Benoît XVI aux Etats Unis, comment il façonnera
l'actualité |
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Le 14 avril 2008 -
(E.S.M.)
- Lors de sa visite aux États-Unis, le Pape Benoît XVI commettra
une bévue remarquable qui prendra tout le monde par surprise, qui
nécessitera de nombreuses explications — et qui modifiera la sagesse
conventionnelle sur un point important.
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Le pape
Benoît XVI lors de son voyage en Allemagne en septembre 2006 - Pour
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La logique des bévues:
comment Benoît XVI façonne l'actualité
par Père Raymond J. de Souza
National Catholic Register
13-19 avril 2008
NEW YORK — Lors de sa visite aux États-Unis, le Pape Benoît XVI commettra
une bévue remarquable qui prendra tout le monde par surprise, qui
nécessitera de nombreuses explications — et qui modifiera la sagesse
conventionnelle sur un point important.
Verrons-nous une version américaine d'Auschwitz, où le Saint Père a provoqué
la colère de certains groupes juifs en déclarant que les Nazis cherchaient à
détruire le Christianisme en même temps que sa source, le Judaïsme?
Ou encore verrons-nous une version de
Regensburg, quand des foules musulmanes se répandirent en émeutes à
travers le monde en réaction à la mention, par Benoît XVI, des critiques
faites par un empereur byzantin médiéval contre l'Islam?
Ou verrons-nous une version américaine d'Aparecida,
quand des groupements autochtones ont critiqué Benoît XVI pour avoir
déclaré, au Brésil, que le Christianisme n'est pas une imposition étrangère
faite aux peuples autochtones précolombiens?
Dans chacun de ces cas, le voyage du Pape a explosé de façon inattendue dans
les médias et les porte-parole du Vatican sont apparus pour clarifier les
propos du Saint Père afin d'assurer ce qu'il voulait dire et ce qu'il ne
voulait pas dire.
Une opinion générale voudrait que Benoît XVI, qui fut un professeur
d'université, commette des bévues en utilisant un langage qui demanderait à
la fois des nuances et une remise en contexte, et que sa complexité entraîne
parfois des interprétations erronées qui sabotent son message. C'est là une
possibilité.
Je soutiens plutôt un autre point de vue: celui que Benoît XVI désire
justement le fracas consécutif à ses propos, qui a pour effet de fixer
l'attention sur le point majeur qu'il met de l'avant.
John Allen, un journaliste exceptionnellement perspicace spécialisé dans les
affaires vaticanes, a dit du "paradoxe de communication" de Benoît XVI: "Ceux
qui connaissent la pensée de Benoît XVI souffrent parfois de voir
ses réflexions d'une intelligence prudemment raisonnée
chavirer dans le monde de l'opinion publique par suite d'une
expression fourvoyée offrant une évidente interprétation erronée qui aurait,
la plupart du temps, pu être présentée différemment sans perte de sens."
Pourtant, le Saint Père déclenche de telles explosions internationales par
son choix de mots depuis tellement de temps qu'on a de la misère à penser
que ce ne soit pas intentionnel.
Il estime qu'allumer un incendie peut être parfois utile pour faire de la
lumière même au risque de se brûler.
Dans son livre-entrevue, Entretien sur la foi, le cardinal Joseph Ratzinger
a délibérément utilisé le mot "restauration" en parlant de ce qui était
nécessaire 20 ans après Vatican II.
Ceci a déclenché un débat passionné dans l'Église et lui a même valu la
critique d'autres évêques, mais ce furent ses remarques qui ont encadré le
débat du synode des évêques cette même année — lequel synode a réclamé
l'œuvre la plus importante du cardinal Ratzinger, le Catéchisme de l'Église
catholique.
Quinze ans plus tard, pendant le Grand Jubilé de l'an 2000, le cardinal
Ratzinger, en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi,
a publié le document
Dominus Jesus (sur l'unicité et l'universalité salvifique de
Jésus-Christ et de l'Église), dans lequel les expressions "grave indigence"
et "déficiences" servent à décrire la situation de ceux qui ne sont pas en
pleine communion avec l'Église catholique.
Le chahut qui s'ensuivit força le Pape Jean-Paul II lui-même à se porter
publiquement à la défense de ce document tant la critique était
considérable, venant même de la Curie romaine.
L'intervention du cardinal Ratzinger avait à nouveau remodelé un débat,
rendant absolument clair le fait que l'œcuménisme ne peut pas signifier le
relativisme ou l'indifférentisme.
En 2005, quelques semaines à peine avant le décès de Jean-Paul II, le
cardinal Ratzinger écrivait les méditations pour la
Via Crucis
(le Chemin de la croix) papale. Concernant l'Église, il parla des "souillures
dans l'Église, particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient
lui appartenir totalement!" et de la "barque
qui [semble prendre] l’eau de toute part".
Ceci provoqua encore une fois des manchettes de par le monde et demeure, à
ce jour, la condamnation le plus dramatique qui a été faite de la crise des
abus sexuels.
Lors de la messe des funérailles de Jean-Paul II, ce fut le cardinal
Ratzinger qui émut les gens aux larmes en évoquant l'image du Saint Père qui
se tenait à la fenêtre de la maison du Père.
Puis, quelques jours plus tard, au seuil du conclave, le cardinal Ratzinger
employa l'expression "la dictature du relativisme",
qui fit aussitôt la une des journaux du monde entier et définit le défi que
l'Église devait affronter à l'occasion de l'élection du nouveau pape.
Depuis plus de vingt ans que Ratzinger/Benoît XVI a su comment éveiller
l'attention mondiale. Il possède aussi l'habileté de parler de façon à
n'attirer presque aucune attention, s'il le désire.
Voyez comment, à l'occasion de son
homélie
inaugurale en tant que Pape, il a offert une réflexion profonde sur la
charge de Pierre, qui n'a guère attiré de commentaire et est rarement
mentionnée, comme si elle ne contenait aucun intérêt.
Benoît XVI a démontré qu'il est aussi habile que son prédécesseur dans le
maniement des médias, mais qu'il le fait différemment. Alors que Jean-Paul
II était un maître de l'image iconographique, la
puissance de Benoît XVI est du côté du discours magistral.
Mais les discours n'attirent pas l'attention par eux-mêmes, à moins de
contenir une étincelle qui allume la controverse. Benoît XVI est prêt à en
faire usage lorsqu'il l'estime à propos.
La récente controverse à l'Université La
Sapienza de Rome est un autre exemple du style de manipulation
médiatique à la Benoît XVI.
Par l'annulation de sa visite en raison des menaces de protestations
publiques, le Saint Père savait qu'il mettrait en évidence à la face du
monde l'opposition que l'université menait contre lui.
En jetant de l'huile sur le feu, il a pu mettre en
lumière les questions importantes de liberté et de tolérance sur la
place publique et attirer aussi l'attention sur le rôle de la foi et de la
raison à l'université.
Sa conférence, qui serait autrement passée inaperçue, a été publiée dans son
intégralité par plusieurs journaux italiens et a connu une couverture
médiatique dans le monde entier.
Certes, Benoît XVI est fondamentalement un enseignant
et son enseignement est exceptionnellement clair et irrésistible.
Mais il sait que la première responsabilité d'un enseignant, qu'il soit
professeur ou pasteur, est de capter l'attention de l'étudiant, ou du
fidèle. Un pasteur doit aussi attirer l'attention des gens en dehors de son
troupeau, ce qui exige des méthodes audacieuses et parfois provocatrices.
Y aura-t-il donc une "bévue" américaine?
On peut s'y attendre, bien que nous devrions maintenant être en mesure de
voir une logique dans ces bévues délibérées.
Traduction Georges Allaire
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Benoît XVI aux Etats Unis - du 15 au 20 avril
2008
Sources : National
Catholic Register
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.04.2008 -
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