Audience Générale de Benoît XVI sur Eusèbe de
Césarée |
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ROME, le 19 juin 2007 -
(E.S.M.) - Le Vatican publie
aujourd'hui le texte de la catéchèse du pape Benoît XVI sur Eusèbe de
Césarée, célèbre comme étant le premier historien du christianisme, et
également le plus grand philologue de l'Église antique.
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Le pape Benoît XVI -
Audience Générale -
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Audience Générale de Benoît XVI sur Eusèbe de Césarée
Texte intégral de la catéchèse du pape Benoît XVI
Eusèbe de Césarée
Chers frères et sœurs,
Dans l'histoire du christianisme antique, la distinction entre les trois
premiers siècles et ceux qui suivirent le Concile de Nicée de 325, le
premier Concile œcuménique, est fondamentale. Presque comme une "charnière"
entre les deux périodes se trouvent ce qu'on appelle le "tournant
constantinien" et la paix de l'Eglise, ainsi que la figure d'Eusèbe, Evêque
de Césarée en Palestine. Il fut le représentant le plus qualifié de la
culture chrétienne de son époque dans des contextes très variés, de la
théologie à l'exégèse, de l'histoire à l'érudition. Eusèbe est en
particulier célèbre comme le premier historien du christianisme, mais il fut
également le plus grand philologue de l'Église antique.
A Césarée, où il faut probablement situer autour de 260 la naissance
d'Eusèbe - précise Benoît XVI - Origène s'était réfugié en arrivant d'Alexandrie, et c'est là
qu'il avait fondé une école et une importante bibliothèque. C'est
précisément sur ces livres que devait se former, quelques décennies plus
tard, le jeune Eusèbe. En 325, en tant qu'Evêque de Césarée, il joua un rôle
important dans le Concile de Nicée. Il en approuva le Credo et l'affirmation
de la pleine divinité du Fils de Dieu, défini pour cela "de la même
substance" que le Père (homooúsios tõ
Patrí). C'est pratiquement le même Credo que nous récitons chaque
dimanche dans la sainte Liturgie. Admirateur sincère de Constantin, qui
avait donné la paix à l'Eglise, Eusèbe en reçut à son tour l'estime et la
considération. Il célébra l'empereur, non seulement dans ses œuvres, mais
également dans des discours officiels, prononcés lors du vingtième et du
trentième anniversaire de son accession au trône, et après sa mort, qui eut
lieu en 337. Deux ou trois ans plus tard, Eusèbe mourut lui aussi.
Chercheur inlassable, dans ses nombreux écrits, Eusèbe se propose de
réfléchir et de faire le point sur trois siècles de christianisme, trois
siècles vécus sous la persécution, en puisant largement aux sources
chrétiennes et païennes conservées en particulier dans la grande
bibliothèque de Césarée. Ainsi, malgré l'importance objective de ses œuvres
apologétiques, exégétiques et doctrinales, la réputation éternelle d'Eusèbe
reste surtout liée aux dix livres de son Histoire ecclésiastique. C'est le
premier qui a écrit une Histoire de l'Église, qui reste fondamentale grâce
aux sources qu'Eusèbe a mises à notre disposition pour toujours. Avec cette
Histoire, il réussit à sauver d'un oubli certain de nombreux événements,
personnages et œuvres littéraires de l'Église antique. Il s'agit donc d'une
source primordiale pour la connaissance des premiers siècles du
christianisme.
Nous pouvons nous demander de quelle façon il a structuré et avec quelles
intentions il a rédigé cette œuvre nouvelle - poursuit Benoît XVI -. Au début de son premier livre,
l'historien dresse avec précision la liste des thèmes qu'il entend traiter
dans son œuvre: "Je me suis proposé de mettre par écrit les successions des
saints apôtres et les temps écoulés, à partir de ceux de notre Sauveur
jusqu'à nous; toutes les grandes choses que l'on dit avoir été accomplies au
cours de l'histoire de l'Eglise; tous ceux qui ont dirigé et guidé de
manière éminente les plus illustres diocèses; et ceux qui, au cours de
chaque génération, ont été des messagers de la Parole divine à travers la
parole et les écrits; quelles et combien ont été les personnes, et à quelle
époque, qui, poussées par un désir de nouveauté, après avoir persévéré le
plus possible dans l'erreur, sont devenues des interprètes et des promoteurs
d'une fausse doctrine, et comme des loups cruels, ont dévasté sans pitié le
troupeau du Christ; ...et le nombre et les moyens avec lesquels, et à quelle
époque, la Parole divine fut combattue par les païens; et les grands hommes
qui, pour la défendre, sont passés à travers de dures épreuves de sang et de
tortures; et, enfin, les témoignages de notre temps, et la miséricorde et la
bienveillance de notre Sauveur envers nous tous"
(1, 1, 1-2). Eusèbe traite de
divers secteurs: la succession des Apôtres comme ossature de l'Église, la
diffusion du message, les erreurs, puis les persécutions de la part des
païens et les grands témoignage qui sont la lumière de cette Histoire. Dans
tout cela transparaissent pour lui la miséricorde et la bienveillance du
Sauveur. Eusèbe inaugure ainsi l'historiographie ecclésiastique, poussant
son récit jusqu'en 324, année où Constantin, après la défaite de Licinius,
fut acclamé unique empereur de Rome.
C'est l'année précédant le grand Concile de Nicée qu'il offre ensuite la "Summa"
de ce que l'Église - d'un point de vue doctrinal, moral et aussi juridique -
avait appris au cours de ses 300 ans.
La citation que nous venons de mentionner, tirée du premier livre de
l'Histoire ecclésiastique, contient une répétition certainement
intentionnelle. A trois reprises en quelques lignes seulement, revient le
titre christologique de Sauveur, et il est explicitement fait référence à sa
"miséricorde" et à sa "bienveillance". Nous pouvons ainsi saisir la
perspective fondamentale de l'historiographie eusébienne: son histoire est
une histoire "christocentrique" dans laquelle se révèle progressivement le
mystère de l'amour de Dieu pour les hommes. Avec un étonnement authentique,
Eusèbe reconnaît "qu'auprès de tous les hommes du monde entier seul Jésus
est dit, confessé, reconnu Christ [c'est-à-dire Messie et Sauveur du monde],
qu'il est rappelé avec ce nom également par les grecs et par les barbares,
qu'aujourd'hui encore, il est honoré comme un roi par ses disciples présents
dans le monde, admiré plus qu'un prophète, glorifié comme le vrai et unique
prêtre de Dieu; et, plus encore, en tant que Logos de Dieu préexistant et
tiré de l'être avant tous les temps, il a reçu du Père un honneur digne de
vénération, et il est adoré comme Dieu. Mais la chose la plus extraordinaire
de toutes est que, lorsque nous lui sommes consacrés, nous le célébrons non
seulement avec les voix et le son des paroles, mais avec toutes les
dispositions de l'âme, de sorte que nous plaçons avant nos vies elles-mêmes
le témoignage que nous lui rendons" (1, 3, 19-20). C'est ainsi qu'apparaît
au premier plan une autre caractéristique, qui restera constante dans
l'antique historiographie ecclésiastique: c'est "l'intention morale" qui
préside au récit. L'analyse historique n'est jamais une fin en elle-même;
elle n'est pas seulement faite pour connaître le passé; elle vise plutôt de
manière décidée à la conversion, et à un authentique témoignage de vie
chrétienne de la part des fidèles. Elle est un guide pour nous-même.
De cette manière, Eusèbe interpelle vivement les croyants de chaque époque à
propos de leur façon d'aborder les événements de l'histoire, et de l'Eglise
en particulier. Il nous interpelle nous aussi: quelle est notre attitude à
l'égard des événements de l'Eglise? Est-ce l'attitude de celui qui s'y
intéresse par simple curiosité, peut-être en recherchant à tout prix ce qui
est sensationnel ou scandaleux? Ou bien l'attitude pleine d'amour, et
ouverte au mystère, de celui qui sait - par foi - pouvoir retrouver dans
l'histoire de l'Eglise les signes de l'amour de Dieu et les grandes œuvres
du salut qu'il a accomplies? Si telle est notre attitude, nous ne pouvons
que nous sentir encouragés à une réponse plus cohérente et généreuse, à un
témoignage de vie plus chrétien pour laisser les signes de l'amour de Dieu
également aux générations futures.
"Il y a un mystère", ne se lassait pas de répéter cet éminent expert des
Pères de l'Eglise que fut le Cardinal Jean Daniélou: "Il y a un contenu
caché dans l'histoire... Le mystère est celui des œuvres de Dieu, qui
constituent dans le temps la réalité authentique, cachée derrière les
apparences... Mais cette histoire que Dieu réalise pour l'homme, il ne la
réalise pas sans lui. S'arrêter pour contempler les "grandes choses" de Dieu
signifierait ne voir qu'un aspect des choses. Face à celles-ci se trouve la
réponse des hommes" (Essai sur le mystère
de l'histoire - "Saggio sul mistero della storia", éd. it., Brescia 1963, p.
182). Après tant de siècles, aujourd'hui aussi Eusèbe de Césarée
invite les croyants, il nous invite, à nous étonner, à contempler dans
l'histoire les grandes œuvres de Dieu pour le salut des hommes. Et avec tout
autant d'énergie, il nous invite à la conversion de notre vie. En effet -
conclut Benoît XVI -face à un Dieu qui nous a aimés de cette manière, nous ne pouvons pas rester
inertes. L'instance propre à l'amour est que la vie tout entière doit être
orientée vers l'imitation de l'Aimée. Faisons donc tout notre possible pour
laisser dans notre vie une trace transparente de l'amour de Dieu.
Le pape Benoît XVI s'adresse aux pèlerins
francophones
Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, les
invitant à porter un regard plein d’espérance sur le monde, que Dieu aime et
dans lequel il les appelle à témoigner du Christ Sauveur.
Sources: www.vatican.va
-
E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 19.06.2007 - BENOÎT XVI -
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