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Benoît XVI : Musique et liturgie
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Le 14
juillet 2023 -
E.S.M.
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Le pape Benoît XVI, grand amateur de belle musique décrivait
la musique aussi grande que celle née au sein de la foi chrétienne :
de Palestrina, de Bach, de Haendel à Mozart, à Beethoven et à
Bruckner. La musique occidentale est quelque chose d'unique, sans
équivalent dans les autres cultures. Cela doit nous faire réfléchir.
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Benoît XVI -
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Benoît XVI :
Musique et liturgie1
Éminence, MM. Les Recteurs, MM. Les Professeurs, Mesdames et Messieurs,
En cet instant, je ne peux qu'exprimer mes plus grands et cordiaux
remerciements pour l'honneur que vous m'avez fait en me conférant le
doctorat honoris causa. Je remercie le Grand Chancelier, son Eminence le
cher Cardinal Stanislaw Dziwisz, et les autorités académiques des deux
universités. Je me réjouis surtout du fait que, de cette manière, mon lien
avec la Pologne, avec Cracovie, avec la patrie de notre grand saint
Jean-Paul II, est devenu encore plus profond. Car sans lui, mon parcours
spirituel et théologique n'est même pas imaginable. Par son exemple vivant,
il nous a également montré comment nous pouvons vivre à la fois la joie de
la grande musique sacrée et la tâche de la participation commune à la sainte
liturgie, la joie solennelle et la simplicité de l'humble célébration de la
foi.
Dans les années postconciliaires, une polémique ancienne sur ce sujet a été
ravivée avec une passion renouvelée. J'ai moi-même grandi dans la région de
Salzbourg, marquée par la grande tradition de cette ville. Il va de soi que
les messes festives accompagnées de chœur et d'orchestre faisaient partie
intégrante de notre expérience de la foi dans la célébration de la liturgie.
Reste gravée dans ma mémoire de manière indélébile la façon dont, par
exemple, dès que les premières notes de la Messe du Couronnement de Mozart
retentissaient, les cieux s'ouvraient presque et la présence du Seigneur se
faisait ressentir très profondément. Mais à côté de cela, la nouvelle
réalité du mouvement liturgique était déjà présente, notamment à travers
l'un de nos aumôniers qui devint plus tard adjoint puis recteur du grand
séminaire de Freising. Pendant mes études à Munich ensuite, très
concrètement, je suis entré de plus en plus dans l'esprit du mouvement
liturgique à travers les cours du professeur Joseph Pascher, l'un des
experts liturgiques les plus marquants du Concile, et surtout à travers la
vie liturgique de la communauté du séminaire. Ainsi, peu à peu, la tension
entre la participatio actuosa à la liturgie recommandée par le concile et la
musique solennelle qui enveloppait l'action sacrée est devenue perceptible,
même si je ne la percevais pas encore aussi fortement.
Dans la Constitution sur la Liturgie du Concile Vatican II, il est écrit
très clairement : « Le patrimoine de la
musique sacrée doit être conservé et augmenté avec grand soin » (n° 114).
D'autre part, le texte met en évidence, comme catégorie liturgique
fondamentale, la participatio actuosa de tous les fidèles à l'action sacrée.
Ce qui, dans la Constitution, coexistait encore paisiblement s'est souvent
trouvé, plus tard, lors de la réception du Concile, dans une relation de
tension dramatique. Les cercles influents du mouvement liturgique pensaient
que les grandes œuvres chorales - et surtout les messes pour orchestre -,
étaient destinées à l'avenir aux seules salles de concert et non à la
liturgie. Là, il ne pouvait y avoir de place que pour le chant et la prière
commune des fidèles. D'autre part, on craignait l'appauvrissement culturel
de l'Église qui s'ensuivrait nécessairement. Comment concilier les deux ?
Comment mettre en œuvre le Concile dans son intégralité ? Ce sont les
questions auxquelles j'ai été confronté, tout comme de nombreux autres
croyants, aussi bien des gens simples que des personnes ayant une formation
théologique.
À ce stade, il est peut-être légitime de poser la question fondamentale :
qu'est-ce que la musique en réalité ? D'où vient-elle et à quoi
aspire-t-elle ?
Je pense que l'on peut situer trois « lieux » d'où jaillit la musique.
L'expérience de l'amour est l'un de ses balbutiements. Lorsque les hommes
ont été saisis par l'amour, s'est ouverte à eux une autre dimension de
l'être, une nouvelle grandeur et une ampleur inédite de la réalité. Et cela
les a également
incités à s'exprimer d'une manière nouvelle. La poésie, le chant et la
musique en général sont nés de cette prise de conscience, de cette ouverture
à une nouvelle dimension de la vie.
Une deuxième origine de la musique est l'expérience de la tristesse, le fait
d'être touché par la mort, la douleur et les abîmes de l'existence. Là
aussi, dans un registre opposé, s'ouvrent de nouvelles dimensions de la
réalité, auxquelles le discours, seul, ne peut plus répondre.
Enfin, le troisième lieu d'origine de la musique est la rencontre avec le
divin, qui fait partie dès l'origine de ce qui définit l'humain. À plus
forte raison, c'est ici qu'est présent le Tout-Autre, celui dont la grandeur
est sans limite, qui suscite en l'homme de nouveaux modes d'expression.
Peut-être est-il possible de dire qu'en réalité, même dans les deux autres
domaines, l'amour et la mort, c'est le mystère divin qui nous touche et,
qu'en ce sens, c'est le fait d'être touché par Dieu qui constitue l'origine
de la musique dans son ensemble. Je trouve émouvant d'observer comment dans
les psaumes, par exemple, le chant lui-même ne suffit plus aux hommes, et
qu'on fait alors appel à tous les instruments. On vient réveiller la musique
cachée de la Création, son langage mystérieux. Avec le Psautier, dans lequel
opèrent également les deux motifs de l'amour et de la mort, nous nous
trouvons directement à l'origine de la musique de l'Eglise de Dieu. On peut
dire que la qualité de la musique dépend de la pureté et de la grandeur de
la rencontre avec le divin,
avec l'expérience de l'amour et de la douleur. Plus cette expérience est
pure et vraie, plus la musique qui en découle et se développe sera pure et
grande.
À ce stade, je voudrais exprimer une pensée qui me saisit
de plus en plus ces derniers temps, d'autant plus que les différentes
cultures et religions entrent en relation les unes avec les autres. Dans les
différentes cultures et religions, on trouve une grande littérature, une
grande architecture, une grande peinture et une grande sculpture. Et
partout, il y a aussi de la musique. Et pourtant, il n'existe dans aucune
autre sphère culturelle une musique aussi grande que celle née au sein de la
foi chrétienne : de Palestrina, de Bach, de Haendel à Mozart, à Beethoven et
à Bruckner. La musique occidentale est quelque chose d'unique, sans
équivalent dans les autres cultures. Cela doit nous faire réfléchir.
Certes, la musique occidentale va bien au-delà de la sphère religieuse et
ecclésiale. Et pourtant, elle trouve toujours sa source la plus profonde
dans la liturgie, dans la rencontre avec Dieu. Chez Bach, pour qui
la gloire
de Dieu est le but ultime de toute musique, cela est tout à fait évident. La
réponse grande et pure de la musique occidentale s'est développée dans la
rencontre avec ce Dieu qui, dans la liturgie, se rend présent à nous en
Jésus-Christ. Cette musique, confie Benoit XVI, est pour moi, une
démonstration de la vérité du christianisme. Là où peut se développer une
telle réponse, c'est qu'il y a eu une rencontre avec la vérité, avec le
véritable Créateur du monde. C'est pourquoi
la grande musique sacrée est une réalité de rang théologique et de
signification permanente pour la foi de toute la chrétienté, même s'il n'est
nullement nécessaire qu'elle soit jouée toujours et partout. Mais, d'autre
part, il est également clair qu'elle ne peut pas disparaître de la liturgie
et que sa présence peut être une manière très particulière de participer à
la célébration sacrée, au mystère de la foi.
Si nous pensons à la liturgie célébrée par saint Jean-Paul II sur tous les
continents, nous voyons toute l'étendue des possibilités d'expression de la
foi dans l'événement liturgique ; et nous voyons aussi comment la grande
musique de la tradition occidentale n'est pas étrangère à la liturgie, mais
qu'elle est née et a grandi à partir d'elle et, de cette façon, contribue
toujours à la façonner. Nous ne connaissons pas l'avenir de notre culture ni
de notre musique sacrée. Mais une chose est claire : là où commence
réellement la rencontre avec le Dieu vivant qui vient à nous dans le Christ,
là aussi naît et grandit à nouveau la réponse, dont la beauté vient de la
vérité elle-même.
Le travail des deux universités qui me confèrent ce titre de docteur honoris
causa est une contribution essentielle pour que le grand don de la musique
issu de la tradition de la foi chrétienne reste vivant et contribue à ce que
la force créatrice de la foi ne s'éteigne pas à l'avenir. Pour cela, je vous
remercie tous du fond du cœur, non seulement pour l'honneur que vous m'avez
réservé, mais aussi pour tout le travail que vous faites au service de la
beauté de la foi. Que le Seigneur vous bénisse tous.
1 Remerciement de Benoît XVI à l'occasion de la remise d'un doctorat honoris
causa par l'université pontificale Jean-Paul II de Cracovie et de l'Académie
de musique de Cracovie. Castelgandolfo, 4 juillet 2015.
La théologie de la liturgie2
« Nihil Operi Dei praeponatur, que rien ne vienne avant le culte de Dieu. »
Par ces mots, saint Benoît, dans sa Règle (43,3), établit la priorité
absolue du culte divin sur toute autre tâche de la vie monastique. Ceci,
même dans la vie monastique, n'était pas immédiatement évident, car le
travail agricole et l'étude étaient également des tâches essentielles pour
les moines. Dans l'agriculture, comme dans l'artisanat et la formation, il
peut certainement y avoir des urgences temporelles qui peuvent être plus
importantes que la liturgie. Face à tout cela, Benoît, avec la priorité
accordée à la liturgie, souligne sans équivoque la priorité de Dieu lui-même
dans nos vies : « À l'heure de l'office divin, dès que vous entendez le
signal, laissez tout ce que vous avez entre les mains et allez-y avec le
plus grand soin » (43,1).
Dans les mentalités contemporaines, les choses de Dieu, et avec
elles la liturgie, ne semblent pas du tout urgentes. Il y a urgence pour
tout. La chose de Dieu, elle, ne semble jamais être urgente. On pourrait
dire que la vie monastique est différente de la vie des hommes dans le
monde, et c'est certainement vrai. Et pourtant, la priorité de Dieu, que
nous avons oubliée, s'applique à tous. Si Dieu n'est plus important, les
critères de ce qui est important sont déplacés. L'homme, en mettant Dieu de
côté, se soumet à des contraintes qui le rendent esclave des forces
matérielles et s'opposent ainsi à sa dignité.
Dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, j'ai
pris conscience de la priorité de Dieu et de la divine liturgie.
Le malentendu sur la réforme liturgique, très répandu
dans l'Église catholique, a conduit à mettre de plus en plus l'accent sur
les aspects d'éducation, d'activité personnelle et de créativité. L'action
des hommes a presque fait oublier la présence de Dieu. Dans une telle
situation, il est devenu de plus en plus évident que l'existence de l'Église
vit de la juste célébration de la liturgie, et que l'Église est en danger
lorsque la primauté de Dieu n'apparaît plus dans la liturgie et donc dans la
vie. La cause la plus profonde de la crise qui a secoué l'Eglise réside dans
l'occultation de la priorité de Dieu dans la liturgie.
Cela m'a conduit à me consacrer à la liturgie de manière plus importante que
par le passé, car je savais que le véritable renouveau de la liturgie est
une condition fondamentale du renouveau de l'Église. C'est sur la
base de cette conviction que sont nées les études rassemblées dans le
présent volume XI des Opéra Omnia. Mais au fond, malgré toutes les
différences, l'essence de la liturgie en Orient et en Occident reste la
même. J'espère donc que ce livre pourra également aider les chrétiens de
Russie à comprendre d'une manière nouvelle et meilleure le grand cadeau qui
nous est fait dans la Sainte Liturgie.
2 Préface à l'édition en langue russe du volume XI, Théologie de la
liturgie, des Opera, Omnia de Joseph Ratzinger - Benoît XVI. Le texte a été
achevé le 11 juillet 2015, jour de la fête de saint Benoît.
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Sources : Extraits du Testament spirituel de Benoit XVI -
E.S.M.
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(E.S.M.) 14.07.2023
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