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Le Cardinal Duka : Ratzinger, un exemple de foi enracinée dans la
vérité
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Le 19 avril 2022 -
(E.S.M.)
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Défenseur sans faille de Benoît XVI, encore tout récemment dans la
polémique venue d’outre Rhin, le cardinal aborde en particulier le «
Chemin Synodal » allemand, le traitement des abus sexuels dans
l’Eglise, et rappelle quelques moments remarquables de la mémorable
visite apostolique de Benoît XVI en République Tchèque en 2009.
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Benoît XVI en
compagnie du cardinal Duka, à gauche Mgr Gaenswein
Le Cardinal Duka : Ratzinger, un exemple de foi enracinée dans la vérité
Une interview du cardinal Duka, archevêque de Prague
Le 19 avril 2022 - E.
S. M. - « Que votre discours soit : oui, oui ; non, non ».
Le cardinal Dominik Jaroslav Duka, qui aura 79 ans dans quelques
jours, a l’habitude d’appliquer cet enseignement évangélique dans la
vie quotidienne. Il l’a récemment démontré en protestant
publiquement contre la façon dont l’archidiocèse de Munich et
Freising a laissé le nom de Joseph Ratzinger être sali par les
allégations du rapport sur les abus. L’archevêque de Prague n’a pas
non plus ménagé ses critiques au président des évêques allemands,
Mgr Georg Bätzing, selon qui le pape émérite aurait dû s’excuser.
Des positions que le cardinal dominicain a tenu à réitérer dans
cette interview accordée à la Nuova Bussola Quotidiana à
l’occasion du 95e anniversaire de Joseph Ratzinger.
Éminence, quelle importance a eu le pontificat de Benoît XVI
– avec sa mise en garde récurrente contre la dictature du
relativisme – dans un pays fortement sécularisé comme la République
tchèque?
Benoît XVI est un grand théologien doté d’une humble empathie pour
l’homme et la société. Il est l’exemple d’un homme de foi. Une foi
ancrée dans la vérité. Karol Wojtyla et Joseph Ratzinger sont deux
grandes figures de l’Église, tout comme l’ont été Achille Ratti et
Eugenio Pacelli au XXe siècle. Tout comme il y a eu une pleine
coopération entre eux pendant le pontificat du premier dans une
période difficile marquée par l’imminence du déclenchement de la
Seconde Guerre mondiale, il y a eu une grande coopération entre
Jean-Paul II et Joseph Ratzinger, surtout sur le plan théologique.
Ratzinger et Wojtyla ont été un grand don de Dieu pour l’Europe
centrale : deux papes tellement proches de notre histoire et de
notre culture. Jean-Paul II a été un libérateur de l’Europe centrale
de la dictature communiste et Benoît XVI a également été un don car
il a bien compris notre situation, ayant vécu la dure expérience de
la dictature nazie.
Lors de sa visite apostolique à Prague, Benoît XVI a cité
son ami Vaclav Havel sur le lien entre vérité et liberté. Avez-vous
eu l’impression que ce pape, qui avait connu la dictature nazie dans
sa jeunesse, avait pleinement compris le danger des « fausses
idéologies de l’oppression et de l’injustice » que vous et Havel,
son codétenu, aviez expérimenté?
Lors des funérailles de Havel que j’ai présidées au Château de
Prague en 2011, il nous fut rappelé que la liberté n’est pas la
cause ultime, mais qu’elle est un chemin vers le bien commun. C’est
exactement la vision de la liberté que partage également Ratzinger.
Je me souviens bien de sa visite en
République tchèque en 2009, au
cours de laquelle il a manifesté une grande sympathie pour notre
société. A cette occasion, il ne fut pas seulement un prédicateur de
la foi, mais aussi un professeur de théologie et de façon plus
générale un homme de science. C’est pourquoi l’ensemble du monde
académique était présent pour l’écouter lors de la rencontre dans la
salle Vladislav du Château de Prague. Les professeurs l’écoutaient
car ils ne le voyaient pas sur un trône, mais comme un collègue. Ce
fut un moment merveilleux de grand contact entre l’Église et la
société, mais aussi entre la foi et la raison.
Vous avez récemment « crié » pour
défendre le pape émérite après la publication du rapport sur les
abus commis par l’archidiocèse de Munich. Vous êtes-vous senti
un peu seul?
Oui. Mgr Georg Gänswein a raison : il y a un courant en Allemagne
qui veut attaquer Joseph Ratzinger. Les attaques du cardinal
Reinhard Marx et de Mgr Georg Bätzing à son encontre ne sont pas
justes, car lorsque Ratzinger était archevêque de Munich, il n’était
pas responsable du cas qui lui était reproché, puisque le prêtre
accusé appartenait au diocèse d’Essen. Mais permettez-moi de faire
une remarque…
Je vous en prie
Les abus ne sont pas un crime de l’Eglise, ce sont des
crimes de personnes. Je suis quelque peu dubitatif quant à
la possibilité de faire préparer ces rapports qui remontent à 100
ans. Ce n’est pas une véritable recherche de purification, cela
ressemble plus à un procès. Mais je vois la situation en République
tchèque, et dans mon pays la justice existe déjà. C’est avec la
justice que ces questions doivent être traitées, car un évêque n’est
pas un juge, il n’est pas un policier, il n’a aucune expérience. Nos
tribunaux sont ecclésiastiques, mais il s’agit d’une affaire de
crime et elle doit donc être confiée au système de justice pénale.
Au sujet des abus dans l’Église, le pape émérite a attribué
la cause originelle à l’effondrement moral dû à l’absence de Dieu
depuis 1968. Partant du même problème, la Voie synodale allemande
arrive à une conclusion complètement différente et semble même
disposée à changer des points de doctrine. Pourquoi Ratzinger a-t-il
toujours été si peu compris dans son pays?
Il semble que certains veulent utiliser le problème des abus pour
changer tout le reste. Cette voie synodale allemande n’est pas un
mouvement de l’Église universelle, ce sont des groupes. Les
déclarations faites aux magazines allemands par ses protagonistes
sont la preuve qu’il y en a qui voudraient changer l’Église. Ils
agissent comme si l’Église n’avait pas été fondée par Jésus-Christ
et ses apôtres, mais la considèrent plutôt comme une entreprise ou
un parti politique. Les assemblées de ce Chemin sont constituées
d’une combinaison entre la Conférence des évêques et le Comité
central des catholiques allemands. Mais ce comité ressemble
davantage à un groupe politique de la République fédérale
d’Allemagne. Ces derniers temps, il ressemble davantage à un parti
libéral qu’à une réalité chrétienne.
Vous avez récemment eu l’occasion de rencontrer Benoît XVI :
a-t-il été satisfait de
l’article que vous avez écrit pour le défendre?
Notre rencontre, c’était une rencontre entre évêques âgés (rires).
C’est la deuxième visite que je rends à Benoît XVI ces derniers
temps. La première était avant la pandémie, cette fois-ci, c’était
pour les exercices spirituels que nous avons suivis à Rome avec deux
autres évêques tchèques. Je voulais exprimer ma solidarité avec
Benoît XVI. C’était un homme courageux, en tant que Pape il a fait
beaucoup contre les abus dans l’Eglise. Il a déjà fait beaucoup en
tant que préfet de l’ex Saint-Office sous le pontificat de Jean-Paul
II, en préparant des documents pour contrer le phénomène.
C’est Benoît XVI qui vous a choisi pour succéder au cardinal
Miloslav Vlk à Prague. C’est également lui qui vous a créé cardinal
en 2012. Vous êtes-vous demandé pourquoi?
Je pense que c’est peut-être dû au temps que j’ai passé comme
prisonnier pendant la dictature communiste et au travail que j’ai
effectué immédiatement après. Avec la fin du communisme, la première
mission qui m’a été confiée a été le renouveau de la vie religieuse
dans notre pays. J’avais partagé une peine de prison avec le
président Havel et je connaissais bien le nouveau gouvernement
libre. C’était une phase de grandes négociations avec les autorités
civiles. À l’époque, j’avais déjà eu des contacts avec Jean-Paul II
et aussi avec le cardinal Joseph Ratzinger. J’ai travaillé à la
reconstruction de l’infrastructure de l’Église en République
tchèque, d’abord comme simple religieux, puis comme provincial des
Dominicains et enfin comme évêque dans ma ville natale.
►
Nico Spuntoni
- Traduction :
Benoit et moi
Sources : E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 19.04.2022
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