Quand le pape Benoît XVI évoque la
vie éternelle |
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Le 12 décembre 2008 -
(E.S.M.)
- Nous avons négligé de publier une conférence de Mgr Jean-Louis
Bruguès, Secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique au
Vatican. Cette analyse est le résultat d'une grande expérience. En ce
qui concerne les jeunes, il nous dit que chez eux, l'amour du Christ est
indissociable de l'amour de son Église.
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Mgr Jean-Louis Bruguès
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Quand le pape Benoît XVI évoque la vie éternelle
Samaritains de l'espérance pour une Europe humaine et chrétienne
(Réunion des Vocations pour l'Europe)
Le 12 décembre - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- Je confierai d'abord que je trouve magnifique le
titre retenu Samaritains de l'Espérance pour une Europe humaine et
chrétienne... magnifique et impressionnant ! Mon embarras tient à
plusieurs raisons dont deux l'emportent sur les autres. D'abord, savons-nous
vraiment ce qu'est l'Europe et vers où elle se dirige ? La question des
sources chrétiennes, agitée au cours de ces dernières années, est fort
significative, car elle conduit tout droit à la question de l'identité, qui
est à l'évidence une question centrale, mais que l'on feint d'ignorer. Ou
bien, l'Europe est, en effet, un grand marché ayant vocation à s'ouvrir le
plus largement possible à des pays qui n'appartiennent pas au continent
géographique : demain, la Turquie, après-demain les pays du Maghreb. C'est
la conception dite anglo-saxonne, car soutenue par la Grande-Bretagne et les
États-unis. Ou bien, l'Europe est un concert de nations qu'unissent la
géographie, bien sûr, mais tout autant une histoire et une civilisation
communes, dans lesquelles le christianisme a joué un rôle de premier plan.
Récuser les origines chrétiennes revient, en fait, à adopter la première
vision : un simple marché. Ne nous étonnons pas si les peuples et les jeunes
générations surtout ne manifestent guère d'enthousiasme pour soutenir un
projet politique si court.
Le titre retenu pour ce Congrès international contient un second mot
également impressionnant : espérance. La dernière encyclique de notre pape
Benoît XVI,
Spe Salvi, explique avec le sens pédagogique que nous lui connaissons,
que l'espérance est devenue le point aveugle des sociétés sécularisées. A
partir du moment où la perspective d'un au-delà de l'existence physique se
trouve exclue, même au titre d'une simple hypothèse, des choix collectifs
aussi bien que des choix personnels, la mort devient le scandale par
excellence dont il convient de repousser l'échéance au-delà même du
raisonnable : nous le voyons bien avec les débats relatifs à l'euthanasie.
Dès lors, la tâche du croyant au Christ ressuscité, et donc vainqueur de la
mort, se trouve aisément tracée : il est une vie supérieure qui donne à
toute vie humaine sens et saveur, une vie qui nous introduit à l'éternité
même de Dieu et appelée précisément vie éternelle. Voilà ce que nous sommes
en réalité : des pèlerins d'éternité.
Les plus belles pages de l'encyclique sont celles précisément qui parlent de
la vie éternelle (n° 10 et s.). « Le moment est
venu, écrit le Saint-Père, de nous demander explicitement
si la foi
chrétienne est bien pour nous une espérance qui
transforme notre vie et la
soutient ». Est-ce seulement une « information » que nous avons reçue, parmi
tant d'autres, et que nous avons laissée dans un coin de notre mémoire,
submergée par des informations plus récentes ; ou bien, est-elle «
performative », c'est-à-dire capable de changer notre existence et la face
du monde ?
Il n'existe pas de tâche plus urgente aujourd'hui pour notre Église que
celle de redonner le goût de l'éternité. Cette conviction m'avait guidé tout
au long des trois carêmes que je prêchais à Notre-Dame de Paris, de 1995 à
1998. Existe-t-il en l'homme quelque chose qui « passe infiniment l'homme »,
comme le soutenait Pascal, ou bien, est-il à lui-même sa propre mesure,
ainsi que l'affirmait déjà Protagoras ? N'est-il pas vrai que les croyants
de tous les temps qui se sont pressés dans les temples de Delphes, de
Louxor, d'Ayodhya, de Teotihuacan et des cathédrales chrétiennes, mais aussi
les incroyants devenus si nombreux aujourd'hui, frappent tous, d'une manière
ou d'une autre, à la porte de la divinité, quel que soit le nom donné à
cette dernière, et répètent : « Je veux voir Dieu ? »
Si cette tâche de redécouverte de l'éternité est bien celle de l'Église
entière, elle doit se retrouver au premier rang
des préoccupations des
prêtres de leur pastorale, de leur formation, de leur enseignement et de
leur vie spirituelle. S'ils ne sont pas eux-mêmes ces pèlerins d'éternité
que nous venons de nommer, comment pourraient-ils conduire leurs fidèles à
eux confiés sur les chemins de l'espérance ? Samaritains de l'Espérance : le
titre de notre congrès se trouve ainsi pleinement justifié. On comprend
alors que la question des vocations sacerdotales n'est pas seulement
cruciale pour notre Église, son gouvernement, son enseignement et sa vie
sacramentelle, mais pour l'Europe aussi bien, dont l'espérance est malade et
qui doit apprendre à croire en son propre avenir.
La question des vocations a fait l'objet de si nombreuses études, analyses
et interprétations au cours de ces dernières décennies que celui qui, comme
moi en ce moment, se trouve dans l'obligation d'en traiter éprouve
immédiatement un sentiment de lassitude. Que dire de vraiment neuf ? Comme
l'observait déjà une écrivain français du XVIIe siècle, « Nous arrivons trop
tard, tout a déjà été dit ».
Je ne m'appuierai donc pas sur ces travaux, même s'ils ne me sont pas tout à
fait inconnus, bien sûr, mais plutôt sur ma propre expérience. Cette
expérience comporte quatre volets : comme supérieur de couvents, puis d'une
province dominicaine, j'ai reçu pendant des années les candidats au noviciat
; comme enseignant de théologie, j'ai été en contact pendant plus de vingt
ans avec des séminaristes français et étrangers ; comme évêque d'Angers,
j'ai exercé en premier la responsabilité de la politique des vocations dans
mon diocèse ; enfin, Secrétaire de la Congrégation romaine pour l'Éducation
catholique, j'ai commencé à mieux prendre conscience de la diversité
des situations de par le monde (Le 10
novembre 2007, le pape Benoît XVI nommait
Mgr Jean Louis Bruguès, Secrétaire
de la Congrégation pour l’éducation catholique).
Vocations sacerdotales et vocations
religieuses
Permettez-moi d'apporter en ce moment une double précision. On a coutume de
mettre sur le même pied les vocations sacerdotales et les vocations
religieuses. On les englobe volontiers dans la même « politique des
vocations » ; on répète à l'envie que l'Église et les évêques en particulier
doivent renouveler sans cesse les appels à devenir prêtre ou religieux. En
réalité, ces vocations sont de nature très différente ; il convient, par
conséquent, de les distinguer avec soin. La vocation sacerdotale relève de
la décision de l'Église qui a reçu le pouvoir d'authentifier, en fonction de
ses besoins, les appels du Christ adressés à des hommes, généralement
jeunes, à devenir « comme lui ». Elle trouve son origine dans le service du
peuple de Dieu. Un évêque est donc à même de déclarer sur la place publique:
« J'embauche! », quand le besoin se fait sentir. Le peuple de Dieu qui m'a
été confié a besoin de pasteurs ; je m'adresse à toi, parce que j'estime que
tu as la capacité d'exercer ce ministère et je te demande : « Veux-tu
devenir un ouvrier de la vigne du Seigneur ? » Si l'appel lancé était
entendu par un très grand nombre et si le séminaire de ce même évêque venait
à se remplir au point de devenir trop plein (un rêve !),
celui-ci pourrait déclarer tout aussi publiquement : « Je ne prends plus
personne. Les besoins de mon Église particulière sont couverts.
Présentez-vous à d'autres évêques... » Redisons donc que la vocation
sacerdotale relève du service de l'Église.
La vocation religieuse répond, elle, à une inspiration de l'Esprit. Elle est
de nature charismatique. Celui qui entre dans une maison religieuse choisit
d'abord un style de vie, à la manière des Apôtres et des premières
communautés chrétiennes. Que cette existence comporte un service du peuple
de Dieu, ne serait-ce que dans la prière d'intercession, est évident : mais
ce service n'est pas premier. Ainsi s'expliquerait sans doute la très grave
crise des vocations, en bien des endroits mortelle, affectant des familles
religieuses organisées à partir d'une activité singulière. En d'autres
termes, dans la vie religieuse, le mode d'être transcende, et de loin, le
mode du faire. Le Supérieur n'appelle pas ; il se contente, si je puis dire,
de vérifier l'authenticité de la motion de l'Esprit chez le candidat qui
frappe à la porte du couvent ou du monastère. Si le noviciat devient trop
plein et les maisons surchargées, il n'a pas le droit de dire, à l'inverse
de l'évêque : « Je ne peux plus vous prendre ! » Il se devra d'agrandir les
bâtiments ou d'en construire de nouveaux. C'est exactement la situation dans
laquelle je me suis trouvé comme prieur du couvent des dominicains de
Bordeaux : l'afflux des vocations a fait que j'ai dû diviser les cellules
par la moitié ; quand, j'ai voulu les diviser encore une fois, les frères
m'ont assuré que ce n'était plus possible de vivre dans de telles
conditions. Je me suis mis donc en recherche de nouveaux bâtiments...
La seconde observation ne surprendra personne. Les Églises occidentales, en
Europe notamment, sont comme obnubilées par la baisse effectivement
dramatique des vocations et le manque de prêtres. Il est bon de rappeler que
les situations diffèrent grandement d'un continent à l'autre. C'est ainsi
que plusieurs diocèses de la Corée du Sud ou de l'Afrique ont restreint les
entrées dans les séminaires devant l'afflux massif des demandes. Les évêques
européens, reçoivent constamment des lettres émanant de candidats africains
qui ne peuvent être acceptés chez eux. Les évêques de l'Amérique centrale
venus récemment effectuer leurs
visites ad limina à Rome au cours des
dernières semaines, présentaient des chiffres très encouragement : le nombre
des ordinations avaient été multiplié par deux ou par trois depuis une
vingtaine d'années. Au Mexique et en Colombie, de nombreux séminaires
affichent complet.
Dans les Églises occidentales, en revanche, la baisse des entrées au
séminaire est presque partout forte, voire très forte. Des séminaires
ferment, par manque de candidats ; des paroisses sont regroupées par manque
de prêtres ; des diocèses voient leur avenir compromis par l'amenuisement du
troupeau. L'air du temps chez nous est au rétrécissement et à la gestion
économe des forces qui se réduisent dangereusement. S'il n'y a pas d'Église
sans prêtre, ainsi que je l'ai proclamé dès mon arrivée dans le diocèse
d'Angers, qu'en sera-t-il demain ? Ce contexte de rétraction généralisée ne
favorise pas évidemment l'éclosion des vocations sacerdotales. Qui aimerait
monter sur un navire que d'aucuns disent en perdition, ou du moins en route
vers la mise en cale ?
Il n'existe pas de recette magique : on la connaîtrait déjà. En revanche, il
vaut la peine de risquer quelques interprétations. Pour rendre compte de ce
phénomène complexe, il convient évidemment de se référer à des facteurs
multiples. C'est ainsi qu'on a évoqué avec raison l'assèchement du bassin
traditionnel des vocations : la raréfaction des familles nombreuses et de
tradition chrétienne vivant dans le monde rural. De fait, plus de moitié des
entrées au séminaire ou dans la vie religieuse, en France du moins, viennent
de familles désunies, des milieux urbains et souvent universitaires. Le
cardinal Lustiger avait avancé une hypothèse intéressante, mais qui
mériterait d'être vérifiée techniquement : il assurait que le nombre des
prêtres restait toujours en étroite corrélation avec celui des fidèles
pratiquants. La baisse des vocations illustrerait alors la baisse de la
pratique et plus encore l'affaiblissement de la foi. Je vous invite
toutefois à regarder au-delà des explications de nature exclusivement
sociologique.
La sécularisation des sociétés européennes
Quant à moi, je reste persuadé que l'explication majeure de ce changement
est à rechercher du côté de la sécularisation des sociétés européennes. Le
mot est maintenant largement répandu, mais est-il compris de manière
identique partout ? La sécularisation désigne d'abord un processus
historique qui, né en France au milieu du XVIIIe siècle, a gagné
progressivement les autres sociétés du continent, et d'ailleurs. Ce
processus a franchi trois étapes : le procès intenté à un Dieu qui « avait
eu tout le pouvoir et s'en était mal servi, en trompant les hommes »
(vous reconnaissez là un argumentaire fréquent chez les
philosophes du XVIIIe siècle) ; puis le rejet, ou la mort de
Dieu, bien illustré par Nietzsche ; enfin l'avènement d'un homme-démiurge,
au XXe siècle, à qui les progrès extraordinaires de la science et plus
encore de la technique ont permis de prendre la place d'un Dieu désormais
absent.
La sécularisation désigne aussi un état d'esprit appelé sécularisme. Il
consiste à rejeter toute référence au-delà du siècle (d'où
son appellation) et récuser tout fondement religieux ou
métaphysique pour les normes dont la société a besoin. Cette société les
tire désormais d'un « échange des paroles » à l'intérieur de la procédure
démocratique. Je laisse de côté le problème fort intéressant du rôle joué
par le christianisme dans cette « sortie de la religion »
(Marcel Gauchet), et par suite la grande difficulté, pour ne pas
dire l'impossibilité éprouvées par d'autres religions, comme l'Islam, pour
s'adapter à elle. La sécularisation est une invention chrétienne.
Il reste fort probable, sinon certain, que la sécularisation caractérisera
encore longtemps nos sociétés et que le soi-disant « retour du religieux »
relève davantage du mythe ou du fantasme que de la prévision historique. La
question se pose donc de manière inévitable : comment se situer par rapport
à la sécularisation ?
Une
ligne de partage, peut-être de fracture
La thèse que je voudrais soutenir ici est qu'il existe dans l'Église
européenne(1) une ligne de partage,
peut-être de fracture, variable certes d'un pays à l'autre, entre ce que
j'appellerai un « courant de composition » et un « courant de résistance ».
Le premier fait observer qu'il existe des valeurs à forte densité chrétienne
dans la sécularisation, telles que l'égalité, la liberté, la solidarité, la
responsabilité, et qu'il doit donc être possible de composer avec elle et de
trouver des domaines de coopération. Le second courant invite au contraire à
prendre ses distances avec elle. Il estime que les différences ou les
oppositions, surtout dans le domaine éthique, se feront de plus en plus
marquées. Il propose donc un « modèle alternatif » au modèle dominant, et
accepte de jouer le rôle d'une minorité contestatrice. Le premier courant a
été prédominant dans l'après-concile ; il a fourni la matrice idéologique
des interprétations qui se sont imposées à la fin des années 60 et durant la
décennie de 70. Les choses se sont inversées à partir des années 80,
notamment - mais non pas exclusivement - sous l'influence du pape Jean-Paul
II. Le courant de la composition a vieilli, mais ses tenants détiennent
encore des postes-clés dans l'Église. Le courant du modèle alternatif s'est
considérablement renforcé, mais il n'est pas encore devenu dominant. Ainsi
s'expliqueraient les tensions du moment dans plusieurs Églises de notre
continent.
Il ne me serait pas difficile d'illustrer la juxtaposition que je viens de
décrire par de nombreux exemples. Les universités catholiques se
répartissent aujourd'hui selon cette ligne de partage : certaines jouant la
carte de l'adaptation et de la coopération avec la société sécularisée,
quitte à prendre une distance critique vis-à-vis de tel ou tel aspect de la
doctrine ou de la morale catholiques ; d'autres, d'inspiration plus récente,
mettent l'accent sur la confession de la foi et la participation active à
l'évangélisation. Il en va de même avec les écoles catholiques.
Il en va encore de même, pour retrouver notre sujet, avec la physionomie de
ceux qui frappent à la porte de nos séminaires ou de nos maisons
religieuses. Les candidats de la première tendance se sont faits de plus en
plus rares, au grand regret des prêtres des générations plus anciennes, mais
ils n'ont pas complètement disparu. Les candidats de la seconde tendance
sont devenus aujourd'hui plus nombreux que les premiers, mais ils hésitent à
franchir le seuil de plusieurs séminaires ou maisons religieuses car ils n'y
trouvent guère ce qu'ils recherchent. Pendant un temps, ils ont préféré
regarder du côté des communautés nouvelles ou de certains ordres anciens.
Les dominicains, les carmes, certains franciscains et bénédictins ont
bénéficié de cette réorientation, mais celle-ci ne manque pas de poser des
problèmes : on n'entre pas dans la vie religieuse par dépit, ou parce que la
formation qui y est proposée est jugée de meilleure qualité!
Jusqu'à ce que certains évêques se décident à créer, à partir de zéro ou en
réformant des structures anciennes, des séminaires plus conformes à ce que
l'on appelle - mais l'expression reste quelque peu méprisante - la
sensibilité des générations plus jeunes.
Des analyses précédentes et de mes expériences personnelles, je tire
quelques convictions que je vous confie en guise d'ouverture de notre
Congrès.
- On n'entrera plus dans des séminaires ou des maisons religieuses où l'on
respire d'abord un air de critique de l'institution(2).
Ceux qui se présentent ont connu le plus souvent une forme de
conversion
personnelle. L'amour du Christ est indissociable chez eux de l'amour de son
Église. Ils veulent sentir dans nos maisons ce même amour de l'Église, ce «
sentire cum Ecclesia » qui est l'une des conditions premières de la
formation du futur prêtre. Certes, cette formation implique l'acquisition de
réel sens critique, dans le sens scientifique du terme, mais celui-ci ne
saurait s'exercer vis-à-vis des figures que les candidats perçoivent comme
constituantes, du pape et de certains saints. En d'autres
termes, ou bien nos séminaires s'ouvrent à la « génération Jean-Paul II »,
avec les adaptations et révisions que cela suppose, ou bien ils ne recevront
plus grand monde.
- La culture chrétienne s'est effondrée dans notre vieux continent. Elle
s'est effondrée dans la conscience collective de nos sociétés, mais elle
s'est effondrée aussi dans la connaissance des baptisés. Les jeunes savent
qu'ils ne savent pas. Cette mise à zéro leur permet de ne pas partager des
préjugés négatifs qui étaient souvent la marque de leurs aînés. Ils veulent
apprendre l'Église comme on parcourt un album de famille. Certes, cette
histoire comporte des pages sombres que nous n'avons pas le droit d'estomper
de notre mémoire, mais nos jeunes attendent d'abord qu'on leur en conte les
pages heureuses. Ils ne ressentent plus les tendances à l'auto-flagellation
d'antan et veulent être fiers de leur famille. Ils iront là où on leur
enseignera la fierté d'être chrétien.
- Je viens de parler de famille. Les plus jeunes sont sensibles à la
nécessité de vivre les relations internes au presbyterium comme de vraies
relations fraternelles, où l'on éprouve du plaisir à se retrouver sans
crainte d'un jugement plus ou moins idéologique (cette
manie de se coller des étiquettes sur le front !), où l'on
partage la prière, les préoccupations du ministère, mais encore
la passion
d'annoncer l'Évangile. Fraternité avec les prêtres, paternité avec les
évêques. Que de fois ai-je entendu les séminaristes et les jeunes prêtres se
plaindre de la distance ou de manque d'intérêt (réels ou
supposés) de la part de leur évêque ! Comme dans une famille où
les parents se doivent à tous, mais en priorité aux membres plus jeunes, les
évêques considéreront les plus jeunes comme premiers dans leur ministère de
paternité. Dans une famille, ce sont toujours les parents qui s'adaptent aux
enfants, et non pas l'inverse.
- La sécularisation, le croisement des cultures et des religions rendent les
candidats éventuels particulièrement sensibles aux signes et aux marques
soulignant l'identité. Cet attachement s'exprime de multiples manières.
L'une des plus discutées est leur volonté d'observer ce que demande l'Église
dans la célébration liturgique (la chasuble et non
seulement l'étole pour les prêtres), ou dans le vêtement habituel
(croix, col romain, voire soutane, habit religieux).
Que l'on ne dise pas que ces questions sont secondaires. Tout ce qui touche
au symbole est au contraire d'importance. Plus largement encore, ces jeunes
ont besoin de clarté. Ils attendent que l'on leur annonce bien la couleur.
Les familles religieuses qui reçoivent des jeunes sont celles qui ont
clairement redéfini leur propos. Cette réforme - car c'en est une - est plus
aisée dans la vie religieuse. L'identité du prêtre, elle, se trouve plus
souvent brouillée : la perte de prestige social, la surcharge de travail, la
redéfinition des responsabilités entre clercs et laïcs rendent plus malaisée
que dans le passé la réponse à la question : « Pourquoi devenir prêtre ? »
- D'une certaine manière, la véritable « politique des vocations » est celle
qui n'existerait pas en tant que telle. La meilleure « politique » reste
celle du témoignage. Que les prêtres soient heureux d'exercer leur ministère
et que cela se voit devrait suffire à assurer le relais nécessaire de
l'appel du Christ. La litanie des saints qui se termine par les invocations
: « Donnez-nous de nombreux et saints prêtres ! » dit très juste. Le nombre
dépend de la qualité. Dans le fond, il n'y a de politique des vocations que
dans la sainteté des ministres.
Notes :
1 Les analyses et réflexions qui suivent concernent surtout les Églises
européennes occidentales. La situation des Églises de l'Est diffère en ce
qu'elles se trouvent pour la plupart dans une étape de « récupération ».
Toutefois, les effets de la sécularisation commencent à se faire sentir
aussi en Pologne, en Croatie et en Slovaquie.
2 J'ai analysé la situation de la vie religieuse française dans un article
Au tournant d'un millénaire, la vie religieuse, parue dans « Cahiers Saint-Dominique », n° 268, juin 2002.
Sources : www.vatican.va -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 12.12.2008 -
T/Vie sacerdotale - Vie religieuse |