 |
À la Maison Blanche, il y a une chaire de théologie politique. Et
voici comment Trump y enseigne
|
Le 13 février 2025 -
E.S.M.
- Quels sont les points communs entre Trump et le
roi David ? La comparaison peut sembler bizarre, mais
pas pour beaucoup de partisans évangéliques du
président, et cette comparaison exprime bien le rôle
important de la religion – et dans le même temps
l’utilisation politique de la Bible – aux États-Unis.
Cela ne fait que confirmer une caractéristique
profondément enracinée remontant à la préhistoire de la
nation, l’arrivée en 1620 des « pères pèlerins » et qui,
quatre siècles plus tard, reste toujours d’actualité.
S.M.
|
|
Donald Trump à la Maison Blanche
entouré d’un groupe de prédicateurs évangéliques -
Pour agrandir
l'image ►
Cliquer
À la Maison Blanche, il y a une chaire de théologie politique.
Et voici comment Trump y enseigne
Le 13 février 2025 -
E.S.M. -
(s.m.) Impensable en Europe mais pas aux États-Unis, la photo ci-contre
montre un Donald Trump inspiré à la Maison Blanche entouré d’un groupe
de prédicateurs évangéliques qui lui imposent les mains en invoquant sur
lui les bénédictions divines.
Il s’agit des leaders religieux qui
composent le « Faith Office », le département de la foi
institué par Trump le 7 février par décret présidentiel avec effet
immédiat. La dame en blanc à droite est celle à laquelle il a confié la
direction du département, Paula White, une figure éminente de cette « théologie
de la prospérité » qui fit l’objet de la critique évère d’un
éditorial de « La Civiltà Cattolica » du 21 juillet 2018.
Mais davantage encore que la « prospérité » comme signe de la faveur
divine, la polémique qui oppose aujourd’hui Trump aux Églises
protestantes historiques et à l’Église catholique a pour objet les
migrants qu’il a commencé à expulser des États-Unis.
Déjà pendant la cérémonie religieuse inaugurale de sa présidence dans
la Washington National Cathedral, Trump n’a pas caché son irritation
face aux reproches qui lui étaient adressés par Mariann Edgar Budde,
évêque de l’Église épiscopalienne.
Ensuite, ce sont les protestations de nombreux évêques catholiques
qui se sont abattues sur lui, avec à leur tête le président de la
Conférence épiscopale, Timothy P. Broglio, en conflit également avec ce
que le vice-président de Trump, le catholique converti J.D. Vance, avait
déclaré à leur encontre.
Mais par-dessus tout, mardi 11 février, le Pape François est
intervenu en personne, à travers une
lettre adressée aux évêques des États-Unis condamnant de la manière
la plus ferme le « programme de déportation de masse » mis en branle par
la présidence Trump.
Cette lettre s’articule en dix points et dans le sixième, le Pape
contredit précisément les déclarations de Vance dans un entretien à Fox
News du 29 janvier, en faveur de la primauté à accorder, dans l’amour du
prochain, « à ceux de sa propre maison » et ensuite à ceux qui sont plus
éloignés et puis à nouveau au reste du monde, comme l’ont enseigné saint
Thomas, saint Augustin et l’apôtre Paul avant eux dans la première
lettre à Timothée chapitre 5, verset 8. Un « ordo amoris » esquissé par
Vance que le Pape François renverse en assignant la primauté au pauvre,
même plus lointain, en s’appuyant sur la parabole du bon Samaritain.
Trump n’est certainement pas de nature à se laisser impressionner par
cette entrée en scène du Pape. Mais quelle que soit la manière dont ce
conflit évoluera, il illustre qu’aux États-Unis, la religion joue un
rôle très important dans l’arène politique, aujourd’hui comme hier, et
chaque président a interprété ce rôle à sa manière, avec des attitudes
qui auraient été impensables dans d’autres pays de l’Occident
sécularisé.
Et c’est justement ce que décortique pour nous Giovanni Maria Vian,
historien et professeur de littérature chrétienne ancienne à
l’Université de Rome « La Sapienza », ancien directeur de
« L’Osservatore Romano » de 2007 à 2018, dans la reconstitution
convaincante qui va suivre. Ce texte a été publié dans le journal
« Domani » du 9 février 2025, et nous le reproduisons ici avec
l’autorisation de l’auteur. À la Maison Blanche, il y a une chaire de
théologie politique. Et voici comment Trump y enseigne.
Trump, entre le roi David et Cyrus
de Giovanni Maria Vian
(dans le quotidien “Domani” du 9 février 2025)
Quels sont les points communs entre Trump et le roi David ? La
comparaison peut sembler bizarre, mais pas pour beaucoup de partisans
évangéliques du président, et cette comparaison exprime bien le rôle
important de la religion – et dans le même temps l’utilisation politique
de la Bible – aux États-Unis. Cela ne fait que confirmer une
caractéristique profondément enracinée remontant à la préhistoire de la
nation, l’arrivée en 1620 des « pères pèlerins » et qui, quatre siècles
plus tard, reste toujours d’actualité.
« J’écris les merveilles de la Religion chrétienne fuyant les
dépravations de l’Europe vers le Rivage américain », peut-on lire dans
les « Magnalia Christi Americana », publiés en 1702 par le prédicateur
puritain Cotton Mather pour les célébrer. « Il n’y a nulle autre nation
au monde où la religion chrétienne conserve une si grande emprise sur
les âmes qu’en Amérique », observe en 1831 Alexis de Tocqueville dans
une phrase devenue célèbre, et d’ajouter que « la religion est le
principal organisme du pays ».
La parallèle entre le candidat républicain et le roi David remonte
déjà à la première campagne électorale qui a porté Donald Trump à la
tête de la première puissance mondiale. En 2016, deux représentants
importants du protestantisme américain l’avaient déjà comparé au Roi de
Juda : Jerry Falwell Junior, qui est à la tête d’une célèbre université
appartenant à la galaxie fondamentaliste chrétienne, et Franklin Graham,
fils du célèbre Billy, le prédicateur ami des présidents, de Lyndon
Johnson à Reagan et Obama en passant par Richard Nixon.
Même la chevelure en bataille dont le président s’enorgueillit « est
tout sauf anodine », a commenté l’historien Christian-Georges Schwentzel
interrogé dans « Le Monde » du 25 janvier par Virginie Larousse. Elle
tire sur le jaune, même si la couleur n’est pas aussi vive que celle des
Simpson, qui dans un lointain épisode de l’an 2000 avaient – fait
incroyable – avait prédit l’élection de Trump.
D’ailleurs, cette particularité capillaire ne rappelle-t-elle pas la
description du roi David que l’on peut lire dans le premier livre de
Samuel dans le latin de la Vulgate : « rufus et pulcher adspectu
decoraque facie ». Quelques mots transformés par Dante dans l’admirable
verset « il était blond, et beau, et de noble aspect » avec lequel il
décrit l’infortuné roi Manfredi dans le troisième chant du Purgatoire.
On peut sans doute douter des réminiscences bibliques du président
qui, en 2019, éludait une question d’un journaliste sur sa foi
religieuse – d’orientation protestante presbytérienne – en répondant
qu’il s’agissait d’une question « personnelle ». Mais quatre ans plus
tôt, lors d’un rassemblement en Caroline du Sud, The Donald avait invité
les participants à toucher son abondante chevelure blonde, tel un roi
thaumaturge du Moyen Âge, mais simplement pour vérifier qu’ils fussent
vrais.
Au-delà de cette ressemblance improbable quoique répétée à l’envi
avec le roi David, il n’en demeure pas moins que le président — par
ailleurs en continuité avec ses prédécesseurs, républicains comme
démocrates – a toujours abondamment eu recours à une rhétorique
éminemment religieuse. Comme ce fut le cas après l’attentant du 13
juillet 2024, quand le candidat controversé qui venait d’échapper d’un
cheveu à la mort, avait attribué son salut à Dieu lui-même.
C’est dans ce contexte pétri de références bibliques que de nombreux
chrétiens évangéliques fondamentalistes – partisans inconditionnels de
l’État d’Israël – avaient perçu le déménagement en 2017, pendant le
premier mandat de Trump, de l’ambassade américaine de Tel Aviv vers
Jérusalem. Cette décision présidentielle était en totale harmonie avec
leurs attentes, bien qu’à peine 16% des Juifs américains la soutenaient,
comme l’a rappelé le théologien espagnol Rafael Aguirre.
Dans son second discours d’investiture, le 20 janvier dernier, le
président a assuré que « l’âge d’or de l’Amérique » allait commencer,
comme il l’avait déjà promis pendant sa campagne électorale, en appelant
à un imaginaire apocalyptique positif. Selon le médiéviste Joël Schnapp,
en effet, il s’agirait d’une référence au règne millénaire des justes
décrit à la fin du dernier livre de la Bible.
Ces allusions sembleront « totalement anachroniques en France et en
Europe occidentale, où la sécularisation domine », a déclaré l’historien
au « Monde », mais elles gardent « un effet mobilisateur » aux
États-Unis. Un effet très redouté en Europe, comme l’exprime dans le
quotidien parisien un remaniement troublant représentant trois des
quatre cavaliers de l’Apocalypse – qui, dans la vision scripturaire,
déchaînent la violence, l’injustice et la mort sur la terre – avec les
visages de Trump, de Musk et de Zuckerberg.
À l’inverse, l’un des principaux bailleurs de fonds du président
américain, Peter Thiel, a fait référence à l’apocalypse de manière très
différente dans le « Financial Times » du 11–12 janvier : si l’on tient
compte du sens premier de son titre – qui signifie « révélation » — le
retour de Trump à la Maison Blanche promet de révéler certains « secrets
de l’ancien régime » : de l’assassinat de Kennedy à la pandémie. Même si
l’ami de président a écrit que « les révélations de la nouvelle
administration » n’ont pas besoin de vengeance parce qu’ « un temps de
vérité et de réconciliation » est arrivé.
Il semblerait donc que l’appel lancé en 2019 par un groupe de
spécialistes en histoire des religions dans le « Washington Post » pour
résister à la tentation de faire passer les hommes politiques pour des
personnages bibliques soit resté lettre morte. Notamment parce que dans
les faits, ces experts n’ont pas tenu compte de l’histoire des
États-Unis.
La figure du président Lincoln, qui a aboli l’esclavage, demeure
évidemment emblématique. Élevé dans une famille baptiste, mais non
baptisé et n’adhérant à aucune confession, Lincoln – écrivait Michael
Lahey – plus que quiconque « fut un messie pour son peuple » : assassiné
en 1865 le Vendredi saint, « le jour où l’on rappelle la mort du messie
chrétien ».
Presque tous les présidents des États-Unis ont commencé leur mandat
en prêtant serment sur la Bible. Ils n’ont été que quatre –Thomas
Jefferson, John Quincy Adams, Theodore Roosevelt et Calvin Coolidge – à
ne pas l’avoir fait, et Johnson, après l’assassinat de Kennedy, avait
prêté serment sur un missel catholique qui se trouvait dans l’Air Force
One qui le ramenait à Washington. Sept autres présidents ont en revanche
utilisé deux bibles : parmi eux, Obama et Trump ont tenu à prêter
serment sur la bible de Lincoln.
Ronald Reagan a imprimé un tournant conservateur à l’usage politique
que les présidents faisaient des Écritures saintes. Fort d’une décision
du sénat, il déclare 1983 « année de la Bible ». Le discours aux accents
apocalyptique sur la nécessité de s’opposer à « l’empire du mal » date
de cette même année. Des accents qui ont refait leur apparition dans les
interventions du « chrétien born again » George W. Bush après le 11
septembre.
Obama évoque le rôle de la religion en 2006, avant d’être élu
président, dans le but de professer sa « foi chrétienne » mise en doute
par ses adversaires : c’est « une erreur quand nous ne reconnaissons pas
le pouvoir de la foi dans la vie des personnes – dans la vie du peuple
américain – et je crois que l’heure est venue d’ouvrir un débat sérieux
sur la manière de réconcilier la foi avec notre démocratie moderne et
pluraliste ».
Les Américains « sont un peuple religieux » et cela « n’est pas
seulement le résultat du succès marketing de prédicateurs chevronnés »
mais c’est l’expression « d’une faim plus profonde », déclare Obama. Qui
comme président, cite souvent la Bible et se revendique de la tradition
chrétienne américaine, tout en réaffirmant le caractère pluraliste et
tolérant de la nation.
En 2022, d’après une enquête du Pew Research Center, pas moins de 45%
des personnes sondées considéraient que les États-Unis devaient être une
« nation chrétienne ». Mais en même temps, ils étaient 54% à penser
qu’il fallait renforcer la séparation entre l’Église et l’État.
Le cadre est donc en mouvement, et le sociologue français Sebastien
Fath a déclaré que dans la dernière campagne électorale, Trump ne s’est
pas seulement adressé aux « nationalistes chrétiens ». Et si J.D. Vance,
aujourd’hui vice-président, s’est converti au catholicisme en 2019, Elon
Musk se déclare déiste « et n’a rien de chrétien ».
En définitive, plutôt qu’au roi David, Trump ressemble peut-être
davantage à Cyrus, qui dans le livre d’Isaïe (45, 1–8) est décrit comme
le messie païen victorieux des babyloniens après avoir mis fin à l’exil
du peuple hébreu en 539 avant Jésus Christ. Forgée par des
fondamentalistes chrétiens, cette comparaison entre le « grand roi »
perse et le président a d’ailleurs été reprise en 2017 par Netanyahou,
ce qui n’avait pas manqué de susciter les critiques de nombreux juifs et
chrétiens.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
Les lecteurs qui
désirent consulter les derniers articles publiés par le site
Eucharistie Sacrement de la Miséricorde, peuvent
cliquer sur le lien suivant
► E.S.M.
sur Google actualité |
Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 13.02.2025
|