Ci-dessus moteur de recherche


ACCUEIL

BENOÎT XVI

LÉON XIV

CHRIST MISERICORDIEUX

L'EVANGILE DU JOUR

LA FAMILLE

TEXTES DU VATICAN

JEAN PAUL II

FARNESE LOUIS-CHARLES

ACTUALITE DE L'EGLISE

CATECHESES

LITURGIE

LES JEUNES

FIDELES LAICS

JOUR DU SEIGNEUR

SERVANTS DE MESSE

SPIRITUALITE

THEOLOGIE

VOCATIONS

VOYAGE APOSTOLIQUE

GALERIE PHOTOS

TV VATICAN

MEDITATIONS

QUI SOMMES NOUS

NOUS CONTACTER
 
BIBLIOTHEQUE
.
STATISTIQUES
 
Ouverture du site
19 Avril 2005
 
 

Benoît XVI théologien ardent défenseur de la Foi

Le 16 janvier 2023 - (E.S.M.) - Benoit XVI nous livre un surprenant  commentaire d'un passage de la vie de Jésus, sous un éclairage nouveau : une lecture à la lumière du Christ, sur la base des prophètes, et la lecture rabbinique.

Benoît XVI - Pour agrandir l'image ► Cliquer

Benoît XVI théologien ardent défenseur de la Foi. Nous vous laissons découvrir dans cette page la profondeur de sa réflexion sur un sujet combien délicat. Le pape nous rappelle que c'est le propre de la foi de l'Église, de reconnaître dans la Bible, la Parole de Dieu.

1. La fin du Temple


    Avant de porter de nouveau notre attention sur les paroles de Jésus, nous devons cependant jeter un regard sur les événements historiques de l'année 70. Avec la chute du procurateur Gessius Florus et la défense efficace face à la contre-attaque romaine, en 66 la guerre juive était commencée, guerre qui, toutefois, n'était pas seulement une guerre des Juifs contre les Romains, mais aussi en grande partie par moment une guerre civile entre des courants juifs rivalisant sous la conduite de leurs chefs. Ce fut cela qui, avant tout, conféra toute son atrocité à la bataille de Jérusalem.

    Eusèbe de Césarée (mort vers 339) et - avec des appréciations différentes - Épiphane de Salamine († 403) nous rapportent que, dès avant le commencement du siège de Jérusalem, les chrétiens se seraient réfugiés dans la région à l'est du Jourdain, dans la ville de Pella. Selon Eusèbe ils se décidèrent à la fuite après que fut confié à leurs « responsables », par une révélation, un ordre spécifique (cf. Hist. eccl. III,5). Épiphane écrit quant à lui : « Le Christ leur avait dit d'abandonner Jérusalem et de se transférer ailleurs, parce que la ville serait assiégée » (Haer. 29,8). De fait nous lisons dans le discours eschatologique de Jésus une pressante invitation à la fuite : « Lorsque vous verrez l'abomination de la désolation installée là où elle ne doit pas être... alors que ceux qui seront en Judée s'enfuient dans les montagnes » (Mc 13,14).

    Dans quel événement ou dans quelle réalité les chrétiens virent-ils la réalisation de ce signe de « l'abomination de la désolation » et décidèrent-ils de partir, on ne peut le préciser. Mais, en ces années de la guerre juive, il y avait suffisamment d'événements qui pouvaient être interprétés comme ce signe annoncé par Jésus, dont la formulation expresse est tirée du Livre de Daniel (9,27; 11,31 ; 12,11), où il indique la profanation hellénistique du Temple. Cette expression symbolique empruntée à l'histoire d'Israël, en tant qu'annonce de l'avenir, autorisait différentes interprétations. Ainsi, le texte d'Eusèbe peut certainement se révéler raisonnable dans le sens, par exemple, que des membres éminents de la communauté paléochrétienne reconnurent « par une révélation » en un certain événement le signe annoncé et l'interprétèrent comme un ordre de se mettre immédiatement en fuite.

    Alexandre Mittelstaed fait remarquer qu'en l'été 66, à côté de Joseph ben Gorion, l'ex-grand prêtre Anne II fut choisi comme stratège pour conduire la guerre - cet Anne, qui peu auparavant, en 62 ap. J.-C., avait décrété la condamnation à mort du « frère du Seigneur », Jacques, chef de la communauté judéo-chrétienne (Lukas aïs Historiker, p. 68). Ce choix pouvait sans aucun doute être interprété par les judéo-chrétiens comme un signal pour le départ, même si cela ne peut, certes, constituer qu'une hypothèse parmi d'autres. La fuite des judéo-chrétiens montre, de toute façon, et encore une fois de manière évidente, le « non » des chrétiens à l'interprétation zélote du message biblique et de la figure de Jésus : leur espérance est d'une autre nature.


    Revenons au déroulement de la guerre juive. Vespasien, qui avait été chargé de l'opération par Néron, suspendit toutes les actions militaires, quand en 68 fut annoncée la mort de l'empereur. Après un bref intermède, Vespasien lui-même fut proclamé nouvel empereur, le 1er juillet 69. Il confia alors la charge de la conquête de Jérusalem à son fils Titus.

    Celui-ci, selon Flavius Josèphe, dut arriver devant la Ville sainte probablement au cours de la période des fêtes de la Pâque, le 14 du mois de Nisan, donc pour le 40e anniversaire de la crucifixion de Jésus. Des milliers de pèlerins affluaient à Jérusalem. Jean de Gishala, un des chefs de l'insurrection qui rivalisaient entre eux, fit pénétrer en cachette dans le Temple des combattants armés, déguisés en pèlerins, qui, là, commencèrent un massacre des partisans de son rival Eleazar ben Simon, souillant ainsi une fois encore le sanctuaire par le sang d'innocents (Mittelstaed, p. 72). Cela toutefois n'était qu'une première manifestation des cruautés inimaginables, qui par la suite se seraient développées avec une brutalité croissante, dans laquelle le fanatisme des uns et la fureur grandissante des autres se seraient stimulés réciproquement.


    Nous ne traiterons pas ici des détails de la conquête et de la destruction de la ville et du Temple. Il peut toutefois être utile de rapporter le texte, dans lequel Mittelstaed résume l'évolution terrible du drame : « La fin du Temple se déroula en trois étapes: d'abord il y a la suspension du sacrifice régulier, par laquelle le sanctuaire est réduit à une forteresse ; ensuite vient le fait de le livrer aux flammes qui, à son tour, se déroule en trois étapes... Et enfin, il y a le démantèlement des ruines après la chute de la ville. Les destructions décisives... ont lieu par le feu; les démantèlements qui suivent étaient désormais seulement une séquelle... Celui qui avait survécu et n'était pas mort, même à cause des famines ou des épidémies, avait comme perspective le cirque, la mine ou l'esclavage » (p. 84s.).

    Selon Flavius Josèphe, le nombre des morts se chiffrait à 1100000 (De bello lud. VI, 420). Orosius (Hist. adv. pag. VII,9,7) et, de même, Tacite (Hist. V,13) parlent de 600000 morts. Mittelstaed est de l'avis que ces chiffres sont exagérés et de façon réaliste on devrait supposer le nombre d'environ 80000 morts (p. 83). Celui qui lit tous les rapports et prend conscience du nombre d'homicides, de massacres, de saccages, d'incendies, de famines, de profanations de cadavres, et des destructions de l'environnement (déboisement total dans un rayon de 18 km autour de la ville), peut comprendre que Jésus - reprenant une parole du Livre de Daniel (12,1) - commente l'événement en disant: « En ces jours-là il y aura une tribulation telle qu'il n'y en a pas eu de pareille depuis le commencement de la création qu'a créée Dieu jusqu'à ce jour, et qu'il n'y en aura jamais plus » (Mc 13,19).

    En Daniel une promesse suit cette parole de menace: « En ce temps-là ton peuple échappera; tous ceux qui se trouveront inscrits dans le Livre » (12,1). Et aussi dans le discours de Jésus, l'horreur n'a pas le dernier mot : les jours seront abrégés et les élus sauvés. Dieu laisse une large mesure - immense selon notre impression - de liberté au mal et aux méchants ; malgré cela l'histoire ne lui échappe pas des mains.


    Dans tout ce drame, qui malheureusement est seulement un exemple de tant d'autres tragédies de l'histoire, il y a un événement central pour l'histoire du salut - événement qui signifie une coupure nette aux vastes conséquences aussi pour toute l'histoire des religions et, en général, pour celle de l'humanité : le 5 août de l'an 70, « à cause de la famine et du manque de matériel il fut nécessaire de suspendre le sacrifice quotidien dans le Temple » (Mittelstaed, p. 78).

    Il est vrai qu'après la destruction du Temple par Nabuchodonosor en 587 av. J.-C., le feu du sacrifice était resté éteint pendant environ soixante-dix ans et une seconde fois, entre les années 166 et 164 av. J.-C., sous la domination de l'helléniste Antiochus IV, le Temple avait été profané et le ministère sacrificiel au Dieu unique avait été remplacé par des sacrifices à Zeus. Mais dans les deux cas, le Temple était ressuscité et le culte prescrit par la Torah avait été repris.

    La destruction de l'an 70, au contraire, était définitive: les tentatives d'une reconstruction du Temple sous les empereurs Hadrien, durant l'insurrection de Bar Kochba (132-135 ap. J.-C.), et Julien (361) échouèrent. La révolte de Bar Kochba eut même comme conséquence qu'Hadrien interdit au peuple juif l'accès au territoire de Jérusalem et à ses environs. À la place de la Ville sainte l'empereur en construisit une nouvelle, qui ensuite fut appelée « Aelia Capitolina », où se célébrait le culte à Jupiter Capitolin. « Seul l'empereur Constantin, au rve siècle, permit aux Juifs de visiter la ville une fois par an pour l'anniversaire de la destruction de Jérusalem afin d'observer un deuil auprès du mur du Temple » (Gnilka, Nazarener, p. 72).


    Pour le judaïsme, la cessation du sacrifice, la destruction du temple dut être un choc terrible. Temple et sacrifice sont au centre de la Torah. Désormais il n'y avait plus aucune expiation dans le monde, rien qui puisse contrebalancer sa corruption croissante en conséquence du mal. Et encore: Dieu, qui sur ce Temple avait mis son nom et ensuite, de façon mystérieuse, habitait en lui, avait perdu maintenant ce qui était sa demeure sur la terre. Où était l'Alliance? Où était la promesse ?

    Une chose est claire alors : la Bible - l'Ancien Testament - devait être lue de manière nouvelle. Le judaïsme des Sadducéens, qui était totalement lié au Temple, n'a pas survécu à cette catastrophe, et Qumran aussi, qui pourtant était en opposition avec le temple hérodien, mais attendait un temple nouveau, a disparu de l'histoire. Il existe deux réponses à cette situation - deux manières de lire l'Ancien Testament après l'année 70 sous un éclairage nouveau: la lecture à la lumière du Christ, sur la base des prophètes, et la lecture rabbinique.

Des courants existant au temps de Jésus dans le judaïsme, seul a survécu le pharisaïsme qui a trouvé dans l'école rabbinique de Jamnia un nouveau centre et qui a élaboré, à une époque désormais privée du Temple, une manière particulière de lire et d'interpréter l'Ancien Testament avec la Torah pour centre. C'est seulement à partir de ce moment que l'on parle de « judaïsme » au sens propre du terme, en tant que moyen d'étudier et de lire le canon des écrits bibliques comme révélation de Dieu sans le monde concret du culte dans le Temple. Ce culte n'existe plus. De ce point de vue, la foi même d'Israël, après l'an 70 a pris une nouvelle forme.

    Après des siècles d'opposition, nous nous reconnaissons le devoir de faire en sorte que ces deux manières de faire une nouvelle lecture des écrits bibliques - celle des chrétiens et celle des juifs - entrent en dialogue entre elles, pour comprendre correctement la volonté et la parole de Dieu.


    De manière rétrospective, Grégoire de Nazianze († 390 environ) a tenté d'établir, à partir de la fin du Temple de Jérusalem, une espèce de découpage en périodes de l'histoire de la religion. Il parle de la patience de Dieu, qui n'impose à l'homme rien d'incompréhensible : Dieu agit comme un bon pédagogue ou comme un médecin. Lentement, il abolit certains usages, il en tolère d'autres et ainsi il entraîne l'homme à faire des progrès. « II n'est pas facile de changer les usages établis, respectés depuis très longtemps... Qu'est-ce que je veux dire par là ? Le premier Testament supprimait les idoles mais tolérait les sacrifices. Le second mettait fin aux sacrifices mais n'interdisait pas la circoncision. Une fois acceptée l'abolition [de ces usages], [les hommes] renonçaient à ce qui était seulement toléré » (cité par Barbel, p. 261/263). Selon la vision du Père de l'Église, même les sacrifices, pourtant prévus par la Torah, apparaissent comme une chose seulement tolérée - comme une étape sur le parcours vers le juste culte — comme quelque chose de provisoire qui, en cours de route, devait être dépassé et que le Christ a dépassé.


    Mais alors se pose avec force cette question: comment Jésus lui-même a-t-il vécu tout cela? Et comment a-t-il été compris par les chrétiens ? Nous ne voulons pas ici examiner dans quelle mesure le discours eschatologique de Jésus dans ses détails mêmes correspond à ses propres paroles. Qu'il ait annoncé à l'avance la fin du Temple - et précisément sa fin théologique, historico-salvifique -, cela ne fait pas de doute. Nous en avons confirmation, à côté du discours eschatologique, surtout par la parole concernant la maison laissée déserte, dont nous sommes partis (cf. Mt 23,37s. ; Lc 13,34), et par la parole concernant les faux témoins pendant le procès de Jésus (cf. Mt 26,61 ; 27,40; Mc 14,58; 15,29; Ac 6,14), que l'on retrouve au pied de la Croix comme une parole de dérision et qui est rapportée par Jean comme parole de Jésus lui-même, dans la version exacte (cf. 2,19).
    Jésus avait aimé le Temple, comme propriété du Père (cf. Lc 2,49) et il y avait enseigné volontiers. Il en avait pris la défense comme maison de prière pour toutes les nations et il avait cherché à le préparer pour ce but. Mais il savait aussi que le temps de ce Temple était passé et que quelque chose de nouveau devait arriver, quelque chose qui était en lien avec sa mort et sa Résurrection.

    L'Église naissante allait mettre ensemble et lire ensemble ces fragments en grande partie mystérieux des paroles de Jésus - ses affirmations sur le Temple et surtout celles concernant sa Croix et sa Résurrection -, pour finalement arriver à reconnaître en ces fragments tout l'ensemble de ce que Jésus avait voulu exprimer. Ce n'était en aucune manière une tâche facile, mais cela fut entrepris à partir de la Pentecôte, et nous pouvons dire que dans la théologie paulinienne tous les éléments essentiels de la nouvelle synthèse avaient été trouvés avant même la fin matérielle du Temple.


    À propos du rapport de la communauté primitive avec le Temple, les Actes des Apôtres nous disent que « jour après jour, d'un seul cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple et rompaient le pain dans leurs maisons, prenant leur nourriture avec allégresse et simplicité de cœur » (2,46). Deux lieux de vie de l'Église naissante sont ainsi mentionnés : pour la prédication et la prière, elle se réunit dans le Temple, qui continue d'être considéré et accepté comme la maison de la Parole de Dieu et de la prière ; mais la fraction du pain — le nouveau centre « cultuel » de l'existence des fidèles - se déroule, par contre, dans les maisons comme lieux de l'assemblée et de la communion grâce au Seigneur ressuscité.

    Même si l'on n'a pas encore pris explicitement ses distances par rapport aux sacrifices prescrits par la Loi, une distinction essentielle est toutefois désormais perceptible. Ce qui jusqu'alors avait été les sacrifices, est remplacé par la « fraction du pain ». Sous cette simple expression, toutefois, se cache l'allusion à l'héritage de la dernière Cène, à la communion au Corps du Seigneur - à sa mort et à sa Résurrection.


    Pour la nouvelle synthèse théologique, qui voit comme accomplie la fin historico-salvifique du Temple, avant même sa destruction matérielle, dans la mort et la Résurrection de Jésus, se détachent deux grands noms: Étienne et Paul.

    Étienne, dans la communauté primitive de Jérusalem, appartient au groupe des « hellénistes », un groupe de judéo-chrétiens de langue grecque qui, dans leur nouvelle manière d'interpréter la Loi, préparent le christianisme paulinien. Le grand discours par lequel Étienne, selon le récit des Actes des Apôtres, cherche à présenter sa nouvelle vision de l'histoire du salut, est interrompu au point décisif. La colère de ses adversaires est déjà arrivée à son comble et se déchaîne par la lapidation de l'annonciateur. Mais le véritable motif du désaccord est exprimé avec une absolue clarté dans l'exposé de l'accusation présentée devant le Sanhédrin: « Nous l'avons entendu dire que Jésus, ce Nazôréen, détruira ce Lieu-ci et changera les usages que Moïse nous a légués » (Ac 6,14). Il s'agit là de la parole de Jésus concernant la fin du Temple de pierre et le nouveau Temple, complètement différent - parole qu'Étienne a faite sienne et que, de toute évidence, il a mise au centre de sa prédication.

    Même si nous ne pouvons pas reconstituer dans ses détails la vision théologique de saint Étienne, le point essentiel est toutefois clair: l'époque du Temple de pierre, avec son culte sacrificiel, est terminée. Dieu lui-même n'a-t-il pas dit en effet: « Le ciel est mon trône et la terre l'escabeau de mes pieds : quelle maison me bâtirez-vous, et quel sera le lieu de mon repos ? N'est-ce pas ma main qui a fait tout cela? » (Ac 7,47 ; cf. Is 66,1s.).

    Étienne connaît la critique faite au culte par les prophètes. À ses yeux, avec Jésus, la période du sacrifice dans le Temple est passée et de ce fait également l'époque du Temple lui-même; désormais les paroles du prophète prennent toute leur raison d'être. Quelque chose de nouveau commence, où s'accomplit ce qui, en réalité, est à l'origine de tout.


    La vie et le message de saint Étienne sont restés comme un fragment s'interrompant brusquement avec la lapidation qui, en même temps, porte sa vie et son message à leur achèvement: dans sa Passion, il est devenu un avec le Christ. Son procès comme sa mort ressemblent à la Passion de Jésus. Comme le Seigneur crucifié, il prie lui aussi: « Seigneur, ne leur impute pas ce péché » (Ac 7,60). Il revenait à un autre de compléter la vision théologique et d'édifier sur cette base l'Église des Gentils : à Paul qui, en tant que Saul avait approuvé la mise à mort d'Étienne (cf. Ac 8,1).

    Il n'entre pas dans l'objectif de ce livre de tracer les lignes fondamentales de la théologie de Paul ou même seulement de sa conception du culte et du Temple. Il s'agit ici simplement de souligner que le christianisme naissant, bien avant la destruction matérielle du Temple, était convaincu que le rôle de celui-ci dans l'histoire du salut était arrivé à son terme - comme Jésus l'avait prédit par sa parole sur « la maison laissée déserte » et par son discours sur le nouveau Temple.

    Le grand combat de saint Paul pour l'édification de l'Église des Gentils, du christianisme « libéré de la Loi », ne se réfère pas, à vrai dire, au Temple. Sa controverse avec les différents groupes du judéo-christianisme tourne autour des « usages » fondamentaux, où s'exprimait l'identité judaïque: la circoncision, le sabbat, les prescriptions alimentaires et les normes sur le pur et l'impur. Alors que sur cette question de la nécessité de ces « usages ».pour le salut s'est déclenchée une bataille dramatique y compris parmi les chrétiens - bataille qui, à la fin, conduisit à l'arrestation de l'Apôtre à Jérusalem -, étrangement on ne trouve nulle part trace d'un conflit portant sur le Temple et sur la nécessité de ses sacrifices, et cela malgré le fait que, selon le récit des Actes des Apôtres, « une multitude de prêtres obéissaient à la foi » (Ac 6,7).

    Paul, cependant, n'a pas négligé ce problème. Bien au contraire, le centre de son enseignement est le message que, dans la Croix du Christ, tous les sacrifices sont amenés à leur achèvement, et qu'en lui s'est accomplie l'intention de tous les sacrifices - l'expiation - et qu'ainsi Jésus lui-même a pris la place du Temple. Il est, lui, le nouveau Temple.


    Une simple allusion suffit. Le texte le plus important se trouve dans la Lettre aux Romains 3,23s. : « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu - et ils sont justifiés par la faveur de sa grâce en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus : Dieu l'a exposé, instrument de propitiation par son propre sang moyennant la foi ; il voulait montrer sa justice, du fait qu'il avait passé condamnation sur le péché commis jadis. »

   
Le mot traduit ici par « instrument d'expiation », en grec se dit « hilastèrion », et en hébreu « kapporet ». C'est ainsi que s'appelait le propitiatoire de l'Arche de l'Alliance. C'est le lieu sur lequel, dans une nuée, apparaît YHWH, le lieu de la mystérieuse présence de Dieu. Au jour de l'expiation — le Yom kippour (cf. Lv 16) - ce lieu sacré est aspergé du sang du taureau immolé comme victime d'expiation, « dont la vie est ainsi offerte à Dieu à la place de celle des hommes pécheurs qui méritent la mort » (Wilckens II/l, p. 235). L'idée de fond est que le sang du sacrifice, dans lequel tous les péchés des hommes ont été absorbés, est purifié en touchant la divinité même, et qu'ainsi, par ce contact avec Dieu, les hommes représentés par ce sang sont aussi rendus purs : c'est une pensée qui, dans sa grandeur comme dans sa faiblesse, est émouvante, mais elle ne pouvait pas demeurer la parole ultime de l'histoire de la religion, ni être la parole ultime dans l'histoire de la foi d'Israël.

    Si Paul applique à Jésus le mot « hilastèrion », le désignant ainsi comme le propitiatoire de l'Arche de l'Alliance et donc comme le lieu de la présence du Dieu vivant, alors toute la théologie vétérotestamentaire du culte (et avec elle les théologies du culte de toute l'histoire de la religion) est « abolie » et, en même temps, élevée à une hauteur complètement nouvelle. Jésus lui-même est la présence du Dieu vivant. En lui se touchent Dieu et l'homme, Dieu et le monde. En lui se réalise ce que le rite du Jour de l'expiation voulait exprimer: dans le don de lui-même sur la Croix, Jésus dépose, pour ainsi dire, tout le péché du monde dans l'amour de Dieu et le fait fondre en lui. S'approcher de la Croix, entrer en communion avec le Christ signifie entrer dans l'espace de la transformation et de l'expiation.

    Il nous est difficile, aujourd'hui, de comprendre tout cela; dans la réflexion concernant la dernière Cène et la mort de Jésus en Croix, nous devrons revenir longuement sur cela pour nous efforcer de comprendre. Ici, il s'agissait simplement de montrer que Paul a déjà prévu l'abolition complète du Temple et introduit sa théologie sacrificielle dans la christologie. Pour Paul, par la crucifixion du Christ, le Temple avec son culte est « démoli » ; à sa place se tient maintenant l'Arche de l'Alliance vivante du Christ crucifié et ressuscité. Si, avec Ulrich Wilckens, nous pouvons supposer que le passage de Romains 3,25 est une « formule de la foi des judéo-chrétiens » (1/3, p. 182), alors nous voyons combien cette conviction a mûri tôt dans la chrétienté - elle était convaincue de cela depuis le début : le Ressuscité est le nouveau Temple, le vrai lieu de contact entre Dieu et l'homme. C'est pourquoi Wilckens peut dire encore avec raison : « II est probable que depuis le début les chrétiens n'ont tout simplement pas participé au culte du Temple... C'est pourquoi la destruction du Temple en l'an 70 ne fut pas pour eux un problème religieux » (II/l, p. 31).

    Ainsi il apparaît en même temps évident que la grande vision théologique de la Lettre aux Hébreux ne fait que développer dans le détail ce qui est déjà exprimé, en germe, en saint Paul et que Paul lui-même à son tour avait déjà trouvé comme contenu essentiel dans la tradition préexistante de l'Église. Nous verrons plus loin que, à sa manière, la prière sacerdotale de Jésus réinterprète dans le même sens le déroulement du grand Jour de l'expiation et donc le centre de la théologie vétérotestamentaire de la rédemption, considérant qu'elle est accomplie dans la Croix.

Le TOME I Benoît XVI

Le TOME II Benoît XVI


 

Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -  E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 16.01.2023

 
 

 » Sélection des derniers articles  
page précédente haut de page page suivante