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19 Avril 2005
 

Le pape Benoît XVI relit les "Dix Commandements" à la synagogue de Rome

 

Rome, le 18 janvier 2010  - (E.S.M.) - Il a proposé le décalogue de Moïse comme "étoile polaire" pour Israël, les chrétiens et l'humanité tout entière. Mais les propos tenus par Benoît XVI aux juifs tombent sur un terrain très accidenté. Anna Foa et Mordechay Lewy: le judaïsme aussi doit faire son autocritique

Le pape Benoît XVI - Pour agrandir l'image Cliquer

Le pape Benoît XVI relit les "Dix Commandements" à la synagogue de Rome

Le 18 janvier 2010 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde - Les propos de Benoît XVI, hier, à la synagogue de Rome – voir ci-dessous le texte intégral – sont d’autant plus significatifs qu’ils ont été tenus dans un contexte pas tout à fait amical, comme c’est inévitable entre deux croyances aussi unies par leur origine et en même temps aussi radicalement divisées par ce Jésus de Nazareth qui, pour les chrétiens, est le Fils de Dieu.

Le pape Joseph Ratzinger a été accueilli à la synagogue par le grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni, et par presque toute la communauté juive de Rome, la plus nombreuse d'Italie, héritière de celle qui vivait dans la ville "caput mundi" avant même qu’y viennent les apôtres Pierre et Paul, Juifs convertis à Jésus.

Mais l'autre rabbin italien très connu, Giuseppe Laras, de la communauté juive de Milan, n’était pas là. Il n’a pas cru à cette rencontre et il l'a dit : "Il n’y a que l’Église qui va en tirer profit". A son avis, avec Benoît XVI, les relations fraternelles entre juifs et catholiques ne se sont pas renforcées mais "elles se sont sans cesse affaiblies".

Le rabbin Di Segni lui a répondu : "C’est le temps qui dira laquelle de [nos] deux visions opposées aura été la bonne".

En effet, il y a encore beaucoup de questions "indécises", entre les juifs et l’Église de Rome.

LE JOUR DU "MOED DE PLOMB"

Déjà, la date choisie pour la visite était à double tranchant. Pour les juifs de Rome, le 17 janvier est le jour du "Moed de plomb", souvenir de l'incendie allumé en 1793 par haine contre leur ghetto et heureusement éteint par une violente averse tombée d’un ciel couleur "de plomb".

Pendant des siècles, la présence des juifs dans la Rome pontificale a pris la forme du ghetto clos de murs. Au terme de sa visite à la synagogue, Benoît XVI a inauguré au Musée Juif une exposition montrant qu’au XVIIIe siècle, les juifs romains étaient forcés à participer à la cérémonie d’intronisation de chaque nouveau pape, en décorant de fleurs, de tentures et de bannières la zone allant du Colisée à l'Arc de Titus qui célèbre la destruction définitive du temple de Jérusalem par l’empire romain.

LE REFUS DU RABBIN LARAS

Mais, en Italie, le 17 janvier c’est aussi la "Journée pour l'approfondissement et le développement du dialogue entre catholiques et juifs". Depuis 2001, la communauté juive et les évêques italiens l’organisent ensemble. Depuis 2005, après le discours prononcé cette année-là par Benoît XVI à la synagogue de Cologne, les deux parties sont convenues de la consacrer chaque année à l’un des dix commandements.

Cependant, l’an dernier, les juifs sont revenus sur leur adhésion à la Journée, principalement à l’instigation du rabbin Laras. Ils ont dit que la faute en incombait à Benoît XVI lui-même et notamment à sa décision d’introduire dans l’ancien rite romain du Vendredi Saint la prière pour que Dieu "éclaire" le cœur des juifs, "afin qu’ils reconnaissent Jésus-Christ sauveur de tous les hommes". Prière jugée inacceptable par Laras dans la mesure où elle a pour but la conversion des juifs à la foi chrétienne.

Les juifs italiens n’ont pas tous approuvé ce geste de rupture. Mais la polémique contre Benoît XVI s’est durcie et elle s’est étendue au monde entier quand il a levé l’excommunication de quatre évêques lefebvristes à orientation antisémite, dont l’un, l'anglais Richard Williamson, a nié impudemment la Shoah.

Le pape a expliqué les raisons de son geste dans une lettre aux évêques catholiques, le 10 mars 2009. Dans un passage de cette lettre il a remercié "les amis juifs" qui – plus que bien des hommes d’Église – l'avaient "aidé à mettre fin au malentendu et à rétablir l’amitié et la confiance".

La tempête s’est un peu calmée. Et, en ce 17 janvier 2010, les juifs italiens organisent de nouveau avec les évêques la Journée du dialogue, en la mettant sous le signe du commandement : "Souviens-toi du jour du sabbat, pour le sanctifier", le quatrième dans le classement juif.

Le voyage de Benoît XVI en Terre Sainte, au mois de mai dernier, a contribué à améliorer le climat.

Mais même après ce voyage les questions prêtant à controverse sont restées ouvertes. Deux en particulier, qui sont liées entre elles : Pie XII et la Shoah.

LES SILENCES DE PIE XII ET DES JUIFS

L'accusation principale portée contre Pie XII par une grande partie du judaïsme mondial – mais aussi par une fraction du catholicisme – est qu’il s’est tu face à l’extermination nazie.

Hier, avant d’entrer dans la synagogue, Benoît XVI s’est arrêté devant la plaque qui commémore la déportation à Auschwitz d’un millier de juifs de Rome, le 16 octobre 1943. Pie XII est accusé de s’être tu même à cette occasion, comme l’a redit le président de la communauté juive de Rome, Riccardo Pacifici, dans le discours par lequel il a accueilli le pape à la synagogue.

"Le silence de Pie XII face à la Shoah fait encore mal comme un acte manqué. Peut-être n’aurait-il pas arrêté les trains de la mort, mais il aurait émis un signal, un mot de très grand réconfort, de solidarité humaine, pour ceux de nos frères qui ont été transportés vers les cheminées d’Auschwitz".

Pour défendre Pie XII, on affirme qu’il s’est tu pour ne pas augmenter le nombre des victimes en protestant publiquement. Et qu’au contraire, il a beaucoup fait pour sauver la vie de nombreux juifs, qui ont en effet trouvé refuge dans des églises, des couvents, des instituts catholiques. Une protection admise avec des mots émus par Pacifici lui-même, dont le père trouva refuge dans un couvent de religieuses à Florence.

Quelques jours avant la visite de Benoît XVI à la synagogue, justement, d’autres cas de juifs sauvés ont été découverts. Pendant la guerre, certains d’entre eux avaient trouvé refuge à l'abbaye romaine de Tre Fontane, construite sur le lieu du martyre de saint Paul. Les Allemands s’y étaient installés mais ils ne s’aperçurent pas que parmi les moines, il y avait des juifs qui, cachés par la bure, furent sauvés en fin de compte.

Sur le plan historiographique, présenter Pie XII comme "le pape de Hitler" paraît de plus en plus infondé. Mais les critiques sur ses silences publics à propos de la Shoah restent fortes et répandues. Cela explique les réactions négatives de nombreux juifs à la poursuite du procès de béatification de Pie XII, dont une étape importante a été la proclamation de ses "vertus héroïques", le 19 décembre dernier.

Selon le rabbin Laras, cette décision de Benoît XVI aurait été un motif suffisant pour que les juifs de Rome annulent sa visite à la synagogue.

Mais la question du silence à propos de la Shoah est plus complexe qu’il n’y paraît. A côté des silences de Pie XII, il y a aussi eu ceux d’autres gens, qui ont duré longtemps après la seconde guerre mondiale. Les accusations contre Pie XII ne sont devenues bruyantes et persistantes qu’à partir des années 60, après sa mort. Avant, le monde juif se taisait aussi, non seulement à propos de ce pape, mais de la Shoah elle-même :

"Les quinze ans qui ont suivi la seconde guerre mondiale ont été en Europe le temps du silence et de la grande évacuation de la Shoah. Ce fut aussi pour Israël une période de silence".

C’est ce qu’Anna Foa, juive, professeur d’histoire à l'Université "La Sapienza" de Rome, a écrit dans un article publié dans "L'Osservatore Romano" le 15 janvier 2010, avant-veille de la visite de Benoît XVI à la synagogue.

Un article important en raison du support et de la date de publication.

ANNA FOA ET LE "PÉCHÉ ORIGINEL" D’ISRAËL

Dans son article, Anna Foa fait siennes les thèses de l’un des grands spécialistes du sionisme, Georges Bensoussan. Ils pensent tous deux que l’état d'Israël n’est pas né en tant que "rédemption" de l’extermination des juifs par Hitler. Le vrai créateur de cet état a été le sionisme, dès l’époque du mandat britannique, quand des juifs qui voulaient construire un homme nouveau se sont installés sur cette terre. L’idée de la Shoah comme base de l’état d'Israël ne s’est développée que bien plus tard, après le procès d’Eichmann et surtout après la guerre du Kippour, au cours des récentes décennies. Cette idée – écrit Anna Foa – a été préparée justement par les quinze ans de silence après la guerre : un silence "habité de souvenirs refoulés, de nouvelles peurs identifiées aux vieilles peurs concrétisées dans la Shoah, de sentiments de culpabilité et de volonté de revanche".

Vue ainsi, la naissance de l’état d'Israël n’est plus ce "péché originel" que lui reprochent encore aujourd’hui tant de ses amis et de ses ennemis. Parmi ces derniers, beaucoup de catholiques, au premier rang desquels les arabes vivant dans la région. Celui d’entre eux qui fait le plus autorité, le patriarche latin de Jérusalem Fouad Twal, était lui aussi à la synagogue de Rome hier, à l'arrivée du pape.

Selon cette "vulgate", l’état d'Israël a été créé par les grandes puissances pour porter remède à l’extermination de six millions de juifs qui venait d’avoir lieu en Europe ; on a ainsi réparé une injustice en en commettant une autre au détriment des populations arabes du lieu. En 1964, quand Paul VI s’est rendu en Terre Sainte, l’Église de Rome n’avait pas encore accepté l'existence du nouvel état. Et, trente ans plus tard, en 1993, quand le Saint-Siège a enfin reconnu l’état d'Israël et établi avec lui des relations diplomatiques, les arabo-chrétiens y ont vu une trahison.

Mais pour Jean-Paul II et maintenant pour Benoît XVI, la reconnaissance d'Israël est sans aucune réserve.

En revanche, de l’autre côté, le souvenir de la Shoah sans cesse utilisé comme chef d’accusation contre l’Église de Pie XII et de ses successeurs empêche le judaïsme de sortir de son identité de victime.

C’est justement ainsi qu’Anna Foa achève son article dans "L'Osservatore Romano". En prenant la Shoah et pas le sionisme comme base de son identité politique et religieuse, Israël risque "de se replier sur la catastrophe plutôt que sur l’espérance de l’avenir" et s’enferme dans "une identité douloureuse qui oscille constamment entre Auschwitz et Jérusalem".


MORDECHAY LEWY ET L'INCAPACITÉ DE PARDONNER

Toujours dans "L'Osservatore Romano", quelques jours avant la visite de Benoît XVI à la synagogue, un autre juif qualifié a traité encore plus à fond cette même question.

C’est Mordechay Lewy, ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège. Son article a été publié par le journal du Vatican le 13 janvier, mais aussi par "Pagine ebraiche" [Pages juives], le mensuel des juifs italiens.

Lewy admet que "seuls quelques rares représentants du judaïsme sont vraiment engagés dans l'actuel dialogue avec les catholiques". Ce sont surtout des juifs réformés, les courants orthodoxes étant plus réticents.

La raison en est – écrit-il – que le dialogue entre juifs et chrétiens est asymétrique. Alors que les chrétiens ont à la fois l'Ancien et le Nouveau Testament, les juifs tendent à définir leur identité religieuse en termes d’"autosuffisance théologique". Ils se sentent les seuls à être "élus" par Dieu. Ils ont vaillamment lutté pour survivre au milieu de chrétiens qui, pendant des siècles, ont tout fait pour les convertir, "avec douceur ou, dans la majorité des cas, par la force".

Ainsi, "une blessure grave et douloureuse, infligée dans le passé, s’ouvre à chaque fois que la victime est confrontée aux symboles du bourreau".

Aujourd’hui encore, écrit Lewy, voici ce qui arrive à beaucoup de juifs :

"Ils désirent éviter toute situation où il faut pardonner à quelqu’un, surtout si celui-ci est identifié, à tort ou à raison, comme représentant du bourreau. La victime juive semble incapable de donner l'absolution pour des méfaits anciens ou récents commis contre ses frères et ses sœurs".

Une autocritique qui va loin. Mais justement dans le discours qu’il a adressé à Benoît XVI en l’accueillant à la synagogue, le grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni, a tenu des propos qui suscitent l’espoir, à propos de la "fraternité" entre juifs et chrétiens :

"Le récit du Sefer Bereshit, la Genèse, donne de précieuses indications à ce sujet. Comme l’explique rav Sachs, il y a dans le livre, du début à la fin, un fil conducteur qui relie des histoires différentes. Les relations fraternelles commencent très mal, Caïn tue Abel. Deux autres frères, Isaac et Ismaël, vivent séparés, victimes de rivalités héritées, mais se réunissent pour un geste de piété devant la sépulture de leur père commun Abraham. Une troisième paire de frères, Esaü et Jacob, également conflictuelle, se retrouve pour une brève réconciliation et un baiser, mais les chemins des deux hommes se séparent. Enfin l’histoire de Joseph et de ses frères, qui commence dramatiquement par une tentative de meurtre et une vente comme esclave, s’achève par une réconciliation finale quand les frères de Joseph reconnaissent leur erreur et prouvent qu’ils veulent se sacrifier pour l'autre. Si nos relations sont des relations entre frères, il faut se demander avec sincérité à quel point nous sommes de ce parcours et ce qui nous empêche encore de retrouver de véritables relations de fraternité et de compréhension ; et ce que nous devons faire pour y parvenir".

Dans ce contexte, voici ce que le pape Joseph Ratzinger a dit à la synagogue de Rome, le 17 janvier 2010.

LES "DIX COMMANDEMENTS" QUI ÉCLAIRENT LE MONDE

par Benoît XVI

Merveilles que fit pour eux le Seigneur.
Merveilles que fit pour nous le Seigneur :
nous étions dans la joie
(Psaume 126).

“Voyez, qu’il est bon, qu’il est doux
d’habiter en frères tous ensemble!
(Psaume 133).

1. Au début de cette rencontre au grand temple des juifs de Rome, les psaumes que nous avons écoutés nous suggèrent l’attitude spirituelle la plus authentique pour vivre ce moment de grâce particulier et joyeux : la louange du Seigneur, qui a fait des merveilles pour nous, qui nous a réunis ici par son Hèsed, son amour miséricordieux, et l’action de grâces parce qu’il nous a donné de nous retrouver pour renforcer les liens qui nous unissent et continuer à parcourir le chemin de la réconciliation et de la fraternité. […]

En venant parmi vous pour la première fois comme chrétien et comme pape, il y a presque 24 ans, mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II avait voulu apporter une vraie contribution à la consolidation des bonnes relations entre nos communautés, pour dépasser toute incompréhension et tout préjugé. Ma visite d’aujourd’hui se place sur le chemin ainsi tracé, pour le confirmer et le renforcer. C’est avec des sentiments très cordiaux que je me trouve parmi vous pour vous manifester l’estime et l’affection que l’évêque et l’Église de Rome, ainsi que l’Eglise catholique toute entière, ont pour votre communauté et pour les Communautés juives répandues dans le monde.

2. La doctrine du Concile Vatican II a représenté pour les catholiques un point fixe auquel se référer constamment quant à leur attitude et leurs relations avec le peuple juif, marquant une nouvelle et significative étape. L’événement conciliaire a donné une impulsion décisive à l’engagement de parcourir un chemin irrévocable de dialogue, de fraternité et d’amitié, chemin qui s’est approfondi et développé pendant ces quarante ans avec des pas et des gestes importants et significatifs. Parmi ceux-ci, je veux citer à nouveau la visite historique de mon vénérable prédécesseur en ce lieu, le 13 avril 1986, ses nombreuses rencontres avec des dirigeants juifs, y compris lors de ses voyages apostoliques internationaux, le pèlerinage jubilaire en Terre Sainte de l’an 2000, les documents du Saint-Siège qui, après la déclaration Nostra Aetate, ont donné de précieuses orientations pour un développement positif des relations entre catholiques et juifs. Moi aussi, au cours de ces années de pontificat, j’ai voulu montrer ma proximité et mon affection envers le peuple de l’Alliance. Je garde bien vivants dans mon cœur tous les moments du pèlerinage que j’ai eu la joie de faire en Terre Sainte, en mai de l’an dernier, ainsi que mes nombreuses rencontres avec des communautés et organisations juives, en particulier celles qui ont eu lieu dans les synagogues de Cologne et de New-York.

De plus, l’Eglise n’a pas manqué de déplorer les fautes de ses fils et filles, en demandant pardon pour tout ce qui a pu favoriser en quelque façon les plaies de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme (cf. Commission pour les Rapports Religieux avec le judaïsme, "Nous rappelons : une réflexion sur la Shoah", 16 mars 1998). Puissent ces plaies être guéries pour toujours ! Je repense à la prière pleine de tristesse du pape Jean-Paul II au Mur du Temple à Jérusalem, le 26 mars 2000, si vraie et sincère au fond de notre cœur : "Dieu de nos pères, tu as choisi Abraham et sa descendance pour que ton nom soit porté aux peuples : nous regrettons profondément le comportement de ceux qui, au cours de l’histoire, les ont fait souffrir, eux qui sont tes fils, et t’en demandant pardon, nous voulons nous engager à vivre une authentique fraternité avec le peuple de l’Alliance".

3. Le passage du temps nous permet de reconnaître dans le XXe siècle une époque vraiment tragique pour l’humanité : guerres sanglantes qui ont semé la destruction, la mort et la souffrance comme jamais auparavant ; idéologies terribles basées sur l’idolâtrie de l’homme, de la race, de l’état, qui ont amené, une fois encore, le frère à tuer le frère. Le drame exceptionnel et bouleversant qu’est la Shoah constitue, en quelque sorte, le sommet d’un chemin de haine qui apparaît quand l’homme oublie son Créateur et se met lui-même au centre de l’univers. Comme je l’ai dit lors de ma visite du 28 mai 2006 au camp de concentration d’Auschwitz, visite qui est encore profondément gravée dans ma mémoire, “les chefs du Troisième Reich voulaient écraser le peuple juif dans sa totalité” et, au fond, “à travers l’anéantissement de ce peuple, ils voulaient tuer ce Dieu qui avait appelé Abraham et qui, en parlant sur le Sinaï, avait fixé les critères d’orientation de l’humanité, qui restent valables pour l’éternité”.

Comment ne pas se souvenir, ici, des juifs romains arrachés de ces maisons, devant ces murs, et tués à Auschwitz en un horrible supplice ? Comment pourrait-on oublier leurs visages et leurs noms, les larmes et le désespoir d’hommes, de femmes et d’enfants ? Ce jour-là, l’extermination du peuple de l’Alliance de Moïse, d’abord annoncée, puis systématiquement programmée et réalisée dans l’Europe sous domination nazie, a aussi atteint Rome de manière tragique. Malheureusement, beaucoup de gens sont restés indifférents. Mais beaucoup d’autres, y compris parmi les catholiques italiens, soutenus par leur foi et par l’enseignement chrétien, ont réagi avec courage, ouvrant les bras pour secourir les juifs traqués et fugitifs, souvent au risque de leur propre vie, et méritant une gratitude perpétuelle. Le Siège Apostolique a lui aussi mené une action de secours, souvent cachée et discrète.

Le souvenir de ces événements doit nous inciter à renforcer les liens qui nous unissent, afin d’accroître sans cesse la compréhension, le respect et l’accueil.

4. Notre proximité et notre fraternité spirituelles trouvent dans la Sainte Bible – en hébreu "Sifre Qodesh" ou “Livres de Sainteté” – leur fondement le plus solide et le plus durable, par lequel nous sommes constamment confrontés à nos racines communes, à l’histoire et au riche patrimoine spirituel que nous partageons. C’est en scrutant son propre mystère que l’Église, peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance, découvre son lien profond avec les juifs, choisis les premiers de tous par le Seigneur pour accueillir sa parole. “A la différence des autres religions non chrétiennes, la foi juive est déjà une réponse à la révélation de Dieu dans l’Ancienne Alliance. C’est au peuple juif qu’appartiennent ‘l’adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses, les patriarches ; le Christ en est issu selon la chair’ (Romains 9, 4-5) parce que ‘les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables !’ (Romains 11, 29) (Catéchisme de l’Église Catholique, 839).

5. Il peut y avoir beaucoup d’implications découlant de l’héritage commun tiré de la Loi et des Prophètes. Je voudrais en rappeler quelques-unes : tout d’abord, la solidarité qui lie l’Eglise et le peuple juif “au niveau de leur même identité” spirituelle et qui offre aux chrétiens l’opportunité de promouvoir “un respect renouvelé pour l’interprétation juive de l’Ancien Testament(cf. Commission Pontificale Biblique, "Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne", 2001, pp. 12 et 55) ; la centralité du Décalogue comme message éthique commun à valeur perpétuelle pour Israël, l’Église, les incroyants et l’humanité tout entière ; l’engagement à préparer ou réaliser le Règne du Très-Haut dans le “soin de la création” confiée par Dieu à l’homme pour qu’il la cultive et la garde de manière responsable (cf. Genèse 2, 15).

6. En particulier le Décalogue – les “Dix Paroles” ou dix commandements (cf. Exode 20, 1-17; Deutéronome 5, 1- 21) – qui provient de la Torah de Moïse, constitue le flambeau de l’éthique, de l’espérance et du dialogue, l’étoile polaire de la foi et de la morale du peuple de Dieu, et éclaire et guide aussi le chemin des chrétiens. Il constitue un phare et une règle de vie dans la justice et dans l’amour, un “grand code” éthique pour l’humanité tout entière. Les “Dix Commandements” font la lumière sur le bien et le mal, le vrai et le faux, le juste et l’injuste, également d’après les critères de la conscience droite de tout être humain. Jésus lui-même l’a répété plusieurs fois, en soulignant la nécessité d’un engagement actif dans la voie des commandements : “Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements (Matthieu 19, 17). Dans cette perspective, les domaines de collaboration et de témoignage sont nombreux. Je voudrais en rappeler trois qui sont particulièrement importants pour notre temps.

Les “Dix Commandements” demandent que nous reconnaissions l’unique Seigneur, contre la tentation de construire d’autres idoles, de fabriquer des veaux d’or. Dans notre monde, beaucoup de gens ne connaissent pas Dieu ou considèrent qu’il est superflu, sans importance pour la vie ; c’est ainsi qu’ont été fabriqués d’autres dieux, nouveaux, devant lesquels l’homme s’incline. Réveiller dans notre société l’ouverture à la dimension transcendante, témoigner du Dieu unique est un service précieux que les juifs et les chrétiens peuvent offrir ensemble.

Les “Dix Commandements” demandent le respect, la protection de la vie, contre toute injustice et tout abus, en reconnaissant la valeur de tout être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Que de fois, partout sur terre, près ou loin d’ici, la dignité, la liberté, les droits de l’être humain sont encore foulés aux pieds ! Témoigner ensemble de la valeur suprême de la vie contre tout égoïsme, c’est offrir une importante contribution pour un monde où règnent la justice et la paix, le “shalom” souhaité par les législateurs, les prophètes et les sages d’Israël.

Les “Dix Commandements” nous appellent à préserver et à promouvoir la sainteté de la famille, dans laquelle le “oui” personnel et réciproque, fidèle et définitif de l’homme et de la femme, donne de la place à l’avenir, à l’authentique humanité de chacun et s’ouvre en même temps au don d’une nouvelle vie. Témoigner que la famille continue à être la cellule essentielle de la société et le contexte de base où s’apprennent et se pratiquent les vertus humaines est un service précieux à offrir pour la construction d’un monde au visage plus humain.

7. Comme l’enseigne Moïse dans le "Shema" (cf. Deutéronome 6, 5 ; Lévitique 19, 34), comme Jésus le réaffirme dans l’Évangile (cf. Marc 12, 19-31), tous les commandements se résument à l’amour de Dieu et à la miséricorde envers le prochain. Cette règle engage les juifs et les chrétiens à pratiquer, à notre époque, une générosité spéciale envers les pauvres, les femmes, les enfants, les étrangers, les malades, les faibles, les nécessiteux. Il y a dans la tradition juive une formule admirable des Pères d’Israël : “Simon le Juste avait l’habitude de dire : Le monde repose sur trois bases : la Torah, le culte et les actes de miséricorde(Aboth 1, 2). Par la pratique de la justice et de la miséricorde, les juifs et les chrétiens sont appelés à être les annonciateurs et les témoins du Règne du Très-Haut qui vient, et pour lequel nous prions et agissons chaque jour dans l’espérance.

8. Nous pouvons marcher ensemble dans cette direction, en étant conscients des différences qu’il y a entre nous, mais aussi du fait que, si nous arrivons à unir nos cœurs et nos mains pour répondre à l’appel du Seigneur, sa lumière se rapprochera pour éclairer tous les peuples de la terre. Les pas qui ont été faits en quarante ans par le comité conjoint international catholico-juif et, plus récemment, par la commission mixte du Saint-Siège et du Grand Rabbinat d’Israël, sont un signe de la volonté commune de poursuivre un dialogue ouvert et sincère. C’est justement demain que la commission mixte tiendra, ici à Rome, sa IXe rencontre sur “L’enseignement catholique et juif sur la création et l’environnement” ; souhaitons-leur un dialogue fructueux sur ce sujet si important et si actuel.

9. Les chrétiens et les juifs ont en commun une grande partie de leur patrimoine spirituel, ils prient le même Seigneur, ont les mêmes racines, mais ils restent souvent des inconnus les uns pour les autres. C’est à nous de travailler, en réponse à l’appel de Dieu, pour que reste toujours ouvert l’espace de dialogue, de respect réciproque, de croissance dans l’amitié, de témoignage commun face aux défis de notre temps qui nous incitent à collaborer pour le bien de l’humanité dans ce monde créé par Dieu, le Tout-Puissant et le Miséricordieux.

10. Enfin j’ai une pensée particulière pour notre ville de Rome, où cohabitent depuis à peu près 2 millénaires, comme l’a dit le pape Jean-Paul II, la communauté catholique et son évêque et la communauté juive et son grand rabbin. Que cette vie commune puisse être animée par un amour fraternel croissant, qui s’exprime aussi par une coopération de plus en plus étroite pour offrir une contribution valable à la solution des problèmes et des difficultés à traiter.

Je demande au Seigneur le don précieux de la paix dans le monde entier, surtout en Terre Sainte. Lors de mon pèlerinage en mai dernier, à Jérusalem, au Mur du Temple, j’ai demandé à Celui qui peut tout : “Envoie ta paix en Terre Sainte, au Moyen-Orient, à toute la famille humaine ; émeus le cœur de tous ceux qui invoquent ton nom, pour qu’ils parcourent humblement le chemin de la justice et de la compassion”.

A nouveau j’élève vers Lui une action de grâces et une louange pour cette rencontre, en lui demandant de renforcer notre fraternité et de rendre notre entente plus solide.

Louez le Seigneur, toutes les nations,
chantez sa louange, tous les peuples,
car son amour pour nous est fort
et la fidélité du Seigneur subsiste à jamais.
Alléluia
(Psaume 117).

Synthèse Benoît XVI : tous les commandements se résument dans l'amour de Dieu et dans la miséricorde

Texte original du discours du Saint Père Italien - Anglais

***

Le discours adressé au pape à la synagogue le 17 janvier par le président de la communauté juive de Rome, Riccardo Pacifici "Ho l'onore di porgere a lei, papa Benedetto XVI..."

Et celui du grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni
"Un saluto grato di benvenuto..."

L'article d’Anna Foa dans "L'Osservatore Romano" du 15 janvier 2010
Tra Auschwitz e Gerusalemme. Il sionismo, la Shoah e lo Stato d'Israele

Et celui de Mordechay Lewy dans "L'Osservatore Romano" du 13 janvier 2010
I rischi dell'autosufficienza. Perché per molti ebrei ortodossi il dialogo con i cattolici è ancora difficile

La photo de cette page est de Stefano Meloni.


 Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.


 

Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 18.01.2010 - T/International

 

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