Entre les lefrébvristes et Benoît XVI |
|
Cité du Vatican, le 23 avril 2008 -
(E.S.M.)
- Mgr Bernard Fellay, actuel Supérieur de la fraternité
schismatique Saint-Pie X, a officiellement rejeté l'idée d'une
réconciliation possible entre le mouvement lefebvriste et le Siège
apostolique sur la base du Motu proprio Summorum pontificum du pape
Benoît XVI.
|
Mgr Bernard Fellay
Entre les lefrébvristes et Benoît XVI
Mgr Bernard Fellay, actuel Supérieur de la fraternité schismatique Saint-Pie
X, a officiellement rejeté l'idée d'une réconciliation possible entre le
mouvement lefebvriste et le Siège apostolique sur la base du
Motu Proprio
Summorum pontificum du pape Benoît XVI.
Dans une lettre publiée en français, Mgr Fellay a estimé qu'il n'y avait
rien de changé dans les relations entre le mouvement fondé par Mgr Lefebvre
et le Vatican. Selon lui, les enseignements du concile Vatican II sont
profondément révolutionnaires et touchent à un problème de foi qui passe
avant toute chose, la question liturgique demeurant secondaire.
Mgr Fellay a souligné qu'il n'y avait aucun accord entre la fraternité
Saint-Pie X et le Vatican, et que le moment de la réconciliation est encore
bien loin. (Source: Kathnet)
Lettre de Mgr Fellay
Chers Amis et Bienfaiteurs,
Le Motu Proprio Summorum Pontificum qui a reconnu que la messe tridentine
n’avait jamais été abrogée pose un certain nombre de questions en ce qui
concerne le futur des relations de la Fraternité Saint-Pie X avec Rome.
Plusieurs personnes, dans les milieux conservateurs et à Rome même, ont fait
entendre leurs voix arguant que, le Souverain Pontife ayant posé un acte
d’une si grande générosité, et donné par là même un signe évident de bonne
volonté à notre égard, il ne resterait à notre Société qu’une seule chose à
faire : « signer un accord avec Rome ». Malheureusement quelques-uns de nos
amis se sont laissés prendre à ce jeu d’illusions.
Nous voudrions saisir l’occasion de cette lettre du temps pascal pour
rappeler une fois de plus les principes qui gouvernent notre action en ces
temps troublés et signaler quelques événements récents qui indiquent bien
clairement que, au fond, à part l’ouverture liturgique du Motu Proprio, rien
n’a vraiment changé, afin de tirer les conclusions qui s’imposent.
Le principe fondamental qui dicte notre action est la conservation de la
foi, sans laquelle nul ne peut être sauvé, nul ne peut recevoir la grâce,
nul ne peut être agréable à Dieu, comme le dit le Concile Vatican I. La
question liturgique n’est pas première, elle ne le devient que comme
expression d’une altération de la foi et corrélativement du culte dû à Dieu.
Il y a un changement notable d’orientation dans le Concile Vatican II par
rapport à la vision de l’Eglise, surtout par rapport au monde, aux autres
religions, aux Etats, mais aussi par rapport à elle-même. Ces changements
sont reconnus par tous, mais ne sont pas évalués de la même manière par
tous. Jusqu’ici, ils étaient présentés comme très profonds, révolutionnaires
: « la Révolution de 89 dans l’Eglise » a pu dire un des cardinaux du
Concile.
Benoît XVI encore cardinal présentait la question ainsi : « Le problème des
années soixante était d’acquérir les meilleures valeurs exprimées de deux
siècles de culture “libérale”. Ce sont en fait des valeurs qui, même si
elles sont nées en dehors de l’Eglise, peuvent trouver leur place – épurées
et corrigées – dans sa vision du monde. C’est ce qui a été fait [1] ». Et au
nom de cette assimilation, une nouvelle vision du monde et de ses composants
a été imposée : une vision fondamentalement positive, qui a dicté non
seulement un nouveau rite liturgique, mais aussi un nouveau mode de présence
de l’Eglise dans le monde, beaucoup plus horizontal, plus présente aux
problèmes humains et terrestres que surnaturels et éternels…
En même temps, la relation aux autres religions se transformait : depuis
Vatican II, Rome évite tout jugement négatif ou dépréciateur de ces autres
religions. Par exemple, la dénomination classique de « fausses religions » a
complètement disparu du vocabulaire ecclésiastique. Les termes « hérétiques
» et « schismatiques », qui qualifiaient les religions plus proches de la
religion catholique, ont eux aussi disparu ; ils sont éventuellement
utilisés, surtout celui de schismatique, pour nous désigner. Ainsi en est-il
du terme « excommunication ». La nouvelle approche se nomme œcuménisme, et
contrairement à ce que tous croyaient, ce n’est pas d’un retour à l’unité
catholique qu’il s’agit, mais de l’établissement d’une nouvelle sorte
d’unité qui ne requiert plus de conversion.
Envers les confessions chrétiennes s’est établie une nouvelle perspective,
et cela est encore plus clair avec les orthodoxes : dans l’accord de
Balamand, l’Eglise catholique s’engage officiellement à ne pas convertir les
orthodoxes et à collaborer avec eux. Le dogme « hors de l’Eglise pas de
salut » rappelé dans le document Dominus Jesus a connu une réinterprétation
nécessaire à la nouvelle vision des choses : on n’a pu maintenir ce dogme
sans élargir les limites de l’Eglise, ce qui a été réalisé par la nouvelle
définition de l’Eglise donnée dans Lumen Gentium. L’Eglise du Christ n’est
plus l’Eglise catholique, elle subsiste en elle. On a beau dire qu’elle ne
subsiste qu’en elle, il reste que l’on prétend à une action du Saint Esprit
et de cette « Eglise du Christ » hors de l’Eglise catholique. Les autres
religions ne sont pas privées d’éléments de salut… Les « églises orthodoxes
» deviennent d’authentiques églises particulières dans lesquelles s’édifie «
l’Eglise du Christ. »
Ces nouvelles perspectives ont évidemment bouleversé les rapports avec les
autres religions. Il est impossible de parler d’un changement superficiel,
c’est bien une nouvelle et très profonde mutation que l’on prétend imposer à
l’Eglise de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce qui fait que Jean-Paul II a pu
parler de « nouvelle ecclésiologie », admettant un changement essentiel dans
cette partie de la théologie qui traite de l’Eglise. Nous ne comprenons tout
simplement pas comment l’on peut prétendre que cette nouvelle compréhension
de l’Eglise serait encore en harmonie avec la définition traditionnelle de
l’Eglise. Elle est nouvelle, elle est radicalement autre et elle oblige le
catholique à avoir un comportement foncièrement différent avec les
hérétiques et schismatiques qui ont tragiquement abandonné l’Eglise et
bafoué la foi de leur baptême. Ils ne sont désormais plus des « frères
séparés », mais des frères qui « ne sont pas en pleine communion »… et nous
sont « profondément unis » par le baptême dans le Christ, d’une union
inamissible… La dernière mise au point de la Congrégation de la Doctrine de
la Foi sur le mot subsistit est à ce propos très éclairante. Tout en
affirmant que l’Eglise ne peut pas enseigner de nouveauté, elle confirme la
nouveauté introduite au Concile…
De même pour l’évangélisation : le devoir sacré de tout chrétien de répondre
à l’appel de Notre Seigneur Jésus-Christ est d’abord affirmé, « Allez par
tout le monde, et prêchez l’Evangile à toute créature. Celui qui croira et
sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné. [2] »
Mais il est ensuite allégué que cette évangélisation ne concerne que les
païens, et ainsi, ni les chrétiens, ni les juifs ne sont concernés… Tout
récemment les cardinaux Kasper et Bertone, au sujet de la controverse sur la
nouvelle prière pour les Juifs, ont affirmé que l’Eglise ne les convertirait
pas.
Ajoutons à cela les positions papales au sujet de la liberté religieuse et
nous pouvons aisément conclure que le combat de la foi n’a en rien diminué
ces dernières années. Le Motu Proprio qui introduit une espérance de
changement vers le mieux au niveau liturgique, n’est pas accompagné par des
mesures logiquement corrélatives dans les autres domaines de la vie de
l’Eglise. Tous les changements introduits au Concile et dans les réformes
post-conciliaires que nous dénonçons, parce que l’Eglise les a précisément
déjà condamnés, sont confirmés. Avec la différence que désormais, on affirme
en même temps que l’Eglise ne change pas… ce qui revient à dire que ces
changements seraient parfaitement dans la ligne de la Tradition catholique.
Le bouleversement au niveau des termes joint au rappel que l’Eglise doit
rester fidèle à sa Tradition peuvent en troubler plus d’un. Tant que les
faits ne corroborent pas l’affirmation nouvelle, il faut conclure que rien
n’a changé dans la volonté de Rome de poursuivre les orientations
conciliaires, malgré quarante années de crise, malgré les couvents
dépeuplés, les presbytères abandonnés, les églises vides. Les universités
catholiques persistent dans leurs divagations, l’enseignement du catéchisme
reste une inconnue alors que l’école catholique n’existe plus comme
spécifiquement catholique : c’est devenu une espèce éteinte…
Voici pourquoi la Fraternité Saint-Pie X ne peut pas « signer d’accord ».
Elle se réjouit franchement de la volonté papale de réintroduire le rite
ancien et vénérable de la sainte Messe, mais découvre aussi la résistance
parfois farouche d’épiscopats entiers. Sans désespérer, sans impatience,
nous constatons que le temps d’un accord n’est pas encore venu. Cela ne nous
empêche pas de continuer d’espérer, de continuer le chemin défini dès l’an
2000. Nous continuons de demander au Saint-Père l’annulation du décret
d’excommunication de 1988, car nous sommes persuadés que cela ferait le plus
grand bien à l’Eglise et nous vous encourageons à prier pour que cela se
réalise. Mais il serait très imprudent et précipité de se lancer
inconsidérément dans la poursuite d’un accord pratique qui ne serait pas
fondé sur les principes fondamentaux de l’Eglise, tout spécialement sur la
foi.
La nouvelle croisade du Rosaire à laquelle nous vous appelons, pour que
l’Eglise retrouve et reprenne sa Tradition bimillénaire, appelle aussi
quelques précisions. Voici comment nous la concevons : que chacun s’engage à
réciter un chapelet à une heure assez régulière du jour. Vu le nombre de nos
fidèles et leur répartition dans le monde entier, nous pouvons être assurés
que toutes les heures du jour et de la nuit auront leurs voix vigilantes et
orantes, de ces voix qui veulent le triomphe de leur Mère céleste,
l’avènement du Règne de Notre Seigneur, « sur la terre comme au ciel ».
+ Bernard Fellay Menzingen,
le 14 avril 2008
Sources :
PRO LITURGIA
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 23.04.2008 -
T/Motu Proprio |