Voyage à travers le
catholicisme de France avec le cardinal André Vingt-Trois |
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Le 19 juin 2009 -
(E.S.M.)
- « Tout au long de ces dernières semaines tourmentées, m’est
revenue à l’esprit l’image de la barque entraînée dans la
tempête et des apôtres qui voyaient Jésus dormir ».
Interview d’André Vingt-Trois. Cardinal de Paris. Prêtre depuis
quarante ans
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Le cardinal André
Vingt-Trois
Voyage à travers le
catholicisme de France avec le cardinal André Vingt-Trois
Interview du cardinal André Vingt-Trois par Gianni Valente
Le 19 juin 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Tout au long de ces dernières semaines tourmentées, alors qu’en France aussi
l’Église et le Pape étaient au centre de nombreuses polémiques, l’image de
la barque entraînée par la tempête et de Jésus qui dormait alors que les
apôtres étaient pris par l’angoisse d’être emportés par les vagues, est
revenue à l’esprit du cardinal André Vingt-Trois. Il l’a raconté lui-même à
ses collègues de l’épiscopat français, réunis à Lourdes à la fin du mois de mars:
« Moi aussi », a-t-il confié, « j’avais besoin de m’entendre dire: “Pourquoi
avez-vous si peur? N’avez-vous pas encore de foi?” ». Avec la même franchise
l’archevêque de Paris répond, sans chercher à se dérober, aux questions sur
la situation présente de l’Église en France et dans le monde. Et il part
pour cela de la considération – qui est dans la droite ligne de son habituel
et solide réalisme – qu’il n’y a pas lieu de « dramatiser ni de spiritualiser
à l’excès ce que nous avons vécu ».
Dans quelques semaines, cela fera quarante ans que
vous êtes prêtre. C’était en 1969.
ANDRÉ VINGT-TROIS: Quarante ans, c’est un long chemin. Si, ensuite, on
ajoute les dix ans de préparation, cela fait un demi-siècle… J’ai eu
l’occasion et la joie d’expérimenter différents aspects du ministère
sacerdotal. J’ai été prêtre de paroisse, j’ai enseigné, j’ai été vicaire
général et ensuite j’ai été ordonné évêque. Et pourtant, maintenant, pour
moi, c’est comme si toutes ces années n’étaient qu’un temps très bref.
Si vous regardez le chemin accompli, quelle est votre première impression?
Mgr VINGT-TROIS: Avec les séminaristes, avec les paroissiens et ensuite avec
les prêtres et les fidèles des diocèses où j’ai été nommé évêque, nous
avons, ensemble, traversé une période intense pour la vie de l’Église: le
Concile, Paul VI, Jean Paul II… Il y a eu de nombreuses difficultés à
affronter, d’autant plus que cette période a coïncidé, en France, avec un
phénomène que l’on a parfois un peu grossièrement appelé sécularisation,
c’est-à-dire avec l’éclipse des points de référence chrétiens pour beaucoup
de nos contemporains. Mais je dois dire que je n’ai jamais eu le sentiment
d’avoir pris une voie sur laquelle il y aurait eu quelque chose à regretter.
Et pourtant Vous avez raconté qu’on vous proposait souvent à vous,
séminaristes, une morale du sacrifice: on insistait sur l’invitation à
abandonner quelque chose d’important pour offrir avec générosité votre vie à
Jésus.
Mgr VINGT-TROIS: À y repenser, il me semble que ce n’était pas une bonne
piste. Bien sûr, dans toute histoire d’amour il y a des renonciations. Quand
on aime quelqu’un de façon préférentielle, on renonce à d’autres amours, on
choisit, on assume la vie quotidienne qui demande toujours des
renonciations. Mais ce ne sont jamais des renonciations marquées
principalement par la privation. Elles sont marquées au contraire par la
surprise de l’amour et par la plénitude qui en découle. J’ai eu une vie
ordinaire. Sans maladies graves, sans périodes sombres de dépression. Mais
dans toutes ces années, je n’ai jamais eu l’impression que ma vie était
écrasée sous un poids difficile à porter.
En France on parle parfois d’une sorte de fracture générationnelle parmi les
prêtres, d’une fracture entre ceux qui ont grandi dans les années du Concile
et de l’après-Concile et ceux de la dernière génération qui sont marqués par
un plus grand besoin d’affirmation identitaire.
Mgr VINGT-TROIS: Pour ma part, je ne verrais pas principalement la clef de
ces confrontations dans un besoin d’affirmation identitaire. La génération
des prêtres que nous avons connue en France jusqu’au Concile avait un espace
social défini, relativement reconnu, et s’enracinait dans une expérience
d’Église qui était une expérience communautaire, qui embrassait aussi bien
les liens familiaux que la participation à la vie de la paroisse et des
associations ecclésiales. Je dirais que l’équilibre de leur position venait
de leur vocation, de leur générosité, mais aussi de cet entourage, de ce
milieu qui “portait” en un certain sens leur existence. Déjà, pour ma
génération, ceux qui se sont mis en chemin dans les années soixante, la
situation était différente. Depuis lors, le rôle du prêtre dans la société,
de façon plus évidente dans les villes (car souvent, dans les villages, le
curé restait le curé) est quelque chose de très difficile à identifier, et
le milieu dans lequel le prêtre est inséré ne le “porte” pas, ne lui offre
aucun soutien. Nombre d’entre eux sont comme des gens qui n’ont ni rôle ni
appui social. Cela les pousse éventuellement à chercher des points de
référence, des symboles d’identification dont ils ressentent plus fortement
le besoin que les prêtres des années cinquante.
Les données sur les vocations sont souvent citées par ceux qui disent que
l’Église de France n’a pas d’avenir. Vous avez souligné qu’il s’agit de
caricatures de la réalité, démenties par certains faits récents comme, par
exemple, les messes pendant la visite du Pape en France.
Mgr VINGT-TROIS: Avant le voyage du Pape deux questions se posaient. La
première était de savoir si réellement, comme le soupçon en avait été
formulé, les catholiques de France n’étaient pas en communion avec l’Église
de Rome. Et la seconde portait sur l’image que notre Église allait donner
d’elle-même. Et puis on a vu que la foule qui s’était rassemblée aux
Invalides était essentiellement formée de jeunes adultes, de familles avec
leurs enfants, de jeunes, de beaucoup d’étrangers qui manifestaient qu’ils
avaient trouvé une place dans notre Église. Et en réponse à ceux qui
disaient que les catholiques de France n’étaient pas en communion avec le
Pape, il a suffi de regarder la foule qui se pressait sur son passage tout
le long du chemin qui mène du Collège des Bernardins à Notre-Dame, puis sur
le parvis de la cathédrale. Est apparue à cette occasion une réalité que
l’on ne remarque pas d’habitude. Il faut donner toute sa valeur à ce signal.
Il y a beaucoup de gens, y compris des familles et des jeunes, qui vivent
leur foi de manière simple au sein de l’Église catholique.
Le cardinal Danneels a été frappé par le fait que «ces personnes étaient
venues de leur propre initiative et non parce qu’on les avait organisées».
C’est ce qu’il a appelé un «christianisme générique».
Mgr VINGT-TROIS: On peut organiser un événement. On peut remplir Notre-Dame
avec trois mille personnes. Ce n’est pas difficile. On peut remplir le
parvis devant la cathédrale avec dix mille personnes. C’est un peu plus
difficile mais on peut y arriver. À la messe sur l’Esplanade des Invalides
il y avait au moins deux cent cinquante mille personnes. Elles auraient pu
rester plus confortablement chez elles, vu que la messe, comme toutes les
célébrations et les rencontres de ces jours, était retransmise à la
télévision. Voilà, une chose de ce genre ne se fabrique pas.
Il y a des gens qui pensent que la possibilité d’une
renaissance de l’Église se trouve entièrement dans les mains des groupes et
des mouvements qui jouent un rôle de premier plan dans l’Église. Qu’en
pensez-vous?
Mgr VINGT-TROIS: Je regarde comment l’Évangile nous décrit la façon
dont les gens suivaient Jésus. Dans le Sermon sur la montagne, on voit qu’il
y a des cercles concentriques, un peu comme ceux dont parlait aussi Paul VI
dans l’encyclique
Ecclesiam Suam. Il y a les apôtres, le Christ lui-même en
choisit douze. Puis les disciples, ceux qui ont choisi de le suivre, ceux
qui ont quitté leur maison et qui se déplacent avec lui. Puis il y a le
groupe plus fluide des personnes qui sont intéressées, qui écoutent,
répondent. On ne peut définir l’Église à partir du seul noyau central.
Précisément parce que l’Église n’a pas pour mission de se concentrer dans un
noyau “dur” central, mais plutôt d’annoncer l’Évangile à tous les hommes et
à tous les peuples. C’est ce que dit le Concile: dans le chemin de
l’histoire, jusqu’au rassemblement final de l’humanité autour du Christ,
l’Église est, d’une certaine façon, sacrement d’unité pour toute l’humanité.
Dans l’Église, il y a bien sûr les plus déterminés, qui ont fait des choix
personnels, mais aussi ceux qui sont en chemin, ceux qui ont à peine
commencé le chemin… À Pâques 2009, à Notre-Dame, trois cent onze
catéchumènes adultes ont reçu le baptême. Évidemment ils ne sont pas encore
au terme de leur chemin dans la vie de foi et dans la vie ecclésiale: ils
l’ont à peine commencé! Pour moi, la vraie ressource de l’Église, ce sont
ces communautés où il n’y a pas de super-baptisés, celles qui rassemblent
des gens dont la foi est plus ou moins parfaite, dont la vie est plus ou
moins parfaite, des pécheurs, comme tous les membres de l’Église, des
pécheurs pardonnés qui cherchent à marcher en suivant le Christ. L’annonce
de l’Évangile est toujours inaugurale. Nous sommes toujours au début. Comme
disait le prêtre orthodoxe Alexander Men, le christianisme ne fait que
commencer.
Mais dans l’Église catholique, certains faits qui se
sont produits ces derniers mois ont donné lieu à des discussions, des
équivoques, des polémiques. Dans ce contexte compliqué est arrivée en outre
la Lettre du 10 mars que Benoît XVI a adressée à tous les évêques. Parmi
tous les points que cette lettre soulignait, quels sont ceux qui vous ont le
plus frappé?
Mgr VINGT-TROIS: La décision de la levée de l’excommunication des évêques
ordonnés illégitimement par Lefebvre a suscité en France plus d’émotion
qu’ailleurs parce que, chez nous, la présence de la Fraternité Saint Pie X
est plus implantée qu’ailleurs. Les évêques n’ont pas pu préparer ni bien
expliquer la décision du Pape parce qu’ils n’en savaient rien. Pour corriger
les erreurs d’interprétation, le Pape a voulu nous adresser cette lettre
personnelle. Celle-ci est d’ailleurs allée bien au-delà de la simple
intention de corriger la façon maladroite dont sa décision avait été rendue
publique. Le Pape explique dans sa lettre les raisons de fond de la mesure
qu’il a prise. En particulier, lorsqu’il répond à la question de savoir s’il
était si urgent d’aborder le problème de l’excommunication des évêques lefebvristes et s’il n’y avait pas des questions plus urgentes et
prioritaires. Le Pape explique qu’en effet la priorité est toujours
d’annoncer l’Évangile mais que l’on ne peut annoncer l’Évangile en se
résignant au fait qu’une partie des membres de l’Église soit totalement
marginalisée.
Certains évêques français et vous-même êtes intervenus
à plusieurs reprises sur l’affaire de l’avortement de la petite fille
brésilienne, intervention présentée comme un exemple de l’insensibilité des
hommes d’Église devant des situations de souffrance.
Mgr VINGT-TROIS: Cette histoire nous est tombée dessus comme un météorite.
Face à la façon dont les faits avaient été rapportés, il était naturel
d’éprouver une certaine amertume. Cela fait deux mille ans qu’on annonce
l’Évangile en supportant le péché et, en tant que chrétiens, nous ne sommes
pas les porte-parole d’un groupe de parfaits qui vendraient de la
marchandise en disant: « nous sommes les meilleurs ». Nous annonçons
quelque
chose que nous n’avons pas fabriquée, dont nous sommes héritiers par grâce
et que nous essayons de partager avec tous du mieux que nous pouvons, ou du
moins mal que nous pouvons. Il faut ajouter que nous avons maintenant des
informations plus critiques sur la façon dont sont allées les choses dans
cette affaire et sur la façon dont celle-ci a été transformée en affaire
médiatique. Il faut reconnaître qu’elle s’inscrit dans le contexte politique
actuel du Brésil où est en cours une campagne pour la libéralisation de
l’avortement. Cette histoire, désastreuse et douloureuse pour la petite
fille et pour toute sa famille, a été utilisée comme instrument de
propagande. Les media occidentaux l’ont rapportée sans vérifier comment les
choses s’étaient vraiment passées.
Il y a des gens qui disent que certaines Églises
locales sont dans une situation d’“opposition” silencieuse par rapport au
Pape. Qu’y a-t-il de vrai là dedans?
Mgr VINGT-TROIS: Les évêques français qui se sont prononcés se sont toujours
tous déclarés proches du Pape et ont exprimé leur volonté de soutenir son
action. Puis il arrive qu’en France – mais ce n’est pas une spécialité
française, la même chose arrive dans d’autres pays –, il y a des groupes,
des courants ou des personnes qui contestent systématiquement la position de
l’institution ecclésiale et, qui, chaque fois qu’un événement peut leur
permettre de s’exprimer et de trouver place dans les media, en profitent. De
plus, il y a un autre aspect dont il faut tenir compte: dans les réactions
enregistrées en France, plus que de l’agressivité critique à l’égard de
l’Église, il y avait plutôt de la part de beaucoup de chrétiens l’expression
d’une tristesse et d’une contrariété. Ce n’était pas tant une dénonciation
de l’Église que l’expression d’une déception: il semblait que, dans ces
affaires, l’Église donnait d’elle une image différente de ce qu’elle est
vraiment. J’ai dit cela au Pape et je pense qu’il l’a bien compris.
Les polémiques ne risquent-elles pas de radicaliser
les oppositions entre les si diverses sensibilités de l’Église française?
Mgr VINGT-TROIS: Je pense, pour ma part, que l’Église a toujours progressé
dans la communion en prenant en charge les différences. Quand Paul s’est
opposé à Pierre sur la question des chrétiens d’origine païenne, il est sûr
qu’ils n’étaient pas d’accord. Si l’Église n’a pas pris fin alors, c’est
parce qu’ils ont vécu la communion malgré leur désaccord. Je pense que l’un
des signes forts que l’on peut offrir dans la société moderne est
précisément que notre communion dans le Christ nous permet de laisser
subsister des différences d’évaluation, de compréhension, parfois des
différences d’interprétation pour tout ce qui ne concerne pas la foi et la
morale. À condition que les différentes positions qui peuvent coexister ne
soient pas exprimées comme un acte de rejet et de haine. Car dans ce cas, on
n’est plus dans la communion de l’Église. Par exemple, on ne peut vouloir
faire la communion dans l’Église en décrétant que le Pape n’est plus dans
l’Église…
Il y a des gens dans l’Église qui semblent presque se féliciter des
critiques qui leur sont adressées: si on nous hait, disent-ils, c’est la
preuve que nous sommes des témoins authentiques, purs et durs. Que
pensez-vous de cette attitude?
Mgr VINGT-TROIS: Dans la tradition chrétienne, les candidats au martyre
n’ont jamais été encouragés. Ils ont toujours été regardés avec suspicion.
D’abord si nous regardons du côté de l’Évangile, ni le Christ ni les apôtres
n’ont cherché dans leur mission apostolique à frapper les esprits ou à
scandaliser. Au contraire, ils ont toujours essayé de se faire comprendre.
Cela dit, le critère pour évaluer notre action n’est pas la réaction
publique que nous suscitons mais la conformité à l’Évangile que nous voulons
annoncer. Dans nos sociétés qui sont si laxistes sur des questions
concernant la vie humaine, comme l’avortement ou l’euthanasie, je suis
désolé, mais je ne peux pas dire que l’avortement et l’euthanasie sont de
bonnes choses uniquement pour faire plaisir à tout le monde et ne
mécontenter personne. Il faut en même temps souligner que la vision
chrétienne de l’être humain concorde profondément avec la raison humaine.
Cette correspondance entre la vérité qui nous est révélée par l’Écriture et
la Tradition et la sagesse humaine est quelque chose que nous pouvons mettre
en valeur.
Dans les réactions publiques aux paroles prononcées par le Pape sur le sida
et le préservatif, pendant le vol qui le conduisait en Afrique, certains
hommes politiques français se sont distingués. Qu’est devenue la “laïcité
positive” de Sarkozy?
Mgr VINGT-TROIS: Ce sont deux choses totalement différentes. En France –
mais je ne pense pas que ce soit très différent en Italie –, nous sommes
dans une société politique dominée par l’image que l’on donne de soi-même.
Les personnages politiques qui sont intervenus pour critiquer le discours du
Pape sur la lutte contre le sida l’ont fait sans vérifier ce qu’avait dit le
Saint-Père et n’avaient en vue que de confirmer qu’ils étaient bien alignés
sur la mentalité commune. Ils ont dit ce qu’ils pensaient que tout le monde
voulait les entendre dire. Ce n’est pas là une ligne politique, c’est une
gestion médiatique de la vie sociale. Une ligne politique est une tout autre
chose. C’est reconnaître qu’il y a des objectifs de grande portée qui
regardent le bien commun et qui sont exposés de manière décidée et directe,
même lorsque leur poursuite demande du temps et qu’ils ne peuvent être
réalisés immédiatement. Je crois que le discours du président de la
République Sarkozy sur la place de la religion dans les sociétés est lié à
ses objectifs politiques et non simplement à la gestion médiatique de la vie
sociale.
Cette année a lieu le jubilé du saint Curé d’Ars. Que peut suggérer aux
Français d’aujourd’hui et à toute l’Église, au temps de la sécularisation,
la voie simple du soin des âmes suivie par saint Jean-Marie Vianney?
Mgr VINGT-TROIS: Je peux dire tout de suite que, dans le diocèse de Paris,
nous avons célébré l’année du sacerdoce cette année, avant l’annonce du Pape
qui l’a déclarée pour l’année prochaine. Cette année, la relique du cœur du
curé a été portée pendant une semaine en pèlerinage dans les églises de
Paris et a attiré un très grand nombre de fidèles. Pour ce qui est de son
actualité, certains se réfèrent au curé d’Ars avec une certaine nostalgie,
ils voudraient presque reconstruire les conditions de vie des paroisses des
villages du XIXe siècle, où il y avait un prêtre pour deux cents habitants.
Mais le XIXe siècle est fini depuis plus de cent ans. Moi, par exemple, je
n’ai jamais pu mener la vie du curé d’Ars.
Qu’est-ce que le curé d’Ars a donc encore à dire aux paroissiens et à
vous-même?
Mgr VINGT-TROIS: Nous sommes appelés à vivre dans l’Église d’aujourd’hui,
dans les paroisses d’aujourd’hui, comme elles sont. Ce qui est exemplaire
dans la figure du curé d’Ars, ce n’est pas le lieu et le temps dans lequel
il lui a été donné de vivre mais l’amour pastoral pour son peuple, la
catéchèse de tous les jours à travers la prédication et le catéchisme pour
les petits et pour les grands, la miséricorde offerte et dispensée à travers
le sacrement de la pénitence et la conversion de sa vie qui se manifestait
dans la façon dont son cœur s’ouvrait pour accueillir tous les pécheurs.
Tels sont les aspects de la vie du curé d’Ars auxquels se réfère aujourd’hui
aussi bien le curé du village d’Ars que l’archevêque de Paris. Les curés du
XXIe siècle ont le devoir d’aimer leur peuple, de l’instruire, de lui
pardonner et de convertir leur propre vie. C’est pourquoi le patronage du
curé d’Ars est si précieux pour tous les prêtres diocésains.
Récemment, en parlant aux séminaristes de Paris, vous
avez répété que, dans le sacerdoce, la confession est l’œuvre la plus cachée
mais la plus importante. Comment s’exprime à Paris cette priorité?
Mgr VINGT-TROIS: Elle s’exprime premièrement par le fait que d’habitude,
durant toute l’année, il y a à Paris au moins une dizaine d’églises – y
compris Notre-Dame, le Sacré-Cœur. Saint-Sulpice, la Chapelle des étrangers,
où l’on confesse du matin au soir. Les Parisiens, qui sont habitués à se
déplacer pour vaquer à leurs multiples occupations, savent donc que, s’ils
le veulent, il y a des endroits où ils peuvent se confesser à toute heure.
En deuxième lieu, dans la grande partie des paroisses de Paris, sont
indiquées sur des panneaux, à l’entrée de l’église, les heures où, jour par
jour, l’on peut trouver dans l’église un prêtre pour se confesser.
Troisièmement, dans les temps forts de l’année liturgique comme l’Avent et
le Carême, est de plus en plus souvent organisé ce que l’on appelle les
“journées du pardon”: une, deux, trois paroisses se mettent ensemble et
décident du jour où, de dix heures du matin à dix heures du soir, il y aura
un accueil ininterrompu pour ceux qui souhaitent se confesser. Et il y a en
effet beaucoup de gens qui viennent.
Pour finir, une question sur le dialogue œcuménique:
vous avez noué une relation de communion avec l’Église orthodoxe russe,
naguère avec Alexis, maintenant avec Kirill. Y a-t-il des affinités
particulières entre Paris et Moscou?
Mgr VINGT-TROIS: Le diocèse de Paris et, plus généralement, l’Église de
France ont des relations très fraternelles avec les orthodoxes, ceux du
Patriarcat de Constantinople – qui a un évêque à Paris – comme ceux du
Patriarcat de Moscou, qui a aussi un évêque à Paris pour la communauté
russe. Dès que je suis devenu archevêque de Paris, j’ai eu le privilège de
recevoir le patriarche Alexis en visite en France et je suis allé rendre
visite au patriarche Bartholoméos à Constantinople. Puis j’ai aussi rendu
visite au patriarche Alexis à Moscou, tout cela pour montrer, entre autres,
que les relations fraternelles que nous avons avec le patriarche de Moscou
n’excluent pas que nous en ayons aussi avec le patriarche de Constantinople.
Sources : 30giorni.it
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 19.06.09 -
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