Première prédication de Carême en
présence du pape Benoît XVI |
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Le 13 mars 2009 -
(E.S.M.)
- Ce vendredi 13 mars à 9h, dans la chapelle Redemptoris Mater,
le P. Raniero Cantalamessa, OFM Cap., Prédicateur de la
Maison pontificale, a prononcé la première prédication de Carême, en présence du
pape Benoît XVI. Le thème des méditations de Carême 2009 est tiré due
chapitre VIII de la Lettre aux Romains : "La loi de l'Esprit de vie qui est dans le Christ Jésus".
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Le P. Raniero
Cantalamessa, OFM Cap., Prédicateur de la Maison pontificale - Pour
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Première prédication de Carême en
présence du pape Benoît XVI
Le 13 mars 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- Ce vendredi 13 mars à 9h, dans la chapelle Redemptoris Mater, le P. Raniero Cantalamessa, OFM Cap., Prédicateur de la
Maison pontificale, a prononcé la première prédication de Carême, en présence du
pape Benoît XVI. Le thème des méditations de Carême 2009 est tiré due
chapitre VIII de la Lettre aux Romains : "La loi de l'Esprit de vie qui est dans le Christ Jésus"
(Rm 8, 2). Il cherchera en particulier à
réfléchir sur l'œuvre de l'Esprit Saint :
1. comme loi nouvelle qui agit à travers l'amour
2. comme maître intérieur qui nous guide à travers la conscience, la Parole
de Dieu et le Magistère de l'Église
3. comme force qui agit dans la création et dans la transformation du cosmos
4. comme âme de l'eschatologie chrétienne qui conduit l'histoire vers son
accomplissement.
Les prochaines prédications auront lieu les vendredi de Carême 20 (le pape
Benoît XVI sera au Cameroun) et 27 mars, et 3 avril.
Première prédication de Carême
« Toute la création jusqu'à ce jour gémit en travail d'enfantement. »
(RM 8, 22)
L'Esprit Saint dans la création et dans la transformation du cosmos
1. Un monde en état d'attente
Pendant l'Avent, saint Paul nous a introduit à la connaissance et à l'amour
pour le Christ ; durant ce Carême, l'Apôtre nous guide vers la connaissance
et l'amour pour l'Esprit Saint. C'est à cette fin que j'ai choisi le
chapitre huit de la Lettre aux Romains parce qu'il constitue, dans le corpus
paulinien et dans tout le Nouveau Testament, le développement le plus
complet et le plus approfondi sur l'Esprit Saint.
Le passage sur lequel nous voulons réfléchir aujourd'hui est le suivant :
« J'estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à
comparer à la gloire qui doit se révéler en nous. Car la création en attente
aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la
vanité, - non qu'elle l'eût voulu, mais à cause de celui qui l'y a soumise,
- c'est avec l'espérance d'être elle aussi libérée de la servitude de la
corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu.
Nous le savons en effet, toute la création jusqu'à ce jour gémit en travail
d'enfantement ». (Rm 8, 18-22).
Le problème exégétique débattu depuis l'Antiquité autour de ce texte est
celui de la signification du terme création, ktisis. Par le terme création,
ktisis, saint Paul désigne parfois l'ensemble des hommes, le monde humain,
parfois le fait ou l'acte divin de la création, parfois le monde dans son
ensemble, c'est-à-dire à la fois l'humanité et le cosmos, parfois la
nouvelle création qui résulte de la Pâque du Christ.
Augustin[1], suivi par d'autres auteurs modernes[2], pense que le terme
désigne ici le monde humain et qu'il faut donc exclure de ce texte toute
perspective cosmique, en référence à la matière. La distinction entre la «
création tout entière » et « nous, qui possédons les primeurs de
l'Esprit », serait une distinction interne au monde humain et
équivaudrait à la distinction entre l'humanité non rachetée et l'humanité
rachetée par le Christ.
Mais aujourd'hui, l'opinion est quasi unanime sur le fait que le terme
ktisis désigne la création dans son ensemble, c'est-à-dire le monde matériel
comme le monde humain. L'affirmation selon laquelle la création a été
assujettie à la vanité « sans sa faute », n'aurait pas de sens si elle ne se
référait pas justement à la création matérielle.
L'Apôtre voit cette création pénétrée par une attente, dans « un état de
tension ». L'objet de cette attente est la révélation de la gloire des
enfants de Dieu. « La création, dans son existence apparemment fermée sur
elle-même et immobile... attend avec anxiété l'homme glorifié, duquel elle
sera le ‘monde', lui aussi, par conséquent, glorifié »[3].
Cet état d'attente tourmentée est dû au fait que la création, sans faute de
sa part, a été entraînée par l'homme dans un état d'impiété que l'Apôtre a
décrit au début de sa lettre (cf. Rm 1, 18 ss.).
Il y définissait cet état comme un état « d'injustice » et de «
mensonge », ici, il utilise les termes de « vanité »
(mataiotes) et de corruption (phthora)
qui disent la même chose : « perte de sens, irréalité, absence de la
force, de la splendeur, de l'Esprit et de la vie ».
Mais cet état n'est pas fermé et définitif. Il y a une espérance pour la
création ! Non pas parce que la création, en tant que telle, est en mesure
d'espérer subjectivement, mais parce que Dieu a en tête un rachat pour elle.
Cette espérance est liée à l'homme racheté, le « fils de Dieu » qui, par un
mouvement contraire à celui d'Adam, entraînera un jour définitivement le
cosmos dans un état de liberté et de gloire.
D'où la responsabilité plus profonde des chrétiens vis-à-vis du monde :
celle de manifester, dès maintenant, les signes de la liberté et de la
gloire auquel tout l'univers est appelé, en souffrant avec espérance, tout
en sachant que « les souffrances du moment présent ne sont pas
comparables à la gloire future qui devra être révélée en nous ».
Dans le verset final, l'Apôtre fixe cette vision de foi dans une image
audacieuse et dramatique : la création tout entière est comparée à une femme
qui souffre et gémit dans les douleurs de l'enfantement. Dans l'expérience
humaine, c'est toujours une douleur mélangée à de la joie, bien différente
des pleurs sourds et sans espérance du monde, que Virgile a renfermés dans
le verset de l'Enéide : « sunt lacrimae rerum », les choses
pleurent[4].
2. La thèse de « l'intelligent design » :
science ou foi ?
Cette vision de foi, prophétique, de l'Apôtre, nous offre l'occasion
d'évoquer le problème, qui fait débat aujourd'hui, de l'existence ou non
d'un sens et d'un projet divin interne à la création, sans pour autant
vouloir surcharger le texte paulinien de significations scientifiques ou
philosophiques qu'il n'a évidemment pas. La célébration du bicentenaire de
Darwin (12 février 1809) rend encore plus
actuelle et nécessaire une réflexion en ce sens.
Dans la vision de Paul, Dieu est au commencement et au terme de l'histoire
du monde ; il le guide mystérieusement vers une fin, en utilisant même pour
cela les résistances ou refus de la liberté humaine. Le monde matériel est
fait pour l'homme et l'homme est fait pour Dieu. Il ne s'agit pas
exclusivement d'une idée de Paul. Le thème de la libération finale de la
matière et de sa participation à la gloire des enfants de Dieu trouve un
parallèle dans le thème « nouveaux cieux et une terre nouvelle » de la
Deuxième Lettre de saint Pierre (3,13) et de
l'Apocalypse (21,1).
La première grande nouveauté de cette vision est qu'elle nous parle de
libération de la matière, non pas de libération par la matière, comme
c'était en revanche le cas dans presque toutes les conceptions anciennes du
salut : platonisme, gnosticisme, docétisme, manichéisme, catharisme. Saint
Irénée a lutté toute sa vie contre l'affirmation gnostique, selon laquelle «
la matière est incapable de salut »[5].
Dans le dialogue actuel entre science et foi, le problème se pose en des
termes différents, mais la substance est la même. Il s'agit de savoir si le
cosmos a été pensé et voulu par quelqu'un, ou s'il est le fruit du «
hasard et de la nécessité » ; si son chemin porte la marque d'une
intelligence et avance vers un but précis, ou s'il évolue en quelque sorte à
l'aveuglette, en obéissant seulement à ses propres lois et à des mécanismes
biologiques.
La thèse soutenue à cet égard par les croyants a fini par se cristalliser
sur la formule du dessein intelligent (Intelligent design,
en anglais), c'est-à-dire du Créateur. A mon avis, si cette thèse
a suscité de si nombreuses discussions et contestations autour de cette
idée, c'est parce que la distinction entre le dessein intelligent en tant
que théorie scientifique et le dessein intelligent comme vérité de foi n'a
pas été établie de façon assez claire.
Comme théorie scientifique, les tenants de la théorie du « dessein
intelligent » affirment qu'il est possible de démontrer par l'analyse
même de la création, donc scientifiquement, que le monde est l'œuvre d'un
auteur qui lui est extérieur et qu'il porte la marque d'une intelligence
organisatrice. C'est l'affirmation que la majorité des scientifiques
entendent (et la seule qu'ils peuvent !)
contester, et non pas l'affirmation de foi, que le croyant a de la
révélation et dont aussi son intelligence ressent l'intime vérité et
nécessité.
Si, comme le pensent bon nombre de scientifiques (pas
tous!), présenter le « dessein intelligent » comme une conclusion
scientifique relève de la pseudo-science, alors celle qui exclut l'existence
d'un « dessein intelligent » en se fondant sur des résultats scientifiques
relève tout autant de la pseudo-science. La science pourrait avoir cette
prétention si elle était capable, à elle seule, de tout expliquer :
autrement dit, pas seulement le « comment » du monde, mais aussi le «
qui » et le « pourquoi ». Ceci, la science sait bien qu'il
n'est pas en son pouvoir de le faire. Celui qui bannit de son horizon l'idée
de Dieu, ne supprime pas pour autant le mystère. Il reste toujours une
question sans réponse : pourquoi l'être et non le néant ? Le néant lui-même
est-il peut-être pour nous un mystère moins impénétrable que l'être et le
hasard, une énigme moins inexplicable que Dieu ?
Dans un livre de vulgarisation scientifique, écrit par un non croyant, j'ai
lu cet aveu significatif : si nous avions à reparcourir l'histoire du monde
en sens inverse, comme on feuillette un livre en commençant par la dernière
page, arrivés à la fin nous nous apercevrions que c'est comme s'il manquait
la première page, l'incipit, le début. Nous savons tout du monde, sauf
pourquoi et comment il a commencé. Le croyant est convaincu que la Bible
nous fournit justement cette page initiale manquante ; et sur celle-ci,
comme sur le frontispice de tout livre, le nom de l'auteur et le titre de
l'ouvrage sont indiqués!
Une comparaison peut nous aider à concilier notre foi en l'existence d'un
dessein intelligent de Dieu sur le monde avec le hasard et l'imprévisibilité
apparents mis en lumière par Darwin et par la science actuelle. Il s'agit du
rapport entre grâce et liberté. Comme dans le domaine de l'esprit, la grâce
laisse de l'espace à l'imprévisibilité de la liberté et agit aussi à travers
elle. Ainsi, dans le domaine physique et biologique tout est confié au jeu
des causes secondes (la lutte pour la survie des espèces selon Darwin, le
hasard et la nécessité selon Monod), également si ce jeu même est prévu et
fait précisément par la providence de Dieu. Dans l'un et l'autre cas, Dieu,
comme dit le proverbe, « écrit droit avec des lignes courbes ».
3. L'évolution et la Trinité
Le discours sur le créationnisme et l'évolutionnisme se déroule généralement
dans un dialogue avec la thèse opposée, de nature matérialiste et athée, et
donc de ce point de vue, nécessairement apologétique. Dans une réflexion
comme celle-ci, faite par des croyants et pour des croyants, nous ne pouvons
nous arrêter à ce stade. Nous arrêter ici signifierait rester prisonniers
d'une vision ‘déiste' du problème, pas encore trinitaire, et donc pas
spécifiquement chrétienne.
C'est Pierre Teilhard de Chardin qui a ouvert le discours sur l'évolution à
une dimension trinitaire. L'apport de ce chercheur dans la discussion sur
l'évolution a essentiellement consisté à introduire dans cette discussion la
personne du Christ, à en avoir aussi fait un problème christologique[6].
Son point de départ biblique est l'affirmation de Paul, selon laquelle «
tout a été créé par lui et pour lui » (Col 1,16).
Le Christ apparaît dans cette vision comme le Point Oméga, c'est-à-dire
comme sens et aboutissement final de l'évolution cosmique et humaine. Le
moyen et les arguments avec lesquels le chercheur jésuite arrive à cette
conclusion peuvent être discutés, mais pas la conclusion elle-même. Maurice
Blondel en explique bien la raison dans une note écrite pour défendre le
penseur Teilhard de Chardin dans laquelle il dit que face aux horizons
agrandis de la science de la nature et de l'humanité, on ne peut pas, sans
trahir le catholicisme, rester sur des explications médiocres et des
manières de voir limitées, qui font du Christ un incident historique, qui
l'isolent dans le Cosmos comme un faux épisode, et semblent faire de lui un
intrus ou une personne dépaysée dans l'immensité écrasante et hostile de
l'Univers[7].
Ce qui manque encore, pour une vision complètement trinitaire du problème,
c'est une considération du rôle de l'Esprit Saint dans la création et dans
l'évolution du cosmos. Le principe de base de la théologie trinitaire
l'exige, selon lequel les œuvres ad extra de Dieu sont communes aux trois
personnes de la Trinité, chacune participant avec sa propre caractéristique.
Le texte paulinien que nous méditons nous permet justement de combler cette
lacune. L'allusion au travail de la part de la création est faite dans le
contexte du discours de Paul sur les différentes opérations de l'Esprit
Saint. Il voit une continuité entre le gémissement de la création et celui
du croyant qui est mis ouvertement en relation avec l'Esprit : « Celle-ci
(la création) n'est pas la seule, mais nous
aussi, qui possédons les primeurs de l'Esprit Saint, nous gémissons
intérieurement ». L'Esprit Saint est la force mystérieuse qui pousse la
création vers son accomplissement. Parlant de l'évolution de l'ordre social,
le concile Vatican II affirme que « l'Esprit de Dieu qui par une
providence admirable, conduit le cours des temps et rénove la face de la
terre, est présent à cette évolution »[8].
Lui qui est « le principe de la création des choses »[9], est aussi le
principe de son évolution dans le temps. En effet, celui-ci n'existe pas si
la création ne se poursuit pas. Dans le discours adressé le 31 octobre 2008
aux participants au symposium sur l'évolution organisé par l'Académie
pontificale des sciences, le Saint Père Benoît XVI soulignait ce concept : «
Affirmer, disait-il, que la fondation du cosmos et ses développements
sont le fruit de la sagesse providentielle du créateur ne signifie pas que
la création n'a à voir qu'avec le début de l'histoire du monde et de la vie.
Cela implique plutôt que le créateur fonde ces développements et les
soutient, les fixe et les maintient constamment ».
Qu'apporte l'Esprit de spécifique et de « personnel » dans la
création ? Cela dépend, comme toujours, des rapports internes à la Trinité.
L'Esprit Saint n'est pas à l'origine, mais en quelque sorte, au terme de la
création, comme il n'est pas à l'origine mais au terme du processus
trinitaire. Dans la création - écrit saint Basile - le Père est la cause
primordiale, celui d'où viennent toutes choses ; le Fils la cause
efficiente, celui par lequel toutes choses sont faites ; l'Esprit-Saint est
la cause perfectionnante[10].
L'action créatrice de l'Esprit est donc à l'origine de la perfection de la
création ; nous dirions qu'il n'est pas tant celui qui fait passer le monde
du néant à l'être, que celui qui le fait passer d'un être sans forme à un
être formé et parfait. En d'autres termes, l'Esprit Saint est celui qui fait
passer la création du chaos au cosmos, qui fait d'elle quelque chose de
beau, d'ordonné, de propre : un « monde » justement, selon la
signification originaire de ce mot. Saint Ambroise observe :
« Quand l'Esprit commença à flotter sur la création, celle-ci n'avait
encore aucune beauté. En revanche, quand la création reçut l'opération de
l'Esprit Saint, elle obtint toute cette splendeur de beauté qui la fit
resplendir comme ‘monde' »[11].
Non pas que l'action créatrice du Père eut été « chaotique » et
qu'elle eut besoin de correction, mais c'est le Père lui-même, note saint
Basile dans le même texte cité, qui veut faire tout exister par
l'intermédiaire du Fils et veut mener les choses à la perfection par
l'intermédiaire de l'Esprit.
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre était vide
et vague, les ténèbres couvraient l'abîme, un vent de Dieu tournoyait sur
les eaux » (Gn 1,1-2). La Bible elle-même,
comme on le voit, fait allusion au passage d'un état d'ébauche et de chaos
de l'univers à un état en voie de formation progressive et de
différenciation des créatures, et mentionne l'Esprit Saint comme le
commencement de ce passage ou de l'évolution. Elle présente ce passage comme
soudain et immédiat, la science a révélé qu'il s'était étendu sur un espace
de milliards d'années et se poursuit encore. Mais cela ne devrait pas créer
de problèmes, une fois que l'on connaît le but et le genre littéraire du
récit biblique.
En se fondant sur le sens d'expressions analogues présentes dans des poèmes
cosmogoniques babyloniens, on tend aujourd'hui à donner à l'expression «
esprit de Dieu » (ruach ‘elohim) de Genèse
1, 2, le sens purement naturaliste de vent impétueux, voyant en lui un
élément du chaos primordial, aussi bien que de l'abîme et des ténèbres, le
reliant donc à ce qui précède et non à ce qui suit dans le récit de la
création[12]. Mais l'image du « souffle de Dieu » revient dans le
chapitre suivant de la Genèse (Dieu « insuffla dans ses
narines une haleine de vie et l'homme devint un être vivant »)
avec un sens « théologique » et certainement pas naturaliste.
Exclure du texte toute référence, même embryonnaire, à la réalité divine de
l'Esprit, attribuant l'activité créatrice uniquement à la parole de Dieu,
signifie ne lire le texte qu'à la lumière de ce qui le précède et pas aussi
à la lumière de ce qui le suit dans la Bible, à la lumière des influences
qu'il a subies et pas également à la lumière de l'influence qu'il a exercée,
contrairement à ce que suggère la tendance plus récente de l'herméneutique
biblique. (La manière la plus sûre pour établir la nature
d'une semence inconnue n'est-elle pas de voir quel type de plante naît de
celle-ci ?).
En avançant dans la révélation, nous trouvons des signes peu à peu toujours
plus explicites d'une activité créatrice du souffle de Dieu, en étroite
connexion avec celle de sa parole. « Par la parole (dabar)
de Yahvé les cieux ont été faits, par le souffle (ruach)
de sa bouche, toute leur armée » (Ps 33, 6 ; cf. aussi
Is 11.4 : « Il frappera le pays de la férule de sa bouche, et du souffle
de ses lèvres fera mourir le méchant »). Esprit ou souffle
n'indique certainement pas, dans ces textes, le vent naturel. Un autre
psaume répète ce même texte quand il dit : « Tu envoies ton souffle, ils
sont créés, tu renouvelles la face de la terre » (Ps
104, 30). Ainsi, quelque interprétation que l'on veuille donner à
Genèse 1, 2, il est certain que la suite de la Bible attribue à l'Esprit de
Dieu un rôle actif dans la création.
Cette ligne de développement devient très claire dans le Nouveau Testament
qui décrit l'intervention de l'Esprit Saint dans la nouvelle création, se
servant justement des images du souffle et du vent qu'on lit à propos de
l'origine du monde (cf. Jn 20, 22 avec Gn 2,7).
L'idée de la ruach créatrice ne peut être née du néant. On ne peut pas, dans
un même commentaire ou édition de la Bible, traduire Genèse 1, 2 par « un
vent de Dieu tournoyait sur les eaux » et renvoyer ensuite à ce même texte
pour expliquer la colombe du baptême de Jésus ![13].
Il n'est donc pas incorrect de continuer à se référer à Gn 1, 2 et aux
autres témoignages postérieurs pour trouver un fondement biblique au rôle
créateur de l'Esprit Saint, comme les Pères le faisaient. « Si tu adoptes
cette explication - disait saint Basile, suivi en cela par Luther -
tu en tireras un grand profit »[14]. Et c'est vrai : découvrir dans «
l'Esprit de Dieu » qui tournoyait sur les eaux un premier signe
embryonnaire de l'action créatrice de l'Esprit ouvre à la compréhension de
tant de pas successifs de la Bible, dont on n'expliquerait pas autrement
l'origine.
4. Pâques, passage de la vieillesse à la jeunesse
Cherchons à présent à identifier certaines conséquences pratiques que cette
vision biblique du rôle de l'Esprit Saint peut avoir pour notre théologie et
pour notre vie spirituelle. Quant aux applications théologiques, je n'en
retiendrai qu'une : la participation des chrétiens à l'engagement en faveur
du respect et de la préservation de la création. Pour le croyant chrétien,
l'écologisme ne se réduit pas à une nécessité pratique de survie ou un
problème politique et économique, mais il a un fondement théologique. La
création est l'œuvre de l'Esprit Saint!
Paul nous a parlé d'une création qui « gémit en travail d'enfantement
». A ces gémissements de l'enfantement se mêlent aujourd'hui des
gémissements d'agonie et de mort. La nature est assujettie, encore une fois
« non qu'elle l'eût voulu », à une vanité et une corruption
différentes de celles d'ordre spirituel perçues par Paul, mais dérivées de
la même source : le péché et l'égoïsme de l'homme.
Le texte paulinien que nous méditons pourrait inspirer plus d'une réflexion
sur le problème de l'écologie : nous-mêmes qui avons reçu les prémices de
l'Esprit, sommes-nous en train de hâter « la pleine libération du cosmos et
sa participation à la gloire des enfants de Dieu », ou la retardons-nous,
comme tous les autres ?
Mais venons-en à l'application plus personnelle. Disons que l'homme est un
microcosme ; c'est donc à lui en tant qu'individu que s'applique tout ce que
nous avons dit de façon générale du cosmos. L'Esprit Saint est celui qui
fait passer chacun de nous du chaos au cosmos : du désordre, de la confusion
et de la dispersion, à l'ordre, à l'unité et à la beauté. Cette beauté qui
consiste à être conformes à la volonté de Dieu et à l'image du Christ, à
passer de l'homme ancien à l'homme nouveau.
Avec une allusion autobiographique à peine voilée, l'Apôtre écrivait aux
Corinthiens : « Même si notre homme extérieur s'en va en ruine, notre
homme intérieur se renouvelle de jour en jour » (2 Co
4, 16). L'évolution de l'esprit ne se déroule pas en l'homme
parallèlement à celle du corps, mais en sens inverse.
Ces derniers jours, grâce aux trois Oscar qu'il a décrochés et à la
célébrité de l'acteur principal, on a beaucoup parlé d'un film intitulé «
L'étrange histoire de Benjamin Button », tiré d'une nouvelle de
l'écrivain Francis Scott Key Fitzgerald. C'est l'histoire d'un homme qui
naît vieux, avec les traits monstrueux d'un homme de quatre-vingt ans et
qui, en grandissant, rajeunit jusqu'à mourir enfant. L'histoire est
naturellement paradoxale, mais peut avoir une application encore plus vraie
si elle est transposée au plan spirituel. Nous naissons « hommes vieux » et
devons devenir « hommes nouveaux ».Toute la vie, pas seulement
l'adolescence, est un « âge évolutif »!
Selon l'évangile, on ne naît pas enfant, on le devient ! Un Père de
l'Eglise, saint Maxime de Turin, définit la Pâque comme un passage « des
péchés à la sainteté, des vices à la vertu, de la vieillesse à la jeunesse :
une jeunesse qui s'entend non pas en termes d'âge mais de simplicité. Nous
étions en effet des vieillards décrépits en raison de la vieillesse de nos
péchés, mais par la résurrection du Christ, nous avons été renouvelés dans
l'innocence des enfants »[15].
Le Carême est le temps idéal pour s'appliquer à ce rajeunissement. Une
préface de ce temps proclame : « Tu offres à tes enfants ce temps de
grâce pour qu'ils retrouvent la pureté de cœur ; tu veux qu'ils se libèrent
de leurs égoïsmes, afin qu'en travaillant à ce monde qui passe, ils
s'attachent surtout aux choses qui ne passent pas ». Une oraison, qui
remonte au Sacramentaire gélasien du VIIe siècle, encore en usage pendant la
Vigile pascale, proclame solennellement : « Que le monde entier
reconnaisse la merveille : ce qui était abattu est relevé ; ce qui avait
vieilli est rénové, et tout retrouve son intégrité première en celui qui est
le principe de tout, Jésus Christ, ton Fils, Notre Seigneur ».
L'Esprit Saint est l'âme de ce renouvellement et de ce rajeunissement.
Commençons nos journées en récitant le premier vers de l'hymne composé en
son honneur : « Viens, esprit créateur » : Viens, esprit créateur,
renouvelle dans ma vie le prodige de la première création, souffle sur le
vide, les ténèbres et le chaos de mon cœur, et guide-moi vers la pleine
réalisation du « dessein intelligent » de Dieu sur ma vie.
(Trad. ZF09031306 )
Notes :
[1] Cf. S. Agostino, Esposizione sulla Lettera ai Romani, 45 (PL 35, 2074
s.).
[2] A. Giglioli, L'uomo o il creato? Ktisis in S. Paolo, Edizioni Dehoniane,
Bologna 1994.
[3] H. Schlier, La lettera ai Romani, Paideia, Brescia 1982, p. 429.
[4] Virgile, Eneide, I, 462.
[5] Cf. S. Irénée, Adv. haer. V, 1,2; V,3,3.
[6] Cf. C. F. Mooney, Teilhard de Chardin et le mystère du Christ, Aubier,
Paris 1966.
[7] M. Blondel e A. Valensin, Correspondance, Aubier, Parigi 1965.
[8] Gaudium
et Spes, 26.
[9] Tommaso d'Aquino, Somma contro i gentili, IV, 20, n. 3570 (Marietti,
Torino 1961, vol. 3, p. 286).
[10] S. Basilio, Sullo Spirito Santo, XVI, 38 (PG 32, 136).
[11] S. Ambrogio, Sullo Spirito Santo, II, 32.
[12] G. von Rad, in Genesi. Traduzione e commento di G. von Rad, Paideia,
Brescia 1978, pp. 56-57; à noter toutefois que dans Enuma Elish le vent
apparaît comme un allié du dieu créateur, et non un élément hostile qui
s'oppose à lui : cf. R. J. Clifford-R. E. Murphy, in The New Jerome Biblical
Commentary, 1990, p. 8-9.
[13] C'est ce qui arrive dans la "Bible de Jérusalem" : cf. note à Gn 1, 2
et Mt 3, 16 et in The New Jerome Biblical Commentary, Prentice Hall 1990,
pp. 10 e 638.
[14] S. Basilio, Esamerone, II, 6 (SCh 26, p. 168); Lutero, Sulla Genesi (WA
42, p. 8)
[15] S. Massimo di Torino, Sermo de sancta Pascha, 54,1 (CC 23, p. 218).
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Sources : www.vatican.va
-
E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 13.03.2009 -
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