L'EUCHARISTIE : LA MISSION EN ACTE |
|
Le 18 Juin 2008 -
(E.S.M.) - Le fait de célébrer l'eucharistie chaque dimanche,
après une semaine écoulée et en début de la semaine suivante dit quelque
chose de la dimension missionnaire de l'eucharistie. Sa célébration est
placée au centre de notre vie quotidienne et c'est toute notre vie qui
est missionnaire : l'eucharistie en est bien la source et le sommet.
|
Le rite de la fraction
est le geste essentiel qui ouvre l'eucharistie à la mission -
Pour agrandir l'image:
►
Cliquez
LA DIMENSION MISSIONNAIRE DE L'EUCHARISTIE
« La liturgie - et plus particulièrement l'eucharistie - est le somment
auquel tend toute l'action de l'Église et en même temps la source d'où
découle toute sa vertu. » (Vatican II, Constitution
sur la liturgie, n° 10) Cette affirmation du dernier Concile est
maintenant bien connue ; cependant, nous n'avons pas encore fini d'en
mesurer toute la portée concrète. Puisque l'Église est toute entière
missionnaire, que la mission correspond à sa nature même
(Vatican II, Constitution sur la liturgie, n° 10), il est aisé
d'en déduire que l'eucharistie est source et sommet de la mission
(Voir l'article d'Emmanuel Lafont, p. XXX). En
effet, nous n'avons pas trop de peine à envisager que l'eucharistie - source
nous envoie en mission (encore faut-il mesurer tout ce que
cela signifie !), ou que l'une action missionnaire conduit à
l'eucharistie - sommet. Mais il n'est peut-être pas encore aussi évident
qu'elle soit bien perçue comme lieu d'évangélisation (Voir
l'article de Claude Duchesneau, p. XXX), comme lieu missionnaire
au cœur de la mission. Le dernier Concile le répète avec force :
« La sainte eucharistie contient tout le trésor spirituel de l'Église,
c'est à dire le Christ lui-même, lui notre Pâque, lui le pain vivant, lui
dont la chair, vivifiée par l'Esprit Saint et vivifiante, donne la vie aux
hommes, les invitant et les conduisant à offrir, en union avec lui, leur
propre vie, leur travail, toute la création. On voit donc alors comment
l'eucharistie est bien la source et le sommet de toute l'évangélisation...
» (Vatican II, Décret sur le ministère et la vie des
prêtres, n° 5)
L'EUCHARISTIE EST AU CŒUR DE L'ÉLAN MISSIONNAIRE
La célébration de l'eucharistie est au cœur de l'élan missionnaire. Elle
n'est bien sûr pas le tout, mais elle lui donne toute sa portée de sens en
l'enracinant dans le Christ ; elle en est même une part non négligeable dans
la mesure où l'eucharistie nous rend participant du corps du Christ. Par
l'eucharistie - tant dans la liturgie de la Parole que dans la liturgie
eucharistique proprement dit - c'est lui, le Christ, qui nous invite à le
suivre au milieu des hommes pour annoncer la Bonne Nouvelle et vivre selon
son Évangile ; c'est lui aussi qui nous demande de nous offrir « en
éternelle offrande à la gloire du Père » pour le salut de tous les hommes.
L'eucharistie est bien un « envoi en mission ». A-t-on bien repéré que le
mot « messe » était le même que le mot « mission » ? « Ite missa est
», comme on le dit en latin, ne signifie pas « Allez, la messe est dite » au
sens où on peut l'entendre communément : « la formalité est terminée, vous
pouvez partir ! » Cela signifie exactement : « Allez, c'est l'envoi ! C'est
la mission ! » Et il est effectivement significatif que les chrétiens ait
donné ce nom de « envoi » à leur rassemblement liturgique hebdomadaire
autour de la table du Seigneur.
Beaucoup plus encore, en nous configurant au Christ, l'eucharistie non
seulement nous envoie en mission, mais, nous rend participant de la mission du Christ. En le rencontrant
vraiment dans l'assemblée, en l'entendant réellement nous parler et nous
partager sa vie dans sa Parole, en mangeant son corps pour devenir
ecclésialement son corps mystique, nous sommes associés au Christ, par
l'Esprit Saint, pour continuer son œuvre en participant à sa mission,
aujourd'hui, dans le monde. C'est en cela d'abord que l'eucharistie est
missionnaire.
« En effet, l'amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu'un seul
est mort pour tous, et qu'ainsi tous ont passé par la mort. Car le Christ
est mort pour tous, afin que les vivants n'aient plus leur vie centrée sur
eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux... »
(2 Corinthiens 5, 14-15)
L'EUCHARISTIE : LA MISSION EN ACTE
Regardons concrètement, dans le déroulement même de la célébration, dans ses
rites et ses symboles, ce qui l'établit comme mission. La liturgie est une
action, ce n'est donc pas seulement dans ses paroles mais dans sa mise en
œuvre qu'est portée et vécue la dimension missionnaire.
Le cycle hebdomadaire
Le fait de célébrer l'eucharistie chaque dimanche, après une semaine écoulée
et en début de la semaine suivante dit quelque chose de la dimension
missionnaire de l'eucharistie. Sa célébration est placée au centre de notre
vie quotidienne et c'est toute notre vie qui est missionnaire :
l'eucharistie en est bien la source et le sommet. Chaque semaine qui
commence, commence par nous laisser saisir par le Christ pour que notre vie
soit un peu de la sienne.
Rassemblé pour être dispersé
La célébration comporte quatre parties, dont la liturgie de la Parole et la
liturgie de l'eucharistie ; elle commence par la liturgie d'accueil et
d'ouverture pour se terminer dans celle de l'envoi. C'est tout un symbole :
on se rassemble pour se disperser « Allez, de toutes les nations, faites des
disciples ; baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ! »
(Matthieu 28, 19) Dans la liturgie d'accueil,
l'Église nous demande d'être attentif à la diversité, à la présence des uns
et des autres au-delà de leurs différences (sans les nier
!) : différences d'âge, de milieu, d'origine, différence
sociales, de culture, d'intérêts, de situation chrétienne, etc. Il s'agit
déjà de commencer à vivre la mission confiée par le Christ !
Mais tout cela conduit de toute façon à se séparer : nous ne sommes pas
appelés à former un groupe heureux de se retrouver et de vivre ensemble.
Cela n'est pas exclu, bien sûr, mais ce n'est pas le but. Nous sommes
appelés à former une assemblée dans laquelle chacun est envoyé vivre ce
qu'il a reçu avec d'autres. Tout ce qui a été vécu - la rencontre entre
frère du Seigneur Jésus Christ - n'existe que pour se prolonger dans le
monde au milieu des frères et sœurs. C'est là que Dieu nous appelle et nous
attend (Lire Lumen Gentium, Constitution dogmatique sur
l'Église (Vatican II), n° 42). C'est pourquoi la liturgie d'envoi
est si courte : il n'est plus temps de rester pour chanter entre nous encore
un cantique ou prolonger la prière (II est bien sûr des
occasions de ne pas prendre trop à la lettre cette formulation un peu
brutale. Mais n'en est-il pas trop ?): « Allez, le Seigneur vous
attend parmi les hommes de ce temps ! »
Dans la liturgie de la Parole
Dans la liturgie de la Parole, nous le savons, Dieu entre en dialogue avec
son peuple (Voir « Célébrer la Parole », le dossier de
Célébrer n° 294 - janvier 2000). . Celui qui a conclut une
Alliance nouvelle et éternelle en son fils Jésus, mort et ressuscité, nous
fait entrer aujourd'hui dans cette Alliance par ce même Christ, Parole,
Verbe du Père offert à notre écoute et à notre cœur. Ce dialogue fait de
nous, son peuple, un véritable partenaire pour son œuvre de salut.
- Les paroles mêmes que le Seigneur nous adresse, dans l'Évangile notamment,
sont bien sûr missionnaires, puisqu'elles annoncent le salut promis,
puisqu'elles nous convoquent à suivre le Christ, à travailler pour faire
advenir le Royaume. Si chaque dimanche est Pâques, puisque nous célébrons la
mort et la résurrection du sauveur, chaque dimanche, aussi, est Pentecôte !
- Nos réponses à la parole que Dieu nous adresse ont aussi une dimension
missionnaire. Du moins, celles que l'Église nous propose : les psaumes. Car
ce ne sont plus seulement nos propres mots que nous adressons au Seigneur :
c'est la prière du Christ ! Par nos voix, c'est l'Église - corps du Christ
et c'est le Christ qui prie, comme l'a admirablement souligné saint
Augustin. Et la prière du Christ est bien plus large que la nôtre : il prend
en lui la prière de toute l'humanité. Les psaumes sont la prière pour le
monde que fait monter le Christ, aujourd'hui encore par nos voix. Et
l'Église nous invite à nous associer à sa prière, à devenir aussi
participant de sa mission.
- L'homélie dont l'objectif est de faire résonner la parole de Dieu dans nos
vies, là où nos vies sont en prise avec le monde, a bien sûr une portée
missionnaire. Il faut ici rappeler qu'elle n'est ni un cours d'exégèse, ni
seulement une instruction catéchétique ; qu'elle n'est pas plus un cours de
morale ou un exposé sur la manière de vivre. Elle est un peu de tout cela
mais surtout annonce de la Bonne Nouvelle dans la vie du monde
d'aujourd'hui.
- La prière universelle, enfin, se charge d'ouvrir notre prière aux
dimensions du monde (Voir « La prière universelle », le
dossier de Célébrer n° 281 - juin 1998). Avec elle, notre prière
se fait réellement universelle. C'est à dire une prière pour des personnes
et pas pour des idées, aussi justes soient elles ; une prière de l'assemblée
et pas un discours moralisateur donné par un lecteur ; une prière aimante
quelles que soient les personnes, les reconnaissant pour elles-mêmes telles
qu'elles sont ; bref : une prière missionnaire.
Dans la liturgie de l'eucharistie
Dans l'eucharistie, Dieu se donne à son peuple pour que celui-ci se donne au
monde. Nous sommes au cœur de la mission. L'eucharistie se déploie selon
l'ordre du Seigneur lui-même : « Vous ferez cela en mémoire de moi. »
Et c'est ce que nous faisons : nous prenons le pain, nous rendons grâce,
nous le fractionnons et le partageons pour manger « le corps du Christ ».
Lorsque Jésus fit cela avec ses disciples au soir de la dernière cène, il
désignait sa mort et sa résurrection, l'offrande ultime de sa vie pour le
salut de tous les hommes. « Je vous le dis : désormais, je ne boirai plus
de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où je boirai un vin nouveau avec vous
dans le royaume de mon Père. » (Matthieu 26, 29)
Aujourd'hui, à notre tour, quand nous célébrons l'eucharistie, nous
célébrons Jésus Christ mort et ressuscité d'entre les morts, et nous
annonçons son retour : « Nous rappelons ta mort, Seigneur Jésus, nous
célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire. »
Autrement dit, nous entrons dans l'offrande que le Christ a fait de sa vie,
pour nous livrer, nous aussi, certes autrement, pour nos frères.
L'eucharistie est bien le lieu de la mission totale qui nous fait
«participer à la mission du Christ. »
- La prière eucharistique est une prière missionnaire. Non seulement parce
qu'on y prie pour toute l'Église (cf. la prière pour le
pape, les évêques...). Mais encore parce qu'elle est
la prière de toute l'Église de la terre et aussi du ciel (cf.
les anges qui chantent avec nous ; la référence à Marie et aux saints qui
nous ont précédé ; la prière pour les défunts...) pour le monde
entier. Plus encore, les deux épiclèses expriment parfaitement la dimension
missionnaire de l'eucharistie. Ce n'est certes pas un hasard, tant le rôle
de l'Esprit est essentiel dans la mission ! Dans la première épiclèse, le
prêtre supplie le Père d'envoyer son Esprit sur le pain pour qu'il devienne
le corps du Christ. Dans la seconde, il supplie le Père d'envoyer son Esprit
sur nous pour que « nous devenions une éternelle offrande à sa gloire
», pour que « nous soyons unis en un seul corps », le corps du Christ
que nous allons partager. Si le corps du Christ - pain est là, pour être
partagé, c'est pour qu'à notre tour, nous soyons corps du Christ offert pour
la vie du monde. S'arrêter à la seule présence réelle du Christ dans le pain
n'est pas conforme à l'enseignement de Jésus et de l'Église
(ce n'est pas chrétien !). Cette présence s'entend
en tant qu'elle va être consommée par des hommes et des femmes pour qu'ils
deviennent Corps livré pour le monde.
- Le rite de la fraction est le geste essentiel (Voir « La
fraction du pain », le dossier de Célébrer n° 279-avril 1998) qui
ouvre l'eucharistie à la mission. C'est tout d'abord un geste de partage
extraordinaire. D'autant qu'il tient compte des absents, de ceux qui sont
loin, isolés, de ceux qui n'ont pas répondu à l'invitation du Seigneur... «
Heureux les invités au repas du Seigneur... » La fraction du pain au
cours du repas, permet à chacun d'y avoir part. Voilà le sens même de la
mission : offrir à tous et à chacun la possibilité d'avoir part au repas du
Seigneur, c'est à dire à la vie avec le Seigneur. Mission que le Christ nous
a confiée, à laquelle chacun peut prendre part dans la mesure où il le veut.
Y a-t-il plus belle et plus riche expression pour dire ce qu'est la mission
?
- Les rites de communion que sont la prière commune du Notre-Père et le
baiser de paix nous ouvre déjà à la mission du Christ. En effet, en priant
la prière de Jésus, nous sommes associés à lui pour nous adresser au Père et
lui demander « que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre
comme au ciel... » En donnant « la paix du Christ » à nos voisins, nous leur
permettons de la recevoir de la bouche d'un frère et nous tissons des liens
entre nous, par le Christ. Grâce à ces rites, nous participons déjà, dans le
Christ, à la mission reçue qui nous est donné de vivre par lui, avec lui et
en lui.
- Enfin, la communion eucharistique est ce moment où nous sommes rendus
participant au corps du Christ qui poursuit l'œuvre commencée par lui.
Désormais, plus rien n'est comme avant :
« Nous sommes le corps du Christ, chacun de nous est un membre de ce corps,
chacun reçoit la grâce de l'Esprit pour le bien du corps entier. »
(Chant Dieu nous a tous appelé (A 14-56-1), texte Didier Rimaud, musique
Jacques Berthier). Et sa mission est désormais la nôtre.
METTRE EN ŒUVRE UNE LITURGIE MISSIONNAIRE
En fonction de ce qui vient d'être développé, on peut risquer quelques
conseils concrets pour mettre en œuvre une liturgie missionnaire. On l'aura
compris, ce n'est pas d'abord tout ce qu'on va ajouter dans la célébration
(textes particuliers, témoignages, objets, signes...) qui va la
rendre plus missionnaire ou lui donner une coloration plus missionnaire. Ce
qui ne veut pas dire que le dimanche de la mission universelle ne peut pas
(ne doit pas) permettre d'entendre un
témoignage ou d'ouvrir nos regards à la mission au large ! Mais ce qui va
permettre à la célébration de développer son caractère missionnaire, c'est
d'abord la manière dont nous allons mettre en œuvre la liturgie que propose
l'Église, avec ses rites et ses paroles, pour que chacun se découvre
pleinement participant de la mission du Christ, célébrée dans sa Parole et
dans son eucharistie.
« La participation des chrétiens à la liturgie est la source première et
indispensable à laquelle les fidèles doivent puiser un esprit vraiment
chrétien. » (Vatican II, Décret sur l'apostolat des
laïcs, n° 3)
Philippe Barras
Ce qui rend la célébration
missionnaire, ce n'est pas ce que nous y ajoutons (ex : paroles, objets,
...), c'est d'abord ce qui permet à l'assemblée de s'associer à la mission
du Christ célébrée dans la Parole et l'eucharistie, pour se sentir
partenaire de son œuvre de salut.
Sources : Conférence des évêques/liturgie-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 18.06.08 -
T/Liturgie |