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LA MÈRE DU PUR AMOUR
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Le 16 août 2022 -
(E.S.M.)
- Tous les mystères
du Christ, tout l'amour du Christ, toute sa pensée, sa présence ;
voilà ce que Jean découvrait en Marie, et ce qui lui permit de
pénétrer plus profondément qu'aucun autre dans le mystère de l'Amour
rédempteur. (Méditation)
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Marie et Jean au pied
de la croix (Mathias Grünewald) -
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LA MÈRE DU RÉDEMPTEUR
Le 16 août 2022 -
E. S. M. - « Je suis la mère du pur amour, de la
crainte, de la connaissance et de la digne espérance. »
Si 24.18 (le livre de Ben Sira le Sage).
Les épîtres de saint Jean nous sont témoignage que l'apôtre a connu
cette « Mère mystérieuse » de l'Écriture et que Marie fut bien pour
lui la Mère du Pur Amour.
Il a été formé par elle et a tout reçu de ses mains. Une
extraordinaire « science de l'amour divin » l'habite, tandis qu'il
se tient, comme un enfant ravi, devant le mystère. « Né de Dieu
» 1 Jn 3.9 : n'est-ce pas le nom
qu'il emploie sans cesse pour désigner et célébrer la grâce de cette
nouvelle génération de croyants? Et il leur dira encore : « Petits
enfants! »...
Devant cette naissance il se tient comme devant une lumière dont il
ne cesse d'être ébloui. Chaque jour, en effet, il connaît tout
ensemble la joie de naître et celle de s'accomplir dans l'amour. Cet
accomplissement tient dans la pratique des deux commandements et
Jean ne croira jamais devoir assez insister sur l'amour fraternel ;
mais l'accomplissement de l'amour est aussi un accomplissement
intérieur, la certitude comblante d'être aimé et d'aimer à son tour.
En ceci consiste l'accomplissement de l'amour en
nous :
que nous ayons pleine assurance au jour du jugement,
car tel est celui-là, tels aussi nous sommes en ce monde.
Il n'y a pas de crainte dans l'amour ;
au contraire, l'amour parfait bannit la crainte,
car la crainte suppose un châtiment,
et celui qui craint n'est pas consommé en amour.
Quant à nous, aimons, puisque Dieu nous a aimés le premier.
1 Jn 4.17-19
Des années d'union au Christ ont donné à saint Jean cette
expérience des choses de Dieu qui font de lui un maître, à l'image
des anciens Sages dont parle l'Écriture. Dans la jeune et turbulente
Église de ses vieux jours, les paroles de l'Épître ont un sens caché
; sens que lui seul, peut-être, entend pleinement. Bien que son
enseignement soit entièrement renouvelé, parce que tout, désormais,
est nouveau, parce que tout commence avec le Christ, on perçoit,
grâce au génie de la langue sémitique, qu'il demeure en continuité
avec la pensée sapientielle, et qu'elle a mûri à la faveur d'une
longue attente. Et de plus, entre les Sages et Jean, il y a un
chaînon, une personne vivante qui n'a cessé d'appeler les hommes à
la vie intérieure, et de les éduquer dans l'amour. Il y a une Mère ;
et c'est Jean qui devait contempler son visage.
Sans doute serait-ce forcer le texte johannique que de vouloir y
découvrir explicitement aussi bien l'influence des textes
sapientiaux que celle de la Vierge Marie, comme de vouloir attribuer
personnellement à celle-ci les éloges de la Sagesse. Il y a
cependant à l'intérieur des choses divines un courant ininterrompu.
Un certain esprit les habite qui se signale par une unité de pente
et d'accent, ineffable. Jean est habité de cet esprit qui lui vient
d'abord d'une profonde connaissance de l'Ancien Testament. La
Genèse, l'Exode, les Livres sapientiaux modèlent certains tracés de
son évangile. Mais il est également imprégné des paroles du Christ
au point de leur emprunter leur accent : « Et ses commandements
ne sont pas pesants » 1 Jn 5.3, écrit-il, tout comme Jésus
disait : « Mon joug est doux et mon fardeau léger »
Mt 11.30. En saint Jean aucun fossé ne subsiste entre choses anciennes et
choses nouvelles. Il n'y a plus qu'un seul courant d'amour
rédempteur et vivifiant.
Le temps et la raison édifient des systèmes, non un amour, et
l'amour en saint Jean fait basculer le temps. A celui-ci Jean
n'oppose pas seulement un avenir, mais aussi un passé et un présent
qui comblent tout.
« Dieu nous a aimés le premier » 1 Jn 4.19.
L'explication de toutes choses se situe toujours plus avant,
toujours plus loin dans le mystère de Dieu. C'est aux fontaines de
l'amour que Jean va puiser.
Nous ne pouvons pas savoir s'il en serait allé de même, s'il
n'avait pas eu la Vierge Marie pour modèle et pour éducatrice. Notre
piété filiale elle-même ne nous autorise pas à penser que c'est de
Marie qu'il tient, en ressemblance, cette simplification de traits,
cette polarisation par l'unique nécessaire, qui, en fin de vie, le
caractérisent. Mais, du moins, nous pouvons dire que tout se passe
comme si Marie avait été pour lui « la Mère du Pur Amour, de la
crainte, de la connaissance et de la digne espérance ».
En effet, s'il est permis de penser que Jean reçut de Marie sa
charité, et sa science des choses divines, c'est d'elle en tous cas
qu'il tient son espérance.
Quelle distance et quelle transformation entre le texte de l'épître
rapporté plus haut, et celui où saint Marc relate un trait de
jeunesse de Jean. Sa demande avait alors soulevé « l'indignation »
des apôtres :
« Accorde-nous de siéger l'un à ta droite et l'autre à ta gauche,
dans ta gloire » Mc 10.37. Ainsi parlaient les fils de Zébédée !
Pourtant Jésus ne s'était pas indigné : « Pouvez-vous boire le
calice que je dois boire et être baptisés du baptême dont je dois
être baptisé ? - Nous le pouvons ! » Mc 10.39
De fait, la présomptueuse affirmation des disciples deviendrait
humble réalité lorsqu'ils seraient passés à la suite du Maître, par
les chemins qu'il était venu leur enseigner.
Celui qui voudra devenir grand parmi vous, se fera votre serviteur,
Celui qui voudra être le premier se fera l'esclave de tous
Mc 10.44.
Jean ne rappelle pas ce mot dans son évangile ; ce sont ses propres
voies, et il se détache de ce qui le concerne, pour ne suivre des
yeux que son Seigneur. Mais quand il entendra Jésus s'écrier :
La coupe que mon Père m'a donnée à boire, ne la boirai-je pas
? 18.11. Ne se souviendra-t-il pas de son affirmation d'autrefois ? Le moment
n'est-il pas venu pour lui de boire à cette coupe, comme pour Pierre
de « donner sa vie pour lui » 13-37.
Pourtant, il ne court pas la saisir, et c'est de quelqu'un d'autre
qu'il la reçoit.
Voyant sa Mère, et près d'elle le disciple que Jésus
aimait 19.26.
Sa faiblesse et son humilité naissante ont dicté à Jean cette
attitude. Il s'est placé à l'ombre de celle qui a su s'approcher de
la coupe et y boire. Il l'a suivie, qui suivait Jésus ; et c'est «
près d'elle »19.26.
qu'il se
tient à l'heure d'angoisse.
Effacée comme une servante, Marie a su prendre la première place
auprès de Jésus, dans la déréliction et la gloire de la croix.
Petite entre tous, elle qui n'a rien revendiqué, elle est là où
l'ambition des autres a défailli ; où la ferveur de Jean connaît la
confusion. Et c'est par elle, la toute silencieuse, la toute
servante, qu'il est introduit au mystère de cette coupe à laquelle
il avait désiré boire.
« Voici ton Fils... voici ta Mère... » 19.26,27.
Si saint Jean peut enfin hausser son regard jusqu'à la croix, c'est
par la force de Marie, par l'humilité de Marie, par la grâce de
Marie, cette Mère qui moins qu'aucune mère n'a pu laisser passer le
calice offert à son Fils sans y boire avec lui.
L'histoire secrète de Jean, et la nôtre aussi, toute frémissante,
est écrite en ces pages tantôt éloquentes et tantôt muettes de
l'évangile. C'est Marie au Calvaire qui nous introduit à notre tour
au mystère de la croix. Entre la croix et nous il y a la Mère.
La croix... si exaltante dans le lointain; si lourde, si pesante
dans le présent, qu'elle soit le calice de nos douleurs ou le signe
de notre péché ; nous buttons devant elle, contre elle ; mais nous
n'avons pas peur d'une Mère. L'assurance qui transparaît dans le
texte de saint Jean témoigne qu'il la savait près de lui sans cesse.
L'accomplissement de l'amour en nous
c'est que nous ayons pleine assurance au jour du jugement.
Car tel est celui-là, tels aussi nous sommes en ce monde
1 Jn 4.17.
Le jour du jugement viendra et il est déjà venu. Pour saint Jean,
le jugement dont Jésus avait tant parlé était celui du Prince des
ténèbres, rejeté dans l'ombre. Mais c'était aussi le jour de son
jugement à lui, Jean, comme du nôtre. Terrible à son cœur jadis
présomptueux, maintenant défaillant de faiblesse ; mais suave plus
encore, puisqu'entre la croix et lui il y a une Mère qui seule a été
trouvée digne de boire à la coupe.
Fille élue de Dieu, préservée par la croix, première « née de Jésus
», Marie est aussitôt investie de sa grâce féconde. Tandis que Jésus
entre dans la gloire de son Père comme Fils unique et comme Sauveur,
il confie ce salut en dépôt à Marie. Elle en devient mère, et c'est
en elle désormais que l'humanité rencontre son Rédempteur.
Aussi pouvons-nous répondre à la question que nous posions plus
haut : Marie est-elle mère seulement des disciples qu'en saint Jean,
l'apôtre bien-aimé, Jésus semblait désigner? ou bien est-elle Mère
de tous les hommes, parce qu'elle porte en elle les fruits de la
Rédemption acquise à l'humanité entière ?
Tout en reconnaissant qu'elle est de manière particulière la Mère
de tous ceux qui sont unis à son Fils par l'amour et la fidélité, et
dans la mesure même de cet amour et de cette fidélité; il semble
plus conforme aux perspectives évangéliques de reconnaître avec la
voix du magistère que « dans la personne de saint Jean, c'est, selon
le sentiment de l'Église, le genre humain que le Christ a
symboliquement désigné et plus spécialement ceux qui adhèrent à lui
par la foi » LÉON XIII.
Le sentiment populaire a toujours pressenti que tous les hommes,
fussent-ils des pécheurs que tente le désespoir, doivent recourir à
Marie comme à leur refuge. Loin de s'opposer à cette manière de
voir, Jean la confirme. Alors que tous ont fui, vaincus par le
découragement, la fatigue ou la faiblesse, n'est-ce pas «
près de
Marie » 19.26. qu'il s'est tenu, lui, le moins infidèle, pour approcher la
mort du Maître ? Et c'est Marie, que Jésus, dans son suprême
dépouillement, lui a donnée, pour accéder avec elle et par elle au «
par delà la mort ».
« Si le grain ne tombe en terre et ne meurt
12.24. » Le grain de notre vie d'ici-bas
doit tomber dans la terre de Marie ; le sein de Marie nous est donné
pour l'accueillir, le réchauffer, le faire revivre et fructifier
dans la vie éternelle des enfants de Dieu. Sans doute Jean, au
Calvaire, avait-il encore à apprendre que « le parfait amour bannit
la crainte » 1 Jn 4.18. Devant le Crucifié il a pu comprendre que le vrai, le
seul châtiment pour ceux qui aiment, est contenu dans le regard de
componction jeté sur le côté ouvert par la lance. « Ils
regarderont celui qu'ils ont transpercé 19.37.
» Regard qui fait connaître le prix infini de l'amour, mais qui est
désireux de le connaître toujours plus.
Dans le court épisode de la femme adultère amenée à Jésus pour être
jugée, puis lapidée, le Maître prononce ces paroles :
Que celui qui est sans péché, lui jette la première pierre
8.7.
Tous alors se retirèrent,... Quand ils furent partis Jésus dit à la
femme :
Femme, où sont-ils ? Personne ne t'a condamnée ? — Personne,
Seigneur, répondit-elle. — Moi non plus, lui dit Jésus, je ne te
condamne pas. Va et désormais ne pèche plus.
8.10,11.
A la croix, une seule est restée là, qui n'avait pas péché et
pouvait nous accuser de la mort de son Fils ; mais elle s'est tue. -
« Voici ta Mère » 19.26, dit
Jésus... « Celui qui craint n'est pas consommé en amour »
1 Jn 4.18.
Jésus n'a pas ouvert à sa Mère le Livre où sont inscrits et
dénombrés tous nos péchés. Mais en son Cœur elle en a connu toute
l'amertume et la délivrance. Aucun évangile ne nous la montre
s'empressant avec Joseph d'Arimathie, Nicodème et les saintes
femmes, à ensevelir et embaumer le corps de son Fils. Nul ne nous a
rapporté qu'elle le vit et le toucha, ressuscité, ni que Jésus ait
dû lui dire, comme à Madeleine : « Ne me retiens pas ainsi »
20.17.
Après la croix, Marie n'a plus ici-bas pour fils que Jean et les
hommes. Vers eux, Marie la silencieuse ne s'est tournée qu'une seule
fois dans l'Évangile pour leur parler et ce fut pour les orienter
vers son Fils. « Tout ce qu'il vous dira, faites-le »
2.5. - Cf. Gn 41.55.
Elle n'a rien d'autre à nous dire, mais elle reste avec nous pour
nous l'apprendre. Ainsi est-elle témoin, elle aussi. Elle nous dit
en qui elle a cru, espéré, qui elle a aimé, qui fut sa justification
et sa gloire : la Parole de Dieu.
Sources : Paul Marie de la Croix o.c.d.-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 16.08.2022
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