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Benoît XVI : le sépulcre vide ne peut être
une preuve
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Le 17 février 2023 -
(E.S.M.)
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Seul un événement qui se serait imprimé dans les âmes avec une force
extraordinaire pouvait susciter un changement aussi central dans la
culture religieuse de la semaine. Benoît XVI est explicite : de
simples spéculations théologiques n'auraient pas suffi pour cela.
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Fra Angelico, fresque (1437-1446)-
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Benoît XVI : quelque chose d'extraordinaire s'est produit
La question du tombeau vide
Dans cette profession de foi, nous avons ensuite, sans commentaire et de
manière abrupte : « II fut enseveli. » Par ces mots, est manifestée une mort
véritable, la pleine participation au destin humain de devoir mourir. Jésus
a accepté le parcours de la mort jusqu'à la fin, amère et apparemment sans
espérance, jusqu'au sépulcre. Il est évident que le sépulcre de Jésus était
connu. Et naturellement se pose alors immédiatement la question: se peut-il
qu'il soit resté dans le sépulcre ? Ou bien, après sa Résurrection, le
sépulcre était-il vide ?
Dans la théologie moderne, cette question est l'objet d'amples discussions.
Le plus souvent, la conclusion est que le
sépulcre vide ne peut être une preuve de la
Résurrection. Si jamais cela s'avérait être une donnée de fait,
celui-ci pourrait être expliqué de diverses manières. Et l'on finit par dire
que la question du tombeau vide est insignifiante et que, par conséquent, on
peut laisser tomber ce point - ce qui alors implique souvent la supposition
que le sépulcre n'était probablement pas vide et cela permet ainsi d'éviter
une controverse avec la science moderne au sujet de la possibilité d'une
résurrection corporelle. Toutefois, à la base de tout cela, nous trouvons
une présentation déformée de la question.
Bien sûr, le tombeau vide en tant que tel ne peut être une preuve de la
Résurrection. Marie de Magdala, selon saint Jean, l'a trouvé vide et a
supposé que quelqu'un avait emporté le corps de Jésus (cf. 20, 1-3).
Le sépulcre vide
ne peut, comme tel, démontrer la Résurrection, cela est juste.
Mais on peut poser la question inverse: est-ce que la Résurrection est
conciliable avec la permanence du corps dans le sépulcre ? Est-ce que Jésus
peut être ressuscité s'il gît dans le sépulcre? Que serait une résurrection
de ce genre? De nos jours, se sont élaborées des idées de résurrection pour
lesquelles le destin du cadavre n'a pas d'importance. Dans une telle
hypothèse, pourtant, la signification de la Résurrection devient même
tellement vague que l'on est obligé de se demander à quel type de réalité on
a alors affaire dans un tel christianisme.
Quoi qu'il en soit, Thomas Soding, Ulrich Wilckens et d'autres font
remarquer à juste raison que dans la Jérusalem de l'époque l'annonce de la
Résurrection aurait été absolument impossible si on avait pu faire référence
au cadavre gisant dans le sépulcre. C'est pourquoi, en partant d'une
exposition juste de la question, il faut dire que, si le sépulcre vide en
tant que tel ne peut certainement pas prouver la Résurrection, il reste
toutefois un présupposé nécessaire pour la foi dans la Résurrection, dans la
mesure où celle-ci se réfère justement au corps et, par là, à la totalité de
la personne.
Dans le Credo de saint Paul, il n'est pas affirmé explicitement que le
tombeau fût vide, mais cela est clairement présupposé. Les quatre Évangiles
en parlent tous amplement dans leurs récits sur la Résurrection.
Pour la compréhension théologique du tombeau vide, un passage du discours de
saint Pierre à la Pentecôte me semble important: celui-ci, pour la première
fois, y annonce ouvertement la Résurrection de Jésus à la foule rassemblée.
Il ne le fait pas avec des mots à lui, mais en citant le Psaume 16,9-11, où
il est dit : « Ma chair reposera dans l'espérance que tu n'abandonneras pas
mon âme à l'Hadès et ne laissera pas ton Saint voir la corruption. Tu m'as
fait connaître des chemins de vie... » (Ac 2,26s.). Pierre cite en ce cas le
texte du Psaume dans la version de la Bible grecque qui est différente du
texte hébraïque où l'on peut lire : « Tu ne peux abandonner mon âme au
shéol, car tu ne peux laisser ton fidèle voir la fosse. Tu m'apprendras le
chemin de vie » (Ps 16,10s.). Selon cette version, le priant parle dans la
certitude que Dieu le protégera et le sauvera de la mort même dans la
situation menaçante dans laquelle il se trouve manifestement, il est certain
de pouvoir reposer en paix : il ne verra pas la fosse. La version citée par
Pierre est différente : il s'agit là du fait que le priant ne restera pas
dans les enfers, qu'il ne connaîtra pas la corruption.
Pierre présuppose que David est le priant original de ce
psaume et il peut alors constater que cette espérance ne s'est pas réalisée
en David : « II est mort et a été enseveli et son
tombeau est encore aujourd'hui parmi nous » (Ac 2,29). Le sépulcre avec le cadavre est la preuve que la Résurrection
n'a pas eu lieu. Cependant, la parole du Psaume est véridique : elle vaut
pour le David définitif, bien plus, Jésus est ici désigné comme vrai David
justement parce que, en lui, s'est accomplie la parole de la promesse: «
Tu
ne laisseras pas ton saint voir la corruption. »
II n'est pas nécessaire ici de s'appesantir sur la question de savoir si ce
discours est vraiment de Pierre ou si d'autres, et alors qui, l'auraient
rédigé, ni même sur la question du moment et du lieu où précisément il
aurait été composé. En tout état de cause, il s'agit d'une annonce de la
Résurrection de type ancien, dont l'autorité dans l'Église des débuts est
manifestée par le fait qu'elle fut attribuée à Pierre lui-même et qu'elle
fut considérée comme l'annonce originale de la Résurrection.
Si dans le Credo de Jérusalem, remontant aux origines et rapporté par Paul,
il est dit que Jésus est ressuscité selon les Écritures, c'est que l'on
considère à coup sûr le Psaume 16 comme un témoignage scripturaire décisif
pour l'Église naissante. Là se trouve exprimé clairement que le Christ, le
David définitif, n'aurait pas subi la corruption
- qu'il devait vraiment
être ressuscité.
« Ne pas subir la corruption » - cela est précisément la définition de la
Résurrection. La corruption seulement était vue comment la phase par
laquelle la mort devenait définitive. Par la décomposition du corps qui se
désagrège dans ses éléments - un processus qui dissout l'homme et le rend à
l'univers -, la mort a vaincu. Alors, cet homme n'existe plus comme homme -
peut-être en reste-t-il seulement une ombre aux enfers. Compte tenu de cette
perspective, il était fondamental pour l'Église antique
que le corps de
Jésus n'ait pas subi la corruption. Dans ce cas seulement il était clair
qu'il n'était pas resté prisonnier de la mort, qu'en lui effectivement la
vie avait vaincu la mort.
Ce que l'Église antique a déduit de la version de la Septante du Psaume
16,10, a déterminé aussi la vision partagée durant toute la période des
Pères. Dans cette vision, la Résurrection implique essentiellement que
le
corps de Jésus n'a pas subi la corruption. En ce sens, le sépulcre vide
comme partie intégrante de l'annonce de la Résurrection est un fait
rigoureusement conforme à l'Écriture. Des spéculations théologiques tendant
à dire que la corruption et la Résurrection de Jésus seraient compatibles
l'une avec l'autre, appartiennent à la pensée moderne et sont en opposition
évidente avec la vision biblique. Même ainsi, il se confirme que si le corps
de Jésus était resté gisant dans le sépulcre, une annonce de la Résurrection
aurait été impossible.
Le troisième jour
Revenons à notre Credo. L'article suivant dit: « II est ressuscité le
troisième jour selon les Écritures » (1 Co 15,4). Le « selon les Écritures »
vaut pour la phrase dans son ensemble et de manière implicite seulement pour
le troisième jour. L'essentiel est dans le fait que la Résurrection
elle-même soit conforme à l'Écriture - que celle-ci appartienne à la
totalité de la promesse devenue, de parole qu'elle était, réalité en Jésus.
De cette manière, en arrière-fond, on peut certainement penser au Psaume
16,10, mais aussi naturellement à des textes fondamentaux pour la promesse,
comme Isaïe 53. En ce qui concerne le troisième jour, il n'existe pas de
témoignage scripturaire direct.
La thèse selon laquelle le « troisième jour » aurait probablement été tiré
d'Osée 6,1s. est insoutenable, comme l'ont montré par exemple Hans Conzelmann ou encore Martin Hengel et Anna Maria Schwemer. Le texte dit : «
Venez, retournons vers YHWH. Il a déchiré, il nous guérira... après deux
jours il nous fera revivre, le troisième jour il nous relèvera et nous
vivrons en sa présence. » Ce texte est une prière pénitentielle de l'Israël
pécheur. Il n'y est pas question d'une Résurrection de la mort dans le vrai
sens du terme. Dans le Nouveau Testament et ensuite tout au long du IIe
siècle, ce texte n'est pas cité (cf. Hengel/Schwemer, Jésus und das Judentum,
p. 631 ). Il ne put devenir un renvoi anticipé à la Résurrection le
troisième jour que lorsque l'événement du dimanche après la crucifixion du
Seigneur eut conféré à ce jour une signification particulière.
Le troisième jour n'est pas une date « théologique », mais c'est le jour
d'un événement qui, pour les disciples, est devenu le tournant décisif après
la catastrophe de la Croix. Josef Blank l'a formulé ainsi: « L'expression
"le troisième jour" est l'indication d'une date en conformité à la tradition
chrétienne primitive dans les Évangiles et elle se réfère à la découverte du
tombeau vide » (Paulus und Jésus, p. 156).
Je voudrais ajouter: elle se réfère à la première rencontre avec le Seigneur
ressuscité. Dès les tout premiers temps dans le Nouveau Testament, le
premier jour de la semaine - le troisième après le vendredi - est reconnu
comme le jour de l'assemblée et du culte de la communauté chrétienne (cf.
1Co 16,2 ; Ac 20,7 ; Ap 1,10). Chez Ignace d'Antioche (fin
du Ier siècle et début du IIe), le dimanche - comme nous l'avons vu — est
déjà considéré comme une caractéristique nouvelle, propre aux chrétiens,
face à la culture sabbatique juive : « Si, désormais, ceux qui vivaient
suivant les usages anciens sont parvenus à une espérance nouvelle et
n'observent plus le sabbat, mais vivent selon le Jour du Seigneur, où s'est
épanouie notre vie à nous aussi grâce à Lui et à sa mort... »
(Ad Magn. 9,1).
Si l'on considère, à partir du récit de la création et du Décalogue, quelle
est l'importance du sabbat dans la tradition vétérotestamentaire, alors il
est évident que seul un événement puissamment bouleversant pouvait entraîner
le renoncement au sabbat et son remplacement par le premier jour de la
semaine. Seul un événement qui se serait imprimé dans les âmes avec une
force extraordinaire pouvait susciter un changement aussi central dans la
culture religieuse de la semaine. De simples spéculations théologiques
n'auraient pas suffi pour cela. La célébration du Jour du Seigneur, qui dès
le début distingue la communauté chrétienne, est pour moi
[Benoit XVI] une des preuves
les plus puissantes du fait que, ce jour-là, quelque chose d'extraordinaire
s'est produit - la découverte du tombeau vide et la rencontre avec le
Seigneur ressuscité.
Les témoins
Alors que le verset 4 de notre Credo avait interprété le fait de la
Résurrection, avec le verset 5 commence la liste des témoins. « II est
apparu à Céphas, puis aux Douze », est une affirmation lapidaire. Si nous
pouvons considérer ce verset comme le dernier de l'antique formule de
Jérusalem, cette mention revêt une importance théologique particulière : le
fondement même de la foi de l'Église y est indiqué.
D'une part, les « Douze » demeurent la véritable pierre de fondation de
l'Église, à laquelle celle-ci est sans cesse renvoyée. D'autre part, la
charge spéciale de Pierre est mise en évidence, celle qui lui fut confiée
d'abord près de Césarée de Philippe et confirmée ensuite au Cénacle (cf. Lc
22,32), charge qui, pour ainsi dire, l'a introduit dans la structure
eucharistique de l'Église. Maintenant, après la Résurrection, le Seigneur se
manifeste tout d'abord à lui, avant les Douze, et ce faisant, il lui
renouvelle une fois encore sa mission unique.
Si le fait d'être chrétien signifie essentiellement avoir foi dans le
Ressuscité, alors le rôle particulier du témoignage de Pierre est une
confirmation de la tâche qui lui a été confiée d'être le roc sur lequel est
édifiée l'Église. Jean, dans sa narration de la triple question du
Ressuscité à Pierre - « M'aimes-tu ? » - et de la triple charge de paître le
troupeau du Christ, a souligné une fois encore avec clarté cette mission de
Pierre pour la foi de l'Église tout entière (cf. Jn 21,15-17).
Ainsi, le
récit de la Résurrection devient par lui-même ecclésiologie : la rencontre
avec le Seigneur ressuscité est mission et donne sa forme à l'Église
naissante.
Textes à méditer :
"Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? [...] Seigneur, tu sais tout, tu sais
bien que je t'aime"messe
Benoît XVI raconte l'espérance que représente le tombeau vide de
Jésus

Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 17.02.2023
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