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Méditation du P. Cantalamessa - 25e Dimanche 2006
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ROME, SAMEDI 23 SEPTEMBRE 2006 - (ESM) Commentaire de l’Evangile de
ce 25e dimanche ordinaire, proposé par le père Raniero Cantalamessa
OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.
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Méditation du
P. Cantalamessa - 25e Dimanche 2006
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc 9, 30-37
En partant de
là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas
qu'on le sache. Car il les instruisait en disant : « Le Fils de l'homme
est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa
mort, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprenaient pas ces
paroles et ils avaient peur de l'interroger. Ils arrivèrent à
Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demandait : « De quoi
discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient, car, sur la route, ils
avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. S'étant
assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu'un veut être le
premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d'eux, l'embrassa, et leur
dit : « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c'est
moi qu'il accueille. Et celui qui m'accueille ne m'accueille pas moi, mais
Celui qui m'a envoyé. » © AELF
Si quelqu’un veut être le
premier…
« S'étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : «
Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le
serviteur de tous ». Par ces paroles Jésus condamne-t-il par hasard le désir
d’exceller, de faire de grandes choses dans la vie, de donner le meilleur de
soi-même, et privilégie-t-il au contraire l’apathie, un esprit de
renoncement, la paresse ? C’est ce que pensait le philosophe Friedrich
Nietzsche. Il se sentit le devoir de combattre férocement le christianisme,
coupable selon lui d’avoir introduit dans le monde le « cancer » de
l’humilité et du renoncement. Dans son ouvrage « Ainsi parlait Zarathustra »
il oppose à cette valeur évangélique celle de la « volonté de puissance »,
incarnée par le surhomme, l’homme de la « grande santé », qui veut s’élever
et non s’abaisser.
Il est possible que les chrétiens aient
parfois mal interprété la pensée de Jésus et donné lieu à ce malentendu.
Mais ce n’est certes pas ce que veut nous dire l’Evangile : « Si quelqu’un
veut être le premier… ». Il est donc possible de vouloir être le premier, ce
n’est pas interdit, ce n’est pas un péché. Jésus non seulement n’interdit
pas, par ces paroles, le désir de vouloir être le premier, mais il
l’encourage. Il révèle seulement une manière nouvelle et différente pour y
parvenir : non pas au détriment des autres, mais en faveur des autres. Il
ajoute en effet : « …qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous
».
Mais quels sont les fruits de l’une et l’autre manière d’être
le premier ? La volonté de puissance conduit à une situation dans laquelle
l’un domine et les autres servent ; l’un est rendu « heureux » (s’il peut
exister un bonheur en cela), les autres malheureux ; un seul en sort
vainqueur, tous les autres vaincus ; l’un domine, les autres sont dominés.
Nous savons avec quels résultats l’idéal du surhomme fut mis en
pratique par Hitler. Mais il ne s’agit pas seulement du nazisme ; presque
tous les maux de l’humanité viennent de là. Dans la deuxième lecture de ce
dimanche, saint Jacques se pose l’éternelle et angoissante question : « D’où
viennent les guerres ? » Jésus nous donne la réponse dans l’Evangile : du
désir de dominer ! La domination d’un peuple sur un autre, d’une race sur
l’autre, d’un parti sur les autres, d’un sexe sur l’autre, d’une religion
sur l’autre…
Dans le service en revanche, tous bénéficient de la
grandeur de l’un. Celui qui est grand dans le service, est lui-même grand et
rend les autres grands ; au lieu de s’élever au-dessus des autres, il élève
les autres avec lui. Alessandro Manzoni conclut son évocation poétique des
actions de Napoléon par la question : « Fut-ce une vraie gloire ? Aux
descendants l’ardue sentence ». Ce doute, si ce fut une vraie gloire, ne se
pose pas pour Mère Teresa de Calcutta, Raoul Follereau et tous ceux qui
chaque jour servent la cause des pauvres et des blessés de la guerre,
souvent au péril de leur propre vie.
Un seul doute demeure. Que
faut-il penser de l’antagonisme dans le sport et de la concurrence
commerciale ? Ces choses sont-elles également condamnées par la parole du
Christ ? Non, lorsqu’elles entrent dans les limites de l’honnêteté sportive
et commerciale, ces choses sont bonnes, elles servent à élever le niveau des
prestations physiques et… faire baisser les prix dans le commerce.
Indirectement, elles servent au bien commun. L’invitation de Jésus a être le
dernier ne s’applique certes pas aux courses cyclistes et aux compétitions
de Formule un !
Le sport permet précisément de mettre en lumière
la limite de cette grandeur par rapport à celle du service. « Dans les
courses du stade, tous courent mais un seul obtient le prix », dit saint
Paul (1 Co 9, 24). Il suffit de penser à ce qui se passe à la fin d’une
finale de 100 mètres : le vainqueur jubile, il est entouré des photographes
et porté en triomphe ; tous les autres s’éloignent tristes et humiliés. «
Tous courent mais un seul obtient le prix ».
Saint Paul tire
cependant des courses d’athlétisme également un enseignement positif : «
L’athlète se prive de tout », ne devrions-nous pas nous aussi faire, pour la
couronne impérissable de la vie éternelle ce qu’ils font eux pour une
couronne périssable ? En avant donc pour la nouvelle course inventée par le
Christ, que gagne celui qui se fait le dernier de tous et le serviteur de
tous.
Sources: Vatican - ZF
Eucharistie sacrement de la miséricorde 23.09.2006 - BENOÎT XVI |