 |
Poutine, Assad et l’Iran, les dangereux compagnons de route du Pape
|
Le 17 janvier 2025 -
E.S.M.
- C’est avec la Syrie
et la Russie que, depuis le début de son pontificat, en
2013, Jorge Mario Bergoglio a construit l’image
résolument pacifiste de sa politique internationale, aux
antipodes du bellicisme des États-Unis et de l’Occident
qu’il n’a cessé de vilipender.
S.M.
|
|
Vladimir Poutine
- Pour agrandir
l'image ►
Cliquer
Poutine, Assad et l’Iran, les dangereux compagnons de route du Pape I
Le 17 janvier 2025 -
E.S.M. -
La chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie a infligé un sérieux
revers aux puissances qui le soutenaient : la Russie et l’Iran. Mais la
géopolitique incarnée par le Pape François en est également sortie
écornée.
En effet, c’est avec la Syrie et la Russie que, depuis le
début de son pontificat, en 2013, Jorge Mario Bergoglio a construit
l’image résolument pacifiste de sa politique internationale, aux
antipodes du bellicisme des États-Unis et de l’Occident qu’il n’a cessé
de vilipender.
En Syrie, la guerre civile qui faisait rage entre le régime d’Assad
et ses opposants a connu l’un de ses épisodes les plus atroces le 21
aout avec le bombardement de Ghouta, ce quartier rebelle du Sud-Est de
Damas, faisant d’innombrables victimes.
Les jours suivants, une enquête des Nations Unies a détecté des
traces de gaz sarin dans les zones bombardées, s’en suivit une menace de
représailles armées contre le régime syrien de la part du président des
États-Unis, Barack Obama, pour avoir franchi la « ligne rouge » tracée
par les États-Unis depuis 2012 en utilisant des armes chimiques.
De leur côté, la Russie et l’Iran rejetaient sur les rebelles, voire
sur l’Occident, l’accusation d’avoir utilisé ce gaz sarin. Et c’était
également ce que pensait le Pape François, si l’on s’en tient à ce qu’il
avait déclaré un an plus tard, lors de la
conférence de presse à bord du vol de retour de son voyage en
Turquie : « je pense à l’an dernier, en septembre, quand on disait que
la Syrie avait des armes chimiques. Moi, je crois que la Syrie n’était
pas en mesure de fabriquer des armes chimiques. Qui les lui a vendues ?
Peut-être ceux-là même qui l’accusaient d’en posséder ? ».
Il n’en demeure pas moins que quelques jours après ce bombardement,
le Pape François a consacré la totalité de l’Angélus
du dimanche 1er septembre à un appel à épargner le régime
syrien de représailles armées des États-Unis et des alliés, avant de
décréter une journée de jeûne et de prière dans ce même but pour le 7
septembre suivant.
Et sur qui le Pape a‑t-il compté pour relayer son appel sur la scène
internationale ?
Nul autre que président russe Vladimir Poutine en personne, via une
lettre qu’il lui a adressée et qui a été rendue publique le 4
septembre.
Dans cette lettre, profitant l’occasion de la rencontre des vingt
plus grandes économies mondiales sur le point de s’ouvrir à Saint
Petersburg présidée par Poutine, le Pape François demandait au
président russe de « trouver des chemins pour abandonner toute vaine
tentative d’apporter une solution militaire » au conflit syrien.
Le soir du 7 septembre, sur le parvis de la basilique Saint-Pierre,
le Pape a présidé la
veillée de prière qu’il avait annoncée jusqu’à près de minuit.
Et le 12 septembre, le
New York Times publiait sur sa page « op/ed » un billet de Poutine
en personne – le premier et le dernier qu’il n’ait jamais publié dans le
quotidien new-yorkais – qui citait le pape parmi « les leaders
politiques et religieux » qui avaient eu raison de s’opposer à une
« potentielle attaque des États-Unis contre la Syrie ».
Dans son « appel à la modération » – c’était le titre de son billet –
Poutine utilisait le même argument que celui partagé par le Pape
François :
« Personne ne doute du fait que des gaz toxiques aient été employés
en Syrie. Mais nous avons toutes les raisons de croire que ceux-ci
n’aient pas été utilisés par l’armée syrienne mais bien par les forces
d’opposition dans le but de provoquer l’intervention de leurs
protecteurs étrangers, qui auraient fini par combattre aux côtés des
fondamentalistes ».
Il est un fait qu’Obama a renoncé à l’intervention militaire en
échange de la promesse de la Syrie, garantie par Poutine, de placer son
arsenal chimique sous contrôle international, afin qu’il soit détruit.
Et cette « victoire de la paix » – en réalité le sauvetage « in
extremis » du régime sanguinaire d’Assad – fut également portée au
crédit du Pape par l’opinion internationale.
Quelques mois plus tard, le 25 novembre, Poutine scellait le
renforcement de ses liens avec le Pape François lors d’une fastueuse
audience au Vatican suivie d’un
communiqué étonnamment détaillé, contenant un paragraphe entièrement
consacré à la Syrie :
« Une attention toute particulière a été accordée à la recherche de
la paix au Moyen-Orient et à la grave situation en Syrie, au sujet de
laquelle le Président Poutine a exprimé sa gratitude pour la lettre que
lui a adressée le Saint-Père à l’occasion du G20 à Saint-Pétersbourg.
L’urgence de mettre fin à la violence et d’apporter l’aide humanitaire
nécessaire à la population a été soulignée, ainsi que d’encourager des
initiatives concrètes pour une solution pacifique au conflit, qui
favorise la voie de la négociation et implique les différentes
composantes ethniques et religieuses, en reconnaissant leur rôle
indispensable dans la société. »
Vladimir Poutine est arrivé à l’audience avec 50 minutes de retard
mais il s’est fait pardonner en offrant au pape des icônes sacrées qu’il
a embrassées devant lui avec dévotion (voir photo). Le dernières lignes
du communiqué faisaient allusion au régime spécial de protection que le
président Assad assurait aux Églises chrétiennes en Syrie.
Toujours dans son billet du « New York Times », Poutine avait écrit
qu’ « en vertu du droit international en vigueur, la force n’est
autorisée qu’en cas de légitime défense ou sur décision du Conseil de
sécurité. Toute autre chose est inacceptable en vertu de la Charte des
Nations Unies et constituerait un acte d’agression ».
Mais peu après, en février 2014, il agressait l’Ukraine en annexant
la Crimée et en occupant une partie de ses régions orientales. Toujours
sous le silence de plomb du pape, qui n’a été rompu que par un timide
appel à la « pacification » dans son message de Pâques.
Car, à ce moment-là, le Pape François avait bien autre chose en tête.
Il s’agissait de préparer la rencontre, la première de l’histoire, avec
Cyrille, le patriarche de Moscou et de toutes les Russies. Ce dernier,
après avoir dans un premier temps émis des réserves sur l’annexion de la
Crimée, s’était ensuite totalement aligné sur Poutine, avant de devenir
son
idéologue jusqu’à outrance.
La rencontre entre le Pape François et le patriarche Cyrille s’est
déroulée le 12 février 2016 à l’aéroport de La Havane et à cette
occasion ils ont signé une déclaration conjointe qui qualifiait de
« guerre fratricide », comme si les deux camps étaient sur un pied
d’égalité, ce qui était en réalité une agression pure et simple de la
Russie contre l’Ukraine, au grand dam des grecs catholiques de ce pays –
et à leur tête de leur archevêque majeur Sviatoslav Chevtchouk – qui se
sont sentis profondément meurtris, et même trahis,
abandonnés par le Pape.
Entretemps, les bombes russes pleuvaient sur Alep, encerclée par les
milices chiites d’Assad, du Liban et d’Iran, jusqu’à ce qu’en 2016, les
quartiers rebelles soient rasés au sol, avec la bénédiction du
patriarche e Moscou et le silence du Pape à peine interrompu par des
rares et vagues appels à la paix.
Il ne ne faut donc pas s’étonner, après autant d’année d’une entente
aussi renforcée avec Poutine, de la passivité du Pape François face à la
nouvelle invasion de l’Ukraine de 2022, qu’il a d’ailleurs justifiée à
plusieurs reprises comme étant une réaction aux « aboiements » menaçants
de l’Occidents aux portes de l’ancien empire soviétique.
La Secrétairerie d’État, avec le cardinal Pietro Parolin et
l’archevêque Paul R. Gallagher, n’a pas pu faire grand-chose pour
tempérer cette ligne de conduite papale, d’autant qu’elle était soutenue
par la
diplomatie parallèle de la très poutinienne Communauté de
Sant’Egidio.
En Syrie, les Églises chrétiennes ont payé le prix fort pour leur
soumission au régime sanguinaire d’Assad, que la propagande faisait
passer pour une « protection », comme l’a l’archevêque maronite de
Damas, Samir Nassar, a osé le
dénoncer pour la première fois en public en décembre dernier
seulement, après la chute d’Assad et sa fuite à Moscou.
En répondant aux questions de Caroline Hayek pour le quotidien
chrétien libanais « L’Orient – Le Jour », l’archevêque a décrit une
Syrie où tout le monde était « surveillé 24 heures sur 24 », même hors
des frontières. « Les services secrets, les ‘moukhabarat’, étaient
partout. Ils se servaient du cuisinier, du portier, du sacristain et
même de nombreux prêtres étaient impliqués dans ce système. Un jour,
j’ai même trouvé un micro dans un stylo qui était dans mon tiroir. On a
emprisonné des centaines de milliers de syriens dans des conditions
indescriptibles, quand on ne les a pas abattus ou fait disparaître. Et
nous n’avons pas eu le courage de dire la vérité ».
Même le nonce du Vatican en Syrie, le cardinal Mario Zenari, a
reconnu après la chute du régime qu’« on aurait pu faire davantage pour
éviter toute cette douleur ». Mais les chrétiens – malgré les promesses
rassurantes du nouveau leader de la Syrie, Ahmed al-Sharaa, dont ils
n’oublient pas le passé fondamentaliste sous le nom de guerre d’Abou
Mohammed al-Jolani – vivent dans la peur de subir des représailles à
cause de leur collaboration avec Assad, surtout dans les régions où
l’opposition islamiste est la plus active, comme par exemple à Maaloula,
l’un des rares endroits où l’on parle encore l’araméen, la langue de
Jésus.
Le 31 décembre, al-Sharaa recevait à Damas les chefs des Églises
chrétiennes de Syrie et a eu un entretien privé avec le vicaire de la
Custodie de Terre Sainte, le franciscain Ibrahim Faltas, auquel il a
déclaré : « Je ne considère pas les chrétiens comme une minorité, mais
comme une partie intégrante et importante de l’histoire du peuple
syrien. J’ai vécu longtemps dans le gouvernorat d’Idlib, où j’ai été
témoin de l’engagement de deux de vos confrères, le Père Hanna et le
Père Loai, en faveur de la population de cette région. Ils ont aidé et
soutenu tous ceux qui se sont tournés vers eux sans aucune distinction.
J’ai éprouvé de l’estime et du respect pour eux ».
Au cours de la même rencontre, al-Sharaa a notamment fait part de son
« admiration, de son estime et de son respect » pour le Pape François,
« un véritable homme de paix ».
Ce dernier, le 9 janvier, dans son
discours de Nouvel An au corps diplomatique, le Pape a appelé à son
tour à ce que la Syrie puisse redevenir « une terre de coexistence
pacifique où tous, y compris la composante chrétienne, puissent se
sentir pleinement citoyens et participer au bien commun de cette nation
bien-aimée ».
Mais toujours en faisant preuve de la même
bienveillance envers un autre régime oppresseur, la République
Islamique d’Iran, dont la Syrie d’Assad était l’un des bras armés, de
concert avec la Russie de Poutine et en opposition frontale à Israël et
à l’Occident.
Le 3 janvier en effet, en recevant le fondateur de l’Université des
religions et des confessions d’Iran, Abou al-Hassan Navab, le Pape
François a passé sous silence, comme toujours, la répression des
libertés dans ce pays, préférant s’en prendre à la volonté d’Israël de
« réduire les êtres humains en esclavage », selon une déclaration rendue
publique par l’agence de presse officielle iranienne que le Vatican n’a
pu démentir, malgré que la sévère remise en cause du Pape par Eliezer
Simcha Weisz, du grand rabbinat de Jérusalem, dans une
lettre de protestation.
Et la veille, le Pape accordait une audience tout aussi amicale à
l’ambassadeur d’Iran près le Saint-Siège, Mohammad Hossein Mokhtari, qui
lui a offert en cadeau une plaque avec des
réflexions sur Jésus rédigées par le guide suprême du régime
théocratique d’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei.
Dans ce cas également, ce sont des sources iraniennes qui ont donné
l’information de cette rencontre. Alors que le
bulletin officiel du Vatican révélait que le même jour, le 2
janvier, le Pape avait donné audience à Abdul Karim Paz, un imam et
cheikh argentin étroitement lié au régime de Téhéran, et qu’il a
toujours défendu, même après la sentence du tribunal qui a estimé qu’il
était l’un des instigateurs de l’attentat antisémite de Buenos Aires qui
avait fait 85 morts et 300 blessés en 1994.
Pour l’Iran comme pour la Russie, la chute d’Assad en Syrie constitue
un sérieux revers. Mais de toute évidence, la vision anti-occidentale
qu’il partage avec eux empêche le Pape François de prendre ses distances
avec ces dangereux compagnons de route.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
Articles les plus
récents :
Les lecteurs qui
désirent consulter les derniers articles publiés par le site
Eucharistie Sacrement de la Miséricorde, peuvent
cliquer sur le lien suivant
► E.S.M.
sur Google actualité |
Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 17.01.2025
|