|
P. Cantalamessa : Vaincre le mal par le bien
|
ROME, le 21 octobre 2006 -
(E.S.M.) - Commentaire de l’Evangile de ce dimanche, proposé par
le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison
pontificale.
|
|
P. Cantalamessa
: Vaincre le mal par le bien
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc 10, 35-45
Jacques et Jean, les fils de Zébédée,
s'approchent de Jésus et lui disent : « Maître, nous voudrions que tu
exauces notre demande. » Il leur dit : « Que voudriez-vous que je fasse pour
vous ? » Ils lui répondirent : « Accorde-nous de siéger, l'un à ta droite et
l'autre à ta gauche, dans ta gloire. » Jésus leur dit : « Vous ne savez pas
ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire,
recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? » Ils lui disaient : «
Nous le pouvons. » Il répond : « La coupe que je vais boire, vous y boirez ;
et le baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez. Quant à
siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m'appartient pas de l'accorder, il
y a ceux pour qui ces places sont préparées. » Les dix autres avaient
entendu, et ils s'indignaient contre Jacques et Jean. Jésus les appelle et
leur dit : « Vous le savez : ceux que l'on regarde comme chefs des nations
païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir.
Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera
votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous : car
le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et
donner sa vie en rançon pour la multitude. »
© AELF
Les grands exercent le pouvoir
« Jésus les appelle et leur dit :
‘Vous le savez : ceux que l'on regarde comme chefs des nations païennes
commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi
vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre
serviteur. Celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous’ ». Après
le jugement sur l’argent, l’évangile de ce dimanche nous fait connaître le
jugement du Christ sur une autre des grandes idoles du monde : le pouvoir.
Le pouvoir, pas plus que l’argent, n’est pas non plus intrinsèquement
mauvais. Dieu est lui-même défini comme « le Tout-puissant » et les
Ecritures disent que « la force est à Dieu » (Ps 62, 12).
Cependant,
l’homme ayant abusé du pouvoir qui lui avait été accordé, le transformant en
domination du plus fort et en oppression du faible, qu’a fait Dieu ? Pour
nous donner l’exemple, il s’est dépouillé de sa toute-puissance : le «
tout-puissant » s’est fait « impuissant ». « Il s’est dépouillé, prenant la
condition d’esclave » (Ph 2, 7). Il a transformé la puissance en service. La
première lecture du jour contient une description prophétique de ce sauveur
« impuissant » : « Comme un surgeon il a grandi devant lui, comme une racine
en terre aride. Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur,
familier de la souffrance ».
Une nouvelle puissance est ainsi
révélée, celle de la croix. « Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce
que Dieu a choisi pour confondre les sages » (1 Co 1, 27). Dans le
Magnificat Marie chante de manière anticipée cette révolution silencieuse
opérée par la venue du Christ : « Il a renversé les puissants de leurs
trônes » (Lc 1, 52).
Qui est accusé par cette dénonciation du pouvoir
? Uniquement les tyrans et les dictateurs ? Si seulement il en était ainsi !
Dans ce cas, il s’agirait d’exceptions. En revanche, cela nous concerne
tous. Le pouvoir a des ramifications infinies, il s’insère partout, comme le
sable du Sahara lorsque souffle le sirocco. Dans l’Eglise également. La
question du pouvoir ne se pose donc pas seulement pour le monde politique.
Si nous nous arrêtons ici, nous ne faisons que nous unir à la foule de ceux
qui sont toujours prêts à frapper la poitrine… des autres, en signe de
repentir pour leurs propres fautes. Il est facile de dénoncer les fautes
collectives, ou du passé ; plus difficile de dénoncer les fautes
personnelles ou du présent.
Marie affirme que Dieu : « Déployant la
force de son bras, il disperse les superbes, il renverse les puissants de
leurs trônes Lc 1, 51 s.). Elle indique de manière implicite un domaine
précis dans lequel il faut commencer à combattre la « volonté de puissance
», le domaine du cœur. Notre intelligence (« les pensées du cœur ») peut
devenir une sorte de trône sur lequel nous siégeons, pour dicter des lois et
foudroyer ceux qui ne s’y soumettent pas. Nous sommes – sur le plan des
désirs au moins, sinon dans les faits – des « puissants sur des trônes ».
Dans la famille elle-même, il peut arriver malheureusement que notre volonté
innée de domination et de répression se manifeste, provoquant des
souffrances continues à ceux qui en sont victimes ; souvent (mais pas
toujours), la femme.
Qu’oppose l’Evangile, au pouvoir ? Le service !
Un pouvoir pour les autres et non pas sur les autres. Le pouvoir confère une
autorité, mais le service confère quelque chose de plus, l’autorité dans le
sens de poids, qui signifie respect, estime, ascendant réel sur les autres.
Au pouvoir, l’Evangile oppose également la non-violence, c’est-à-dire un
pouvoir d’un autre type, un pouvoir moral et non physique. Jésus disait
qu’il aurait pu demander au Père douze légions d’anges pour mettre en
déroute les ennemis qui s’apprêtaient à venir le crucifier (Mt 26, 53), mais
il préféra prier pour eux. Et c’est ainsi qu’il remporta sa victoire.
Toutefois, le service ne s’exprime pas toujours et uniquement par le
silence et la soumission au pouvoir. Il peut parfois inciter à élever
courageusement la voix contre le pouvoir et contre ses abus. C’est ce qu’a
fait Jésus. Il a fait l’expérience au cours de sa vie, de l’abus du pouvoir
politique et religieux de l’époque. Pour cette raison, il est proche de tous
ceux qui, dans n’importe quel milieu (dans la famille, la communauté, la
société civile) font personnellement l’expérience d’un pouvoir mauvais et
tyrannique. Avec son aide, il est possible, comme il l’a fait lui-même, de
ne pas « succomber au mal » et même de vaincre « le mal par le bien » (Rm
12, 21).
Sources: Vatican/ZF -
E.S.M.
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 21.10.2006 - BENOÎT XVI |