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19 Avril 2005
 

Benoît XVI : Le concept de la primogéniture acquiert une dimension cosmique

Le 23 mars 2023 - E.S.M. -  L'homme de la bienveillance c'est Jésus. Il l'est parce qu'il est totalement tourné vers le Père, il vit en regardant vers lui et en communion de volonté avec lui. Les personnes de la bienveillance sont donc des personnes qui ont l'attitude du Fils — des personnes conformes au Christ.

Bartolomé Esteban Murillo (1617-1682), L'Adoration des bergers  - Pour agrandir l'image ► Cliquer 

Benoît XVI nous parle de Jésus, la splendeur cosmique

    Or il advint, comme ils étaient là [à Bethléem], que les jours furent accomplis où elle devait enfanter. Elle enfanta son fils premier-né, l'enveloppa de langes et le coucha dans une mangeoire, parce qu'ils manquaient de place dans la salle » (Lc 2, 6-7).

    Commençons notre commentaire par les derniers mots de cette phrase : «
ils manquaient de place dans la salle ». La méditation, dans la foi, de ces paroles a trouvé dans cette affirmation un parallélisme intérieur avec la parole, riche de contenu profond, du Prologue de saint Jean : « II est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas accueilli » (Jn 1, 11). Pour le Sauveur du monde, pour Celui en vue duquel tout a été créé (cf. Col 1, 16), il n'y a pas de place. « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l'homme, lui, n'a pas où reposer la tête » (Mt 8, 20). Celui qui a été crucifié hors de la porte de la ville (cf. Hé 13, 12) est né aussi hors de la porte de la ville.   

 Cela doit nous faire réfléchir, nous renvoyer au renversement de valeurs qu'il y a dans la figure de Jésus-Christ, dans son message. Depuis sa naissance il n'appartient pas à ce milieu qui, selon le monde, est important et puissant. Mais justement cet homme insignifiant et sans pouvoir se révèle comme le vraiment Puissant, comme celui, en fin de compte, dont tout dépend.
Fait donc partie du devenir chrétien le fait de sortir de ce que tous pensent et veulent - des critères dominants -, pour entrer dans la Lumière de la Vérité sur notre être et rejoindre le juste chemin avec cette lumière.

    Marie couche son enfant nouveau-né dans une mangeoire (cf. Lc 2, 7). On en a déduit, avec raison, que Jésus était né dans une étable, dans un milieu peu accueillant - on serait tenté de dire : indigne -, qui, quoi qu'il en soit, offrait la discrétion nécessaire pour le saint événement. Dans la région autour de Bethléem, on utilisait depuis toujours des grottes comme étable (cf. Stuhlmacher, p. 51).

    Déjà chez Justin martyr (mort en 165) et chez Origène (mort vers 254), nous trouvons la tradition selon laquelle le lieu de la naissance de Jésus aurait été une grotte, que les chrétiens de Palestine indiquaient. Le fait que Rome, après l'expulsion des juifs de Terre sainte au IIe
siècle, a transformé la grotte en un lieu de culte à Tammuz-Adonis, entendant par là évidemment supprimer la mémoire cultuelle des chrétiens, confirme l'antiquité de ce lieu de culte et montre aussi son importance dans la considération romaine. Souvent les traditions locales sont une source plus sûre que les informations écrites. On peut donc reconnaître une grande valeur de crédibilité à la tradition locale de Bethléem, à laquelle se rattache aussi la basilique de la Nativité.

    Marie enveloppa l'enfant de langes. Sans aucun sentimentalisme, nous pouvons imaginer avec quel amour Marie sera allée à la rencontre de son heure, aura préparé la naissance de son Fils. La tradition des icônes, selon la théologie des Pères, a aussi interprété théologiquement la mangeoire et les langes. Le petit enfant étroitement enveloppé dans les langes apparaît comme un renvoi anticipé à l'heure de sa mort : il est depuis le commencement l'Immolé, comme nous le verrons encore plus en détail en réfléchissant sur la Parole à propos du premier-né. Ainsi, la mangeoire était représentée comme une sorte d'autel.

    Augustin a interprété la signification de la mangeoire par une pensée qui, dans un premier temps, apparaît presque inconvenante, mais qui, examinée plus attentivement, contient au contraire une profonde vérité. La mangeoire est le lieu où les animaux trouvent leur nourriture. Cependant, dans la mangeoire est à présent couché celui qui s'est désigné lui-même comme le vrai pain descendu du ciel — comme la vraie nourriture dont l'homme a besoin pour son être de personne humaine. Il est la nourriture qui donne à l'homme la vraie vie, la vie éternelle. De cette façon, la mangeoire devient un renvoi à la table de Dieu, à laquelle l'homme est invité, pour recevoir le pain de Dieu. Dans la pauvreté de la naissance de Jésus est esquissée la grande réalité, dans laquelle se réalise de façon mystérieuse la rédemption des hommes.

    La mangeoire renvoie - comme on a dit - aux animaux, pour lesquels elle est le lieu de la nourriture. Ici, dans l'Évangile, on ne parle pas d'animaux. Mais la méditation guidée par la foi, lisant l'Ancien et le Nouveau Testament reliés entre eux, a bien vite comblé cette lacune, en renvoyant à Isaïe 1, 3 : « Le bœuf connaît son possesseur, et l'âne la mangeoire de son maître, Israël ne connaît pas, mon peuple ne comprend pas. »

    Peter Stuhlmacher note que probablement la version grecque de Habacuc 3, 2 eut aussi une certaine influence : « Au milieu des deux êtres vivants... tu seras connu ; quand sera venu le temps, tu apparaîtras » (cf. Die Geburt des Immanuel..., p. 52). Par les deux êtres vivants on entend évidemment les deux Chérubins qui, selon Exode 25, 18-20, sur le couvercle de l'arche d'alliance, indiquent et en même temps cachent la mystérieuse présence de Dieu. Ainsi la mangeoire deviendrait d'une certaine façon l'arche d'alliance, dans laquelle Dieu, mystérieusement gardé, serait au milieu des hommes, et devant laquelle pour « le bœuf et l'âne », pour l'humanité composée de juifs et de gentils, l'heure de la connaissance de Dieu serait arrivée.

    Dans l'étonnant lien entre Isaïe 1, 3, Habaquq 3, 2, Exode 25, 18-20 et la mangeoire apparaissent donc les deux animaux comme représentation de l'humanité sans intelligence qui, devant l'Enfant, devant l'humble apparition de Dieu dans l'étable, arrive à la connaissance et, dans la pauvreté de cette naissance, reçoit l'épiphanie qui apprend maintenant à tous à voir. L'iconographie chrétienne a cultivé très tôt ce thème. Aucune représentation de la crèche ne renoncera au bœuf ni à l'âne.

    Après cette petite digression, revenons au texte de l'Évangile. On y lit : « Marie enfanta son fils premier-né » (Lc 2, 7). Qu'est-ce que cela signifie ?

    Le premier-né n'est pas nécessairement le premier d'une série continue. Le mot « premier-né » ne renvoie pas à une numération qui se poursuit, mais indique une qualité théologique exprimée dans les recueils de lois d'Israël les plus anciens. Dans les prescriptions pour la Pâque se trouve la phrase : « Le Seigneur parla à Moïse et lui dit : "Consacre-moi tout premier-né, prémices du sein maternel, parmi les Israélites. Homme ou animal il est à moi" » (Ex 13, 1-2). « Tous les premier-nés de l'homme, parmi tes fils, tu les rachèteras » (Ex 13, 13). Ainsi la parole sur le premier-né est même déjà un renvoi anticipé au récit suivant sur la présentation de Jésus au Temple. De toute manière, par cette parole on indique une appartenance particulière de Jésus à Dieu.

    La théologie paulinienne a développé ultérieurement la pensée au sujet de Jésus comme premier-né en deux étapes. Dans la Lettre aux Romains, Paul appelle Jésus « le premier-né d'une multitude de frères » (8, 29) : depuis qu'il est ressuscité, il est maintenant de façon nouvelle « premier-né » et en même temps le premier d'une multitude de frères. Dans la nouvelle naissance de la Résurrection, Jésus n'est plus seulement le premier selon la dignité, mais celui qui inaugure une nouvelle humanité. Depuis la destruction de la porte d'airain de la mort, ils sont maintenant nombreux à pouvoir passer avec lui : tous ceux qui dans le Baptême sont morts et ressuscites avec lui.

    Dans la Lettre aux Colossiens, cette pensée est encore élargie : le Christ est appelé le «
premier-né de toute créature » (1, 15) et le « premier-né d'entre les morts » (1, 18). « Tout a été créé par lui et pour lui » (1, 16). « II est le principe » (1, 18). Le concept de la primogéniture acquiert une dimension cosmique. Le Christ, le Fils incarné, est, pour ainsi dire, la première idée de Dieu et précède toute création, laquelle est ordonnée en vue de lui et à partir de lui. Avec cela il est aussi principe et fin de la nouvelle création qui a commencé avec la Résurrection.

    Chez Luc on ne parle pas de tout cela, mais pour les lecteurs postérieurs de son Evangile - pour nous -, dans la pauvre mangeoire de la grotte de Bethléem se trouve déjà cette splendeur cosmique : ici le vrai premier-né de l'univers est arrivé au milieu de nous.

    « II y avait dans la même région des bergers qui vivaient aux champs et gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit. L'ange du Seigneur se tint près d'eux et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa clarté » (Lc 2, 8-9). Les premiers témoins du grand événement sont des bergers qui veillaient. On a beaucoup réfléchi sur la signification que peut avoir le fait que justement des bergers ont reçu le message les premiers. Il ne me semble pas nécessaire d'engager beaucoup de sagacité sur cette question. Jésus est né hors de la ville dans un environnement de pâturages où les bergers conduisaient leurs troupeaux. Il était donc normal que ce fussent eux, parce qu'ils étaient les plus proches de l'événement, qui fussent appelés les premiers à la mangeoire.

    Naturellement, on peut tout de suite développer l'idée : peut-être que non seulement extérieurement, mais aussi intérieurement, ils vivaient plus près de l'événement que les citadins qui dormaient tranquillement. Intérieurement aussi ils n'étaient pas loin du Dieu qui se fait petit enfant. Cela correspond au fait qu'ils faisaient partie des pauvres, des âmes simples, que Jésus aurait bénies, surtout parce que l'accès au mystère de Dieu leur est réservé (cf. Lc 10, 21 sq.}. Ils représentent les pauvres d'Israël, les pauvres en général : les destinataires privilégiés de l'amour de Dieu.

    Un accent supplémentaire fut ensuite apporté, surtout par la tradition monastique : les moines étaient des personnes qui veillaient. Ils voulaient être éveillés en ce monde - déjà par leur prière nocturne, mais ensuite veiller surtout intérieurement, être ouverts à l'appel de Dieu à travers les signes de sa présence.

    Enfin, on peut encore penser au récit du choix de David comme roi. Saul, en tant que roi, avait été rejeté par Dieu. Samuel est envoyé à Bethléem chez Jessé, pour oindre comme roi un de ses fils que le Seigneur lui aurait indiqué. Aucun des fils qui se présentent devant lui n'est celui qui est choisi. Il manque encore le plus jeune, mais celui-ci fait paître le troupeau, explique Jessé au prophète. Samuel le fait rappeler du pâturage et, selon l'indication de Dieu, il oint le jeune David « au milieu de ses frères » (cf. 1 S 16, 1-13). David vient d'auprès des brebis qu'il fait paître, et il est constitué pasteur d'Israël (cf. 2 S 5, 2). Le prophète Michée regarde vers l'avenir lointain et annonce que de Bethléem sortirait celui qui, un jour, ferait paître le peuple d'Israël (cf. Mi 5, 1-3 ; Mt 2, 6). — Jésus naît parmi les bergers. Il est le grand Berger des hommes (cf. 1 P 2, 25 ; Hé 13, 20).

    Revenons au texte du récit de Noël. L'ange du Seigneur se présente aux bergers et la gloire du Seigneur les enveloppe de lumière. «
Ils furent saisis d'une grande crainte » (Lc 2, 9). Cependant l'ange dissipe leur crainte et leur annonce « une grande joie, qui sera celle de tout le peuple : aujourd'hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur,  dans la ville de David » (Lc 2, 10 sq.). II leur est dit que, comme signe, ils trouveront un petit enfant enveloppé de langes, couché dans une mangeoire.

    « Et soudain se joignit à l'ange une troupe nombreuse de l'armée céleste, qui louait Dieu, en disant : "Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes objets de sa complaisance" » (Lc 2, 13-14). L'évangéliste dit que les anges « parlent ».
Mais pour les chrétiens il était clair depuis le début que la parole des anges est un chant, dans lequel se fait perceptiblement présente toute la splendeur de la grande joie qui leur est annoncée. Et ainsi, à partir de ce moment, le chant de louange des anges n'a plus jamais cessé. Il continue à travers les siècles sous des formes toujours nouvelles et dans la célébration de la naissance de Jésus il résonne toujours sur un mode nouveau. On peut comprendre ainsi que le simple peuple des croyants a par la suite aussi entendu chanter les bergers, et, jusqu'à aujourd'hui, dans la Sainte Nuit, il s'unit à leurs mélodies, exprimant par le chant la grande joie que celui-ci donne depuis lors à tous jusqu'à la fin des temps.

    Mais qu'ont chanté les anges, selon le récit de saint Luc ? Ils unissent la gloire de Dieu « au plus haut des cieux » à la paix des hommes « sur la terre ». L'Église a repris ces paroles et en a composé tout un hymne. Dans les détails, cependant, la traduction des paroles de l'ange est controversée.

    Le texte latin qui nous est familier était rendu ainsi jusqu'à un temps récent :
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. » Cette traduction est refusée par les exégètes modernes - non sans de bonnes raisons - comme unilatéralement moralisante. La « gloire de Dieu » n'est pas une chose que les hommes peuvent produire (« Que soit gloire à Dieu »). La « gloire » de Dieu existe, Dieu est glorieux, et c'est vraiment un motif de joie : la vérité existe, le bien existe, la beauté existe. Ces réalités sont - en Dieu - de façon indestructible.

    Plus importante est la différence dans la traduction de la seconde partie des paroles de l'ange. Ce qui, jusqu'à il y a peu de temps, était rendu par
« hommes de bonne volonté » est exprimé maintenant dans la traduction de la Conférence épiscopale allemande par : « Menschen seiner Gnade » — « hommes de sa grâce ». Dans la traduction de la Conférence épiscopale italienne on parle d'« hommes, qu'il aime ». Alors, on peut s'interroger : quels sont les hommes que Dieu aime ? Y en a-t-il aussi que Dieu n'aime pas ? Est-ce qu'il ne les aime pas tous comme ses créatures ? Que veut donc dire l'ajout : « que Dieu aime » ? On peut aussi se poser une question similaire devant la traduction allemande. Qui sont les « hommes de sa grâce » ? Existe-t-il des personnes qui ne sont pas dans sa grâce ? Et si oui, pour quelle raison ? La traduction littérale du texte original grec donne : paix aux « hommes de [sa] bienveillance ». Ici aussi demeure naturellement la question : quels hommes sont dans la bienveillance de Dieu ? Et pourquoi ? Eh bien, pour la compréhension de ce problème, nous trouvons une aide dans le Nouveau Testament. Dans le récit du baptême de Jésus, Luc nous raconte que, alors que Jésus était en prière, le ciel s'ouvrit et vint du ciel une voix qui disait : « Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j'ai mis ma bienveillance » (Luc 3, 22). L'homme de la bienveillance c'est Jésus. Il l'est parce qu'il est totalement tourné vers le Père, il vit en regardant vers lui et en communion de volonté avec lui. Les personnes de la bienveillance sont donc des personnes qui ont l'attitude du Fils — des personnes conformes au Christ.

    Derrière la différence entre les traductions il y a, en dernière analyse, la question de la relation entre la grâce de Dieu et la liberté humaine. Ici deux positions extrêmes sont possibles : tout d'abord l'idée de l'exclusivité absolue de l'action de Dieu, si bien que tout dépend de sa prédestination ; à l'autre extrême, une position moralisante selon laquelle, en fin de compte, tout se décide selon la bonne volonté de l'homme. La traduction précédente qui parlait des hommes « de bonne volonté » pouvait être en ce sens mal comprise. La nouvelle traduction peut être mal interprétée dans le sens opposé, comme si tout dépendait uniquement de la prédestination de Dieu.

    Tout le témoignage de la Sainte Ecriture ne laisse aucun doute sur le fait qu'aucune des deux positions extrêmes n'est juste. Grâce et liberté se compénètrent mutuellement, et nous ne pouvons pas exprimer le fait d'opérer l'une dans l'autre au moyen de formules claires. Il reste vrai que nous ne pourrions pas aimer si d'abord nous n'étions aimés de Dieu. La grâce de Dieu nous précède toujours, nous embrasse et nous soutient. Mais il reste vrai aussi que l'homme est appelé à participer à cet amour, il n'est pas un simple instrument, privé de volonté propre, de la toute-puissance de Dieu ; il peut aimer en communion avec l'amour de Dieu ou il peut aussi refuser cet amour. Il me semble que la traduction littérale  - « de la bienveillance » (ou « de sa bienveillance ») — respecte mieux ce mystère, sans le dissoudre dans un sens unilatéral.

    En ce qui concerne la gloire au plus haut des cieux, ici, à l'évidence, le verbe « est » est déterminant :
Dieu est glorieux, il est la Vérité indestructible, la Beauté éternelle. C'est la certitude fondamentale et réconfortante de notre foi. Il existe toutefois ici aussi - selon les trois premiers Commandements du Décalogue - de façon subordonnée, une tâche pour nous : nous engager afin que la grande gloire de Dieu ne soit ni entachée ni défigurée dans le monde ; afin que, à sa grandeur et à sa sainte volonté, soit rendue la gloire qui leur est due.

    Maintenant, cependant, nous devons encore réfléchir sur un autre aspect du message de l'ange. Les catégories de fond qui caractérisent la perception de soi et la vision du monde propres de l'empereur Auguste y reviennent : sõter (sauveur), paix, œkoumène - ici, bien sûr, élargies au-delà du monde méditerranéen et référées au ciel et à la terre ; et, enfin, aussi la parole sur la bonne nouvelle (euangélion). [ndlr :
Du latin evangelium (« évangile ») emprunté au grec ancien εὐαγγέλιον , euangélion) Ces parallélismes ne sont certainement pas fortuits. Luc veut nous dire : ce dont l'empereur Auguste a eu la prétention pour lui, est réalisé de façon plus élevée dans le petit enfant, qui est né sans défense et sans pouvoir dans la grotte de Bethléem et dont les hôtes ont été de pauvres bergers.

    Reiser souligne avec raison qu'au centre des deux messages se trouve la paix, et qu'en cela la pax Christi n'est pas nécessairement en opposition avec la pax Augusti. Mais la paix du Christ dépasse la paix d'Auguste comme le ciel domine la terre
(p. 460). La comparaison entre les deux genres de paix ne doit donc pas être vue de façon unilatéralement polémique. Auguste, en effet, « a porté pour deux cent cinquante ans une paix, une sécurité juridique et un bien-être, dont aujourd'hui beaucoup de pays de l'ancien Empire romain peuvent seulement rêver » (ibid., p. 458)
. À la politique sont absolument laissés son propre espace et sa propre responsabilité. Cependant, là où l'empereur se divinise et revendique des qualités divines, la politique dépasse ses propres limites et promet ce qu'elle ne peut accomplir. En réalité, même à l'âge d'or de l'Empire romain, la sécurité juridique, la paix et le bien-être n'étaient jamais hors de danger, ni jamais pleinement réalisés. II suffit de jeter un regard sur la Terre sainte pour reconnaître les limites de la pax romana.

    Le Royaume annoncé par Jésus est de caractère différent. Il n'intéresse pas seulement le bassin méditerranéen ni seulement une époque déterminée. Il intéresse l'homme dans la profondeur de son être ; il l'ouvre au vrai Dieu.
La paix de Jésus est une paix que le monde ne peut donner (cf. Jn 14, 27). En dernière analyse, il s'agit ici de ce que signifient rédemption, libération et salut. Une chose est évidente : Auguste appartient au passé ; Jésus-Christ au contraire est le présent et il est l'avenir : « le même hier et aujourd'hui et pour les siècles » (Hé 13, 8).

    « Et il advint, quand les anges les eurent quittés [...] que les bergers se dirent entre eux : " Allons jusqu'à Bethléem et voyons ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître." Ils vinrent donc en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire » (Lc 2, 15 sq.). Les bergers se hâtèrent. De manière analogue l'évangéliste avait raconté que Marie, après l'allusion de l'ange à la grossesse de sa parente Elisabeth, se rendit « en hâte » vers la ville de Juda où vivaient Zacharie et Elisabeth (cf. Lc 1, 39). Les bergers se hâtèrent certainement aussi par curiosité humaine, pour voir la grande chose qui leur avait été annoncée. Mais sûrement étaient-ils aussi pleins d'élan à cause de la joie du fait que maintenant était vraiment né le Sauveur, le Messie, le Seigneur, dont tout était en attente et qu'ils avaient pu voir les premiers.

    Quels sont les chrétiens qui se hâtent aujourd'hui, quand il s'agit des affaires de Dieu ? Si quelque chose mérite la hâte - veut peut-être encore nous dire tacitement l'évangéliste -, ce sont justement les choses de Dieu.

    L'ange avait indiqué comme signe aux bergers qu'ils trouveraient un petit enfant enveloppé de langes et couché dans une mangeoire. Cela est un signe de reconnaissance : une description de ce qu'on pouvait constater avec les yeux. Ce n'est pas un « signe » dans le sens où la gloire de Dieu se sera rendue évidente, si bien qu'on aurait pu dire clairement : celui-ci est le vrai Seigneur du monde. Rien de cela. En ce sens, le signe est en même temps aussi un non-signe : la pauvreté de Dieu est son vrai signe. Mais pour les bergers, qui avaient vu la splendeur de Dieu sur leurs pâturages, ce signe était suffisant. Ils voient de l'intérieur. Ils voient ceci : ce que l'ange a dit est vrai. Ainsi les bergers s'en retournent avec joie. Ils glorifient et louent Dieu pour ce qu'ils ont entendu et vu (cf. Lc 2, 20).


  

 

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Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -  E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 23.03.2023

 

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