En un certain sens, explique Jean-Paul II, Dieu
est allé trop loin |
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Rome, le 17 août 2007 -
(E.S.M.)
- Voici une
question posée par Vittorio Messori au pape Jean-Paul II : Il y a des
raisons pour croire ; mais, comme beaucoup l'ont soutenu et le
soutiennent encore, il y a aussi des raisons pour douter, voire pour
nier. Les choses ne seraient-elles pas plus simples si l'existence de
Dieu était évidente ?
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Messe à
Mount Hagen, Papouasie Nouvelle Guinée - Pour agrandir l'image:
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C'est ici
En un certain sens, explique le pape Jean-Paul II, Dieu est même allé trop
loin
SI DIEU EXISTE, POURQUOI SE CACHE-T-IL ?
Je pense que les questions que vous posez, et que tant d'autres se
posent, ne peuvent être situées ni dans la problématique de saint Thomas, ni
dans celle de saint Augustin, ni dans celle de la grande tradition
judéo-chrétienne. Il me semble que ces questions ont une origine différente
: le rationalisme pur, caractéristique de la philosophie moderne
(ndlr : philosophie fondée sur la raison).
Son histoire commence avec Descartes qui a, en quelque sorte, détaché la
pensée de l'existence dans son intégralité et l'a identifiée avec la raison
même : Cogito, ergo sum
(Je pense, donc je suis).
Quelle différence avec saint Thomas, pour lequel ce n'est pas la pensée qui
détermine l'existence, mais, au contraire, l'existence, le fait d'être qui
détermine la pensée ! Je pense comme je pense, parce que je suis ce que je
suis, c'est-à-dire une créature, et parce que Dieu est Celui qu'il est,
c'est-à-dire le Mystère absolu non créé. S'il n'était pas Mystère, indique
le pape Jean-Paul II, la Révélation ne serait pas nécessaire. Pour être tout
à fait exact, la révélation que Dieu fait de lui-même ne serait pas
nécessaire.
Vos questions ne seraient fondées que si l'homme pouvait, par son intellect
créé et limité par sa subjectivité (ndlr :
qui varie avec les goûts et les habitudes de chacun), franchir la
distance qui sépare la créature du Créateur, la distance entre l'être
contingent, dépendant, et l'Être essentiel
(selon l'expression bien
connue du Christ, adressée à sainte Catherine de Sienne : « Celle qui n'est
pas » et « Celui qui est » Raymond de Capoue, Legende maior, 1, 10,
92).
Les problèmes qui vous préoccupent se retrouvent aussi dans vos livres, et
s'expriment en une série de questions. Vous ne les posez pas seulement en
votre nom ; vous essayez de vous faire le porte-parole de nos contemporains
; vous essayez de les aider dans leur recherche de Dieu, parfois difficile,
tourmentée, voire sans issue. Votre inquiétude transparaît dans la question
: pourquoi n'y a-t-il pas de preuves irréfutables de l'existence de Dieu ?
Pourquoi semble-t-il se cacher, comme s'il jouait avec ses créatures ? Ne
conviendrait-il pas que tout soit beaucoup plus simple, que son existence
soit tout à fait évidente ? Toutes ces questions appartiennent au répertoire
de l'agnosticisme contemporain (ndlr :
doctrine qui déclare l'absolu inconnaissable). Agnosticisme ne
veut pas dire athéisme ; surtout, il ne s'agit pas d'un athéisme
programmatique, comme l'athéisme marxiste et, dans un contexte différent,
l'athéisme des "Lumières".
Cependant, vos questions contiennent des formulations classiques, qui
viennent de l'Ancien et du Nouveau Testament. Quand vous parlez du Dieu qui
se cache, vous utilisez presque le langage de Moïse, lui qui souhaitait voir
Dieu en face mais ne put que voir « son dos » (Cf.
: Ex 33, 18-23. «.Moïse dit à Yahvé: "Fais-moi de grâce voir ta gloire."
(...) (Yahvé dit :) "Tu ne peux pas voir ma face car l'homme ne peut me voir
sans mourir. " Yahvé dit encore :(...) "Quand passera ma gloire, je te
couvrirai de ma main jusqu 'à ce que je sois passé. Puis j'écarterai ma main
et tu verras mon dos ; mais ma face, nul ne peut la voir". » (C.D.E.)..
N'est-ce pas la connaissance de Dieu à travers sa création qui est suggérée
là ?
Et quand vous parlez de "jouer", c'est l'expression du Livre des Proverbes,
où la Sagesse « s'ébat sur la surface de la terre parmi les enfants des
hommes » (Pr 8,31), qui me
vient à l'esprit. Ceci ne signifie-t-il pas que la Sagesse de Dieu se donne
aux créatures sans pourtant leur révéler tout son mystère ?
La révélation que Dieu fait de Lui-même, fait observer le pape Jean-Paul II,
s'opère de façon particulièrement manifeste à travers son "humanisation". Là
encore, la grande tentation revient à effectuer — comme l'a expliqué Ludwig
Feuerbach — la réduction classique du divin à l'humain. Cette idée
appartient à Feuerbach, et c'est chez lui que s'enracine l'athéisme
marxiste, mais - ut minus sapiens, "je vais dire une folie"
(2 Col 1,23) - la provocation
vient de Dieu Lui-même, car II s'est vraiment fait homme en son Fils et Il
est né de la Vierge. À partir de cette naissance, à travers la Passion, la
Croix et la Résurrection, la Révélation de Dieu par Lui-même dans l'histoire
des hommes atteint son sommet : la révélation du Dieu invisible dans
l'humanité visible du Christ.
À la veille de la Passion, les apôtres demandaient encore au Christ : «
Montre-nous le Père » (Jn 14, 8).
Sa réponse reste décisive : « Comment pouvez-vous dire : "Montre-nous
le Père" ? Vous ne croyez donc pas que je suis dans le Père et que le Père
est en moi ?... Croyez au moins à cause des œuvres...
Le Père et moi, nous sommes un
» (Jn 14,9-11 ; 10,30).
Ces paroles du Christ vont très loin.
Nous nous trouvons quasiment face à l'expérience directe de Dieu à laquelle
aspire l'homme contemporain. Mais cette expérience directe n'est pas la
connaissance de Dieu « face à face »
(1 Co 13, 12), la reconnaissance de Dieu comme Dieu.
Essayons de réfléchir sans parti pris ni passion : Dieu pouvait-il aller
plus loin dans sa condescendance, dans son "approche" de l'homme et des
capacités de connaissance qu'a celui-ci ? En vérité, affirme Jean-Paul II,
II semble être allé aussi loin qu'il était possible. Il n'aurait pas pu
aller plus loin. En un certain sens, Dieu est même
allé trop loin ! Le Christ n'est-il pas devenu « scandale pour
les Juifs et folie pour les païens » (1
Col, 23) ? Justement parce qu'il appelait Dieu son Père, parce qu'il
Le révélait si ouvertement en soi, ceci ne pouvait que paraître excessif...
L'homme s'est révélé incapable de tolérer cette
proximité ; c'est ainsi que sont apparues les contestations.
Cette immense contestation a des noms précis : c'est d'abord la Synagogue,
ensuite l'Islam. Ni l'une ni l'autre ne peut accepter un Dieu aussi humain.
Et de protester : "Ce n'est pas digne de Dieu. Il doit rester absolument
transcendant, Majesté pure. Certes, une Majesté pleine de miséricorde, mais
pas jusqu'à payer pour les fautes et les péchés de sa propre créature !"
D'un certain point de vue, il est donc justifié de
soutenir que Dieu est allé trop loin en se révélant à l'humanité, en
exposant ce qu'il a de plus divin, c'est-à-dire sa vie intime : II
s'est révélé dans son Mystère. Mais il ne s'est pas arrêté au risque que
cette révélation le masque en quelque sorte au regard humain. C'est que
l'homme n'est pas capable de supporter l'excès du Mystère, parce que l'homme
n'accepte pas d'être possédé,et soumis; par le Mystère. Oui, l'homme veut
bien que Dieu soit Celui en qui « nous avons la vie, le mouvement et l'être
» (Ac l7,28), mais il peine à
concevoir pourquoi cette vérité devrait être confirmée par la mort et la
résurrection de Dieu. Pourtant, saint Paul écrit : « Mais si le Christ n'est
pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi. »
(I Col5, 14)
Sources: PLON-MAME-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 17.08.2007 -
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