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Le 17 novembre 2008 -
(E.S.M.)
- Lorsqu'on voit les dégâts que peuvent causer les méthodes pédagogiques
qui ont majoritairement cours aujourd'hui, c'est même une obligation de
vérifier où en sont nos chers petits
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Apprendre à
lire
Génération décervelée
Le 17 novembre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- C'est à la Toussaint, avec les premiers relevés de notes et
les premières difficultés qui se font jour que beaucoup de parents
commencent à s'inquiéter de l'enseignement reçu par leurs enfants,
spécialement dans le primaire et même, tout particulièrement, au cours
préparatoire. L'heure du premier bilan est arrivée - à l'heure de tant
de pratiques scolaires néfastes, il se révèle important car c'est le
moment de réagir. Lorsqu'on voit les dégâts que peuvent causer les
méthodes pédagogiques qui ont majoritairement cours aujourd'hui, c'est
même une obligation de vérifier où en sont nos chers petits : les
enfants, petits-enfants, neveux, nièces, proches... C'est l'heure
d'alerter les jeunes parents comme Présent vous aide à le faire depuis
l'ouverture de cette rubrique. Car en ce domaine il n'y a aucune
fatalité. La rééducation, la « récupération » de tant de jeunes abîmés
par l'école est à la portée de tous. Cela exige tout de même de savoir
ce qui va de travers. Il en va de l'avenir de
l'intelligence.
Pratiques scolaires à surveiller
Le saviez-vous ? Une des manières les plus efficaces de mécaniser la
pensée des jeunes est de leur interdire l'accès à
la pensée langagière. Dans notre soi-disant « civilisation de
l'image », qui fait fi aussi bien de la tradition orale que de la
mémoire, mais encore de la lecture « consciente
», l'affaire est simple. Cela commence avec l'apprentissage
global de la lecture, fondée sur la « reconnaissance » visuelle des
mots, ou à tout le moins des « mots-outils » souvent d'une importance
pour la structuration de la pensée
(comme « être », « donc », « je », etc.).
Cet apprentissage insiste sur l'accès le plus tôt possible à la lecture
rapide et silencieuse, même dès le CP, alors même que les enfants n'ont
pas encore accès à l'analyse et à la verbalisation des lettres, des
syllabes, des mots.
Elisabeth Nuyts
(L'école des illusionnistes) a
montré comment ces méthodes coupent littéralement la parole. La petite
voix que nous entendons dans nos têtes lorsque nous pensons ou lorsque
nous lisons n'est pas du tout innée : elle se « monte » grâce au
dialogue avec l'adulte, et, pour ce qui est de la lecture, de
l'association systématique, à haute voix, de la lettre
(puis de la syllabe et du mot)
avec le son représenté. Des chercheurs au CNRS ont montré que cette
vocalisation était indispensable jusqu'aux huit ou neuf ans de l'enfant.
Or les méthodes actuelles d'apprentissage, en totalité ou en partie,
font travailler le circuit « œil-main », en silence,
ce qui aboutit à rendre difficile ou impossible la
pensée langagière. Imagine-t-on la
régression que cela représente pour l'intelligence humaine ?
La parole coupée
Il faut donc vérifier avant tout auprès des enfants - dès les classes de
maternelle - s'ils ne sont pas soumis à un conditionnement destiné
(la plupart du temps à l'insu de la maîtresse, qui agit en
toute bonne foi !)
à entraver la parole. On dit aux enfants que seuls les fous
lisent à haute voix. On leur explique que lire, c'est seulement lire
silencieusement. On les fait écrire en silence. On les oblige à chanter
et mimer des comptines qui sont capables d'avoir un effet puissant,
comme Le Roi du Silence :
- Je fais le tour de ma maison
(tandis que l'enfant fait le tour de son visage avec son
doigt) ;
- Je ferme les fenêtres
(il met ses mains sur ses yeux);
- Je ferme les volets
(il met ses mains sur ses oreilles)
;
- Je ferme la porte à clef
(il mime la rotation d'une clef devant sa bouche)
;
- Et je jette la clef
(il fait le geste de jeter la clef par-dessus son épaule).
Si rien n'est dans l'intelligence qui ne soit d'abord passé par les
sens, comme le constate saint Thomas d'Aquin, voilà une manière bien
suspecte de vouloir couper les perceptions des enfants. Tout le travail
de rééducation consistera justement à l'ouvrir de nouveau à ses
perceptions. Et même, avant tout, à les mettre en paroles, condition
indispensable pour y avoir tout simplement accès dès lors que l'enfant
en question est auditif. S'il est à dominante visuelle, c'est-à-dire
s'il a principalement accès à ses perceptions par la vision
(et ce sont ces enfants-là qui « marchent » aujourd'hui
bien à l'école) il semble établi que seule la
parole lui donnera accès à la mémoire longue et à l'analyse fine de ce
qu'il perçoit. Tous les enfants ont besoin de parler de ce qu'ils
voient, entendent, de ce qu'ils font ; pour accéder à une écriture
consciente, ils doivent parler en écrivant en faisant correspondre le
son émis au mot écrit. Si l'enfant refuse de le
faire, c'est souvent parce qu'il en aura été empêché en classe.
Il faut de façon générale vérifier si l'enfant est incité à travailler
en « reconnaissance » et non par analyse et par réflexion. Même des
méthodes « syllabiques » d'apprentissage de la lecture pèchent par le
travail sur la « conscience phonologique » : les exercices néfastes
consistent à reconnaître des lettres ou des groupes de lettres dans des
mots abordés « hors sens », en levant la main par exemple quand on
entend tel son, ou en entourant une ou des lettres dans des mots que
l'enfant ne sait pas encore lire.
Beaucoup de méthodes de lecture présentées aujourd'hui comme «
syllabiques » ne le sont pas en réalité. Les seules qui empêchent
l'accès visuel et global aux mots sont celles qui vont de la lettre à la
syllabe, puis au mot, sans jamais faire lire un groupe de lettres dont
les éléments ne soient pas acquis. De même, toute méthode qui ne fait
pas systématiquement coïncider la lecture de la lettre, puis de la
syllabe, et l'émission du son n'est pas satisfaisante
(c'est le cas de Jean-qui-rit par exemple).
De même l'apprentissage de l'écriture qui passe par le recopiage de
mots, voire de phrases entières met en place une écriture mécanisée : on
avait raison jadis de commencer par les éléments des lettres décrits à
haute voix, avant de passer à la lettre !
Le travail mécanisé
Beaucoup d'enfants sont invités à lire des « non-mots », des mots
attachés, à travailler essentiellement en faisant des exercices « à
trous » : autant de pratiques qui les empêchent d'accéder au sens de ce
qu'ils lisent. L'écriture silencieuse a le même effet : cela explique
assurément une belle part de la « dysorthographie » dont souffrent
prétendument nos chers petits...
D'autres exercices encore plus néfastes opèrent une véritable
dissociation dans le cerveau, ce qui est d'autant plus grave que le
cerveau du petit enfant est en pleine phase de structuration. On le fait
lire à haute voix, mais on lui explique que son regard doit être en
avance sur ce qu'il dit. On lui interdit de suivre sa lecture avec son
doigt ; pire, on lui demande de ne poser son regard que trois fois par
ligne pour lire des groupes de mots ; on l'invite à lire des phrases en
sautant systématiquement certains types de mots, comme les noms où les
verbes ; bref, ce sont toutes les pratiques qui ne font pas comprendre
la lecture comme une activité « linéaire » qui permet d'accéder au sens
de ce que l'on lit.
L'explication de texte n'en est pas une, dès lors que l'on peut se
contenter d'aller chercher la réponse aux questions posées mécaniquement
et visuellement dans le texte étudié. Pour que l'exercice serve à
quelque chose, le questionnement doit obliger à l'analyse, à la
recherche des raisons ou des conséquences de ce qui est affirmé.
Mais qui suis-je ?
En grammaire, ce sont toutes les définitions qui correspondent à une
logique « spatiale » qui sont à proscrire : par exemple, le sujet est le
mot que l'on peut entourer par « c'est... qui ». Ou le verbe est le mot
qui change le plus dans la phrase. Ou encore : « Je et tu sont des
embrayeurs de conjugaison » (comme l'enseigne
Evelyne Charmeux, spécialiste en pédagogie... déstructurante).
Toutes ces définitions qui se passent du sens, tout comme les moyens
mnémotechniques du genre j'écris « ai » avec je, « es » avec tu, « est »
avec il, peuvent donner des résultats apparemment satisfaisants. Mais
ils ne permettent pas à la pensée de l'enfant de se structurer. Beaucoup
d'enfants aujourd'hui ne savent pas faire la différence entre le sujet
et l'objet. Beaucoup utilisent les temps à tort et à travers pour la
même raison : un apprentissage mécanisé dont le sens a été banni.
Beaucoup ne savent pas qui est « je » : bien des enfants sont
profondément malheureux parce qu'ils ne se sentent pas exister, ou,
comme le souligne Elisabeth Nuyts, se fondent dans la dépendance « du
mouton noyé dans le troupeau ».
Vous voyez où cela mène.
Avez-vous du temps ? De la disponibilité ? De la patience et de l'amour
à revendre pour ces pauvres enfants, ces jeunes déboussolés qui ne
comprennent pas pourquoi l'école est pour eux un lieu de souffrance ?
Pourquoi ne pas apprendre à les aider ? C'est un acte de haute charité,
indispensable pour la réforme intellectuelle et morale dont nous avons
tous tant besoin.
JEANNE SMITS
Sources : leblogdejeannesmits
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
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17.11.2008 -
T/Brèves
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