Benoît XVI, la bible et la tradition |
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Le 23 avril 2009 -
(E.S.M.)
- Ce matin, Benoît XVI a reçu les trente membres de la Commission
pontificale biblique, qui vient d'achever son assemblée
annuelle.
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Le pape Benoît XVI
Benoît XVI, la bible et la tradition
Synthèse du discours du Saint-Père, texte intégral en 2e partie
Le 23 avril 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- Ce matin, Benoît XVI a reçu les trente membres de la Commission
pontificale biblique, qui vient d'achever son assemblée annuelle
("Inspiration et vérité dans la Bible"). Soulignant l'importance
du thème, qui touche non seulement le simple croyant mais la vie et la
mission même de l'Eglise, il a rappelé que celle-ci "est fondée dans la
Parole qui est la source de la théologie mais aussi de toute existence
chrétienne. L'interprétation de l'Ecriture est donc d'importance capitale
pour la foi comme pour la vie de l'Eglise. Certaines normes d'interprétation
dérivent d'ailleurs d'une utilisation correcte du concept d'inspiration
divine. Après avoir réaffirmé que la Bible a Dieu pour auteur, la
Constitution
Dei Verbum rappelle que Dieu donna à l'homme sa forme. Pour
une juste interprétation de l'Ecriture il convient d'identifier précisément
ce que les théologiens ont voulu dire et ce qu'il a plu à Dieu de manifester
par leur biais".
Le Saint-Père a ensuite rappelé que le Concile Vatican II a précisé les
trois critères d'interprétation de l'Ecriture en conformité à l'Esprit
inspirateur. Il faut d'abord "prêter grande attention au contenu comme à
l'unité de l'Ecriture au-delà de la grande diversité des livres qui la
composent. Elle est une selon le plan de Dieu dont Jésus-Christ est le cœur.
Puis il faut la lire selon la tradition vivante de l'Eglise. L'Eglise
porte effectivement en elle la mémoire de la Parole, et c'est le Saint
Esprit qui en fournit l'interprétation spirituelle". Le troisième critère
est "l'attention à la cohésion des vérités particulières entre elles et avec
le dessein de la Révélation, dans la foi de l'Eglise. L'interprétation de
l'Ecriture ne saurait être une simple recherche scientifique personnelle car
il faut qu'elle advienne dans le cadre de la tradition vivante de l'Eglise,
à laquelle elle doit se conformer pour être légitimée. Il est primordial de
préciser le rapport entre exégèse et magistère. L'exégète catholique ne peut
nourrir l'illusion individualiste de croire qu'il peut mieux comprendre les
textes bibliques en dehors de la communauté ecclésiale. Ces textes ne sont
pas destinés à tel ou tel chercheur en vue de satisfaire leur curiosité ou
pour leur offrir un sujet d'étude. Inspirés par Dieu ils ont été confiés à
l'Eglise du Christ afin d'alimenter sa foi et de guider sa vie".
Citant encore Dei Verbum, le Pape a redit que "l'Ecriture est la Parole de
Dieu, rédigée sous l'inspiration de l'Esprit, tandis que la tradition
transmet intégralement la Parole à partir de l'Esprit et du Seigneur, des
apôtres à leurs successeurs, lesquels la défendent et la diffusent afin que
les hommes soient éclairés par la vérité. Seul le contexte ecclésial
permet à l'Ecriture d'être perçue comme Parole, guide, norme et règle de la
vie de l'Eglise pour l'édification spirituelle des croyants. Ceci implique
le rejet de toute interprétation biblique suggestive ou limitée à une
analyse incapable de percevoir la globalité qui a guidé la tradition au long
des siècles".
DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI
AUX MEMBRES DE LA COMMISSION BIBLIQUE PONTIFICALE
Salle des Papes
Jeudi 23 avril 2009
Monsieur le cardinal, excellence,
chers membres
de la Commission biblique pontificale!
Je suis heureux de vous accueillir encore une fois au terme de votre
assemblée plénière annuelle. Je remercie Monsieur le cardinal William Levada
pour son adresse d'hommage et pour la présentation concise du thème qui a
été l'objet d'une réflexion attentive au cours de votre réunion. Vous vous
êtes à nouveau réunis pour approfondir un thème très important:
l'inspiration et la vérité de la Bible. Il s'agit d'un thème qui concerne
non seulement la théologie, mais l'Eglise elle-même, car la vie et la
mission de l'Eglise se fondent nécessairement sur la Parole de Dieu, qui est
l'âme de la théologie et, en même temps, inspire toute l'existence
chrétienne. Le thème que vous avez affronté répond, en outre, à une
préoccupation qui me tient particulièrement à cœur, car l'interprétation des
Saintes Ecritures est d'une importance capitale pour la foi chrétienne et
pour la vie de l'Eglise.
Comme vous l'avez déjà rappelé, monsieur le président, dans l'encyclique
Providentissimus Deus le Pape Léon XIII offrait aux exégètes catholiques de
nouveaux encouragements et de nouvelles directives sur le thème de
l'inspiration de la vérité et de l'herméneutique biblique. Plus tard, Pie
xii, dans son encyclique Divino afflante Spiritu, réunissait et complétait
l'enseignement précédent, en exhortant les exégètes catholiques à parvenir à
des solutions pleinement en accord avec la doctrine de l'Eglise, en tenant
compte comme il se doit des contributions positives des nouvelles méthodes
d'interprétation qui s'étaient développées entre-temps. Le vif élan donné
par ces deux Papes aux études bibliques, comme vous l'avez également dit, a
trouvé toute sa confirmation et a été ultérieurement développé dans le
Concile Vatican II, si bien que toute l'Eglise en a tiré bénéfice. En
particulier, la Constitution conciliaire
Dei Verbum éclaire encore
aujourd'hui l'œuvre des exégètes catholiques et invite les pasteurs et les
fidèles à se nourrir avec plus d'assiduité à la table de la Parole de Dieu.
A cet égard, le Concile rappelle tout d'abord que Dieu est l'auteur des
Saintes Ecritures: "La vérité divinement révélée, que contiennent et
présentent les livres de la Sainte Ecriture, y a été consignée sous
l'inspiration de l'Esprit Saint. Notre Sainte Mère l'Eglise, de par sa foi
apostolique, juge sacrés et canoniques tous les livres tant de l'Ancien que
du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque, rédigés sous
l'inspiration de l'Esprit Saint, ils ont Dieu pour auteur et qu'ils ont été
transmis comme tels à l'Eglise elle-même" (Dei Verbum, n. 11). Par
conséquent, puisque tout ce que les auteurs inspirés ou hagiographes
affirment doit être considéré comme affirmé par l'Esprit Saint, auteur
invisible et transcendant, il faut par conséquent déclarer que "les livres
de l'Ecriture enseignent fidèlement, fermement et sans erreurs la vérité que
Dieu pour notre salut a voulu voir consignée dans les Lettres sacrées"
(ibid., n. 11).
C'est de la définition correcte du concept d'inspiration divine et de vérité
de l'Ecriture Sainte que dérivent certaines normes qui concernent
directement son interprétation. La Constitution Dei Verbum elle-même, après
avoir affirmé que Dieu est l'auteur de la Bible, nous rappelle que, dans
l'Ecriture Sainte, Dieu parle à l'homme de manière humaine. Et cette
synergie divino-humaine est très importante: Dieu parle réellement aux
hommes de manière humaine. Pour une interprétation correcte de l'Ecriture
Sainte, il faut donc rechercher avec attention ce que les hagiographes ont
vraiment voulu affirmer et ce que Dieu a voulu manifester à travers des
paroles humaines. "En effet, les paroles de Dieu, passant par les langues
humaines ont pris la ressemblance du langage des hommes, de même que jadis
le Verbe du Père éternel ayant pris l'infirmité de notre chair, est devenu
semblable aux hommes" (Dei Verbum, n. 13). Ces indications extrêmement
nécessaires pour une interprétation correcte à caractère historique et
littéraire en tant que première dimension de toute exégèse, exigent ensuite
un lien avec les prémisses de la doctrine sur l'inspiration et la vérité de
l'Ecriture Sainte. En effet, l'Ecriture étant inspirée, il y a un souverain
principe de juste interprétation sans lequel les écrits saints demeureraient
lettre morte, uniquement du passé: l'Ecriture Sainte doit "être lue et
interprétée à la lumière du même Esprit qui la fit rédiger"
(Dei Verbum, n.
12).
A cet égard, le Concile Vatican ii indique trois critères toujours valables
pour une interprétation de l'Ecriture Sainte conforme à l'esprit qui l'a
inspirée. Tout d'abord, il faut prêter une grande attention au contenu et à
l'unité de toute l'Ecriture: ce n'est que dans son unité qu'elle est
l'Ecriture. En effet, bien que les livres qui la composent soient
différents, l'Ecriture Sainte est une en vertu de l'unité du dessein de
Dieu, dont le Christ Jésus est le centre et le cœur (cf. Lc 24, 25-27; Lc
24, 44-46). En second lieu, il faut lire l'Ecriture dans le contexte de la
tradition vivante de toute l'Eglise. Selon une formule d'Origène, "Sacra Scriptura principalius est in corde Ecclesiae quam in materialibus
instrumentis scripta" c'est-à-dire, "l'Ecriture Sainte est écrite dans le
cœur de l'Eglise avant que sur des instruments matériels". En effet,
l'Eglise porte dans sa Tradition la mémoire vivante de la Parole de Dieu et
c'est l'Esprit Saint qui lui donne l'interprétation de celle-ci selon le
sens spirituel (cf. Origène, Homiliae in Leviticum, 5, 5). Comme troisième
critère, il est nécessaire de prêter attention à l'analogie de la foi,
c'est-à-dire à la cohésion des vérités de foi individuelles entre elles et
avec le plan d'ensemble de la Révélation et la plénitude de l'économie
divine renfermée en elle.
La tâche des chercheurs qui étudient de diverses manières l'Ecriture Sainte
est celle de contribuer selon les principes susmentionnés à la compréhension
et à la présentation plus profondes du sens de l'Ecriture Sainte. L'étude
scientifique des textes sacrés est importante, mais elle ne suffit pas à
elle seule, parce qu'elle ne respecterait que la dimension humaine. Pour
respecter la cohérence de la foi de l'Eglise, l'exégète catholique doit être
attentif à percevoir la Parole de Dieu dans ces textes, au sein de la foi de
l'Eglise elle-même. En l'absence de ce point de référence indispensable, la
recherche exégétique demeurerait incomplète, en perdant de vue sa finalité
principale, avec le risque d'être réduite à une lecture purement littéraire,
dans laquelle le véritable Auteur - Dieu - n'apparaît plus. En outre,
l'interprétation des Saintes Ecritures ne peut pas être uniquement un
travail scientifique individuel, mais doit toujours être confrontée,
inscrite et authentifiée par la tradition vivante de l'Eglise. Cette norme
est décisive pour préciser le rapport correct et réciproque entre l'exégèse
et le magistère de l'Eglise. L'exégète catholique ne se sent pas seulement
membre de la communauté scientifique, mais également et surtout membre de la
communauté des croyants de tous les temps. En réalité, ces textes n'ont pas
été donnés aux chercheurs individuellement ou à la communauté scientifique
"pour satisfaire leur curiosité ou pour leur fournir des sujets d'études ou
de recherche" (Divino afflante Spiritu, EB 566). Les textes inspirés par
Dieu ont été confiés en premier lieu à la communauté des croyants, à
l'Eglise du Christ, pour alimenter la vie de foi et guider la vie de
charité. Le respect de cette finalité conditionne la validité et
l'efficacité de l'herméneutique biblique. L'encyclique Prudentissimus Deus a
rappelé cette vérité fondamentale et a observé que, loin de faire obstacle à
la recherche biblique, le respect de cette dimension favorise son progrès
authentique. Je dirais qu'une herméneutique de la foi correspond davantage à
la réalité de ce texte qu'une herméneutique rationaliste, qui ne connaît pas
Dieu.
Etre fidèles à l'Eglise signifie, en effet, s'inscrire dans le courant de la
grande Tradition qui, sous la direction du magistère, a reconnu les écrits
canoniques comme parole adressée par Dieu à son peuple et n'a jamais cessé
de les méditer et d'en redécouvrir les richesses inépuisables. Le Concile
Vatican ii l'a réaffirmé avec une grande clarté: "Tout ce qui concerne la
manière d'interpréter l'Ecriture est finalement soumis au jugement de
l'Eglise, qui exerce le ministère et le mandat divinement reçus de garder la
parole de Dieu et de l'interpréter" (Dei Verbum, n. 12). Comme nous le
rappelle la Constitution dogmatique susmentionnée, il existe une unité
indissociable entre l'Ecriture Sainte et la Tradition, car toutes deux
proviennent d'une même source: "La sainte Tradition et la Sainte Ecriture
sont donc reliées et communiquent étroitement entre elles. Car toutes deux,
jaillissant d'une source divine identique, ne forment pour ainsi dire qu'un
tout et tendent à une même fin. En effet, la Sainte Ecriture est la parole
de Dieu consignée par écrit sous l'inspiration de l'Esprit divin; quant à la
sainte Tradition, elle porte la Parole de Dieu, confiée par la Christ
Seigneur et par l'Esprit Saint aux apôtres et la transmet intégralement à
leurs successeurs, pour que, illuminés par l'esprit de vérité, en la
prêchant, ils la gardent, l'exposent et la diffusent avec fidélité: il en
résulte que l'Eglise ne tire pas de la seule Ecriture Sainte sa certitude
sur tous les points de la Révélation. C'est pourquoi l'une et l'autre
doivent être reçues et vénérées avec un égal sentiment d'amour et de
respect" (Dei Verbum, n. 9). Comme nous le savons, cette expression "pari pietatis affectu ac reverentia" a été créée par saint Basile, a ensuite été
reprise dans le décret de Gratien, d'où elle est entrée dans le Concile de
Trente puis dans Vatican ii. Elle exprime précisément cette interpénétration
entre Ecriture et Tradition. Seul le contexte ecclésial permet à l'Ecriture
Sainte d'être comprise comme authentique Parole de Dieu qui se fait guide,
norme et règle pour la vie de l'Eglise et la croissance spirituelle des
croyants. Cela, comme je l'ai déjà dit n'empêche en aucune manière une
interprétation sérieuse, scientifique, mais ouvre en outre l'accès aux
dimensions ultérieures du Christ, inaccessibles à une analyse uniquement
littéraire, qui demeure incapable d'accueillir en soi le sens global qui, au
cours des siècles, a guidé la Tradition de tout le Peuple de Dieu.
Chers membres de la Commission biblique pontificale, je souhaite conclure
mon intervention en vous faisant part à tous de mes remerciements et de mes
encouragements personnels. Je vous remercie cordialement du travail
difficile que vous effectuez au service de la Parole de Dieu et de l'Eglise,
à travers la recherche, l'enseignement et la publication de vos études.
J'ajoute à cela mes encouragement pour le chemin qui reste encore à
parcourir. Dans un monde où la recherche scientifique assume une importance
toujours plus grande dans de nombreux domaines, il est indispensable que la
science exégétique se situe à un niveau adéquat. C'est l'un des aspects de
l'inculturation de la foi qui fait partie de la mission de l'Eglise, en
harmonie avec l'accueil du mystère de l'Incarnation. Chers frères et sœurs,
que le Seigneur Jésus Christ, Verbe de Dieu incarné et divin Maître qui a
ouvert l'esprit de ses disciples à l'intelligence des Ecritures (cf. Lc 24,
45), vous guide et vous soutienne dans vos réflexions. Que la Vierge Marie,
modèle de docilité et d'obéissance à la Parole de Dieu, vous enseigne à
accueillir toujours mieux la richesse inépuisable de l'Ecriture Sainte, non
seulement à travers la recherche intellectuelle, mais aussi dans votre vie
de croyants, afin que votre travail et votre action puissent contribuer à
faire toujours davantage resplendir devant les fidèles la lumière de
l'Ecriture Sainte. Tout en vous assurant du soutien de ma prière dans votre
travail, je vous donne de tout cœur, en gage des faveurs divines, ma
Bénédiction apostolique.
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Sources : www.vatican.va
090423 (500)
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E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 23.04.09 -
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