Être un intellectuel catholique |
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Le 19 mai 2008 - A cause de sa capacité à reconnaître ses erreurs et,
avec quel génie, André Malraux démontra l’illusion de la
mystique révolutionnaire. Il contribua radicalement à l’effondrement des
idéologies. Nous lui en sommes redevables.
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Pierre Desgraupes
ÊTRE UN INTELLECTUEL CATHOLIQUE
UN ENTRETIENT
IMAGINAIRE ENTRE
PIERRE DESGRAUPES
ET
PIERRE-CHARLES AUBRIT SAINT POL
Desgraupes : « - Pourquoi Imaginaire, faites-vous allusion au Musée
Imaginaire de Malraux ?
Aubrit St Pol : - Non pas à son merveilleux Musée mais à lui-même.
Je lui reconnais une grande intelligence et surtout, malgré ses erreurs, ses
choix, une honnêteté intellectuelle étonnante et une grande sincérité. Cet
homme ne cessa jamais d’être bouleversé par des intuitions si fortes
qu’elles pourraient bien être l’une des explications de tout ce qu’il fut.
Ces intuitions étaient des fulgurances brûlantes qui le consumaient.
Il fait parti de ces individus qui vécurent à côté de Dieu, ont eu le regard
dans le divin sans jamais s’en rendre compte.
Desgraupes : - Pourquoi cet intérêt pour lui ?
Aubrit St Pol : A cause de sa capacité à reconnaître ses erreurs et,
avec quel génie, il démontra l’illusion de la mystique révolutionnaire. Il
contribua radicalement à l’effondrement des idéologies. Nous lui en sommes
redevables. Il perçut, au-delà de ses misères, les grandeurs irréductibles
de l’homme ; il comprit que sa dignité valait tous les combats même si ses
engagements furent contestables. Sa résistance aux épreuves, sa maîtrise du
désespoir, sa capacité à rester debout, ont fait naître en moi un intérêt et
une affection sincère ; sa tragédie personnelle me le rendit proche. Il
est un authentique intellectuel et comme tous ceux de son espèce, il
expérimenta toute sa vie les abîmes des solitudes. Il fut une sorte de
fiancé des ténèbres de l’esprit mis au service de la vérité. Pour un
intellectuel, la vérité est une maîtresse dévorante qu’on ne peut que
servir.
Et il y a un événement qui me le rend bien plus sympathique encore, c’est
son attitude envers Georges Bernanos. Ces deux esprits avaient une exigence
semblable : ils se sont laissés investir d’une rigueur intellectuelle
admirable ; toutefois, je me demande s’il n’y avait pas plus d’affinités de
tempérament avec un Léon Blois. Bernanos et Malraux ont accepté de soumettre
leur vie intellectuelle à l’aune de la lumière naturelle pour André et à
l’aune de la lumière de la foi et de la doctrine catholique pour Georges.
Ils témoignèrent tous les deux d’une liberté intérieure sans équivalent. Je
suis ému qu’André Malraux fût l’un des rares intellectuels de sa génération
à être présent aux obsèques de Bernanos ; on n’y vit pas Mauriac !
Desgraupes : -Vous ne semblez guère avoir de sympathie pour Mauriac ?
Aubrit St Pol : J’admire son talent de romancier ; mais je déteste ce
qu’il fut en tant qu’intellectuel et son implication dans la politique mais
bien plus encore, son rôle malfaisant quant à son influence dans l’Église de
France. Il fut de ces esprits élitistes qui décidèrent de contrôler les
intellectuels catholiques, quitte à exclure ceux qui n’entraient pas dans
leur vision de l’Église. Il a contribué à réduire le champ d’action des
intellectuels catholiques de France dans les débats de la cité. Il est en
partie la cause que beaucoup d’entre eux, de grande qualité, se soient
enfermés dans des extrémismes ; il aura favorisé l’implantation des
courants idéologiques de la gauche en jouant abusivement sur son rôle dans
la Résistance. Il est aux antipodes de l’idée que je me fais de
l’intellectuel en général et surtout de l’intellectuel catholique. Il est
vrai qu'il était membre du courant libéral catholique, on sait où cela nous
a amenés. Certes, il quitta le Sillon mais toute son action politique et
intellectuelle montre que cette obéissance ne fut pas suivie d’une remise en
cause de sa vie intellectuelle, il n’œuvra pas à la conversion de son
intelligence. Bernanos dans certains de ses romans a parfaitement décrit ce
genre de personnalité.
Desgraupes : - C’est une descente en flammes !
Aubrit St Pol : Qu’on me démontre mon erreur et je me corrigerai !
Desgraupes : - Parlons un peu de vous. Qui êtes-vous ? Quel est votre
parcours intellectuel ?
Aubrit St Pol : - Parlez de moi, c’est bizarre, ce n’est guère dans
les usages de la vie intellectuelle ! Je suis né à Lille, dans un milieu
pauvre quoique issue d’une famille réunissant toutes les classes sociales et
les niveaux de vie. Je descends d’un des plus anciens lignages de France.
Mon enfance fut très éprouvée, avec le temps et la grâce de Dieu ces
souffrances me furent une école terrible mais fructueuse. Dieu permet des
épreuves à la limite de la raison mais il me faut croire qu’il ne
m’abandonna pas, car je jouis étrangement d’un solide équilibre. C’est une
grâce inexplicable. Je ne comprends pas comment j’ai pu me sortir d’années
d’enfance qui ne furent qu’une longue période de tortures mentales,
affectives et physiques ? Mes parents divorcèrent. On m’a privé de mon
enfance pour me plonger dans le monde effrayant et noir des adultes dont je
me méfie toujours.
Desgraupes : - Leur avez-vous pardonnés ?
Aubrit St Pol : - Cette grâce du pardon me fut donnée dans la grâce
de conversion. Le mariage de mes parents fut arrangé, alors qu’aucun d’eux
n’était fait pour cet engagement. On maria deux immatures, ce fut une erreur
fatale pour eux-mêmes et leurs enfants. Il n’est pas dans la nature blessée
de l’homme de pardonner, c’est une grâce qu’il faut demander, elle fait
partie des facteurs intérieurs qui tendent au dépouillement, à la pauvreté
de l’esprit. La grâce du pardon émane directement du rayonnement de la
Croix de Jésus. C’est une grâce qui transforme la souffrance en force de
délivrance.
Desgraupes : - Vous semblez attacher de l’importance aux racines de la
génération de l’homme, pourquoi ?
Aubrit St Pol : - La société vit depuis l’après guerre une
culpabilité outrancière parce qu’injustifiée. Ma génération l’est
davantage à cause des évènements particulièrement médiocres de l’an 68 ! Une
culpabilité qui poussa ma génération à tourner le dos à tout ce qui la fit
être, elle voulut être une sorte de génération spontanée ; ce n’était pas là
une libération mais bien une aliénation tragique. La découverte de mes
racines familiales fut parallèle à la prise de conscience de mon identité de
Français, d’Européen, de membre de l’humanité. Ces racines se découvrirent à
moi dans la progression de ma conversion comme si Dieu m’aidait à une
guérison intérieure autant par sa grâce que par une connaissance objective
de mon identité. La découverte de ses racines ou leur prise en conscience
constitue un apport important à l’affirmation de son identité et à
l’équilibre structurel de la personnalité. On ne naît pas de rien ; on a
un héritage moral, spirituel, historique, affectif, physique qui imprègne
notre potentiel génétique et contribue à l’élaboration de la personnalité
originale. Cette conscience historique de notre personnalité est
nécessaire pour survivre dans une société qui s’effondre sur elle-même dans
la simultanéité du grossissement de son orgueil. Il est indispensable d’être
le fils de son père !...
Desgraupes : - Quel est votre parcours intellectuel ?
Aubrit St Pol : - Je n’ai pour tout diplôme que le Certificat d’Études
Primaires. J’ai fait de très mauvaises études parce que je rejetais toute
forme d’autorité, car je la reliais au monde des adultes envers qui je ne
parvenais pas à faire confiance. A part des personnalités d’exception,
les adultes ont longtemps fait partie de mes terreurs, de mes angoisses, ils
furent longtemps associés aux peurs du lendemain. Rien de juste ne me
semblait pouvoir venir d’eux ; ce monde ne m’était d’aucune sécurité.
Beaucoup de ceux qui eurent à exercer une autorité sur moi, en dehors de ma
parenté, ajoutèrent à la souffrance quotidienne que je devais affronter. Les
maîtres qui eurent la mission de former mon esprit beaucoup d’entre eux
pratiquèrent sur moi les violences physiques ou morales même chez les
prêtres. De Lille, après un séjour à l’orphelinat d’Arnéke, je fus emmené à
La Couture, village du Pas de Calais ; je fus d’abord scolarisé au Touré
puis au cœur du village et retour au Touré. Dans ces deux écoles primaires
publiques, je subis avec d’autres, nous les pauvres, des brimades qui
aujourd’hui enclencheraient des poursuites judiciaires, surtout à l’école
attenante à la mairie, en face de l’église. Elle était sous la
responsabilité d’un couple d’instituteurs, les Flamands, l’épouse était un
monstre de violence, d’humiliation ; pour obtenir sa bienveillance, il
fallait être riche ! Lui apporter des fleurs, des fruits, des victuailles
que nous ne pouvions fournir. J’ai en mémoire des scènes de violences contre
moi ou d’autres de mes camarades épouvantables et nous ne pouvions rien
dire. Moi je ne pouvais me plaindre ni auprès de ma mère ni mon beau-père,
car c’était alors une autre occasion de recevoir des coups après ceux reçus
sans justification de cette maîtresse. Il me faudra attendre d’être
scolarisé à Douai, l’école primaire de la rue du Kiosque, pour que je
découvre des maîtres respectueux de leurs élèves : je me souviens de M.
Rousseau et M. Garnier je crois. Ce dernier avait été interné dans les
camps nazis, il se dégageait de ce maître un amour, une bonté dont je ne
connaissais pas l’expérience. M. Rousseau était de cette même qualité, des
maîtres soucieux de notre formation et d’un respect que je ne recevais pas
chez moi. Ils furent les détonateurs de ma vie intellectuelle qui commença
par la découverte du plaisir de la lecture. J’ai découvert la lecture dans
l’année de mes douze ans avec Alexandre Dumas et Balzac puis Hugo. Je
passais mon certificat à Lille, à l’école Monge. Après, j’entrais dans la
vie active, car je me sentais coupable de poursuivre des études et je
pensais gagner enfin le respect de mon entourage par une vie
professionnelle. J’y ai perdu ma santé. Alors que je venais de m’engager
dans la marine nationale, je fus précipité dans la maladie à Lourdes, ce fut
le début d’une très lente construction de mon être. C’est en soins, au
Centre Hélio Marin de Vallauris, que je repris goût aux études. J’entrepris
des cours par correspondance jusqu’au niveau bac. J’avais un appétit de
connaissances que je comblais dans un grand désordre. C’est lors de mon
séjour au séminaire de Paray le Moniale que j’appris à structurer ma vie
intellectuelle, dans un temps très court, grâce à l’influence du Père Henri
Macé. La fréquentation d’un saint chasse bien des ombres.
Desgraupes : - Ne regrettez-vous pas de ne posséder aucun diplôme
universitaire ?
Aubrit St Pol : - J’en ai souffert surtout au début de ma conversion,
car il ne manqua jamais un esprit bienveillant pour me le rappeler !... On
se fit un plaisir d’essayer de me culpabiliser, qui pouvait se douter de mon
parcours ? Cette attitude s’explique par les préjugés sociaux et le besoin
de certains milieux de se protéger de l’intrus qui ose franchir les limites
réservées à un complexe élitiste. Maintenant, je suis convaincu que ce fut
une des dispositions de la Providence et, je n’éprouve aucun complexe,
surtout quand je vois l’usage tragi-comique que certains hauts diplômés et
intellectuels font de leur formation. C’est une grâce, car je n’ai pas
été déformé, mon intelligence n’a pas été corrompue par des systèmes de
pensée et surtout par aucune idéologie. Quant aux lacunes de connaissances,
elles me balisent la voie de l’humilité et je les comble au fur et à mesure
de mes nécessités. C’est aussi la raison pour laquelle je me sens si proche
de Malraux, Bernanos, Léon Blois. Je m’amuse souvent des prétentions des
esprits bienfaits et surdiplômés, la plupart du temps ce sont des esprits
contrefaits tant leur vanité et leur orgueil les gonflent.
Desgraupes : - Qu’est-ce pour vous la vie intellectuelle ?
Aubrit St Pol : - Un intellectuel n’est pas exclusivement un amas de
connaissances livresques ni une succession de diplômes ; beaucoup de
diplômés actuellement ne sont guère de vrais intellectuels. Il y a de moins
en moins d’esprits capables de poser les bases d’un concept même des plus
simple. Si la connaissance est nécessaire en terme de savoir, il y faut
aussi l’expérience d’un vécu pour y parvenir, il ne faut pas trop protéger
un enfant ; la souffrance est une nécessité à expérimenter.
L’intellectuel est celui qui apprend sur lui-même autant qu’il apprend du
monde et sur le monde extérieur. Tous les érudits ne sont pas des
intellectuels, tous les intellectuels ne sont pas nécessairement des
diplômés de grandes écoles. J’aurai tendance à dire que pour être un vrai
intellectuel mieux vaut éviter les grandes écoles. L’université est le
lieu le plus approprié pour l’éclosion de la vie intellectuelle. Ma
grand-mère maternelle interrompit ses études à l’âge de 12 ans, je peux vous
dire qu’elle avait un esprit d’analyse et une souplesse de raisonnement qui
valait bien certains de nos intellectuels très en vue. Un intellectuel est
quelqu’un qui s’engage à témoigner d’abord de la vérité : la perception de
la vérité peut être de deux ordres, soit elle est naturelle, objective, soit
elle est surnaturelle, religieuse, cette dernière ne peut se séparer de la
précédente, alors que la première peut ignorer la vérité révélée. Mais
une chose est certaine, l’intellectuel témoigne autant qu’il le peut de la
vérité, c’est une obligation morale.
Desgraupes : - Que pensez-vous de la vie intellectuelle en France en
général et dans l’Église de France ?
Aubrit St Pol : Avant de vous répondre, je veux préciser ma pensée
sur la connaissance. J’ai une admiration certaine pour les savants et pour
ceux qui ne cessent de se cultiver pour enrichir le débat intellectuel.
Je suis admiratif des esprits qui sont des maîtres et se considérent comme
des élèves ; quel que puisse être par ailleurs leur engagement, leur
conviction, ces esprits là m’enchantent, me ravissent. Car l’homme de
la quête sait que sa vie sur Terre ne la conclura jamais, ce sont donc des
esprits humbles, pauvres… Des quêteurs de vérité ! Qu’importe pour moi
qu’ils soient croyants ou pas, car cette quête là rejoindra toujours Dieu.
J’émets une réserve, c’est envers ceux qui s’engagent dans une structure
idéologique, s’y laissent enfermer ; c’est un engagement de contre valeur et
la preuve de leur immaturité, ils ont besoin de se sentir à l’abri. Ils ne
sont pas d’authentiques aventuriers de l’esprit.
Pour revenir à votre question, les tenants actuels du pouvoir
intellectuel en France, surtout ceux issus de la génération 68, sont d’une
affligeante médiocrité et d’une hypocrisie vertigineuse.
Je suis tenté de vous dire : j’arrête là ma réponse sur ce sujet, car la
médiocrité, l’indigence morale dans leur vie intellectuelle ne méritent
aucun commentaire ; que voulez-vous, j’aime à croire que l’indigence,
l’absence de vertu dans la vie intellectuelle produisent des inexistants, on
ne commente pas ce qui n’existe pas.
Le malheur est qu’ils veulent encore donner le la à la vie intellectuelle
et, ce faisant, ils contrôlent les éditions, la liberté universitaire et les
espaces médiatiques. On peut d’ailleurs observer à ce sujet, que plus un
intellectuel est réputé, plus il occupe le champ médiatique et moins sa
qualité intellectuelle est évidente. La France se donne plusieurs
générations d’intellectuels comme la monarchie se donnait des aristocrates ;
nos nouveaux aristocrates sont des intellectuels médiatiques pour la
plupart d’entre eux, ils n’ont que les espaces médiatiques pour apanages !
Ils rassurent !
Desgraupes : - Vous êtes très sévères ! Pourquoi tant de sévérité ?
Iriez-vous sur un plateau ?
Aubrit St Pol : - Les besoins, les attentes d’un contenu
intellectuel, d’un discours intellectuel sont immenses dans nos sociétés en
pleine décadence de l’esprit ; et ces intellectuels là ne répondent pas à
ces attentes ! Ils ne veulent pas remettre en cause les repères, les normes
qui les font vivre. Quand ils parlent, c’est toujours dans le sens de
l’émotion, dans le sens des appétits bas. Ils agissent en prédateurs de
l’esprit ; ils sont les Pétrone de nos jours, le génie en moins.
Observez comme leurs sourires sont tristes, la vie leur fait peur ! Ils
n’existent que dans l’émotion et l’affect du peuple ; ils ne prendront pas
le risque de s’affronter à lui. Ils veulent rester populaires ! Ils épousent
des causes justes certes comme les droits de l’homme ici ou ailleurs mais ce
sont des portes ouvertes ; ils ne font que prendre le fleuve en marche, ils
ne créent pas un mouvement. Par contre, ils ont l’art de créer des opinions
ou de les surligner, car ils se sentent obligés d’entrer dans l’opinion
qu’ils suscitent pour que le peuple les regarde plus qu’il ne les entend.
Leur discours est davantage une image qu’un propos à moins que le discours
flatte leur image. Ils s’auto-régénèrent grâce aux médias et ceux-ci se
revivifient grâce à ceux-là.
Je crois qu’en l’état des médias, on ne m’invite jamais sur un plateau et ce
n’est guère la place d’un intellectuel ; ce sont aux médias de venir à lui.
Si toutefois j’étais invité, je demanderai d’être en présence des
philosophes modernes, Bernard Henry-Lévi entre autre et quelques autres
représentants les « intellos des variétés ». Ce me serait une gourmandise
irrésistible, je ferai sauter l’audimat et je m’amuserai bien ; j’ai une
excellente mémoire et je me sens complètement libre. Je pense à certains
sentencieux qui sévissent sur des plateaux d’amuseurs et qui ont construit
leur carrière en « chiant » sur les catholiques et l’Église, sur le Pape,
leur zèle s’exprima à loisir sur certaines radios nationales ; pour ceux-là,
je leur réserve un sort particulièrement gourmand.
Actuellement, l’intellectuel ne doit que très peu se produire sur les
médias, il doit se couler dans le silence pour attirer l’attention des
esprits qui recherchent un accompagnateur marginal ; ce n’est possible que
si on accepte de considérer le diplôme comme une nécessité pratique pas
comme une fin en soi. Une telle prise de conscience permet un dépassement
pour entreprendre la quête… Il n’y a pas d’âge pour une telle démarche.
L‘intellectuel est celui qui éclaire le pas de l’homme, il n’a pas à
rechercher le pouvoir, la seule autorité dont il doit user est celle en lien
avec la matière qu’il maîtrise le mieux. Il ne peut en être autrement, car
il a aussi la charge d’alerter les consciences. Le service de la vérité
exige de servir pas de commander.
Desgraupes : - Quel est pour vous le rôle de l’intellectuel dans la
cité ?
Aubrit St Pol : - C’est une question délicate. Il doit savoir qu’il
entre dans une voie où il n’y a aucune assurance, aucune sécurité, car il
n’est pas là pour plaire ni pour être aimé mais pour témoigner de la vérité
indifférent aux qualités des personnes, à leur rang, il ne peut être un
flatteur. Il doit veiller jalousement à sa liberté de conscience aussi bien
qu’à celle de son mouvement, car il a plus souvent à dire non que oui !
Son propos est de toujours éclairer l’acte et le pas de l’homme dans le
respect de celui qui veut bien l’écouter. Il ne doit appartenir à aucun
parti politique, il ne devrait pas s’aliéner à des idéologies. S’il veut
aider à l’accroissement de la liberté chez l’élève, il ne peut entrer dans
un carcan qui tend à restreindre cette liberté ou alors ce n’est pas
vraiment un intellectuel. Il n’est plus obéissant à la vérité quelle qu’elle
soit. Il est un analyste et un contemplateur de l’acte de l’homme qu’il doit
accueillir dans toute sa vérité. Un intellectuel est un homme de solitude
sans laquelle il ne peut atteindre aucune maturité.
Desgraupes : - Que dites-vous des intellectuels catholiques ?
Aubrit St Pol : - Je vous ai défini ce que pour moi devrait être un
intellectuel, je le redis pour un intellectuel catholique avec la certitude
que c’est une obligation qui entre dans l’Économie du Salut. Elle est
rédemptrice pour lui et ses frères. Un intellectuel catholique doit servir
deux fois la vérité et doit lui obéir sans hésitation.
Desgraupes : - Vous êtes en accord avec le pape Benoît XVI qui disait
qu’obéir à la vérité c’est retrouver assurément la liberté ?
Aubrit St Pol : - Bien certainement, je suis d’accord. Je me suis
réjoui de cette parole et de tant d’autres ; elle a contribué à renforcer ma
liberté. Mon expérience de l’Église m’oblige à dire que plus j’avance dans
son amour maternel et paternel et plus je me sens libre. Je n’éprouve plus
cette pesanteur institutionnelle qui au début de ma conversion pesait
lourdement en moi. Un intellectuel catholique doit rechercher la vie
d’union avec le Christ qui est le seul moyen pour qu’il se sente
consciemment membre du Corps du Christ et que ce ne soit pas seulement une
formule confortable.
La vie intellectuelle est une ascèse naturellement, elle l’est bien
davantage pour un chrétien. Elle doit devenir une aventure intérieure,
spirituelle et comme toutes les aventures, elle ne comporte aucune
certitude, ce n’est pas en elle qu’il faut chercher son confort ni y trouver
de quoi se rassurer… Si vous êtes dans cet état, alors allez rejoindre
l’extérieur, ceux du commun des diplômés de la médiocrité.
Il n’y a que très peu de vrais intellectuels catholiques en l’Église de
France et bien peu d’entre eux ont le désir de prendre tous les risques y
compris de se fâcher avec la hiérarchie. Nous, les intellectuels
catholiques souffrons beaucoup de l’ambiance qui règne dans notre Église de
France. Elle est éprouvante, malsaine. On le ressent bien quand on
fréquente les maisons d’éditions, il y règne une dictature du conformisme
soit de gauche, soit de droite, on n’y trouve aucune liberté évangélique.
C’est un milieu mal élevé, sans charité, violent intérieurement et bien
moins cultivé qu’on ne le pense. Plus que partout ailleurs, on y sent la
compromission avec l’esprit du monde et une absence quasi-totale de courage
intellectuel. Il ne s’y trouve aucune liberté d’esprit. Ils veulent tous
contrôler le pouvoir intellectuel, ce n’est pas mieux que dans les autres
mondes de la vie culturelle, tout y est bouclé avec des serrures rouillées,
corrodées et corrosives.
En France, il ne faut se faire aucune illusion, nous subissons dans toutes
les institutions y compris religieuses, le triomphe et la dictature de la
médiocrité. La France glisse dans un effondrement qui sera proche du Ve au
XIe siècles. Les points de résistance se forgent dans la marginalité, ils
ne peuvent être qu’en dehors des institutions. Les intellectuels au cœur de
la cité des hommes sont des ermites du désert. (À suivre…)
Sources :
lescatholiques.free.fr
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Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 19.05.08 -
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