comme but de notre vie. Nous le célébrons parce
qu’à présent, grâce au Ressuscité, il s’avère de façon définitive que la
raison est plus forte que l’irrationnalité, la vérité plus forte que le
mensonge, l’amour plus fort que la mort. Nous célébrons le premier jour
parce que nous savons que la ligne obscure qui traverse la création ne
demeure pas pour toujours. Nous le célébrons, parce que nous savons que
maintenant ce qui est dit à la fin du récit de la création est valable
définitivement : «Dieu vit tout ce qu’il avait fait: c’était très bon»
(Gn
1, 31). Amen.
Sources : www.vatican.va
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E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 24.04.2011 - T/Benoît XVI
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