Jean-Paul II, l'amour est exigeant |
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Le 18 Juin 2007 -
(E.S.M.) -
Méditant le chapitre 13 de la première Lettre de Paul aux Corinthiens,
nous prenons le chemin qui nous conduira à comprendre de la manière la
plus immédiate et la plus pénétrante le véritable sens de la
civilisation de l'amour, nous explique Jean-Paul II.
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La
famille est la route de l'Église -
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C'est ici
Jean-Paul II, l'amour est exigeant
14. L'amour auquel l'Apôtre Paul a consacré un hymne dans la première Lettre
aux Corinthiens — l'amour qui est « patient », qui « rend service » et qui «
supporte tout » (1 Co 13, 4. 7)
— est assurément un amour exigeant. C'est
là justement que réside sa beauté, dans le fait d'être exigeant, car ainsi
il édifie le vrai bien de l'homme et le fait rayonner sur les autres. En
effet, le bien par sa nature « tend à se communiquer », comme le dit saint
Thomas (36). L'amour est vrai
quand il crée le bien des personnes et des communautés, quand il le crée et
le donne aux autres. Seul celui qui sait être exigeant pour lui-même, au nom
de l'amour, peut aussi demander aux autres l'amour. Car l'amour est
exigeant. Il l'est dans toutes les situations humaines ; il l'est plus
encore pour qui s'ouvre à l'Évangile. N'est-ce pas là ce que proclame le
Christ par « son » commandement ? Il faut que les hommes d'aujourd'hui
découvrent cet amour exigeant, parce qu'en lui se trouve le fondement
vraiment solide de la famille, un fondement qui la rend capable de «
supporter tout ». Selon l'Apôtre, l'amour n'est pas apte à « tout supporter
» s'il cède aux « rancunes », s'il « se vante », s'il « se gonfle d'orgueil
», s'il « ne fait rien d'inconvenant » (cf.
1 Co 13, 4-5). Le véritable amour, enseigne saint Paul, est
différent : « Il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout »
(1 Co 13, 7). C'est cet amour-là
qui « supportera tout ». La puissance de Dieu même, qui « est amour », agit
en lui (1 Jn 4, 8.16). La
puissance du Christ, Rédempteur de l'homme et Sauveur du monde, agit en lui.
Méditant le chapitre 13 de la première Lettre de Paul aux Corinthiens, nous
prenons le chemin qui nous conduira à comprendre de la manière la plus
immédiate et la plus pénétrante le véritable sens de la civilisation de
l'amour, nous indique Jean-Paul II. Aucun autre texte biblique que l'hymne à
la charité n'exprime cette vérité de manière plus simple et plus profonde.
Les dangers affectant l'amour constituent aussi une menace pour la
civilisation de l'amour, car ils favorisent ce qui peut s'y opposer
efficacement. On pense ici avant tout à l'égoïsme, non seulement à l'égoïsme
de l'individu, mais à celui du couple ou, dans un cadre encore plus large, à
l'égoïsme social, par exemple à celui d'une classe ou d'une nation (le
nationalisme). L'égoïsme, sous toutes ses formes, s'oppose directement et
radicalement à la civilisation de l'amour. Cela veut-il dire que l'amour se
définit simplement comme l'« anti-égoïsme » ? Ce serait une définition trop
pauvre et finalement trop négative, même s'il est vrai que, pour réaliser
l'amour et la civilisation de l'amour, il faut surmonter les différentes
formes d'égoïsme. Il est plus juste de parler d'« altruisme » qui est
l'antithèse de l'égoïsme. Mais la conception de l'amour développée par saint
Paul est encore plus riche et plus complète. L'hymne à la charité de la
première Lettre aux Corinthiens demeure comme la magna charta de la
civilisation de l'amour. Elle traite moins des manifestations isolées (de
l'égoïsme ou de l'altruisme) que de l'acceptation franche de la conception
de l'homme comme personne qui « se trouve » par le don désintéressé de soi.
Un don, c'est évidemment « pour les autres » : c'est la dimension la plus
importante de la civilisation de l'amour.
Nous arrivons, poursuit Jean-Paul II, au centre
de la vérité évangélique sur la liberté. La personne se réalise par
l'exercice de sa liberté dans la vérité.
On ne peut comprendre la liberté comme la faculté de faire n'importe quoi :
elle signifie le don de soi. De plus, elle veut dire : discipline intérieure
du don. Dans la notion de don ne figure pas seulement l'initiative libre du
sujet, mais aussi la dimension du devoir. Tout cela se réalise dans la «
communion des personnes ». Nous sommes ainsi au cœur même de toute famille.
Nous sommes également devant l'antithèse entre
l'individualisme et le personnalisme. L'amour et la civilisation de
l'amour sont en relation avec le personnalisme. Pourquoi précisément le
personnalisme ? Parce que l'individualisme menace la civilisation de l'amour
? La clé de la réponse se trouve dans l'expression conciliaire : un « don
désintéressé ». L'individualisme suppose un usage de la liberté dans lequel
le sujet fait ce qu'il veut, « définissant » lui-même « la vérité » de ce
qui lui plaît ou lui est utile. Il n'admet pas que d'autres « veuillent » ou
exigent de lui quelque chose au nom d'une vérité objective. Il ne veut pas «
donner » à un autre en fonction de la vérité, il ne veut pas devenir « don
désintéressé ». L'individualisme reste donc égocentrique et égoïste.
L'antithèse avec le personnalisme apparaît non seulement sur le terrain de
la théorie, mais plus encore sur celui de l'« ethos ». L'« ethos » du
personnalisme est altruiste : il porte la personne à faire le don
d'elle-même aux autres et à trouver sa joie dans le don d'elle-même. C'est
la joie dont parle le Christ (cf. Jn 15,
11 ; 16, 20. 22).
Il faut donc que les sociétés humaines, et en leur sein les familles, qui
vivent souvent dans un contexte de lutte entre la civilisation de l'amour et
ses antithèses, cherchent leur fondement stable dans une juste vision de
l'homme et de ce qui détermine la pleine « réalisation » de son humanité. Le
soi-disant « amour libre » est indéniablement
opposé à la civilisation de l'amour ; il est d'autant plus dangereux qu'il
est habituellement proposé comme la traduction d'un sentiment « vrai »,
alors qu'en réalité il détruit l'amour. Tant de
familles ont été brisées à cause de cet « amour libre » ! Suivre en toute
circonstance la « vraie » pulsion affective au nom d'un amour « libre » de
toute contrainte, cela signifie, en réalité, rendre l'homme esclave des
instincts humains que saint Thomas appelle « passions de l'âme »
(37). L'« amour libre » exploite
les faiblesses humaines en leur offrant une certaine respectabilité avec
l'aide de la séduction et avec l'appui de l'opinion publique. On cherche
ainsi à « apaiser » la conscience en créant un « alibi moral ». Mais on ne
prend pas en considération toutes les conséquences qui en découlent,
spécialement lorsque doivent payer, outre le conjoint,
les enfants privés de leur père ou de leur mère et condamnés à être en fait
orphelins de leurs parents vivants.
On sait qu'à la base de l'utilitarisme éthique se trouve la recherche
continuelle du « maximum » de bonheur, mais d'un « bonheur » utilitariste,
entendu seulement comme plaisir, comme satisfaction immédiate au profit
exclusif de l'individu, en dehors ou à l'opposé des exigences objectives du
vrai bien.
Le dessein de l'utilitarisme, fondé sur une
liberté orientée dans un sens individualiste, c'est-à-dire une liberté
sans responsabilité, constitue l'antithèse de
l'amour, même si l'on y voit l'expression de la civilisation humaine dans
son ensemble. Quand cette notion de la liberté est acceptée dans la société,
faisant aisément cause commune avec les formes les plus diverses de la
faiblesse humaine, elle se révèle vite comme une menace systématique et
permanente pour la famille. On pourrait mentionner, à ce propos, de
nombreuses conséquences néfastes, repérables statistiquement, même si
beaucoup d'entre elles demeurent cachées dans les cœurs des hommes et des
femmes comme des blessures douloureuses qui saignent.
L'amour des époux et des parents est capable de guérir ces blessures, si les
embûches évoquées ne le privent pas de sa force de régénération, si
bienfaisante et si salutaire pour les communautés humaines. Cette capacité
indique Jean-Paul II, est tributaire de la grâce divine du pardon et de la
réconciliation qui permet d'avoir l'énergie spirituelle nécessaire pour
recommencer sans cesse. C'est pourquoi les membres de la famille ont besoin
de rencontrer le Christ dans l'Église par l'admirable sacrement de la
pénitence et de la réconciliation.
On voit ainsi l'importance de la prière avec les
familles et pour les familles, en particulier pour celles que menace la
division. Il faut prier pour que les époux aiment leur vocation, même
lorsque la route devient ardue ou qu'elle comporte des passages étroits et
raides, apparemment insurmontables ; il faut prier pour que, dans ces
conditions aussi, ils soient fidèles à leur alliance avec Dieu.
« La famille est la route de l'Église ». Dans cette Lettre, nous désirons
dire notre conviction et annoncer en même temps cette route qui, par la vie
conjugale et familiale, mène au Royaume des cieux
(cf. Mt 7, 14). Il est important
que la « communion des personnes » dans la famille devienne une préparation
à la « communion des saints ». Voilà pourquoi l'Église professe et annonce
l'amour qui « supporte tout » (1 Co 13, 7),
le considérant avec saint Paul comme la vertu « la plus grande »
(1 Co 13, 13). L'Apôtre ne trace
de limites pour personne. Aimer est la vocation de tous, celle des époux et
des familles. Dans l'Église, en effet, tous sont également appelés à la
perfection de la sainteté (cf. Mt 5, 48)
(38).
Extrait réalisé par le Père Walter
Covens
Lettre aux familles, Jean-Paul II, 2 février 1994
Sources:
www.vatican.va
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E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 18.06.2007 - BENOÎT XVI -
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