Lorsque Luc Ferry vilipende Jean-Paul II et le
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Le 20 septembre 2007 -
(E.S.M.) - Quand on se livre à un commentaire
sur l’encyclique Veritatis Splendor du défunt pape Jean Paul II, on est
tenu dans le même temps, cohérence de la pensée oblige, de se conformer
à la vérité.
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Monsieur Luc Ferry
Lorsque Luc Ferry vilipende le pape Jean-Paul II et dans la foulée
Benoît XVI
Lettre ouverte à Monsieur Luc Ferry, ancien
ministre et philosophe
A la suite d'une émission parue sur la chaîne
catholique KTO dimanche 16 septembre, j'ai estimé nécessaire une mise au
point. Elle se présente sous la forme d'une lettre ouverte adressée à M.
Ferry, ancien ministre de l'éducation nationale du gouvernement Raffarin.
Monsieur le Ministre,
Quand on fait profession d’être ami de la sagesse comme le laisse entendre
votre activité publique, cela exige une honnêteté sans faille.
Quand on a exercé une charge ministérielle et non des moindres, cela
requiert un sens élevé des responsabilités.
Quand on se livre à un commentaire sur l’encyclique
Veritatis Splendor du défunt pape Jean Paul II, on est tenu dans le même
temps, cohérence de la pensée oblige, de se conformer à la vérité.
Quand on a l’occasion de s’exprimer sur une chaîne de télévision catholique,
la correction la plus élémentaire oblige à faire preuve de courtoisie et
d’honnêteté vis-à-vis de l’ensemble des catholiques, y compris vis-à-vis de
ceux qui sont attachés au rite tridentin, même si celui-ci vous déplait.
Or, il se trouve que par deux fois en l’espace de quelques minutes vous avez
failli aux devoirs qui étaient les vôtres lors de l’entretien que vous avez
eu sur la chaîne de télévision KTO, le dimanche 16 septembre 2007:
- Une première fois, en laissant entendre que les catholiques ne lisaient
pas les textes de l’Eglise,
- Une seconde fois, et ceci est particulièrement grave, en qualifiant les
fidèles de Saint Nicolas du Chardonnet de néo-nazis.
Ces propos sont à tous égards inacceptables car ils
témoignent d’un certain mépris pour les catholiques dans leur ensemble et
pour les traditionalistes en particulier.
Sur le premier point, je vous ferais courtoisement observer que vous n’êtes
pas derrière chaque catholique pour vous permettre une telle affirmation
péremptoire. Quand bien même cela serait vrai, les textes de l’Eglise ne
sont pas tous destinés au grand public et en l’occurrence Veritatis
Splendor est une lettre encyclique
et, comme telle, s’adresse principalement
aux évêques et non pas à l’ensemble des fidèles. Beaucoup de documents
ecclésiaux sont théologiquement, canoniquement ou philosophiquement hors de
portée de la majorité des catholiques. Ceux-ci n’ont pas reçu une formation
appropriée qui n’est, d’ailleurs, pas nécessaire quand on n’est pas appelé à
exercer un jour des fonctions importantes au sein de l’Eglise.
Vous confondez, Monsieur, érudition et foi. Si
celle-ci peut se nourrir et s’enrichir de celle-là tant mieux mais la vie
spirituelle ne se nourrit pas de que des textes officiels de l’Eglise mais
aussi des écrits des saints et de religieux, parfois anonymes, comme souvent
chez les Pères Chartreux, qui ont laissé des pages admirables riches en
méditation. Pour certains, gens simples, généreux et
rayonnant de leur Amour en Dieu, il reste ce que l’on appelait jadis la foi
du charbonnier, laquelle n’exclut pas pour autant la piété et une certaine
compréhension du magistère de l’Eglise. Et
comme souvent, ces gens simples font preuve d’une rectitude intellectuelle
face à l’enseignement de l’Eglise à l’inverse de certains catholiques qui
croient avoir compris le magistère mais ne se privent pas pour le critiquer,
parfois violemment.
S’agissant des textes officiels, puisqu’il s’agit bien de cela,
permettez-moi de vous rappeler qu’il appartient aux évêques, membres de
l’Eglise enseignante, de les commenter auprès de leurs prêtres et des
fidèles.
Mais venons-en maintenant au second point que j’évoquais plus haut. J’ai été
stupéfait par votre critique du pape Benoît XVI à propos du rétablissement
du libre usage, pour ceux qui le désirent, de la messe de rite tridentin,
selon l’édition typique définie en 1962 par le pape Jean XXIII.
Tandis que le souverain pontife œuvre afin de parvenir à «
une réconciliation interne au sein de l’Eglise
» comme il le dit lui-même dans la
lettre d'accompagnement adressée aux évêques, vous vous posez en
juge critique, méprisant au passage les catholiques de Saint Nicolas du
Chardonnet en les qualifiant de néo-nazis.
Ceci est d’autant plus inacceptable que ces propos sont ceux d’un homme
public dont l’autorité et la notoriété sont de nature leur attribuer un
certain crédit à abuser par voie de conséquence les téléspectateurs mal
informés.
Parlant des néo-nazis de Saint Nicolas, vous dites avoir vérifié par
vous-même sur place l’exactitude de vos accusations. Mais pour avoir
fréquenté pendant plusieurs années, au temps de M. l’abbé Laguérie, dont je
vous rappelle qu’il jouit depuis 2006 d’un statut de droit pontifical pour
l’institut qu’il a fondé, je tiens à m’inscrire en faux. Non, Monsieur le
Ministre, Saint Nicolas du Chardonnet n’est pas un repaire sordide où des
nostalgiques viendraient le dimanche se nourrir en commun d’un passé
abominable !
Comme tout groupe humain les fidèles de Saint Nicolas du Chardonnet offrent
un visage très diversifié d’un point de vue strictement sociologique. On y
rencontre des jeunes, des moins jeunes, des personnes âgées. Toutes les
couches professionnelles y sont représentées, fonctionnaires, militaires,
enseignants, artisans, ouvriers, cadres et employés du secteur privé. Ils ne
sont ni pire, ni meilleurs que les autres mais s’efforcent de vivre en
suivant l’enseignement du Christ. J’affirme que tous ces gens n’ont que
faire de l’idéologie nazie dont ils sont à des années-lumière.
Je ne suis pas derrière chaque catholique traditionaliste pour savoir quels
sont ses choix politiques. Néanmoins, je pense que si d’aucuns votent pour
le Front national ou pour le Mouvement pour la France de Philippe de
Villiers, d’autres ont pris leurs distances avec la politique et votent
blanc ou s’abstiennent parce qu’aujourd’hui aucun
parti ne propose un programme authentiquement conforme à la morale
chrétienne, pas même le Front national dont les militants ne se
préoccupent pas davantage des questions touchant à la morale chrétienne que
homologues des autres partis. Ceci est d’autant plus vrai que de nombreux
chrétiens débattent aujourd’hui sur l’attitude à adopter quand on sait que
le souverain pontife a rappelé l’obligation de cohérence entre les choix
politiques et les principes fondamentaux de la morale naturelle posés en
valeurs non négociables.
Mais je sais par ailleurs que se vendaient et se vendent peut-être encore
aujourd’hui (je n’en sais rien puisque je vis depuis plusieurs années en
province) des revues, livres et autres documents émanant du Front national
ou de partis ou mouvements appartenant à la droite nationale, comme l’Action
française.
Or c’est précisément là où le bât blesse car vous vous appuyez sur ce
constat pour reprendre, sur le dos des traditionalistes, le discours très
confortable qui procède par amalgames pour disqualifier les sympathisants de
la droite nationale. Ce faisant vous avez transposé dans le domaine
religieux le débat politique dans sa forme la plus détestable. Ceci me
conduit à m’interroger. De deux choses l’une :
Ou bien vous êtes convaincu du contenu idéologique que l’on prête au Front
national et j’aimerais que vous l’expliquiez au béotien que je suis, étant
entendu que l’argumentaire fondé sur le racisme et la xénophobie ne me
paraît pas convaincants. Ces mêmes arguments furent, au demeurant, employés
contre le candidat Nicolas Sarkozy au cours de la dernière campagne
présidentielle afin de le disqualifier.
Ou bien vous l’avez fait sciemment pour discréditer les catholiques
traditionalistes et je regrette de devoir vous dire que ce genre de méthode
relève de la technique de désinformation propre aux régimes totalitaires. Je
vous invite à relire la ferme des animaux de George Orwell. Cela m’épargnera
un long commentaire sur l’entreprise de manipulation mentale qui caractérisa
naguère les pays du bloc de l’est et à laquelle les procédés utilisés
aujourd’hui en France s’apparentent.
Je tiens aussi à vous préciser que les prêtres de la tradition, et pas
seulement à Saint Nicolas du Chardonnet, interdisent toute vente de presse
politique sur le parvis de leur église non pas par peur du qu’en dira-t-on
mais pour des raisons plus élevées. Monsieur l’abbé Laguérie l’a fait en son
temps avec la fermeté qu’on lui connaît mais aussi Monsieur l’abbé Coiffet à
Versailles. J’en parle pour les avoir personnellement entendus en chaire
mettre en garde les fidèles.
Leur motivation tient au fait que la messe dominicale
est le temps fort de la vie chrétienne qui doit nourrir la vie spirituelle,
laquelle ne doit pas être perturbée dès la fin de la messe par un colportage
politique intempestif, quel qu’il soit. Au fond, il s’agit, et cela me
paraît tout à fait légitime, de rendre ce jour-là (Dies Domini) à
Dieu ce qui est à Dieu et de laisser César de côté afin de préserver le
caractère latreutique (se dit du
culte rendu à Dieu en tant qu’il est Dieu) de cette
journée. Ceci étant, les prêtres n’ont pas de pouvoirs de police, que je
sache, et ne peuvent empêcher les marchands politiques de tourner autour du
temple.
Enfin, j’ajouterai que le courant traditionaliste ne se réduit pas à Saint
Nicolas du Chardonnet, loin s’en faut, ni même à la seule Fraternité Saint
Pie X fondée par Mgr Lefebvre. En rédigeant la lettre apostolique Summorum
Pontificum, je suis convaincu que Benoît XVI avait en vue bien autre chose
que cette seule église parisienne qui n’était jamais qu’une église
paroissiale et qui a acquis une renommée emblématique dans les années 70
quand les traditionalistes n’avaient pas d’autres possibilités de se faire
entendre autrement qu’en occupant des églises. C’est pourquoi je considère
votre critique sur le motu proprio pour le moins réducteur et grossièrement caricatural, à
l’aune de ce que peuvent rapporter les médias dont la rigueur et
l’objectivité d’analyse pour tout ce qui touche le catholicisme, ne semblent
pas être la vertu première.
Alors si vous êtes épris de vérité je vous invite à prendre votre bâton de
pèlerin, ce qui est tout indiqué en la circonstance, et à vous rendre à
l’abbaye bénédictine de Fontgombault, à celle de Randol, à celle de Sainte
Madeleine du Barroux, à découvrir les chanoines Réguliers de Lagrasse, les
pères dominicains de la Fraternité Saint Vincent Ferrier et les dizaines de
lieux de cultes concédés à la Fraternité saint Pierre, à l’Institut du
Christ-Roi de Mgr Wach, à l’Institut du bon Pasteur de l’abbé Laguérie,
institutions canoniquement en règle avec Rome et vous verrez que la
tradition n’est certainement pas ce que voulez bien en dire. Cela vous
évitera des propos blessants et injustes. Je citerai aussi les lieux de
culte de la Fraternité Saint Pie X et des communautés catholiques qui s’y
rattachent, même si pour l’instant elles ne sont pas reconnues canoniquement
: je pense aux bénédictins de Bellaigue ou aux dominicains d’Avrillé, aux
capucins et clarisses de Morgon, aux pères de la Fraternité de la
Transfiguration de Mérigny, aux carmélites d’Eynesse comme à celles de
Quiévrain en Belgique, aux sœurs de la Fraternité Saint Pie X, aux
dominicaines enseignantes et bien d’autres encore en France comme à
l’étranger, car j’en oublie. Croyez-vous que, cloîtrées selon l’ancienne
règle, les carmélites nourrissent du fond de leur carmel je ne sais quel
fantasme mussolinien ou hitlérien ?
Et en dernier lieu, plutôt qu’un mépris condescendant pour tout ce qui
touche la tradition je vous invite à lire ne serait-ce que le « Suscipe
Sancte Pater », prière de l’offertoire de la messe tridentine pour le
comparer à la prière d’offrande de la messe de Paul VI. Mieux encore, prenez
le temps d’assister à une messe, une messe basse, toute simple, une messe
comme celle que que tout moine - prêtre célèbre quotidiennement et
solitairement, à l’abbaye de Flavigny-sur-Ozerain ou à celle du Barroux.
Alors, peut-être sentirez-vous la dimension sacrée d’une liturgie qui,
remontant aux premiers siècles du christianisme et qui, vraisemblablement,
était déjà codifiée dès le VIème siècle dans la forme générale qu’on lui
connaît aujourd’hui, se répète immuable, quasi éternelle, jour après jour,
en sacrifice d’adoration et de louange ? Alors vous comprendrez, je le
souhaite ardemment, tout ce que vos propos peuvent avoir d’incongrus et
d’offensants.
Pardonnez le ton parfois virulent de cette lettre, mais je me devais de vous
faire savoir mon indignation, non pas pour moi tout particulièrement mais
parce qu’il est insupportable qu’un débat politique faussé depuis longtemps
vienne entacher la réflexion spirituelle surtout quand celle-ci porte sur la
Vérité.
Confiant dans l’idée que le philosophe que vous êtes recevra avec attention
et bienveillance les rectifications que j’ai cru devoir apporter, je vous
prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma respectueuse
considération.
Publié par Dionisi
"En retraite depuis 2003, je profite désormais de la liberté
de parole que l'obligation de réserve de ma profession ne m'accordait pas
pour apporter ma toute modeste contribution à l'œuvre de restauration de la
France. Je crois fermement que chacun a le devoir d'entreprendre cette
œuvre, à sa manière, là où il se trouve et selon ses propres moyens."
(Gesta Dei per Francos)
Sources:
Gesta Dei per Francos
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 20.09.2007 - BENOÎT XVI -
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