Le pape Benoît XVI, le sage mésopotamien et
le judaïsme |
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Le 22 novembre 2007 -
(E.S.M.) - Benoît XVI a évoqué les 23 discours
ou Démonstrations d'Aphraate et nous précise, sans s'y attarder, qu'il a
traité "du rapport entre judaïsme et christianisme". Nous avons cherché
ce que ce sage mésopotamien avait pu écrire à ce sujet et voici ce que
nous avons trouvé.
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Début du
siège de Jérusalem -
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Le pape Benoît XVI, le sage mésopotamien et le judaïsme
Aphraate n’a écrit qu’un seul livre : les Démonstrations, composé de
23 discours dans lesquels il traite de divers thèmes de vie chrétienne dont
un important traité sur le rapport entre judaïsme et
christianisme. Aphraate n'a qu'une seule source d’inspiration : l’Écriture
(l’ancien et le nouveau Testaments).
Hier, lors de sa catéchèse le pape Benoît XVI nous a entretenu de l'œuvre
de ce Père de l'Église, bien peu connu du commun des mortels, qui constitue
l'œuvre la plus ancienne de la littérature ascétique, qui suivit de près
l'établissement du monachisme dans la Mésopotamie, celle d'Aphraate,
surnommé le Sage persan.
(4ème s.)
Aphraate possédait à fond les écritures et était au courant de l'exégèse
juive et chrétienne de l'Ancien Testament, comme on le voit par ses
dernières homélies dirigées contre les juifs. Il vivait au milieu de la
persécution de Sapor II, et il nous a transmis des dates certaines pour
l'histoire de ces temps.
Benoît XVI évoque ses 23 discours ou Démonstrations et nous précise,
sans s'y attarder, qu'il a traité "du rapport entre
judaïsme et christianisme". Nous avons cherché ce que ce sage
mésopotamien avait pu écrire à ce sujet et voici ce que nous avons trouvé.
Il vécut en disciple des Écritures
selon
sa propre définition et transmis par écrit ses enseignements sur la vie
spirituelle et sur le rapport entre christianisme et judaïsme.
Israël rejeté ou Israël délaissé ? Les
deux termes ne sont pas synonymes. Le premier veut exclure, le second évoque
la douloureuse expérience de l'amoureux bafoué qui, dans sa déception,
délaisse l'infidèle, avec le secret espoir qu'elle reviendra à ses premières
amours. Aphraate connaît trop bien les prophètes, en particulier Osée, Isaïe
et Jérémie, pour ne pas adopter d'emblée ce vocabulaire de la passion.
« Et pour que tu saches que Dieu les a vraiment délaissés, Isaïe dit encore à
leur sujet : J'ai délaissé mon peuple, la maison de Jacob
[Is 2, 6] En effet, il en est deux qu'Isaïe appelle Jacob : l'un
qui marche à la lumière du Seigneur, l'autre qui est délaissé ».
« De ce qu'il les a délaissés, Jérémie dit : J'ai délaissé ma maison, j'ai
délaissé mon héritage [Jr 12, 7],
et il dit encore : J'ai donné à la fille de mon peuple un libelle de
répudiation » [Jr 3, 8].
Dans la très belle traduction des Exposés, faite par M.-J. Pierre et publiée
par Sources Chrétiennes, ces paragraphes sont sous-titrés improprement :
Preuves scripturaires du rejet, ce qui ne correspond pas au contenu du
texte. Pourquoi ne pas s'en tenir au vocabulaire amoureux si cher aux
prophètes ? Dans ce monde de la passion rien n'est définitif, tout peut
recommencer.
Pourtant Aphraate emploie aussi quelquefois le verbe rejeter, par exemple il
écrit : « Les juifs avaient été choisis, et ils furent rejetés ». Il cite
également cette redoutable invective de Jérémie parlant de ses compatriotes
: « Argent de rebut, voilà comme on les nomme »
[Jr 6, 30]. Dans l'Antiquité on
avait le sens de la métaphore, ici une métaphore à double face : Israël est
un métal précieux, de l'argent, ce qui est une façon de reconnaître son
excellence, mais le fondeur n'a pas réussi à purifier cet argent de ses
scories, il a été déçu et l'a mis au rebut. L'époux, lui aussi, avait été
déçu, c'est pourquoi il a délaissé ; d'ailleurs les deux expressions sont
explicitement rapprochées. Évidemment Aphraate applique la métaphore aux
juifs de son temps, car l'Écriture doit toujours être lue au présent.
Mais, bien sûr, ces questions de vocabulaire ne sont pas fondamentales.
Pourquoi donc Israël serait-il, sinon rejeté, du moins délaissé ? Telle est
bien la véritable question. Aphraate se donne beaucoup de mal pour montrer
que Dieu a racheté son peuple deux fois, en le ramenant d'Égypte puis de
Babylone, mais qu'il ne le fera pas une troisième fois. Les catastrophes
nationales des années 70 et 135 sont interprétées par lui et par bien
d'autres comme un immense séisme religieux qui change la face du monde.
C'est la main de Dieu qui punit les juifs et donne raison aux chrétiens. Le
fait qu'au temps d'Aphraate, après plus de deux siècles, les juifs soient
toujours en exil, montre de façon évidente qu'Israël est délaissé par Dieu
comme une épouse infidèle. A contrario, l'insolente santé du christianisme
lancé à la conquête du monde est la preuve que Dieu a changé de camp, qu'il
est passé du peuple aux peuples, d'Israël aux Nations. Cette théologie
providentialiste est au cœur de toutes les apologétiques chrétiennes de ce
temps. L'exposé 19 est entièrement consacré à ce sujet qui devait être au
centre des vives controverses entre juifs et chrétiens.
D'ailleurs, ce que Dieu rejette, d'après Aphraate,
ce n'est pas Israël, ce
sont les sacrifices et les fêtes juives. Il faut dire que, sur ce thème, les
prophètes lui facilitent la tâche ! Le Sage persan qui est également le
disciple des Saintes Écritures, constitue une impressionnante collection de
citations, à commencer par Isaïe et Amos :
« Que m'importent vos innombrables sacrifices ?
Je suis rassasié des holocaustes de béliers
et de la graisse des veaux.
Le sang des taureaux et des boucs me répugne.
Cessez de m'apporter des offrandes inutiles
leur fumée m'est en horreur.
Nouvelles lunes, sabbats, assemblées,
je ne supporte plus fête et solennité »
[Is 1, 11-13].
« Je hais, je méprise vos fêtes,
pour vos solennités j'ai du dégoût.
Vos oblations je n'en veux pas,
vos sacrifices de bêtes grasses, je ne les regarde pas ». [Am 5, 21-22].
Il cite également : Is 66, 3 ; Jr 3, 16 ; Jr 6, 20 ; Os 2, 13 ; Os 12, 12 ;
Mi 6, 6-8 ; Za 7-6 ; Ps 50, 13-15 ; Ps 51, 18-19 ; Lam 2, 6 ; Prov 15, 8 ; 1
Sam 3, 14 ; 1 Sam 15, 22.
Et de conclure :
"Vois, mon ami, les sacrifices et les offrandes
ont été rejetés, et à leur place, a été choisie la prière"
(Exposés, n°13, 1-2.13 - trad. cf SC 359,
p. 589s)
C'est pour cela que, hier, Benoît XVI a
rappelé qu'un aspect majeur de l'œuvre d'Aphraate est son enseignement sur
la prière, et en particulier sur le Christ comme maître de prière.
(Catéchèse
de Benoît XVI, mercredi 21 novembre 2007 )
Sources: Pour une large part, les passages ont été empruntés à
Rubens Duval
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 22.11.2007 - BENOÎT XVI
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