Ah ! Quelle belle chose que l’Église catholique
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Rome, le 14 août 2007 -
(E.S.M.) -
En cette fin de vacances, quelques souvenirs de Mgr Léonard, extrait de
"Catholique...que du bonheur", par Henry Haas et Mgr A.-M. Léonard,
Paris, Sarment, Éditions du Jubilé, 2007, pp. 13-17
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Mgr A.-M. LEONARD,
évêque de Namur
L’ÉGLISE, DES FRÈRES ET SOEURS TOUS ENSEMBLE
Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai mémoire de l’Église catholique
comme d’une famille. Il y avait tout d’abord, bien sûr, ma famille
naturelle, avec ma mère, ses parents vivant sous le même toit et mes trois
frères aînés (je n’ai pas connu mon père, mort à la guerre quand j’avais 10
jours). Et puis les oncles et tantes et la multitude des cousins et
cousines. Dans tout ce petit monde, la foi chrétienne et la fréquentation de
l’église jouaient un rôle important quoique sans aucune surchauffe. Si bien
que, avant même de savoir que j’étais Belge, j’ai su et senti par tous les
pores de mon être que j’étais chrétien catholique. Eussions-nous été tentés
de l’oublier, de suaves cantiques nous le rappelaient lors des saluts au
Saint-Sacrement et des missions paroissiales : « Je suis chrétien, voilà ma
gloire, mon espérance et mon soutien , mon chant d’amour et de victoire : je
suis chrétien, je suis chrétien !» ; ou encore : « Le monde sait les luttes
héroïques que pour la foi soutenaient nos aïeux ; pour mériter le nom de
catholiques jusqu’à la mort nous lutterons comme eux ».
C’est même dans ce contexte que, pour la première fois, j’entendis parler de
la Belgique avec un certain lyrisme, car les Français qui liront ce livre
doivent savoir que nous, Belges, sommes un petit pays qui a beaucoup de
défauts, mais, parmi ses réelles qualités, en possède une qu’il est
d’ailleurs disposé à exporter, à savoir l’absence totale de chauvinisme. A
priori nous pensons, en Belgique, que, par principe, ce qui n’est pas belge
doit être meilleur que ce qui est belge. Quand donc j’entendais chanter : «
Sur la Belgique, étends ta main bénie ; pour son bonheur nos vœux montent
vers toi », l’enfant que j’étais trouvait étonnant que la Sainte Vierge
passât son temps à étendre la main sur un pays si minuscule. En effet, je
m’en souviens avec précision, quand j’avais à peine plus de trois ans, mes
frères aînés et ma mère me montraient sur une carte tous les pays d’Europe
et m’apprenaient à en répéter, de mémoire, les noms et ceux de leurs
capitales respectives. La France et Paris, l’Angleterre et Londres, avec
passion ! L’Allemagne et Berlin, à l’époque, avec résignation… C’est ainsi
que j’appris l’emplacement, fort modeste, de la petite Belgique. Plus tard
seulement, on me parla des apparitions de Marie à Beauraing et à Banneux, et
je compris que le cantique ne péchait pas par orgueil national déplacé : «
Sur la Belgique, étends ta main bénie… »
Toujours est-il que la première famille que j’appris à connaître au-delà du
cercle de la maison paternelle fut l’Église et, à partir d’elle et bien plus
tard seulement, la famille nationale et enfin celle de l’univers entier sur
laquelle l’Église ouvre si naturellement de par sa catholicité, de par son
universalité.
Car l’Église est une merveilleuse multinationale. Les multinationales n’ont
pas souvent bonne réputation, même si nous sommes nombreux à recourir à
leurs services. Elles cherchent le profit, ce qui en soi est un objectif
indispensable pour une entreprise soucieuse de se développer, mais parfois
au détriment des populations locales dont elles usent ou abusent.
L’Église
catholique, elle, est la multinationale de l’amour et de la fraternité. Et
pas de la fraternité conçue comme une abstraction, mais de la fraternité qui
vient concrètement de ce que, tous ensemble, nous sommes les fils et les
filles d’un même Père.
Quand j’étais enfant et accompagnais ma mère et mes frères à la messe
dominicale ou, durant les mois privilégiés de mai (Marie !), juin
(Sacré-Cœur !) et octobre (Rosaire !), quand je participais, en semaine, au
salut au Saint-Sacrement, j’étais déjà touché par l’unanimité qui régnait
dans la prière et le chant ainsi que par la bonne humeur dans les échanges
entre les fidèles à la sortie. Certes, je trouvais parfois la grand-messe un
peu longue et j’avais mes petits points de repère, dans le chant grégorien
de l’ordinaire, qui m’indiquaient quand la fin était proche. Mais, pour le
reste, quelle splendide famille ! Ah ! Noël et Pâques, et les autres grandes
fêtes de l’année, spécialement la Toussaint et le Jour des morts, que de
belles émotions portant vers le haut, quelle communion des cœurs puisée à la
meilleure des sources ! Et les missions paroissiales ! Tous les soirs, une
église bourrée à craquer pour écouter les prédications assurées par « des
Pères » (Jésuites ou Oblats) et débouchant sur d’intenses moments de prière
commune ! On avait beau être de pauvres pécheurs (cela nous était rappelé
avec quelque insistance à l’époque, mais jamais avec exagération), nous nous
sentions tous beaucoup meilleurs après quelques bons exercices de piété et
une solide confession…
Aujourd’hui encore, 50 ou 60 ans plus tard, dans un contexte fort différent,
marqué par tant de laisser-aller et de divisions internes, je me dis bien
souvent, après la messe chrismale ou celle des ordinations sacerdotales ou,
plus modestement, après la plupart des célébrations, souvent très soignées,
de la confirmation : « Eh bien ! les frères et sœurs chrétiens rassemblés
ici ont peut-être vécu aujourd’hui leur plus beau rassemblement de l’année,
riche en humanité, accueillant au don de Dieu, fraternel à souhait ! » C’est
si vrai que, souvent, à la sortie, des « fidèles », pas toujours très
fidèles à la pratique dominicale, prennent la peine de remercier pour cette
célébration qui, de leur propre aveu, leur a fait le plus grand bien.
Je sais bien que nombre de jeunes trouvent géniale l’ambiance des
discothèques parce que, à certains moments, on n’y fait plus qu’un dans la
communion quasi physique aux mêmes vibrations sonores envoûtantes. Mais ils
savent aussi bien que nous que les retombées négatives sont légion :
l’initiation à la drogue, l’avachissement dans l’alcool, la destruction de
l’ouïe, la drague irresponsable et les accidents mortels au retour. Les
grands rassemblements catholiques de jeunes, par contre, apportent joie,
communion, vibration commune, fraternité vécue, sans effets secondaires
(sauf si on l’a vraiment cherché !).
Je sais aussi que beaucoup d’adultes se passionnent pour le sport. Je veux
dire le sport pratiqué, non pas sur un terrain, mais dans les gradins d’un
stade ou devant l’écran de télévision, avec force chips, fromage et bière à
l’appui, afin de garantir la sveltesse athlétique… Je n’ai évidemment rien
contre. Mais les supporters de vedettes et de clubs sportifs reconnaissent
aussi, la mort dans l’âme, que leurs passions légitimes se déchaînent
souvent, à partir d’un certain niveau de compétition, sur fond de dopage, de
commerce de drogues, de magouilles financières, de matchs truqués et, dans
le cas de grandes manifestations internationales de football, de
prostitution organisée. Phénomènes nettement moins présents quand des foules
immenses se rassemblent, dans une communion extraordinaire des cœurs, pour
la mort d’un pape ou l’entrée en fonction de son successeur ou lors des
déplacements du pape à travers le monde…
À la messe finale des Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris, en 1997,
j’avais, à quelques mètres de moi, l’évêque d’Autun de l’époque, Monseigneur
Raymond Séguy, aujourd’hui retraité. Aux moments où, dans une communion de
joie indescriptible, ce gros million de jeunes exultaient d’un même cœur,
j’entendais mon confrère, avec son délicieux accent d’Ardèche, s’écrier,
toute mitre dehors, à plusieurs reprises : « Ah ! Quelle belle chose que l’Église
catholique ! » Et moi, quoique de manière légèrement moins expansive, je
ratifiais avec bonheur : oui, quelle belle chose que l’Église, où frères et
sœurs sont ensemble !
"Voyez ! Qu’il est bon, qu’il est doux d’habiter en frères tous ensemble !
C’est une huile excellente sur la tête, qui descend sur la barbe,
Qui descend sur la barbe d’Aaron, sur le col de ses tuniques.
C’est la rosée de l’Hermon qui descendrait sur les hauteurs de Sion,
Car le Seigneur y a voulu la bénédiction, la vie à jamais."
(Psaume 132/133)
Mgr A.-M. LEONARD,
évêque de Namur
Sources: Évêché de
Namur
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E.S.M.
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Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.08.2007 - BENOÎT XVI -
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