L’enseignement des Papes, de Pie XI à
Benoît XVI - Le célibat sacerdotal, fondements, joies, défis |
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Le 14 février 2011
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(E.S.M.)
- Conférence du Cardinal Mauro Piacenza préfet de la Congrégation pour le Clergé tenue à Ars :
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Le Cardinal Mauro
Piacenza préfet de la Congrégation pour le Clergé
L’enseignement des Papes, de Pie XI à
Benoît XVI - Le célibat sacerdotal, fondements, joies, défis
Colloque à Ars :
« Le célibat sacerdotal, fondements, joies, défis... »
Le 14 février 2011 - E.
S. M. - Conférence du Cardinal Mauro Piacenza préfet de la Congrégation pour le Clergé tenue à Ars
du 24 au 26 janvier 2011 :
Foyer sacerdotal Jean-Paul II
« Les enseignements des Papes sur le sujet de Pie XI à Benoit XVI »
Conférence du Cardinal Mauro Piacenza
Préfet de la Congrégation pour le Clergé
Lundi 24 janvier – 16h 15
Vénérés Confrères dans l’Episcopat,
Chers Prêtres et amis,
Je suis très heureux d’intervenir à votre Colloque par le biais des
techniques de communication les plus modernes. Cette intervention veut être
avant tout l’expression de la très profonde estime et de l’encouragement
que, moi-même et la Congrégation pour le Clergé, nous voulons manifester aux
organisateurs de ce Colloque, pour le thème choisi qui est plus actuel que
jamais, et surtout parce que cette Rencontre se déroule dans le lieu qui a
vu œuvrer saint Jean-Marie Vianney, modèle accompli du Sacerdoce ministériel
et référence quotidienne pour les prêtres, même de notre temps.
Le sujet qui m’a été imparti est très spécifique : il porte sur les
enseignements des Papes à propos du Célibat sacerdotal, de Pie XI à Benoît
XVI. Je ferai cette intervention en examinant quelques-uns des documents
plus significatifs de ces Papes. Je montrerai l’actualité de leurs
enseignements et je tracerai quelques axes synthétiques en espérant qu’ils
pourront servir concrètement dans la formation des prêtres.
L’enseignement des Papes, de Pie XI à Benoît XVI
Pour m’en tenir au temps imparti, j’ai choisi d’examiner seulement les
documents pontificaux plus importants et notamment quelques Encycliques
particulièrement significatives.
1. Pie XI et l’Encyclique Ad Catholici Sacerdotii
L’histoire a retenu la passion du Pape Pie XI pour les Vocations
sacerdotales et son engagement inlassable en faveur de la création de
Séminaires dans tout l’univers catholique, où les jeunes qui se préparent au
Ministère sacerdotal puissent recevoir une formation adéquate.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’Encyclique Ad Catholici
Sacerdotii du 20 décembre 1935, promulguée à l’occasion du 56ème
anniversaire de l’Ordination sacerdotale du Souverain Pontife. L’Encyclique
comprend quatre parties. Les deux premières sont plus spécifiquement
consacrées aux fondements. Elles ont pour titres : 1. « La sublime dignité :
Alter Christus » ; 2. « Revêtu de splendeur ». Les troisième et quatrième
parties ont un caractère plus normatif et disciplinaire, elles concentrent
leur attention sur la préparation des jeunes au Sacerdoce et sur quelques
aspects de la spiritualité.
La seconde partie de l’Encyclique est particulièrement intéressante pour
notre sujet car elle consacre un paragraphe entier à la chasteté. Il faut
noter toutefois que, dans la seconde partie, ce paragraphe fait suite à
celui qui présente le prêtre comme « imitateur du Christ » et à celui qui
est consacré à la « piété sacerdotale ». On voit ainsi que Pie XI, comme
l’Eglise l’a toujours fait, avait une conception ontologique et
sacramentelle du Sacerdoce. C’est d’elle que dérive l’exigence de
l’imitation du Christ et de l’excellence de la vie sacerdotale, surtout dans
son orientation vers la sainteté. L’Encyclique dit en effet : « Le Sacrifice
eucharistique, dans lequel s’immole la Victime immaculée qui enlève les
péchés du monde, exige d’une façon particulière que le prêtre, par une vie
sainte et droite, se rende le moins indigne possible du Dieu à qui, tous les
jours, il offre cette Victime adorable, le Verbe de Dieu lui-même incarné
par amour pour nous » et encore : « Le prêtre s’acquitte d’une mission au
nom du Christ (2 Co, 5, 20), il doit donc vivre de manière à pouvoir faire
siennes les paroles de l’Apôtre : Soyez mes imitateurs comme je le suis du
Christ (1 Co 4, 16 ; 11, 1). Il doit vivre comme un autre Christ qui, par
l’éclat de ses vertus, illuminait et illumine encore le monde ».
Juste avant de parler de la chasteté, comme pour en souligner le lien
étroit, Pie XI insiste sur l’importance de la piété sacerdotale. Il affirme
: « Il s’agit de cette piété solide, qui n’est pas soumise aux fluctuations
incessantes du sentiment, mais s’appuie sur les principes de la doctrine la
plus sûre, et s’édifie sur des convictions fermes qui résistent aux assauts
et aux séductions de la tentation ». Il ressort clairement de ces
affirmations que la compréhension du Célibat sacré est en relation profonde
et étroite avec une bonne formation doctrinale, fidèle à l’Ecriture Sainte,
à la Tradition et au Magistère pérenne de l’Eglise, ainsi qu’à un
authentique exercice de la piété, ce que nous appelons aujourd’hui une « intense vie spirituelle
», à l’opposé des dérives sentimentales qui
dégénèrent souvent dans le subjectivisme, et des déviations rationalistes,
également diffuses, qui produisent un scepticisme critique, lequel n’a rien
à voir avec un sens critique intelligent et constructif.
Dans l’Encyclique Ad Catholici Sacerdotii, la chasteté est présentée comme «
intimement unie à la piété dont elle doit recevoir éclat et fermeté ». Le
Pape en tente une justification rationnelle, selon le droit naturel, avec
cette affirmation : « La seule lumière de la raison fait percevoir un lien
indubitable entre cette vertu et le ministère sacerdotal puisque Dieu est
esprit (Jn 4, 24), il convient que celui qui se voue et se consacre à son
service "se dépouille de son corps" en quelque manière ». Mais cette
première affirmation est suivie de la reconnaissance de la supériorité du
Sacerdoce chrétien sur le sacerdoce de l’Ancien Testament comme sur
l’institution sacerdotale naturelle propre à chaque tradition religieuse.
L’Encyclique place ici au centre de la réflexion l’expérience même du
Seigneur Jésus, comprise comme un modèle pour tous les prêtres. Elle dit en
effet : « La haute estime dont le divin Maître avait fait montre pour la
chasteté en l’exaltant comme une chose qui dépasse les forces ordinaires,
[…] devrait pour ainsi dire nécessairement faire sentir aux prêtres de la
Nouvelle Alliance l’attrait céleste de cette vertu choisie, leur faire
désirer d’être du nombre de ceux ‘à qui il a été donné de comprendre cette
parole’ (cf. Mt 19, 11) ».
Avec ces affirmations de l’Encyclique, il est possible de reconnaître une
certaine complémentarité entre le désir de fonder la chasteté sacerdotale
sur la nécessité de la pureté cultuelle et l’exigence, bien plus large et
aujourd’hui mieux comprise, de la présenter comme imitatio Christi,
c’est-à-dire comme moyen privilégié pour imiter le Maître qui a vécu de
manière exemplaire dans la pauvreté, la chasteté et l’obéissance.
Pie XI ne manque pas, par ailleurs, de citer les affirmations du magistère à
propos de l’obligation de la chasteté, en particulier le Concile d’Elvire et
le second Concile de Carthage qui, bien que du 4ème siècle, témoignent de
manière évidente d’une coutume bien antécédente et affermie. Celle-ci peut,
par conséquent, être formalisée comme loi.
Avec un accent extraordinairement moderne, c’est-à-dire immédiatement
accessible à notre mentalité, l’Encyclique parle de la liberté avec laquelle
on accueille le don de la chasteté. Elle s’exprime ainsi : « Nous disons
"librement" parce que si, après l’ordination, ils ne seront plus libres de
contracter un mariage terrestre, à l’ordination même, ils se présentent sans
y être contraints par aucune loi ni par aucune personne, mais spontanément
et de leur propre mouvement ». En réponse à quelques objections
contemporaines sur une soi-disante obstination de l’Eglise qui impose le
Célibat aux jeunes, nous pourrions déduire que le Magistère de Pie XI le
voit comme le fruit de l’accueil libre d’un charisme surnaturel que personne
n’impose et ne pourrait imposer. La norme ecclésiastique doit être comprise
comme le choix de l’Eglise qui n’admet au Sacerdoce que ceux qui ont reçu le
charisme du Célibat et qui l’ont accueilli librement.
S’il est légitime de soutenir que, selon le contexte de l’époque, le
fondement du Célibat ecclésiastique dans l’Encyclique Ad Catholici
Sacerdotii de Pie XI repose sur des motifs, d’ailleurs valables, de pureté
rituelle, il n’en reste pas moins possible de reconnaître dans le même texte
le concept important d’exemplarité du Célibat du Christ comme celui de Sa
liberté, qui est la même que celle à laquelle les prêtres sont appelés.
2. Pie XII et l’Encyclique Sacra Virginitas
L’Encyclique Sacra Virginitas du Serviteur de Dieu Pie XII, publiée le 25
mars 1954, apporte une contribution magistérielle déterminante. Comme toutes
les Encycliques de ce Pape, elle brille par la clarté et la profondeur de sa
doctrine, par la richesse des références bibliques, historiques,
théologiques, spirituelles. Elle constitue encore aujourd’hui un texte de
référence particulièrement remarquable.
Si, strictement parlant, l’Encyclique a comme objet formel, non le célibat
ecclésiastique mais la virginité pour le Royaume des Cieux, il n’en reste
pas moins qu’elle contient de très nombreuses pistes de réflexion et des
références explicites à la condition célibataire, même du Sacerdoce.
Le Document comprend quatre parties : la première présente « la vraie
conception de la condition virginale », la seconde repère et réfute quelques
erreurs de l’époque qui n’ont pas perdu pour nous leur actualité, la
troisième développe le rapport entre virginité et sacrifice, et la
quatrième, en guise de conclusion, considère quelques espérances et quelques
craintes liées à la virginité.
La première partie présente la virginité comme une manière excellente de
vivre la sequela Christi. « Qu’est-ce en effet que suivre sinon imiter ? »
se demande le Pape. Et de répondre : « Tous ces disciples ont donc embrassé
l’état de la virginité, par conformité avec le Christ leur époux. Il ne
pouvait souffrir, en effet à leur ardente charité envers le Christ de lui
être unie par les simples liens de l’affection : mais il fallait absolument
que cette même charité fût éprouvée par l’imitation de Ses vertus,
particulièrement par une conformité avec Sa vie, toute consacrée au bien et
au salut du genre humain. Si les prêtres […] observent la chasteté parfaite,
c’est en définitive parce que leur Maître Divin fut Lui aussi vierge jusqu’à
la fin de sa vie ».
En réalité, et ce n’est certes pas un hasard, le Pape assimile la condition
virginale des prêtres à celle des religieux et des religieuses. Il montre
ainsi que le célibat, bien qu’il diffère du point de vue normatif, a en
réalité le même fondement théologique et spirituel.
Le Souverain Pontife présente un autre motif du célibat dans l’exigence,
liée au Mystère, d’une profonde réalité spirituelle. L’Encyclique nous dit :
« C’est précisément pour que ses ministres sacrés arrivent à cette liberté
spirituelle de l’esprit et du corps et qu’ils ne soient pas embarrassés dans
des affaires terrestres que l’Église latine leur demande d’assumer
volontairement et de bon gré l’obligation de la chasteté parfaite », et elle
ajoute : « Il faut de plus observer que les ministres sacrés s’abstiennent
complètement du mariage, non seulement pour qu’ils s’acquittent de leur
charge apostolique, mais également parce qu’ils servent à l’autel ». Il
apparaît ainsi que, dans le Magistère de Pie XII, le motif apostolique et
missionnaire s’unit à juste raison au motif cultuel, en une synthèse qui,
au-delà de toute polarisation, présente l’unité réelle et complète des
motifs en faveur du célibat sacerdotal.
D’ailleurs, déjà dans l’Exhortation Apostolique Menti Nostrae, le même Pie
XII affirmait : « Par cette loi du célibat, bien loin de perdre le privilège
de la paternité, le prêtre l'accroît à l'infini, car il engendre une
postérité non pour cette vie terrestre et passagère, mais pour la vie
céleste et éternelle ».
Mission, caractère sacré du Ministère, imitation réelle du Christ, fécondité
et paternité spirituelle, constituent donc le fond de référence
incontournable du célibat sacerdotal, et on doit en tenir compte dans la
correction de quelques erreurs, sans cesse dans l’air, comme la
méconnaissance de l’excellence objective – indépendamment de la sainteté
subjective –, de l’état virginal par rapport à la condition matrimoniale,
l’affirmation de l’impossibilité humaine de vivre la condition virginale, ou
le sentiment que les consacrés sont étrangers à la vie du monde et de la
société. A ce sujet, le Pape affirme : « Ceux qui ont embrassé l’état de
chasteté parfaite n’appauvrissent pas pour autant leur personnalité humaine.
Ils reçoivent, en effet, de Dieu lui-même, un don spirituel qui dépasse de
loin ‘l’aide mutuelle’ que les époux reçoivent l’un de l’autre. En se
consacrant directement à Celui qui est leur Principe et qui leur communique
Sa Vie divine, ils ne s’appauvrissent pas mais s’enrichissent ».
Ces affirmations pourraient suffire à réfuter de façon suffisamment claire
tant d’objections de caractère psycho-anthropologique qui sont faites encore
aujourd’hui contre le célibat sacerdotal.
Le dernier et grand thème fondamental de l’Encyclique Sacra Virginitas est
plus directement sacerdotal. C’est celui du rapport entre la virginité et le
sacrifice. Le Pape observe en citant saint Ambroise : « La chasteté parfaite
n’est qu’un conseil, un moyen capable de conduire ceux ‘à qui cela a été
donné’ (Mt 19,11), d’une façon plus sûre et plus facile à la perfection
évangélique. Elle n’est pas imposée mais proposée ». Nous avons ainsi une
double invitation de Pie XII, dans le sillage des Pères de l’Eglise : il
affirme d’une part la nécessité de « bien mesurer les forces » pour
discerner si on est en mesure d’accueillir le don de la grâce du célibat, et
il offre ainsi à toute l’Eglise, spécialement aujourd’hui, un critère sûr
pour un discernement honnête. D’autre part, le Pape met en évidence le lien
intrinsèque qui existe entre chasteté et martyre lorsqu’il enseigne, avec
saint Grégoire le Grand, que la chasteté remplace le martyre et représente,
à toute époque, la forme de témoignage la plus haute et la plus efficace.
Tout le monde voit bien que, surtout dans notre société sécularisée, la
continence parfaite pour le Royaume des Cieux représente un des témoignages
les plus efficaces et les plus capables de « provoquer » salutairement
l’intelligence et le cœur de nos contemporains. Dans un climat toujours plus
largement et violemment érotisé, la chasteté, surtout de ceux qui, dans
l’Eglise, sont revêtus du Sacerdoce ministériel, représente un défi, encore
plus puissamment éloquent, lancé à la culture dominante et, en définitive,
au questionnement sur l’existence de Dieu comme sur la possibilité de Le
connaître et d’entrer en relation avec Lui.
Il me paraît maintenant nécessaire de mettre en lumière une ultime réflexion
sur l’Encyclique de Pie XII qui, plus que les autres, va nettement à
contrecourant de tant d’habitudes aujourd’hui répandues même parmi certains
membres du Clergé et en différents lieux de « formation ». En citant saint
Jérôme, le Pape souligne que « pour protéger la chasteté, la fuite vaut
mieux que la lutte ouverte […] et cette fuite consiste non seulement à
éviter avec soin les occasions du péché, mais surtout dans ce genre de
combat, à élever notre esprit vers Celui à qui nous avons consacré notre
virginité. ‘Regardez la beauté de Celui qui vous aime’, recommande saint
Augustin ».
Il semblerait aujourd’hui quasi impossible à l’éducateur de transmettre la
valeur du célibat et de la pureté aux jeunes séminaristes, dans un contexte
dans lequel il apparaît de fait impossible de veiller sur les regards, les
lectures, l’utilisation d’Internet et les connaissances. Si l’engagement mûr
de la liberté des candidats pour une collaboration consciente et volontaire
à leur formation est toujours plus évidente et nécessaire, l’Encyclique ne
juge pas moins comme une erreur, et nous y adhérons pleinement, le fait de
permettre à celui qui se prépare au Sacerdoce de faire n’importe quelle
expérience sans le discernement nécessaire et le détachement obligatoire du
monde. Permettre cela équivaut à tout ignorer de l’homme, de la psychologie,
de la société, de la culture dans laquelle nous vivons. Cela revient à être
enfermé dans une sorte d’idéologie à priori, qui s’oppose à la réalité. Il
suffit de regarder autour de nous pour constater le réalisme des versets du
psaume : « Ils ont des yeux et ne voient pas… ».
Je dois avouer à la fin de ce bref excursus sur l’Encyclique de Pie XII
(mais je pourrais le dire également pour celle de Pie XI), qu’elles me
surprennent toujours par leur modernité et leur actualité. Tout en
focalisant, de façon prééminente, l’aspect sacral du célibat et le lien
entre l’exercice du Culte et la virginité pour le Royaume des Cieux, le
Magistère de ces deux Papes présente un Célibat christologiquement fondé,
tant sur la configuration ontologique au Christ Prêtre et Vierge que sur l’Imitatio
Christi.
S’il est en partie justifié de voir dans le Magistère papal sur le Célibat
avant le Concile Vatican II, une insistance sur les arguments qui touchent
le sacré et le rituel, et dans le Magistère qui suit le Concile une
ouverture à des motifs plus christologiques et pastoraux, il n’en reste pas
moins nécessaire de reconnaître – et cela est fondamental pour une correcte
herméneutique de la continuité, c’est-à-dire pour une herméneutique
catholique – que Pie XI et Pie XII emploient amplement des arguments
théologiques. A partir des enseignements que nous avons analysés, il ressort
que le Célibat n’est pas seulement particulièrement opportun et approprié à
la condition sacerdotale, mais qu’il est intimement lié à l’essence même du
Sacerdoce, lorsqu’on le conçoit comme participation à la Vie du Christ, à
Son Identité et, par conséquent à Sa Mission. Ce n’est certainement pas un
hasard si les Eglises de Rite oriental qui ordonnent également des viri
probati, n’admettent en aucun cas à l’ordination épiscopale des prêtres
mariés.
3. Jean XXIII et l’Encyclique Sacerdotii nostri primordia
Comme vous le savez, le Bienheureux Jean XXIII a consacré une Encyclique
entière au saint Curé d’Ars, pour le premier centenaire de sa naissance au
Ciel. Les thèmes fondamentaux de la virginité et du célibat pour le Royaume
des Cieux qu’avaient développés Pie XI et surtout Pie XII, y sont repris par
Jean XXIII et concrétisés par la figure exemplaire de saint Jean Marie
Vianney qu’il présente comme la quintessence du Sacerdoce catholique.
Le Saint Père explique que toutes les vertus nécessaires et spécifiques du
prêtre ont été accueillies et vécues par saint Jean-Marie Vianney. Dans le
texte de l’Encyclique, il met l’accent sur l’ascèse sacerdotale, le rôle de
la prière et du Culte eucharistique, sur le zèle pastoral qui en découle.
En citant implicitement Pie XI, l’Encyclique reconnaît que l’accomplissement
des fonctions sacerdotales exige une sainteté plus grande que celle qui est
requise par l’état religieux, et elle affirme que la grandeur du Sacerdoce
consiste dans l’imitation de Jésus Christ. Jean XXIII écrit : « La chasteté
brillait dans son regard, a-t-on dit du Curé d’Ars. En vérité, qui se met à
son école est saisi non seulement par l’héroïsme avec lequel ce prêtre
réduisit son corps en servitude (cf. 1 Cor 9, 27), mais aussi par l’accent
de conviction avec lequel il réussissait à entraîner à sa suite la foule de
ses pénitents ». Pour le Bienheureux Jean XXIII, c’est une évidence
lumineuse que, chez le Curé d’Ars, il y a un lien entre l’efficacité
ministérielle et la fidélité dans la parfaite continence pour le Royaume des
Cieux, et que cette dernière n’est pas conditionnée par les exigences du
Ministère. Au contraire, et cela contre toute réduction fonctionnelle du
Sacerdoce, c’est le Ministère lui-même, dans son plus total épanouissement,
qui est conditionné et quasi causé par la fidélité au célibat. Le Pape
ajoute : « Cette ascèse nécessaire de la chasteté, loin de refermer le
prêtre dans un stérile égoïsme, rend son cœur plus ouvert et plus disponible
à tous les besoins de ses frères : "Lorsque le cœur est pur, disait
magnifiquement le Curé d’Ars, il ne peut pas se défendre d’aimer, parce
qu’il a retrouvé la source de l’amour qui est Dieu" ». Avec cette
argumentation parfaitement théologique, on comprend bien que l’Esprit de
Dieu et l’esprit du monde sont diamétralement opposés.
L’Encyclique met en lumière le lien constitutif entre célibat, identité
sacerdotale et célébration des divins Mystères. Elle souligne
particulièrement le lien entre l’offrande eucharistique du divin Sacrifice
et le don quotidien de soi qui se vit, entre autre, dans le célibat sacré.
Le Magistère pontifical reconnaissait ainsi, et cela déjà en 1959, que les
hésitations par rapport à la fidélité et à la nécessité du célibat
ecclésiastique proviennent en grande partie d’un manque de compréhension de
son rapport avec la Célébration Eucharistique. En elle, le Prêtre participe
réellement, et non de façon fonctionnelle, à l’offrande unique et définitive
du Christ, qui est actualisée et représentée dans l’Eglise pour le Salut du
monde. Une telle participation implique l’offrande de soi qui doit être
intégrée et qui doit pour cela inclure également la chair dans la virginité.
Qui ne voit alors le nœud vital qui existe entre Eucharistie, culte divin et
sacerdoce ordonné ? Le culte et le Sacerdoce sont liés entre eux. On ne peut
développer ce qui concerne l’un sans soigner l’autre. Il faut y réfléchir
quand on s’occupe de formation sacerdotale et il faut aussi être conscient
que la nouvelle évangélisation, qui est absolument indispensable, dépend de
la réforme des clercs.
Cette parole du Bienheureux Jean XXIII est plus actuelle que jamais : « Nous
demandons à nos chers prêtres de s’examiner régulièrement sur la façon dont
ils célèbrent les saints mystères, et surtout sur les dispositions
spirituelles avec lesquelles ils montent à l’autel et sur les fruits qu’ils
s’appliquent à en retirer ». L’Eucharistie est à la fois source du célibat
sacré, lieu de vérification de sa fidélité, moment concret d’offrande réelle
de soi au Seigneur.
4. Paul VI et Sacerdotalis caelibatus
Publié le 24 juin 1967, Sacerdotalis caelibatus est la dernière Encyclique
entièrement consacrée par un Pape au thème du célibat. Dans le contexte de
l’immédiat après-Concile, en reprenant toute la Doctrine conciliaire, Paul
VI a senti le besoin de rappeler avec l’autorité d’un acte magistériel la
validité permanente du célibat ecclésiastique qui, de façon encore plus
véhémente qu’aujourd’hui, était contesté dans sa légitimité par le biais de
véritables tentatives d’argumentations biblique, historique, théologique et
pastorale.
On sait que Presbyterorum Ordinis distingue le célibat en soi et la loi du
célibat, en affirmant au n. 16 : « La pratique de la continence parfaite et
perpétuelle pour le Royaume des cieux a été recommandée par le Christ
Seigneur ; tout au long des siècles, et de nos jours encore, bien des
chrétiens l'ont acceptée joyeusement et pratiquée sans reproche. Pour la vie
sacerdotale particulièrement, l'Eglise l'a tenue en haute estime […]. C'est
donc pour des motifs fondés sur le mystère du Christ et sa mission, que le
célibat, d'abord recommandé aux prêtres, a été ensuite imposé par une loi
dans l'Eglise latine à tous ceux qui se présentent aux Ordres sacrés ».
Cette distinction se trouve dans le troisième chapitre de l’Encyclique de
Pie XII Ad catholici Sacerdotii, et au n. 21 de l’Encyclique de Paul VI. Les
deux documents ramènent toujours la loi du célibat à sa véritable origine :
elle provient des Apôtres et, à travers eux, du Christ lui-même.
Au n. 14 de l’Encyclique, le Serviteur de Dieu Paul VI déclare : « Nous
estimons donc que la loi du célibat actuellement en vigueur doit, encore de
nos jours et fermement, être liée au ministère ecclésiastique ; elle doit
soutenir le Ministre de l’Église dans son choix exclusif, définitif et total
de l’Amour unique et souverain du Christ, du dévouement au Culte de Dieu et
au service de l’Église, et elle doit qualifier son état de vie aussi bien
dans la communauté des fidèles que dans la société profane ». On le voit
immédiatement, le Pape reprend les raisons cultuelles du Magistère précédent
et les ajoute aux motifs théologiques, spirituels et pastoraux qui ont été
davantage mis en avant par le Concile Œcuménique Vatican II. Il montre ainsi
qu’il ne faut jamais considérer en antithèse ces deux types de motifs, mais
les voir en relation mutuelle et selon une synthèse féconde.
On retrouve la même chose au n. 19 du Document qui présente la mission du
Prêtre, comme ministre du Christ et intendant des mystères de Dieu, avec un
sommet au n. 21 qui dit : « Le Christ est resté durant toute sa vie dans
l’état de virginité, qui signifie son dévouement total au service de Dieu et
des hommes. Ce lien profond qui, dans le Christ, unit la virginité et le
sacerdoce, se reflète en ceux à qui il échoit de participer à la dignité et
à la mission du Médiateur et Prêtre éternel, et cette participation sera
d’autant plus parfaite que le ministre sacré sera affranchi de tout lien de
la chair et du sang ». L’hésitation que l’on perçoit dans la compréhension
de la valeur inestimable du célibat sacré et par conséquent dans sa juste
mise en valeur et, là où c’est nécessaire, dans sa défense résolue, pourrait
s’expliquer par une mauvaise compréhension de la portée réelle du Ministère
ordonné dans l’Église et de sa relation au Christ souverain Prêtre, relation
la plus haute qui soit, relation ontologique et sacramentelle, c’est-à-dire
réelle.
A ces incontournables aspects cultuels et christologiques, l’Encyclique
ajoute une nette dimension ecclésiologique, elle aussi essentielle pour une
juste compréhension de la valeur du célibat : « "Saisi par le Christ Jésus"
(Phil 3, 12) jusqu’à s’abandonner totalement à Lui, le prêtre se configure
plus parfaitement au Christ également dans l’amour avec lequel le Prêtre
éternel a aimé l’Église son Corps, s’offrant tout entier pour elle, afin de
s’en faire une Épouse glorieuse, sainte et immaculée (cf. Eph 5, 25-27). La
virginité consacrée des ministres sacrés manifeste en effet l’amour virginal
du Christ pour l’Église et la fécondité virginale et surnaturelle de cette
union, en vertu de quoi les fils de Dieu ne sont pas engendrés de la chair
et du sang (Jean 1, 13) » (n. 26). Comment le Christ pourrait-il aimer
l’Église d’un amour qui ne soit pas virginal ? Comment le Prêtre, alter
Christus, pourrait-il être l’époux de l’Église d’une façon non virginale ?
De l’argumentation générale de l’Encyclique, il ressort une profonde
interconnexion de tous les motifs du célibat sacré. De quelque côté on
veuille bien le considérer, il apparaît toujours plus radicalement et plus
intimement uni au Sacerdoce.
Parmi les motifs ecclésiologiques en faveur du célibat, l’Encyclique
souligne aux numéros 29, 30 et 31 le rapport indépassable qui existe entre
le célibat et le Mystère Eucharistique. Par le célibat, dit-elle, « le
prêtre s’unit plus intimement à l’offrande, en déposant sur l’autel toute sa
vie marquée des signes de l’holocauste. […] En mourant quotidiennement à
lui-même, en renonçant, par amour du Seigneur et de son règne, à l’amour
légitime d’une famille qui ne soit qu’à lui, il trouvera la gloire d’une vie
pleine et féconde dans le Christ, puisque, comme Lui et en Lui, il aime tous
les enfants de Dieu et se donne à eux ».
Le dernier grand ensemble de motifs présentés en faveur du célibat sacré se
rapporte à sa signification eschatologique. Par l’affirmation que le Royaume
de Dieu n’est pas de ce monde (cf. Jn 18,30), qu’à la Résurrection on ne
prend ni femme ni mari (cf. Mt 22,30), et que « le don précieux et divin de
la chasteté parfaite en vue du royaume des cieux constitue précisément "un
signe particulier des biens célestes" (cf. 1 Cor 7, 29-31) », le célibat est
encore présenté comme « un témoignage de l’aspiration du Peuple de Dieu vers
le but dernier de son pèlerinage terrestre, et une invitation pour tous à
lever les yeux vers le ciel » (n. 34).
Celui qui est revêtu de l’autorité pour conduire ses frères à la
reconnaissance du Christ, à l’accueil des vérités révélées, à une conduite
de vie toujours plus irréprochable, en un mot, à la sainteté, trouve ainsi
dans le célibat sacré une prophétie très adaptée et extraordinairement
forte, capable de conférer une autorité particulière à son Ministère et une
fécondité aussi bien exemplaire qu’apostolique à son action.
Avec une actualité extraordinaire, l’Encyclique répond aussi aux objections
qui voient dans le célibat une mortification de l’humanité, qui serait ainsi
privée de l’un des plus beaux aspects de la vie. Elle affirme au n. 56 : «
Au cœur du prêtre l’amour n’est pas éteint. Puisée à la source la plus pure
(cf. 1 Jean 4, 8-16), exercée à l’imitation de Dieu et du Christ, la charité
n’est pas moins exigeante et concrète que tout amour authentique (cf. 1 Jean
3, 16-18). Elle élargit à l’infini les horizons du prêtre, elle approfondit
et dilate son sens des responsabilités – indice de maturité de la personne –
et elle forme en lui, comme expression d’une paternité plus haute et plus
large, une plénitude et une délicatesse de sentiments qui sont pour lui une
richesse surabondante ». En un mot, « en élevant l’homme tout entier, le
célibat contribue effectivement à sa perfection ».
En publiant en 1967 l’Encyclique Sacerdotalis caelibatus, le Serviteur de
Dieu Paul VI pose un des actes magistériels les plus courageux et les plus
clarificateurs de tout son Pontificat. Une encyclique qui devrait être
attentivement étudiée par chaque candidat au Sacerdoce dès le début de sa
formation et certainement avant de poser sa demande d’admission à
l’ordination diaconale. Elle devrait être reprise périodiquement dans la
formation permanente et faire l’objet non seulement d’une étude serrée au
niveau biblique, historique, théologique, spirituel et pastoral, mais aussi
d’une profonde méditation personnelle.
5. Jean-Paul II et Pastores dabo vobis
Dès le début de son Pontificat, le Serviteur de Dieu Jean-Paul II a réservé
une grande attention au thème du célibat, en en rappelant la validité
permanente et en soulignant son lien vital avec le Mystère Eucharistique. Le
9 novembre 1978, à peine quelques semaines après son élection, il affirmait
dans son premier discours au Clergé de Rome : « Le IIe Concile du Vatican
nous a rappelé cette splendide vérité sur le ‘sacerdoce universel’ de tout
le Peuple de Dieu, qui découle de la participation à l’unique sacerdoce de
Jésus-Christ. Notre sacerdoce ‘ministériel’, enraciné dans le sacrement de
l’Ordre, se différencie essentiellement du sacerdoce universel des fidèles.
[…] Notre sacerdoce doit donc être limpide et expressif, […] étroitement lié
au célibat, […] à cause de la limpidité et de l’expressivité ‘évangéliques’
auxquelles se réfèrent les paroles de Notre-Seigneur sur le célibat ‘pour le
Royaume des cieux’ (cf. Mt 19, 12) ».
L’Exhortation Apostolique Pastores dabo vobis est certainement une pierre
milliaire parmi les documents sur le Sacerdoce et la formation sacerdotale.
Le don du célibat y est saisi dans le lien qui unit Jésus et le prêtre. Pour
la première fois on fait aussi mention de l’importance psychologique de ce
lien et cela non sans rapport avec l’importance ontologique. Nous lisons en
effet au n. 72 : « Dans ce lien entre le Seigneur Jésus et le prêtre, lien
ontologique et psychologique, sacramentel et moral, résident le fondement en
même temps que la force nécessaire de cette ‘vie dans l'Esprit’ et de ce
‘radicalisme évangélique’ auquel chaque prêtre est appelé et que favorise la
formation permanente sous son aspect spirituel ».
Vie selon l’Esprit et radicalisme évangélique représentent donc les deux
axes incontournables sur lesquels s’appuie la validité permanente et
théologiquement fondée du célibat sacerdotal. Le fait que le Serviteur de
Dieu Jean-Paul II en rappelle immédiatement la validité, en propose une
lecture ontologique et sacramentelle, et tienne compte des justes
implications psychologiques que le charisme du célibat opère dans la
construction de la maturité chrétienne et sacerdotale, ceci justifie et
encourage à considérer ce trésor ecclésial irremplaçable à l’enseigne de la
continuité la plus ininterrompue et de la prophétie la plus audacieuse.
Nous pourrions en effet affirmer que la mise en cause et la relativisation
du célibat sacré relèvent d’une résistance au souffle de l’Esprit tandis
que, à l’opposé, sa pleine valorisation, sa juste acceptation, le témoignage
lumineux et indépassable qui en découle relèvent de l’ouverture et de la
prophétie. Véritable prophétie aujourd’hui encore dans l’Eglise, surtout
sous le poids des drames récents qui ont horriblement souillé sa tunique
immaculée et, de façon plus évidente encore, face à la société hyper
érotisée où domine la banalisation de la sexualité et de la corporéité.
Le célibat crie au monde que Dieu existe, qu’il est Amour, et qu’il est
possible à toute époque de vivre pleinement de Lui et pour Lui. Et c’est
absolument naturel que l’Eglise choisisse ses Prêtres parmi ceux qui ont
reçu et porté à maturité, de façon accomplie et donc prophétique, leur «
existence pour », c’est-à-dire leur existence pour un Autre, pour le Christ
!
Le Magistère de Jean-Paul II, tellement attentif à la mise en valeur de la
famille et du rôle de la femme dans l’Eglise et la société, n’a absolument
pas peur de rappeler la validité permanente du célibat sacré. Nombreuses
sont les études qui se consacrent depuis lors sur le thème intéressant et
lourd de conséquences de la corporéité et de la « théologie du corps » dans
le Magistère du Serviteur de Dieu.
Ce Pape qui, peut-être plus que tous les autres de ces derniers temps, a
élaboré et vécu une grande théologie du corps, c’est justement lui qui nous
entraine dans une affection profonde pour le célibat et le dépassement de
toute tentative de réduction à un fonctionnalisme, grâce à la mise en valeur
des dimensions ontologique, sacramentelle, théologique et spirituelle.
Un dernier aspect, celui de la fraternité sacerdotale, apparaît dans le
Magistère de Jean-Paul II, non pas tant comme une nouveauté que comme une
insistance précieuse (ce thème existe déjà dans Presbyterorum Ordinis). La
fraternité sacerdotale est considérée, non pas selon une réduction
psychologique ou émotive, mais à sa racine sacramentelle, dans la relation à
l’Ordinaire et au Presbyterium uni à l’Evêque. La fraternité sacerdotale est
constitutive du Ministère ordonné, elle en souligne la dimension de « corps
». Elle est le lieu naturel des relations fraternelles saines, de l’aide
concrète, tant matérielle que spirituelle, du compagnonnage et du soutien
sur la route commune de la sanctification personnelle, laquelle se réalise
précisément par le Ministère qui nous est confié.
Je désire enfin faire une allusion au Catéchisme de l’Eglise Catholique qui
a été publié durant le Pontificat de Jean-Paul II en 1992. Beaucoup
s’accordent à l’affirmer, il constitue l’instrument authentique mis à notre
disposition pour une correcte herméneutique des textes du Concile Œcuménique
Vatican II. Et il doit toujours plus devenir une référence incontournable
pour la catéchèse et toute l’action apostolique. Or le Catéchisme rappelle
avec autorité la validité permanente du célibat sacerdotal. On lit au n.
1579 : « Tous les ministres ordonnés de l'Eglise latine, à l'exception des
diacres permanents, sont normalement choisis parmi les hommes croyants qui
vivent en célibataires et qui ont la volonté de garder le célibat "en vue du
Royaume des cieux" (Mt 19, 12). Appelés à se consacrer sans partage au
Seigneur et à "ses affaires", ils se donnent tout entiers à Dieu et aux
hommes. Le célibat est un signe de cette vie nouvelle au service de laquelle
le ministre de l'Eglise est consacré; accepté d'un cœur joyeux, il annonce
de façon rayonnante le Règne de Dieu ».
Tous les thèmes que le Magistère a abordés jusqu’ici et que nous avons
examinés sont admirablement repris dans la définition du Catéchisme : les
motivations cultuelles et celles de l’Imitatio Christi dans l’annonce du
Royaume de Dieu, celles qui découlent du service apostolique et celles
d’ordre ecclésiologique et eschatologique. Le fait que la réalité du célibat
soit entrée dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique montre qu’elle est
intimement liée au cœur de la Foi chrétienne.
6. Benoît XVI et Sacramentum Caritatis
Le dernier Pape que nous examinons est le Saint Père actuel, Benoît XVI,
dont le Magistère sur le célibat sacerdotal ne laisse aucun doute sur la
validité permanente de la norme disciplinaire et, surtout et avant tout, sur
son fondement théologique, particulièrement christologique et eucharistique.
Le Saint Père a consacré au thème du célibat un numéro complet de
l’Exhortation Apostolique Post-synodale, Sacramentum Caritatis. Nous lisons
: « Les Pères synodaux ont voulu souligner que le sacerdoce ministériel
requiert, à travers l'ordination, l'entière configuration au Christ. Tout en
respectant les pratiques différentes et la tradition orientale, il convient
de rappeler le sens profond du célibat sacerdotal, justement considéré comme
une richesse inestimable et confirmé aussi dans la pratique orientale qui
choisit les Evêques seulement parmi ceux qui vivent dans le célibat et qui
tient en grande estime le choix du célibat opéré par de nombreux prêtres.
Dans un tel choix, en effet, le dévouement qui conforme le prêtre au Christ
et l'offrande exclusive de lui-même pour le Règne de Dieu trouvent une
expression particulière. Le fait que le Christ lui-même, prêtre pour
l'éternité, ait vécu sa mission jusqu'au sacrifice de la Croix dans l'état
de virginité constitue le point de référence sûr pour recueillir le sens de
la Tradition de l'Église latine sur cette question. Il n'est donc pas
suffisant de comprendre le célibat sacerdotal en termes purement
fonctionnels. En réalité, il est une conformation particulière au style de
vie du Christ lui-même. Ce choix est avant tout sponsal ; il est
identification au cœur du Christ Époux, qui donne sa vie pour son Épouse.
Unie à la grande tradition ecclésiale, au Concile Vatican II et aux
Souverains Pontifes mes prédécesseurs, je redis la beauté et l'importance
d'une vie sacerdotale vécue dans le célibat comme signe exprimant le don de
soi total et exclusif au Christ, à l'Église et au Règne de Dieu, et j'en
confirme donc le caractère obligatoire pour la tradition latine. Le célibat
sacerdotal vécu avec maturité, joie et dévouement est une très grande
bénédiction pour l'Église et pour la société elle-même » (n. 24).
Comme on le note facilement, l’Exhortation Apostolique invite à plusieurs
reprises le Prêtre à vivre dans l’offrande de soi, jusqu’au sacrifice de la
croix, dans un don total et exclusif au Christ. Le lien que l’Exhortation
Apostolique rappelle entre célibat et Eucharistie est particulièrement
remarquable ; si cette théologie du Magistère est pleinement reçue et
vraiment appliquée dans l’Eglise, l’avenir du célibat sera lumineux et
fécond car ce sera un avenir de liberté et de sainteté sacerdotale. Nous
pourrions ainsi parler non seulement de « nature sponsale » du célibat, mais
aussi de sa « nature eucharistique », qui découle de l’offrande que le
Christ fait à tout instant de Lui-même à l’Eglise et qui se reflète avec
clarté dans la vie des prêtres. Ceux-ci sont appelés à reproduire dans leur
vie le Sacrifice du Christ à qui ils ont été identifiés par la grâce de
l’Ordination sacerdotale.
De la nature eucharistique du célibat découlent tous les développements
théologiques possibles, qui placent le Prêtre face à son office fondamental
: la Célébration de l’Eucharistie, dans laquelle les paroles : « Ceci est
Mon Corps » et « Ceci est Mon Sang » n’opèrent pas seulement l’effet
sacramentel qui est le leur, mais doivent façonner progressivement et
concrètement l’offrande de la vie sacerdotale elle-même.
Le prêtre célibataire est ainsi associé personnellement et publiquement à
Jésus Christ ; il Le rend réellement Présent, et devient lui-même offrande,
grâce à ce que Benoît XVI appelle : « la logique eucharistique de
l’existence chrétienne ».
Plus on reviendra, dans l’Eglise, au caractère central de l’Eucharistie,
célébrée dignement et adorée en tout temps, plus grandes seront la fidélité
au célibat, la compréhension de sa richesse inestimable et, permettez-moi de
le dire, la floraison de saintes Vocations au Ministère ordonné.
Dans son discours à l’occasion de l’Audience à la Curie Romaine pour la
présentation des vœux de Noël, le 22 décembre 2006, Benoît XVI disait encore
: « Le véritable fondement du célibat ne peut être contenu que dans la
phrase: Dominus pars – Tu es, Seigneur, ma terre. Il ne peut être que
théocentrique. Il ne peut signifier être privés d'amour, mais il doit
signifier se laisser gagner par la passion pour Dieu, et apprendre ensuite,
grâce à une présence plus intime à ses côtés, à servir également les hommes.
Le célibat doit être un témoignage de Foi: la Foi en Dieu devient concrète
dans cette forme de vie qui a un sens uniquement à partir de Dieu. Placer sa
vie en Lui, en renonçant au mariage et à la famille signifie que j'accueille
et que je fais l'expérience de Dieu comme réalité et que je peux donc
l'apporter aux hommes ».
Seule l’expérience de l’ « héritage », que le Seigneur constitue pour chaque
existence sacerdotale, rend efficace ce témoignage de Foi qu’est le célibat.
Comme le Saint Père lui-même l’a rappelé dans le Discours aux participants
de la Plénière de la Congrégation pour le Clergé, le 16 mars 2009, celui-ci
est « Apostolica vivendi forma, […] la participation à une ‘vie nouvelle’
entendue de façon spirituelle, à ce ‘nouveau style de vie’, qui a été
inauguré par le Seigneur Jésus et qui a été adopté par les apôtres ».
L’Année sacerdotale, récemment achevée, a été l’occasion de divers
interventions du Saint Père sur le thème du Sacerdoce, en particulier dans
les catéchèses du mercredi, consacrées aux tria munera, et dans celles qu’il
a prononcées à l’occasion de l’inauguration et de la clôture de l’Année
Sacerdotale, ainsi qu’à l’occasion des événements concernant saint
Jean-Marie Vianney. Le dialogue du Saint Père avec les prêtres, durant la
grande Veillée de clôture de l’Année Sacerdotale a été particulièrement
important. Interrogé sur la signification du célibat et sur les difficultés
qu’on rencontre pour le vivre dans la culture contemporaine, le Pape a
répondu en partant du caractère central de l’Eucharistie quotidienne dans la
vie du Prêtre qui, en agissant in Persona Christi, parle en se situant dans
le « Moi » du Christ, réalisant ainsi la permanence dans le temps de
l’unicité de son Sacerdoce. Il a ajouté : « Cette unification de son "moi"
avec le nôtre implique que nous sommes "attirés" aussi dans sa réalité de
Ressuscité. Nous allons de l'avant vers la vie pleine de la Résurrection
[…]. En ce sens le célibat est une anticipation. Nous transcendons ce temps
et nous allons de l'avant, en "attirant" ainsi nous-mêmes et notre temps
vers le monde de la Résurrection, vers la nouveauté du Christ, vers la vie
nouvelle et vraie ». Le Magistère de Benoît XVI confirme par là la relation
intime qui existe entre la dimension eucharistique en tant que source du
célibat et sa dimension eschatologique, à la fois anticipée et réalisée.
En cette même occasion, le Saint Père a affirmé avec une audace prophétique
: « Pour le monde agnostique, le monde où Dieu n'a rien à voir, le célibat
est un grand scandale, parce qu'il montre précisément que Dieu est considéré
et vécu comme une réalité. Avec la vie eschatologique du célibat, le monde
futur de Dieu entre dans la réalité de notre temps ».
Comment l’Eglise pourrait-elle vivre sans le scandale du célibat ? Sans des
hommes prêts à affirmer la réalité de Dieu dans le présent, également et
surtout dans leur propre chair ? Ces affirmations ont trouvé leur synthèse
et, en un certain sens, leur couronnement dans le dialogue extraordinaire
qu’il y a été pour la clôture de l’Année Sacerdotale, le Pape a prié pour
que, comme Eglise, nous soyons libérés des scandales secondaires afin
qu’apparaisse le vrai scandale de l’histoire, qui est le Christ Seigneur.
Conclusion (en 7 points)
Au terme de ce parcours qui nous a vu mettre en lumière quelques passages
plus significatifs du magistère pontifical sur le célibat, de Pie XI au
Saint Père Benoît XVI, nous pouvons établir un bilan conclusif qui serve de
base de travail pour la formation des Prêtres afin qu’ils accueillent et
vivent pleinement ce don du Seigneur.
1. On découvre avant tout la profonde continuité entre le Magistère qui a
précédé le Concile Œcuménique Vatican II et celui qui est venu ensuite. Bien
que ce soit avec des accents parfois assez différents, plus liturgiques et
sacraux ou plus christologiques et pastoraux, le Magistère ininterrompu des
Pontifes étudiés concorde à fonder le célibat sur la réalité théologique du
Sacerdoce ministériel, sur la configuration ontologique et sacramentelle au
Christ Seigneur, sur la participation à Son unique Sacerdoce et sur l’Imitatio
Christi que cela implique. Seule une herméneutique erronée des textes du
Concile pourrait amener à voir dans le célibat un reliquat du passé dont il
faudrait se libérer au plus vite. Outre le fait qu’elle est historiquement,
doctrinalement et théologiquement fausse, cette position est également très
dangereuse du point de vue spirituel, pastoral, missionnaire et vocationnel.
2. On voit, à la lumière du Magistère pontifical étudié, qu’il faut dépasser
la réduction, si diffuse en certains milieux, du célibat à une simple loi
ecclésiastique. C’est une loi pour la seule raison qu’il s’agit d’une
exigence du Sacerdoce et de la configuration au Christ opérée par le
Sacrement. En ce sens la formation au célibat, en plus de tous les aspects
humains et spirituels, doit comporter une solide dimension doctrinale, car
on ne peut pas vivre ce dont on n’en comprend pas le motif !
3. le « débat » sur le célibat qui réapparaît périodiquement au cours des
siècles, ne favorise pas la compréhension sereine de la part des jeunes
générations à propos d’une donnée aussi déterminante de la vie sacerdotale.
Tout le monde doit prendre pour soi ce que Pastores dabo vobis a affirmé
avec autorité au n. 29, en reprenant intégralement le vœu de toute
l’Assemblée Synodale : « Le Synode ne veut laisser aucun doute dans l'esprit
de tous sur la ferme volonté de l'Église de maintenir la loi qui exige le
célibat librement choisi et perpétuel pour les candidats à l'ordination
sacerdotale, dans le rite latin. Le Synode demande que le célibat soit
présenté et expliqué dans toute sa richesse biblique, théologique et
spirituelle comme don précieux fait par Dieu à son Église et comme signe du
Royaume qui n'est pas de ce monde, signe aussi de l'amour de Dieu envers ce
monde, ainsi que de l'amour sans partage du prêtre envers Dieu et le peuple
de Dieu ».
4. Le célibat est une question de radicalisme évangélique ! Pauvreté,
chasteté et obéissance ne sont pas des conseils réservés exclusivement aux
religieux, ce sont des vertus qu’il faut vivre avec une intense ardeur
missionnaire. Nous ne pouvons pas trahir nos jeunes ! Nous ne pouvons pas
abaisser le niveau de la formation et, de fait, de la proposition de la foi
! Nous ne pouvons pas trahir le peuple saint de Dieu qui attend de saints
pasteurs comme le Curé d’Ars ! Nous devons envisager la Sequela Christi de
façon radicale ! Et nous ne craignons pas la baisse du nombre des clercs. Le
nombre diminue quand on fait baisser la température de la foi ; parce que
les vocations sont une « affaire » divine et non humaine, elles suivent la
logique divine qui est folie humaine ! Cela demande la foi !
5. Dans un monde profondément sécularisé, il est de plus en plus difficile
de comprendre les motifs du célibat. Nous devons cependant avoir le courage,
comme l’Eglise, de nous demander si nous voulons nous résigner face à cette
situation en acceptant la sécularisation croissante des sociétés et des
cultures comme un fait inéluctable, ou bien si nous sommes prêts à œuvrer
pour une nouvelle évangélisation profonde et authentique, au service de
l’Evangile et, par conséquent, de la vérité de l’homme.
En ce sens, j’estime que le soutien motivé du célibat et sa juste
valorisation dans la vie de l’Eglise et du monde peuvent compter parmi les
moyens les plus efficaces pour lutter contre la sécularisation. Sinon, que
voudrait dire le Saint Père quand il affirme que le célibat « signifie qu’on
accueille et qu’on fait l'expérience de Dieu comme réalité » ?
6. Le fondement théologique du célibat doit être perçu à la lumière de la
nouvelle identité qui est donnée à celui qui fait partie de l’Ordre
sacerdotal. Le caractère central de la dimension ontologique et
sacramentelle et, par conséquent, la dimension eucharistique qui fait partie
de la structure du Sacerdoce constituent le milieu naturel de la
compréhension, du développement et de la fidélité concrète au célibat.
Alors, la question essentielle n’est pas de débattre sur le célibat mais sur
la qualité de la foi de nos communautés. Quelle attente du Royaume ou quelle
tension eucharistique pourrait vivre une communauté qui ne tiendrait pas le
célibat en grande estime ?
7. Votre colloque a comme sous-titre: « Fondements, joies, défis ». Je suis
convaincu que les deux premiers termes : la connaissance des fondements et
l’expérience joyeuse d’un célibat pleinement vécu et donc profondément
humanisant, permettent non seulement de répondre à tous les défis que le
monde a toujours présentés au célibat, mais aussi de transformer le célibat
en défi pour le monde. Comme je l’ai signalé dans le premier point de ces
conclusions, nous ne devons pas nous laisser conditionner ou intimider par
un monde sans Dieu qui ne comprend pas le célibat et voudrait l’éliminer,
mais nous devons au contraire retrouver une conscience intellectuellement
fondée que notre célibat défie le monde en mettant profondément en cause son
sécularisme et son agnosticisme et en criant, à travers les siècles, que
Dieu existe et qu’il est Présent !
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Les encycliques des papes et textes magistériels
Sources : ©clerus.org
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.02.2011 - T/Prêtres
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