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Benoît XVI : la grande histoire universelle
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Le 21 mars 2023 -
E.S.M.
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Jésus n'est pas né ni apparu en public dans l'imprécis « jadis » du
mythe. Il appartient à une époque exactement datable et à un milieu
géographique exactement indiqué : l'universel et le concret se
touchent mutuellement. En Lui, le Logos, la Raison créatrice de
toutes choses est entrée dans le monde. Le Logos éternel s'est fait
homme, et le contexte de lieu et de temps en fait partie.
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L'empereur romain Auguste 1er -
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Pour Luc, le contexte historico-universel est important
Le cadre historique et théologique du début de l'Évangile de Luc
« Or, il
advint, en ces jours-là, nous explique Benoît XVI, que parut un édit de César Auguste, ordonnant le
recensement de tout le monde habité » (Lc 2, 1). Par ces paroles, Luc
introduit son récit sur la naissance de Jésus et explique pourquoi elle a eu
lieu à Bethléem. Un recensement, pour déterminer et ensuite percevoir les
impôts, est la raison pour laquelle Joseph et Marie, son épouse qui est
enceinte, vont de Nazareth à Bethléem. La naissance de Jésus dans la ville
de David se situe dans le cadre de la grande histoire
universelle, même si l'empereur ne sait rien du fait qu'à cause de
lui ces gens simples sont en voyage à un moment difficile ; et ainsi,
apparemment par hasard, l'Enfant Jésus naîtra dans le
lieu de la promesse.
Pour Luc, le contexte historico-universel est important. Pour
la première fois « tout le monde habité », l' œkoumène dans son
ensemble, est recensé. Pour la première fois un gouvernement et un royaume
qui embrasse toute la terre existent. Pour la première fois un grand espace
pacifié, où les biens de tous peuvent être enregistrés et mis au service de
la communauté, existe. C'est seulement à ce moment, où une communion de
droits et de biens à une grande échelle existe et où une langue universelle
permet à une communauté culturelle l'entente dans la pensée et dans
l'action, qu'un message universel de salut, un porteur universel de salut
peut entrer dans le monde : c'est en effet « la
plénitude des temps ».
Cependant, le lien entre Jésus et Auguste va plus en
profondeur. Auguste ne voulait pas seulement être un souverain quelconque,
comme ceux qui étaient avant lui et qui viendraient après lui. L'épigraphe
de Priène remontant à 9 avant J.-C. nous fait comprendre comment il voulait
être vu et compris. On y dit que le jour de la naissance de l'empereur « a
conféré au monde entier un aspect différent. Celui-ci serait parti en ruine
si en lui, l'homme d'ascendance divine, une perspective commune de bonheur
n'avait pas émergé [...]. La providence qui dispose divinement de notre vie
a comblé cet homme, pour le salut des hommes, de ces dons pour l'envoyer à
nous et aux générations futures comme sauveur (sõtẽr) [...].
Le jour anniversaire du dieu fut pour le monde le
commencement des "évangiles" liés à lui. À partir de sa naissance un nouveau
calcul du temps doit commencer » (cf. Stöger, p. 74).
Selon un texte du même genre, il est clair qu'Auguste était
vu non seulement comme un politique, mais comme une figure théologique,
compte tenu, toutefois, de ce que notre séparation entre politique et
religion, entre politique et théologie n'existait pas dans le monde antique.
Déjà en 27 avant J.-C., trois ans après son entrée en charge, le sénat
romain lui avait conféré le titre d'auguste (en grec sebastos)
— « l'adorable ». Dans l'inscription de Priène, il est appelé sauveur (sõtẽr).
Ce titre, qui dans la littérature était attribué à Zeus, mais aussi à
Épicure et à Esculape, est dans la traduction grecque de l'Ancien Testament
réservé exclusivement à Dieu. Pour Auguste aussi, il possède une connotation
divine : l'empereur a suscité un tournant du monde, il a introduit un temps
nouveau.
Dans la quatrième églogue de Virgile, nous avons déjà
rencontré cette espérance d'un monde nouveau, l'attente du retour du
paradis. Même si chez Virgile — comme nous l'avons vu — il y a un fond plus
vaste, toutefois la manière dont on percevait la vie à l'époque d'Auguste
influe : « Maintenant tout doit changer... »
Je voudrais encore souligner de façon particulière deux
aspects importants de la perception de soi propre à Auguste et à ses
contemporains. Le « sauveur » a surtout apporté au monde la paix. Lui-même a
fait représenter sa mission de porteur de paix sous une forme monumentale et
pour tous les temps dans l'Ara Pacis Augusti, dont les restes
conservés rendent évident encore aujourd'hui de façon impressionnante
comment la paix universelle, assurée par lui pour un certain temps,
permettait aux gens de pousser un profond soupir de soulagement et
d'espérer. À cet égard, Marius Reiser, se référant à Antonie Wlosok, écrit :
le 23 septembre (anniversaire de l'empereur), « l'ombre de cette méridienne
avançait, du matin au soir, d'environ 150 mètres droit sur la ligne
d'équinoxe, précisément jusqu'au centre de l'Ara Paris ; il y a donc
une ligne directe de la naissance de cet homme à la pax, et de cette façon
il est démontré visiblement qu'il est natus ad pacem. L'ombre
provient d'une balle, et la balle [...] est en même temps la sphère du ciel
comme le globe de la terre, symbole de la domination sur le monde qui
maintenant a été pacifié » (« Wie wahr ist die Weihnachtsgeschichte ? », p.
459).
Ici transparaît le second aspect de l'auto-conscience
d'Auguste : l'universalité qu'Auguste lui-même, en une sorte de compte rendu
de sa vie et de son œuvre, appelé Monumentum Ancyranum, a démontrée
avec des données concrètes et a fortement mise en relief.
Avec cela nous sommes de nouveau parvenus au fait de
l'enregistrement de tous les habitants du royaume, qui relie la naissance de
Jésus de Nazareth à l'empereur Auguste. Sur ce recouvrement des impôts (le
recensement) existe une vaste discussion entre les savants, dans les détails
de laquelle nous ne devons pas entrer ici.
Un premier problème est encore assez facile à clarifier : le
recensement a lieu au temps du roi Hérode le Grand qui, toutefois, mourut en
4 avant J.-C. Le commencement de notre calcul du temps - la détermination de
la naissance de Jésus — remonte au moine Dionysius Exiguus (mort vers 550),
qui dans ses calculs s'est à l'évidence trompé de quelques années. La date
historique de la naissance de Jésus est donc à fixer quelques années
auparavant.
Deux autres dates ont causé de grandes controverses. Selon
Flavius Josèphe, à qui nous devons surtout nos connaissances de l'histoire
juive au temps de Jésus, le recensement eut lieu en 6 après J.-C., sous le
gouverneur Quirinius et — puisque, finalement, il s'agit là d'argent —
conduisit à l'insurrection de Judas le Galiléen (cf. Ac 5, 37). En
outre, Quirinius aurait été actif dans le milieu syriaco-judaïque à cette
période seulement et non auparavant. Ces faits, cependant, quant à eux, sont
de nouveau incertains ; en tout cas, des indices existent selon lesquels
Quirinius, sur ordre de l'empereur, opérait déjà aussi en Syrie aux environs
de l'an 9 avant J.-C. Ainsi les indications de divers chercheurs sont
certainement convaincantes, par exemple celles d'Alois Stöger, selon
lesquelles, dans les circonstances d'alors, le « recensement » se déroulait
de façon difficile et se prolongeait pendant quelques années. Du reste,
celui-ci se réalisait en deux étapes : d'abord dans l'inscription de toute
la propriété terrienne et immobilière, et ensuite — dans un deuxième temps -
dans la détermination des impôts à payer de fait. La première étape eut donc
lieu au temps de la naissance de Jésus ; la seconde étape, qui pour le
peuple était beaucoup plus irritante, suscita l'insurrection (cf. Stöger, p.
372 sq.).
Enfin on a aussi objecté que, pour un tel relevé, un voyage
de « chacun dans sa ville » (Lc 2, 3) n'aurait pas été nécessaire. Nous
savons cependant, de diverses sources, que les intéressés devaient se
présenter là où ils avaient des propriétés terriennes.
Conformément à cela, nous pouvons
supposer que Joseph, de la maison de David, disposait d'une propriété
terrienne à Bethléem, si bien que, pour le recouvrement des impôts, il
devait s'y rendre.
On pourra toujours discuter sur beaucoup de détails. Il
demeure difficile de jeter un regard sur le quotidien d'une administration
aussi lointaine pour nous et aussi complexe que celle de l'Empire romain.
Toutefois, les contenus essentiels des données rapportées par Luc demeurent,
malgré tout, historiquement crédibles : il a décidé - comme il dit dans le
prologue de son Évangile — « de s'informer soigneusement sur chaque
circonstance » (cf. 1, 3). Cela, il l'a évidemment fait avec les
moyens à sa disposition. Il était donc toujours bien plus proche des sources
et des événements que nous pouvons l'être, malgré toute l'érudition
historique.
Revenons au contexte large du moment historique où a eu lieu
la naissance de Jésus. Avec la référence à l'empereur Auguste et à « l'œkoumène
tout entière », Luc a consciemment créé un cadre à la fois historique et
théologique pour les événements à raconter.
Jésus est né à une époque identifiable avec précision. Au
commencement de l'activité publique de Jésus, Luc offre encore une fois une
datation détaillée et soignée de ce moment historique : c'est la quinzième
année du principat de Tibère César ; sont en outre mentionnés le gouverneur
romain de cette année-là et les tétrarques de Galilée, d'Iturée et de
Trachonitide, de même que d'Abilène, et finalement les chefs des prêtres
(cf. Lc 3, 1 sq.).
Jésus n'est pas né ni apparu en public dans l'imprécis «
jadis » du mythe. Il appartient à une époque
exactement datable et à un milieu géographique exactement indiqué :
l'universel et le concret se touchent mutuellement. En Lui, le Logos,
la Raison créatrice de toutes choses est entrée dans le monde. Le Logos
éternel s'est fait homme, et le contexte de lieu et de temps en fait partie.
La foi est liée à cette réalité concrète, même si ensuite, en vertu
de la résurrection, l'espace temporel et géographique est dépassé et le « il
vous précède en Galilée » (Mt 28, 7) de la part
du Seigneur introduit dans l'ampleur sans fin de l'humanité entière
(cf. Mt 28, 16 sq.).
Un autre élément est encore important. Le décret d'Auguste
pour l'enregistrement fiscal de tous les citoyens de l'œkoumène
conduit Joseph, avec son épouse Marie, à Bethléem, dans la ville de David,
et il sert ainsi à l'accomplissement de la promesse du prophète Michée,
promesse selon laquelle le Pasteur d'Israël serait né dans cette ville (cf.
5, 1-3). Sans le savoir, l'empereur contribue à l'accomplissement de
la promesse : l'histoire de l'Empire romain et l'histoire du Salut,
commencée par Dieu avec Israël, se pénètrent mutuellement.
L'histoire de l'élection faite par Dieu, jusqu'alors
limitée à Israël, entre dans l'étendue du monde, de l'histoire universelle.
Dieu, qui est le Dieu d'Israël et de tous les peuples, se montre comme le
vrai guide de toute l'histoire.
Des représentants de l'exégèse moderne qui font autorité
estiment que l'information des deux évangélistes Matthieu et Luc, selon
laquelle Jésus naquit à Bethléem, serait une affirmation théologique, non
historique. En réalité, Jésus serait né à Nazareth. Avec les récits de la
naissance de Jésus à Bethléem, l'histoire aurait été théologiquement
réélaborée selon les promesses, pour pouvoir ainsi — d'après le lieu de la
naissance - indiquer Jésus comme le Pasteur d'Israël attendu (cf. Mt 5,
1-3 ; Mt 2, 6).
Je ne vois pas comment de véritables sources peuvent soutenir
une telle théorie. De fait, sur la naissance de Jésus nous n'avons pas
d'autres sources que celles des récits de l'enfance chez Matthieu et Luc.
Les deux dépendent avec évidence de représentants de traditions très
diverses. Ils sont influencés par des approches théologiques différentes, de
même que leurs informations historiques divergent aussi en partie.
Il apparaît clairement qu'il n'était pas connu de Matthieu
que Joseph tout comme Marie habitaient initialement à Nazareth. C'est pour
cela que, revenant d'Egypte, Joseph veut d'abord se rendre à Bethléem, et
seule la nouvelle qu'en Judée règne un fils d'Hérode le pousse à se dérouter
vers la Galilée. Pour Luc, au contraire, il est clair depuis le début que la
Sainte Famille, après les événements de la naissance, est retournée à
Nazareth. Les deux lignes différentes de tradition concordent sur
l'information que le lieu de la naissance de Jésus était Bethléem. Si nous
nous en tenons aux sources, et si nous ne dévions pas vers des inventions
personnelles, il demeure clair que Jésus est né à
Bethléem et a grandi à Nazareth.
A suivre : La naissance de Jésus
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Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 21.03.2023
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