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DIX-SEPTIÈME CONSIDÉRATION
Abus de la miséricorde divine
« Ignores-tu que la clémence de Dieu t'invite à la pénitence? »
(Romains 2, 4)
Saint Alphonse-Marie de Liguori - Préparation à
la Mort
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Abus de la miséricorde divine
On lit dans la parabole de l'ivraie, au chapitre 13, de saint
Matthieu, que, l'ivraie ayant levé dans un champ avec le bon grain,
les serviteurs voulaient aller l'arracher. « Voulez-vous? Dirent-ils
au maître; nous irons et nous l'enlèverons. » Mais le maître
répondit: Non, laissez-là croître; plus tard on l'arrachera et on la
jettera dans le feu. « Quand le temps de la moisson sera venu, je
dirai aux moissonneurs: ôtez d'abord l'ivraie et liez-la en gerbes
pour la brûler » (Matthieu 13, 30). Cette Parabole nous fait
comprendre, d'une part, avec quelle patience Dieu traite les
pécheurs et, d'autre part, de quelles rigueurs il accable les
obstinés. Saint Augustin dit que le démon a deux moyens de tromper
les hommes: « le désespoir et l'espoir » (S . , Augustin, Sur
l'Évangile de saint Jean, traité 33, n. 8, PL 35, 1651: « Les
hommes se trouvent donc en danger Des deux côtés, en espérant comme
en désespérant, deux choses opposées, deux sentiments contraires »
( BA , t. 72, trad. M. F. Berrouard , p. 709)). Une fois le péché
commis, il tente le pécheur de désespoir par la crainte de la divine
justice; avant le péché, il y pousse par l'espoir de la divine
miséricorde. En conséquence, le saint donne à chacun de nous cet
avertissement: Après le péché, comptez sur la miséricorde; avant le
péché, craignez la justice (On trouve l'idée, sinon le texte, dans
saint Augustin. Voir, par exemple, notre précédente, ibidem, pp.
707-709). Sans nul doute, celui-là est indigne de miséricorde qui se
prévaut de la miséricorde de Dieu pour l'offenser. C'est envers
celui qui craint Dieu, que s'exerce la miséricorde, et non envers
celui qui s'autorise de la bonté de Dieu pour s'affranchir de la
crainte. Après qu'on a offensé la justice, dit Tostat (A. Tostado ,
Sur l'Exode, ch. 9, qu. 8; ch. 33, qu. 18, Opera , Venise, 1596, p.
58, col. 4; p. 160, col. 1), on peut bien se réfugier dans la
miséricorde; mais, après avoir offensé la miséricorde elle-même,
quel refuge trouvera-t-on encore?
Il est bien difficile de trouver un pécheur qui désespère au point
de vouloir proprement se damner. Tous veulent pécher, mais sans
renoncer à l'espoir de se sauver. Ils pèchent et ils disent: « Dieu
est miséricorde. Je ferai ce qu'il me plaît; je commettrai ce péché;
puis je m'en confesserai ». Voilà, dit saint Augustin (Cf. Sermon
20; PL 38, 139-140), le langage des pécheurs. Hélas! Combien n'y en
a-t-il pas qui l'ont tenu et qui sont maintenant au fond de l'enfer!
On dit: les miséricordes de Dieu sont grandes; quelque péché que je
commette, un acte de repentir m'en obtiendra le pardon. Mais Dieu
lui-même nous défend de tenir ce langage. « Ne dis pas: La
miséricorde du Seigneur est grande; de la multitude de mes péchés il
aura pitié » (Ecclésiastique 5, 6). Et pourquoi Dieu ne veut-il pas
que nous parlions de la sorte? « C'est parce que la miséricorde et
la colère regarde attentivement les pécheurs ». Sans doute la
miséricorde de Dieu est infinie. Mais les actes de cette
miséricorde, et par conséquent les grâces de pardon ont leurs
limites. Dieu est miséricorde, mais il est juste aussi. « Je suis
dit un jour le Seigneur à sainte Brigitte (S. Brigitte de Suède,
Révélations, liv. 1, ch. 5: « Tous croient en moi et publient ma
miséricorde, mais presque pas un ne me publie juste juge ni ne croit
que je juge justement » ( Ferraige , t. 1, p. 14)), juste et
miséricordieux. Mais les pécheurs me regardent seulement comme
miséricordieux. » « Ils ne veulent voir, remarque saint Basile,
qu'une moitié de Dieu, car s'il est bon, il est également juste »
(S. Basile de Césarée, Les Règles monastiques, Prologue, n. 4, PG
31, 898: « Dieu est miséricordieux, oui, mais il est juste... Ne
nous faisons donc pas de Dieu une idée tronquée et ne cherchons pas
dans sa bonté un prétexte à la négligence » (trad. L. Lèbe ,
Maredsous , 1969, p. 40)). Or, supporter celui qui s'autorise de la
miséricorde pour pécher davantage, ce ne serait pas de la part de
Dieu faire acte de miséricorde, dit le Père Avila (S. Jean d'Avila,
Lettres spirituelles, 3e p., lettre 12, Rome, 1668, p. 64), mais
manquer de justice. La miséricorde est promise à celui qui craint
Dieu et non pas à celui qui abuse de la miséricorde. « Sa
miséricorde, s'écrie la divine Mère dans son sublime cantique, se
répand sur ceux qui le craignent » (Luc 1, 50). Quant aux obstinés,
ils sont menacés de sa justice. Or, dit saint Augustin (S. Augustin
(plutôt anonymedu XIe siècle selon Glorieux, n. 40), De vera et
falsa poenitentia , c. 7, n. 18, PL 40, 1119), si Dieu ne trompe pas
quand il promet, il ne trompe pas non plus quand il menace. Fidèle
dans ses promesses, il l'est également dans ses menaces.
Ce n'est pas Dieu, mais le démon qui vous pousse au péché dans
l'espoir de la miséricorde. Aussi tenez-vous bien sur vos gardes.
Oui, dit saint Jean Chrysostome (S. Jean Climaque , L'échelle du
Paradis, 6e degré, PG 88, 795. Une erreur de transcription de saint
Alphonse, due peut-être à une lecture de Gisolfo qui cite ces deux
auteurs, a attribué à Jean Chrysostome ce qui appartient à Jean
Climaque ), gardez-vous de prêter l'oreille à ce monstre infernal
qui vient vous assurer de la miséricorde de Dieu. Malheur à celui
qui se porte au péché par l'espoir du pardon! « Espérer afin de
pécher, s'écrie saint Augustin, ah! Maudite soit cette inique
espérance » (S. Augustin, Sur le Psaume 144, n. 11, PL 37, 1877:
« Écoutez ce que dit le désespéré: Je suis déjà condamné, pourquoi
ne ferais-je pas tout ce que je veux? Écoutez ce que dit le
présomptueux: la miséricorde divine est grande; lorsque je me
convertirai, Dieu me pardonnera tous mes péchés; pourquoi ne
ferais-je pas tout ce que je veux? Le premier désespère pour pécher,
le second espère pour pécher. Ces deux excès sont redoutables, ces
deux excès sont un péril; malheur ou désespoir! Malheur à
l'espérance présomptueuse! » ( Vivès , t. 15, p. 420)). « Ils
sont innombrables, ajoute le saint Docteur, ceux que cette ombre de
vaine espérance à trompés » (S
Augustin (plutôt Eusèbe le Gaulois ou Fauste selon Glorieux, n. 39), Sermon 154, n. 9, PL 39, 2040).
Malheur à celui qui compte sur la bonté de Dieu pour l'outrager
davantage! Saint Bernard (S. Bernard de Clairvaux, Traité des degrés
de l'humilité et de l'orgueil, ch. 10, n. 36, PL 182, 962: « Pensant
à la bonté de Dieu, tu as dit dans ton cœur : 'Il ne punira pas' (et
ainsi, ô impie, tu as irrité dieu) » (S. Bernard, coll. Les écrits
des Saints, trad. E. de Solms , p. 62)) dit que le châtiment de
Lucifer ne se fit pas attendre, précisément parce qu'il s'est
révolté dans l'espoir d'y échapper. Le roi Manassès tomba dans le
péché; mais ensuite il se convertit et Dieu lui pardonna. Son fils
Ammon, voyant la facilité de Dieu à pardonner, s'abandonna au
désordre dans l'espoir que Dieu lui ferait grâce aussi; mais il n'y
eut pas de miséricorde pour Ammon. C'est ainsi que se perdit
également Judas; car il pécha, dit saint Jean Chrysostome (S.
Jean Chrysostome , Homélie 83 sur Matthieu, n. 2, PG 58, 748), en comptant
sur la douceur et la bonté de son divin maître. Bref, Dieu supporte,
mais il ne supporte pas toujours. Si Dieu supportait toujours,
personne ne se damnerait. Or c'est l'opinion la plus commune que,
même parmi les chrétiens, le plus grand nombre de ceux qui
parviennent à l'usage de la raison se damnent. « Elle est large la
porte et spacieuse la voie qui conduit à la perdition; et nombreux
sont ceux qui entrent par elle » (Matthieu 7, 13).
« Offenser Dieu en comptant sur sa bonté, c'est, dit saint Augustin,
se moquer de Dieu et non pas se repentir » (S. Augustin (auteur
inconnu selon Glorieux, n. 40), Aux frères dans le désert, sermon 2,
PL 40, 1255. Cf. Dixième considération, note 2). Or Dieu ne souffre
pas qu'on se joue de lui. Non, dit saint Paul, « on ne se moque pas
de Dieu » (Galates 6, 7). Et quelle moquerie ne serait-ce pas que
d'offenser Dieu tout à son aise et ensuite d'aller également en
Paradis! « Ce que chacun aura semé, ajoute l'apôtre, c'est cela même
qu'il récoltera » (Galates 6, 8). Après donc qu'on a semé des
péchés, il n'y a nulle raison d'attendre autre chose que des
châtiments et l'enfer. Le filet dont se sert le démon pour traîner
en enfer presque tous les chrétiens qui se damnent, c'est cette
folie qu'il leur insinue: Péchez hardiment; avec tous les péchés du
monde, vous vous sauverez encore. Mais Dieu « maudit celui qui pèche
dans l'espérance » (Job 11, 20), c'est-à-dire avec l'espoir du
pardon. Autant il plaît à Dieu que le pécheur, après sa chute,
vienne, plein de repentir, mettre en lui sa confiance, autant
l'espérance des obstinés lui inspire d'horreur, suivant cette
parole: « Leur espérance lui est en abomination » (Job 11, 20).
Pareille espérance irrite Dieu et arme son bras, comme s'irrite le
maître qui voit son serviteur s'autoriser de sa bonté pour
l'offenser.
AFFECTIONS ET PRIÈRES
Hélas! Ô mon Dieu, moi aussi je vous ai offensé, parce que vous me
traitiez avec bonté! Ah! Seigneur attendez-moi et ne m'abandonnez
pas; car j'espère, avec votre grâce, que je ne vous provoquerai plus
à m'abandonner. Je me repens, ô Bonté infinie, de vous avoir
offensée et d'avoir tant abusé de votre patience. Soyez bénie de
m'avoir attendu jusqu'aujourd'hui! Désormais, je ne veux plus vous
trahir, comme je l'ai fait par le passé. Vous m'avez tant supporté,
afin de me voir enfin un jour épris d'amour pour votre bonté. Voici
ce jour enfin arrivé, je l'espère; je vous aime par dessus toutes
choses et j'estime votre grâce plus que tous les royaumes du monde.
Plutôt perdre mille fois la vie que de perdre votre sainte grâce!
Mon Dieu, pour l'amour de Jésus Christ, donnez-moi la persévérance
jusqu'à la mort avec votre saint amour. Ne permettez pas que je vous
trahisse de nouveau et que je cesse de vous aimer.
O Marie, vous êtes mon espérance, obtenez-moi cette grâce de la
persévérance et je ne vous demande rien de plus.
DEUXIÈME POINT
Dieu, dira quelqu'un, m'a jusqu'ici traité avec tant de miséricorde,
j'espère bien qu'il en sera de même encore à l'avenir. Mais moi je
réponds: Eh quoi! Parce que Dieu s'est montré si miséricordieux à
votre égard, vous voulez de nouveau l'offenser! Voilà donc comment
vous méprisez la bonté et la patience de Dieu. Et ne savez-vous pas
que si le Seigneur vous a supporté jusqu'ici, c'est pour que vous
pleuriez vos péchés et non pour que vous y persévériez? « Vas-tu,
demande saint Paul, mépriser les richesses de sa bonté, de sa
patience et de sa longanimité? Ignores-tu que la bonté de Dieu
t'invite à la pénitence » (Romains 2, 4)? Vainement, dans votre
confiance en la divine miséricorde, refusez-vous de lui reconnaître
des bornes, Dieu saura bien lui en donner. « Si vous ne vous
convertissez pas, il brandira son glaive » (Psaume 7, 13). « A moi
est la vengeance et je l'exercerai en son temps » (Deutéronome 32,
35). Dieu attend, mais, vienne à sonner l'heure de la vengeance, il
n'attend plus et il frappe.
« Le Seigneur attend afin de vous faire miséricorde » (Isaïe 30,
18). Voilà donc pourquoi Dieu attend le pécheur: afin que celui-ci
se convertisse. Mais quand il voit le temps accordé au pécheur pour
pleurer ses péchés, ne lui servir qu'à commettre de nouveaux péchés,
alors il appelle le temps lui-même pour juger le coupable. « Contre
moi, dit Jérémie, il a appelé le temps » (Lamentations 1, 15). Oui,
dit saint Grégoire (S. Grégoire le Grand, Homélie 11 sur Ezéchiel,
liv. 1, n. 25, PL 76, 916: « Miséricorde, en effet, Dieu nous laisse
du temps pour le repentir; mais quand nous faisons servir la
patience de sa grâce à l'aggravation de notre faute, il fait servir
à frapper plus sévèrement le temps qu'il avait ménagé pour
pardonner... » ( SC 327, trad. C. Morel , p. 483)), il n'y a pas
jusqu'au temps qui ne vienne déposer contre le pécheur. Et de ce
fait, le temps et les miséricordes qui lui furent si libéralement
concédés, lui attireront de plus rigoureux châtiments et un plus
prompt abandon de Dieu. « Nous avons soigné Babylone et elle n'a pas
été guérie; abandonnons-la » (Jérémie 51, 9). Or, comment Dieu
abandonne-t-il le pécheur? Pour cela il envoie la mort le frapper en
état de péché ou bien il retire l'abondance de ses grâces afin de ne
lui laisser que la seule grâce suffisante, avec laquelle le pécheur
pourrait à la vérité se sauver, mais avec laquelle il ne se sauvera
pas. L'aveuglement de l'esprit, l'endurcissement du coeur, la force
de la mauvaise habitude lui rendront le salut moralement impossible:
ainsi restera-t-il, sinon absolument, du moins moralement abandonné.
« Voici ce que je ferai à ma vigne, dit le Seigneur; j'arracherai sa
haie et elle sera livrée au pillage » (Isaïe 5, 5). Oh! Quel
châtiment! En effet, lorsque le maître enlève la haie de sa vigne et
qu'il y laisse pénétrer n'importe qui, hommes ou animaux, n'est-ce
pas un signe évident qu'il l'abandonne? Dieu fait de même, quand il
abandonne une âme: il lui enlève la haie de la crainte, des remords
de conscience, et il la laisse au milieu des ténèbres; alors
pénètrent dans cette âme tous les vices, comme autant de bêtes
féroces: « Vous avez établi les ténèbres et la nuit a été faite;
c'est durant la nuit que toutes les bêtes de la forêt feront leurs
courses » (Psaume 103, 20). Abandonné de la sorte et enveloppé de
ces ténèbres, le pécheur méprisera tout: grâce de Dieu, paradis,
avertissements, excommunications; il se rira même de sa damnation:
« Arrivé au fond de l'abîme, l'impie méprise tout » (Proverbes 18,
3).
Que si Dieu laisse vivre ce pécheur sans lui faire sentir les
rigueurs de sa justice, alors l'impunité même devient le plus grand
des châtiments. « Ayons pitié de l'impie et il n'apprendra pas à
être juste » (Isaïe 26, 10). « Que Dieu me garde de cette pitié, dit
à ce propos saint Bernard, car elle est plus terrible que sa
colère! » (S. Bernard de Clairvaux, Sermon 42 sur le Cantique des
Cantiques, n. 4, PL 183, 989: « C'est lorsque Dieu ne se met pas en
colère que vous pouvez supposez que sa colère est la plus forte. Si
nous avons pitié de l'impie, il n'apprendra pas à être juste (Isaïe
26, 10). je ne veux pas de cette pitié-là, qui est au delà de toute
colère et me ferme les voies de la justice » ( BEG , p. 469)). Oh!
Quel châtiment, lorsque Dieu laisse le pécheur au pouvoir de son
péché et ne paraît pas lui en demander compte! « A cause de la
grandeur de sa colère, il ne surveille plus » (Psaume 10, 4). On
dirait qu'il ne s'indigne plus contre lui. « Alors s'apaisera mon
indignation contre toi; je me tiendrai en paix et je ne m'irriterai
plus » (Ezéchiel 16, 42); il semble même permettre qu'ici-bas tous
les désirs du pécheur soient comblés: « Je les ai abandonnés aux
désirs de leur cœur » (Psaume 80, 13). Qu'ils sont à plaindre ces
pécheurs, auxquels tout réussit en ce monde! Leur prospérité est une
preuve que Dieu se réserve l'éternité pour faire alors de tous ces
criminels autant de victimes de sa justice. « Pourquoi, se demande
Jérémie, la voie des impies est-elle prospère? » Et il répond:
« Seigneur, vous les assemblez comme un troupeau destiné à
l'immolation » (Jérémie 12, 1). Que Dieu laisse un pécheur accumuler
péchés sur péchés: voilà le plus grand des châtiments, selon ce que
dit David: « Seigneur, laissez-les mettre iniquité sur iniquité...
Et qu'ils soient effacés du livre des vivants » (Psaume 68, 28). Le
péché devenant le châtiment du péché, remarque Bellarmin (S. Robert
Bellarmin, Explanatio in Psalmos , in Ps. 68, v. 32, Lyon, 1682, p.
492) sur ce texte, quel châtiment comparable à celui-là? Assurément
il aurait mieux valu pour chacun de ces infortunés que Dieu l'eût
frappé de mort après le premier péché. Pourquoi? Parce que, la mort
venant plus tard, autant le malheureux aura commis de péchés, autant
il aura d'enfer à subir.
AFFECTIONS ET PRIÈRES
Mon Dieu, dans l'état misérable où je me vois, je reconnais que j'ai
mérité d'être pour toujours privé de votre grâce et de vos lumières.
Mais la lumière dont vous m'éclairez en ce moment et cet appel à la
pénitence que vous m'adressez, me prouvent que vous ne m'avez pas
encore abandonné. Eh bien! Puisque vous ne m'avez pas abandonné, de
grâce, ô mon Dieu, redoublez de miséricorde envers ma pauvre âme,
augmentez vos lumières, augmentez en moi le désir de vous servir et
de vous aimer. Changez-moi, ô Dieu tout-puissant! De traître et de
rebelle que j'ai été, faites que je vive désormais, tout épris de
votre volonté, afin qu'un jour j'aille au ciel louer éternellement
vos miséricordes.
Vous voulez donc me pardonner; et moi, je ne désire recevoir de vous
que mon pardon et votre amour. Je me repens, ô Bonté infinie! De
vous avoir causé tant de déplaisirs. O souverain Bien! Je vous aime
parce que vous me le commandez; je vous aime parce que vous le
méritez. Ah! Mon Rédempteur, je vous en supplie par les mérites de
votre sang, faites-vous aimer d'un pécheur que vous avez tant aimé,
et que vous avez, durant de si longues années, supporté avec tant de
patience. J'espère tout de votre bonté. J'espère désormais vous
aimer jusqu'à la mort et durant toute l'éternité. « A jamais je
chanterai les louanges du Seigneur » (Psaume 88, 2). Oui, à jamais
je glorifierai votre bonté, ô Jésus.
A jamais aussi je chanterai vos miséricordes, ô Marie, ô vous qui
m'avez obtenu tant de grâces; car, je le reconnais, je les dois
toutes à votre intercession. Et maintenant, ô ma Souveraine,
continuez de m'assister et de m'obtenir la sainte persévérance.
TROISIÈME POINT
On lit dans la vie du Père Louis la Nusa qu'à palerme vivaient deux
amis (M. Frazzetta , Vita e virtù del ... P. Luigi La Nuza , lib. 3,
c. 1, Palerme, 1709, p. 266 s). Un jour qu'ils se promenaient
ensemble, l'un des deux, appelé César, comédien de profession, dit à
l'autre, qu'il voyait tout pensif: Y aurait-il longtemps, que tu ne
te serais pas confessé? Et serait-ce la cause de ton inquiétude? Eh
bien! Écoute: « Le Père la Nusa me dit un jour que Dieu
m'accorderait encore douze ans de vie et que, si je ne me
convertissait pas dans cet espace de temps, je ferais un mauvaise
fin. Or, depuis ce jour, j'ai parcouru le monde entier, j'ai fait
bien des maladies, une entre autres qui me réduisait à l'extrémité;
nous voici dans le mois où doivent s'accomplir les douze années en
question; et il se trouve que je me sens mieux portant que jamais ».
Puis, il invita son ami à venir le samedi suivant écouter une
nouvelle comédie de sa composition. Mais qu'arriva-t-il? Le samedi,
24 novembre 1668, au moment où César entre en scène, il est frappé
d'apoplexie, il tombe dans les bras d'une actrice, et il meurt à
l'instant même. Ainsi se termina la comédie. Or, venons-en à nous
mêmes. Mon cher frère, quand le démon vous pousse à retourner au
péché, si vous voulez vous damner, libre à vous de commettre alors
le péché; mais aussi, cessez de dire que vous voulez vous sauver.
Puisque vous voulez pécher, tenez-vous pour damné; et
représentez-vous Dieu écrivant en ce moment-là votre condamnation et
vous disant: « Qu'ai-je dû faire à ma vigne, que je n'aie point
fait? » (Isaïe 5, 4). Après tout ce que j'ai fait, que me
reste-t-il, ingrat, à faire encore pour toi? Tu veux te damner. Eh
bien! Sois damné; mais c'est ta faute.
Vous me direz: et la miséricorde de Dieu où est-elle? -- Ah!
Malheureux, vous ne voyez pas tout ce qu'il y a de miséricorde de la
part de Dieu, à vous supporter durant tant d'années malgré tant de
péchés? Vous devriez être continuellement la face contre terre à le
remercier et à lui dire: C'est grâce aux miséricordes du Seigneur
que nous n'avons pas été consumés. Par un seul péché mortel, vous
avez commis un plus grand crime que si vous aviez foulé aux pieds le
premier monarque du monde; et vous avez commis tant de péchés! Ah!
Certes, si vos outrages, au lieu de s'adresser à Dieu, se fussent
adressés à l'un de vos frères selon la nature, jamais celui-ci ne
les eût supportés. Et Dieu vous a non seulement attendu, mais que de
fois encore il vous a appelé! Que de fois il vous a offert le
pardon! Qu'ai-je dû faire de plus, vous dit-il? En vérité, si Dieu
avait eu besoin de vous ou si vous lui aviez fait quelque grande
faveur, pouvait-il vous témoigner plus de bonté? Sachez-le donc: si
vous l'offensez de nouveau, toute sa bonté se changera, par votre
faute, en fureur et en châtiments.
Si ce figuier, que le maître trouva stérile et auquel il accorda un
délai d'une année, eût continué à ne pas porter de fruits, aurait-on
pu espérer que le Seigneur lui accorda un nouveau délai et lui
épargna les coups de la cognée? Écoutez donc l'avertissement que
vous donne saint Augustin: « O arbre stérile, le coup de hache n'est
que différé; mais ne t'y fie pas, tu seras abattu » (S. Augustin,
Sermon 110, n. 4, PL 38, 640 ( Vivès , t. 17, p. 168)). Ainsi,
d'après le saint Docteur, le châtiment est différé, et non pas
supprimé, de telle sorte que, si vous abusez davantage de la divine
miséricorde, on finira par vous abattre. Qu'avez-vous donc à
attendre? Voulez-vous décidément que Dieu vous jette en enfer? Mais,
s'il vous y jette, sachez-le bien, dès lors pour vous plus de
remède. Le Seigneur se tait; mais il ne se tait pas toujours. Arrive
enfin l'heure de la vengeance, et il sort de son silence. « Tu as
fait ces choses et je me suis tû . Tu as pensé, homme d'iniquité,
que je te serai semblable. Eh bien! Je te reprendrai durement et je
te poserai toi-même en face de toi » (Psaume 49, 21). Il vous mettra
devant les yeux ses miséricordes à votre égard; et il les chargera
de se faire elles-mêmes vos juges et de prononcer votre
condamnation.
AFFECTIONS ET PRIÈRES
Ah! Mon Dieu! Malheur à moi, si désormais, après les lumières que
vous m'accordez en ce moment, je ne vous étais pas fidèle et si je
recommençais à vous trahir! Vous voulez me pardonner, puisque vous
m'éclairez. Et moi, je me repens, ô Souverain Bien, de toutes les
injures que je vous ai faites; je les déteste parce que je vous ai
offensé, ô Bonté infinie. C'est par les mérites de votre sang que
j'espère mon pardon et que je l'espère en toute assurance. Mais si
je vous trahissais de nouveau, en vérité, je mériterais un enfer à
part. Et précisément ce qui me fait trembler, ô Dieu de mon âme,
c'est que je puis de nouveau perdre votre grâce. Que de fois je vous
ai promis fidélité! Et je vois qu'ensuite je me suis de nouveau
révolté contre vous. Ah! Seigneur, ne le permettez pas; ne me
laissez pas tomber dans l'immense malheur de me voir encore au
nombre de vos ennemis. Infligez-moi n'importe quel châtiment, mais
non celui-là. « Non, ne permettez pas que je sois séparé de vous ».
Si vous prévoyez que je doive encore offenser, faites-moi plutôt
mourir. Oui, même la mort la plus douloureuse, plutôt que d'avoir à
déplorer le malheur d'être de nouveau privé de votre grâce! Non, ne
permettez pas que je sois séparé de vous. Je le répète, mon Dieu, et
faites que je ne cesse de le répéter: Ne permettez pas que je sois
séparé de vous. Je vous aime, ô mon bien-aimé Rédempteur, et je ne
veux plus me séparer de vous. Par les mérites de votre mort,
donnez-moi un amour si grand, un amour qui m'unisse si étroitement à
vous que je ne puisse plus vous quitter.
O Marie, ma Mère, si jamais je venais à offenser de nouveau mon
Dieu, je crains que vous aussi, vous ne m'abandonniez. Aidez-moi
donc de vos prières; obtenez-moi la sainte persévérance et l'amour
de Jésus Christ.
Saint Alphonse-Marie de Liguori - Préparation à la Mort
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Sources
: E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.)
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