Pour Benoît XVI tout est grâce, même
les attaques du monde contre nos péchés |
 |
Rome, le 19 avril 2010 -
(E.S.M.)
-
Résister à la "dictature du conformisme". Mais aussi "faire pénitence,
reconnaître ce qui est erroné, s'ouvrir au pardon, se laisser transformer".
Le message lancé par Joseph Ratzinger à l'Église, dans une homélie
inattendue, hors programme
|
Le pape Benoît XVI
Pour Benoît XVI tout est grâce, même
"les attaques du monde contre nos péchés"
Le 19 avril 2010 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
Résister à la "dictature du conformisme". Mais aussi "faire pénitence,
reconnaître ce qui est erroné, s'ouvrir au pardon, se laisser transformer".
Le message lancé par Joseph Ratzinger à l'Église, dans une homélie
inattendue, hors programme
par Benoît XVI
[Transcription intégrale de l'homélie que le pape a prononcée, le jeudi 15
avril 2010 de bon matin, à la Chapelle Pauline, au Vatican, lors d’une messe
avec les membres de la commission pontificale biblique. Radio
Vatican en a parlé la première, sept heures plus tard. Le texte complet a
été diffusé au bout de 52 heures].
Chers frères et sœurs, je n’ai pas trouvé le temps de préparer une véritable
homélie. Je voudrais seulement inviter chacun d’entre vous à une méditation
personnelle en vous proposant et en soulignant quelques phrases de la
liturgie d’aujourd’hui, offertes au dialogue priant entre nous et la Parole
de Dieu. La parole, la phrase que je voudrais proposer à notre commune
méditation est cette grande affirmation de saint Pierre : "Il faut obéir
à Dieu plutôt qu’aux hommes" (Ac 5, 29).
Saint Pierre se trouve devant l’institution religieuse suprême, à laquelle
il faudrait normalement obéir, mais Dieu est au-dessus de cette institution
et Dieu lui a donné un autre "ordre" : il doit obéir à Dieu. L'obéissance à
Dieu est la liberté, l'obéissance à Dieu lui donne la liberté de s’opposer à
l'institution.
Et ici les exégètes attirent notre attention sur le fait que la réponse de
saint Pierre au Sanhédrin est presque identique mot pour mot à celle de
Socrate lors de son jugement par le tribunal d’Athènes. Le tribunal lui
offre la liberté, la libération, mais à condition qu’il ne continue pas à
rechercher Dieu. Mais chercher Dieu, la recherche de Dieu est pour lui une
mission supérieure, venant de Dieu lui-même. Et une liberté achetée en
renonçant au chemin vers Dieu ne serait plus la liberté. Il doit donc obéir
non pas à ces juges – il ne doit pas acheter sa vie en se perdant lui-même –
mais à Dieu. L'obéissance à Dieu vient en premier.
Ici il est important de souligner qu’il s’agit d’obéissance et que c’est
justement l'obéissance qui donne la liberté. L’époque moderne a parlé de la
libération de l'homme, de sa pleine autonomie, et donc aussi de la
libération par rapport à l'obéissance envers Dieu. L'obéissance ne devrait
plus exister, l'homme est libre, il est autonome : rien d'autre. Mais cette
autonomie est un mensonge, c’est un mensonge ontologique, parce que l’homme
n’existe pas par lui-même et pour lui-même ; c’est aussi un mensonge
politique et pratique, parce que la collaboration et la mise en commun des
libertés sont nécessaires. Et, si Dieu n’existe pas, si Dieu n’est pas une
instance accessible à l’homme, il ne reste comme instance suprême que le
consensus de la majorité. Par conséquent le consensus de la majorité devient
le dernier mot auquel nous devons obéir et ce consensus – comme l’histoire
du siècle dernier nous l’a appris – peut aussi être un "consensus dans le
mal".
Nous voyons donc que ce que l’on appelle autonomie ne libère pas vraiment
l’homme. L'obéissance envers Dieu est la liberté, parce que c’est la vérité,
c’est l'instance qui se place face à toutes les instances humaines. Dans
l’histoire de l'humanité ces paroles de Pierre et de Socrate sont le vrai
phare de la libération de l'homme, qui sait voir Dieu et qui, au nom de
Dieu, peut et doit obéir non pas tant aux hommes qu’à Lui et se libérer
ainsi du positivisme de l'obéissance humaine. Les dictatures ont toujours
été opposées à cette obéissance à Dieu. La dictature nazie, comme la
dictature marxiste, ne peuvent accepter un Dieu qui soit au-dessus du
pouvoir idéologique ; et la liberté des martyrs, qui reconnaissent Dieu,
justement dans l’obéissance au pouvoir divin, est toujours l’acte de
libération dans lequel la liberté du Christ arrive jusqu’à nous.
Aujourd’hui, grâce à Dieu, nous ne vivons pas sous des dictatures, mais il
existe des formes subtiles de dictature : un conformisme qui rend
obligatoire de penser comme tout le monde, d’agir comme tout le monde ; les
agressions subtiles contre l’Eglise, ou parfois moins subtiles, montrent que
ce conformisme peut vraiment être une véritable dictature. Pour nous voici
ce qui compte : il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Mais cela suppose
que l’on connaisse vraiment Dieu, que l’on veuille vraiment lui obéir. Dieu
n’est pas un prétexte pour la volonté de l’homme, mais c’est vraiment Lui
qui nous appelle et nous invite, jusqu’au martyre, si nécessaire. C’est
pourquoi, confrontés à cette parole qui commence une nouvelle histoire de
liberté dans le monde, nous prions surtout pour connaître Dieu, pour
connaître humblement et véritablement Dieu et, connaissant Dieu, pour
apprendre la vraie obéissance qui est la base de la liberté humaine.
Choisissons une seconde phrase de la première lecture : saint Pierre dit que
Dieu a exalté le Christ à sa droite comme chef et sauveur
(cf. Ac 5, 31). Chef est la traduction du mot grec archegos, qui
implique une vision beaucoup dynamique : l’archegos est celui qui montre le
chemin, qui précède, c’est un mouvement, un mouvement vers le haut. Dieu l’a
exalté à sa droite - donc parler du Christ comme d’un archegos signifie que
le Christ marche devant nous, qu’il nous précède, qu’il nous montre le
chemin. Et être en communion avec le Christ, c’est être en chemin, monter
avec le Christ, à sa suite, c’est aller vers le haut, c’est suivre l'archegos,
celui qui est déjà passé, qui nous précède et qui nous montre le chemin.
Ici, évidemment, il est important que l’on nous dise où arrive le Christ et
où nous devons arriver nous aussi : hypsosen - en haut – monter à la droite
du Père. Suivre le Christ, ce n’est pas seulement imiter ses vertus, ce
n’est pas seulement - dans la mesure où nous en sommes capables - vivre dans
ce monde en étant semblables au Christ, selon sa parole, mais c’est un
cheminement qui a un but. Et ce but, c’est la droite du Père. Il y a ce
chemin de Jésus, cette marche à la suite de Jésus qui s’achève à la droite
du Père. Tout le cheminement de Jésus, y compris l'arrivée à la droite du
Père, fait partie de l'horizon de cette démarche à la suite de Jésus.
En ce sens, le but de ce cheminement est la vie éternelle à la droite du
Père en communion avec le Christ. Aujourd’hui nous avons souvent un peu peur
de parler de la vie éternelle. Nous parlons de ce qui est utile pour le
monde, nous montrons que le christianisme aide aussi à améliorer le monde.
Mais nous n’osons pas dire que son but est la vie éternelle et que les
critères de la vie découlent de ce but. Nous devons comprendre à nouveau que
le christianisme reste un "fragment" si nous ne pensons pas à ce but, que
nous voulons suivre l'archegos à la hauteur de Dieu, à la gloire du Fils qui
nous fait fils dans le Fils, et nous devons de nouveau nous rendre compte
que ce n’est que dans la grande perspective de la vie éternelle que le
christianisme révèle tout son sens. Nous devons avoir le courage, la joie,
la grande espérance de penser que la vie éternelle existe, que c’est la
vraie vie et que de cette vraie vie vient la lumière qui éclaire aussi ce
monde.
Si l’on peut dire que, même en faisant abstraction de la vie éternelle, du
Ciel qui nous est promis, il vaut mieux vivre selon les critères chrétiens,
parce que vivre selon la vérité et l'amour, même au milieu de tant de
persécutions, est bien en soi et mieux que tout le reste, c’est justement
cette volonté de vivre selon la vérité et selon l'amour qui doit aussi nous
ouvrir à toute l’ampleur du projet de Dieu sur nous, au courage d’avoir déjà
la joie dans l’attente de la vie éternelle, de la montée à la suite de notre
archegos. Et Soter est le Sauveur, qui nous sauve de l'ignorance en ce qui
concerne les fins dernières. Le Sauveur nous sauve de la solitude, il nous
sauve d’un vide qui reste dans la vie sans l'éternité, il nous sauve en nous
donnant l'amour dans sa plénitude. Il est le guide. Le Christ, l'archegos,
nous sauve en nous donnant la lumière, en nous donnant la vérité, en nous
donnant l’amour de Dieu.
Arrêtons-nous encore sur un verset : le Christ, le Sauveur, a accordé à
Israël la conversion et le pardon des péchés (v. 31)
- dans le texte grec le mot est metanoia – il a accordé la pénitence et le
pardon des péchés. C’est pour moi un point très important : la pénitence est
une grâce. Il y a dans l’exégèse une tendance consistant à dire que Jésus,
en Galilée, aurait annoncé une grâce sans condition, absolument
inconditionnée, et donc sans pénitence, une grâce en tant que telle, sans
présupposés humains. Mais c’est une interprétation fausse de la grâce. La
pénitence est grâce ; le fait que nous reconnaissions notre péché est une
grâce, le fait que nous sachions que nous avons besoin d’un renouvellement,
d’un changement, d’une transformation de notre être est une grâce.
La pénitence, le pouvoir de faire pénitence, est le don de la grâce. Je dois
dire que nous chrétiens, même ces derniers temps, nous avons souvent évité
le mot pénitence, qui nous paraissait trop dur. Maintenant, sous les
attaques du monde qui nous parlent de nos péchés, nous voyons que pouvoir
faire pénitence est une grâce. Nous voyons qu’il est nécessaire de faire
pénitence, c’est-à-dire de reconnaître ce qui est erroné dans notre vie, de
nous ouvrir au pardon, de nous préparer au pardon, de nous laisser
transformer. La souffrance de la pénitence, c’est-à-dire de la purification
et de la transformation, cette souffrance est une grâce, parce qu’elle est
renouvellement, parce qu’elle est œuvre de la miséricorde divine. Ainsi ces
deux mots qu’emploie saint Pierre - pénitence et pardon - correspondent au
début de la prédication de Jésus : metanoeite, c’est-à-dire
convertissez-vous (cf. Mc 1,15). Le point
fondamental est donc que la metanoia n’est pas une affaire privée, qui
semblerait remplacée par la grâce, mais la metanoia est l'arrivée de la
grâce qui nous transforme.
Et enfin une parole de l’Évangile, où il nous est dit que celui qui croit
aura la vie éternelle (cf. Jn 3,36). Dans la
foi, dans cette "transformation" que donne la pénitence, dans cette
conversion, dans cette nouvelle route de vie, nous arrivons à la vie, à la
vraie vie. A ce sujet, deux autres textes me viennent à l’esprit. Dans la
"Prière sacerdotale" le Seigneur dit : la vie, c’est qu’ils te connaissent,
toi et ton Envoyé (cf. Jn 17,3). Connaître
l'essentiel, connaître la Personne fondamentale, connaître Dieu et son
Envoyé, c’est la vie, la vie et la connaissance, connaissance de réalités
qui sont la vie. L’autre texte est la réponse du Seigneur aux Sadducéens à
propos de la Résurrection, dans laquelle, à partir des livres de Moïse, le
Seigneur prouve le fait de la Résurrection en disant : Dieu est le Dieu
d’Abraham, d’Isaac, de Jacob (cf. Mt 22, 31-32 ; Mc 12,
26-27 ; Lc 20, 37-38). Dieu n’est pas le Dieu des morts. Si Dieu
est leur Dieu, ils sont vivants. Celui qui est inscrit dans le nom de Dieu
participe à la vie de Dieu, il vit. Donc, croire c’est être inscrits dans le
nom de Dieu. Ainsi nous sommes vivants. Celui qui appartient au nom de Dieu
n’est pas un mort, il appartient au Dieu vivant. C’est en ce sens que nous
devrions comprendre le dynamisme de la foi, qui est d’inscrire notre nom
dans le nom de Dieu et d’entrer ainsi dans la vie.
Prions le Seigneur pour que cela se produise et que nous connaissions
vraiment Dieu par notre vie, pour que notre nom entre dans le nom de Dieu et
que notre existence devienne une véritable vie : vie éternelle, amour et
vérité.
Regarder
la vidéo
►
L’obéissance à Dieu est source de vraie liberté
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 19.04.2010 -
T/International |