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19 Avril 2005
 

À propos du préservatif et du sida le pape Benoît XVI est descendu de sa chaire

 

Rome, le 11 décembre 2010  - (E.S.M.) - La discussion ouverte par Benoît XVI relativement à l'un des points les plus sensibles de la morale catholique devient de plus en plus vive. Deux nouvelles interventions, celles d'un théologien et d'un philosophe, en exclusivité.

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À propos du préservatif et du sida le pape Benoît XVI est descendu de sa chaire

par Sandro Magister

Le 11 décembre 2010 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde - La discussion à propos du sida et du préservatif lancée par Benoît XVI dans un passage de son livre-entretien "Lumière du monde" connaît chez les catholiques de nouveaux et importants développements.

Les interprétations les plus restrictives des propos du pape – dont www.chiesa a parlé dans deux précédents articles – ont reçu une réponse en sens contraire d’un spécialiste de la théologie morale très engagé sur ce sujet, le Suisse Martin Rhonheimer, professeur d’éthique et de philosophie politique à l’Université Pontificale de la Sainte Croix, l'université romaine de l'Opus Dei.

Ce n’est pas tout. Un philosophe catholique italien de premier plan est également intervenu dans la discussion, pour défendre une interprétation encore plus ouverte et extensive des propos du pape.

Mais procédons avec ordre.

Le professeur Rhonheimer s’était déjà exprimé en 2004, dans un article publié par "The Tablet" de Londres, en faveur de l'utilisation du préservatif à des fins non contraceptives, dans des cas semblables à ceux que l’on trouve maintenant donnés comme exemples par Benoît XVI dans son livre.

Cet article, nous révèle aujourd’hui son auteur, avait été soumis à l’examen de la congrégation vaticane pour la doctrine de la foi. Et ladite congrégation n’avait rien trouvé à y objecter.

Mais, entre temps, cet article de Rhonheimer avait été vivement contesté par d’autres chercheurs catholiques, en particulier par Luke Gormally, membre de l’Académie Pontificale pour la Vie.

Et aujourd’hui Gormally est de nouveau l’un des plus inflexibles partisans du "non" à l’utilisation du préservatif, sans aucune exception, pas même dans le cas d’une prostituée qui voudrait se protéger d’une infection mortelle.

En plus de lui et d’autres personnes, le jésuite Joseph Fessio - éditeur de "Lumière du monde" aux États-Unis et membre du Schülerkreis, le cercle des anciens étudiants qui ont eu Joseph Ratzinger comme professeur de théologie – s’est prononcé en faveur d’une interprétation très restrictive des propos du pape.

Au Vatican, le cardinal Raymond Burke, préfet du tribunal suprême de la signature apostolique, s’est exprimé en termes rigoureux.

Le professeur Rhonheimer a donc décidé de revenir sur le sujet, pour soutenir une interprétation plus ouverte – et à son avis plus fidèle – des propos du pape.

Il l’a fait dans une longue interview qu’il a accordée à l’hebdomadaire catholique le plus diffusé aux Etats-Unis, "Our Sunday Visitor", interview dont on trouvera ci-dessous les principaux passages.

Et surtout il l’a fait dans un nouvel article, écrit expressément pour www.chiesa, qui est publié intégralement ci-dessous.

Rhonheimer y explique pour quelles raisons Benoît XVI a tout à fait raison quand il reconnaît, dans l’utilisation du préservatif dans des situations de péché particulières, "un premier pas vers une moralisation" et "une première prise de responsabilités".

Sur le cas classique – que le pape n’a pas abordé – de deux époux dont l’un est infecté et utilise le préservatif pour ne pas contaminer l’autre, Rhonheimer s’exprime avec prudence et se limite à indiquer les critères de jugement.

Au contraire le philosophe catholique auteur de l’autre intervention importante de ces jours-ci entre directement dans l’examen de ce cas et défend la licéité de l’utilisation du préservatif.

Il cache son identité sous la signature Giovanni Onofrio Zagloba, du nom d’un personnage littéraire conçu par Henryk Sienkiewicz, sorte de Falstaff polonais, ingénieux et fanfaron.

La lecture de son texte montre qu’il est très savant en philosophie et en théologie, qu’il participe beaucoup à la vie de l’Église et qu’il a beaucoup d’estime à la fois pour le pape actuel et pour le prédécesseur de celui-ci.

Il a souhaité que son texte, long et argumenté, soit publié sous forme de lettre.

On en trouve l’intégralité depuis deux jours sur "Settimo Cielo", le blog attaché à www.chiesa pour les lecteurs de langue italienne : "Caro Magister, le parole del papa sull'uso del preservativo..."

Il y a dans ce texte un passage qui provoquera certainement des discussions, celui où l'auteur parle de l'adultère et admet, dans ce cas, l'utilisation du préservatif même à des fins contraceptives :

"Dans l’adultère ce qui est mauvais, ce n’est pas l’utilisation (éventuelle) du préservatif. C’est la relation sexuelle avec une personne qui n’est pas le conjoint. Éviter que de cette relation naissent des enfants peut être préférable au fait d’aggraver encore davantage la situation en procréant un enfant hors mariage".

Pour en revenir à Rhonheimer, voici donc, dans l’ordre, son article exclusif pour www.chiesa et l’interview qu’il a accordée à "Our Sunday Visitor".

RÉFLEXIONS SUR LES CONSIDÉRATIONS DU PAPE À PROPOS DU SIDA ET DU PRESERVATIF

par Martin Rhonheimer

Pourquoi le pape Benoît XVI a-t-il soudain décidé d’aborder la question du sida et du préservatif ? Et pourquoi l’a-t-il fait de cette façon ?

D’après ce qu’il dit à Peter Seewald dans "Lumière du monde", il a été contrarié par les réactions suscitées par ses propos à ce sujet lors de son voyage de mars 2009 en Afrique. La tempête médiatique qui a suivi a montré que trois croyances étaient largement répandues dans la société occidentale : que le préservatif était la solution au problème du sida en Afrique ; que l’enseignement de l’Église en matière de contraception impliquait que l’utilisation du préservatif était interdite aux personnes ayant des modes de vie immoraux et à haut risque ; et que lorsque le pape Benoît XVI avait dit que les campagnes en faveur du préservatif pour combattre le sida en Afrique étaient “inefficaces”, on a pensé qu’il se référait aux déclarations faites en 2004 par le cardinal Alfonso López Trujillo, alors président du conseil pontifical pour la famille, selon lesquelles les préservatifs étaient trop poreux pour constituer une barrière efficace contre la transmission du virus VIH.

Le pape souhaitait vivement dissiper ces mythes et, dans son interview qui constitue tout un livre, il le fait en quelques brefs paragraphes. Il a clairement affirmé que les campagnes en faveur du préservatif “banalisent” la sexualité, ce qui provoque une expansion accrue du virus, et que seule “l’humanisation” de la sexualité peut limiter la diffusion du virus. Mais il a également ajouté que l’utilisation du préservatif par un(e) prostitué(e), quand elle avait pour but d’éviter l’infection, serait au moins “une première prise de responsabilité” ; et, en disant cela, il a mis implicitement fin aux deux autres mythes : en effet si le préservatif était inefficace pour freiner la transmission du virus dans les groupes à haut risque, son utilisation ne serait pas un acte responsable. Et si, comme certains l’avaient affirmé, l’Église enseignait que le préservatif était “intrinsèquement mauvais”, alors le pape pourrait difficilement considérer leur utilisation comme un “premier pas” dans la voie du progrès moral.

Personnellement, j’ai été très soulagé qu’il ait rendu clair ce dernier point, parce que, quand j’ai dit cela, il y a quelques années, dans un article (“The truth about condoms” [La vérité à propos du préservatif] paru le 10 juillet 2004 dans "The Tablet" de Londres, j’ai été accusé par un grand nombre de bons et fidèles catholiques d’inciter à la distribution de préservatifs pour arrêter l’épidémie de sida et, par conséquent, de saper les efforts de l’Église pour défendre les valeurs du mariage, de la fidélité et de la chasteté. Mais alors même que l’article m’attirait des critiques publiques, venant surtout de collègues spécialistes de la théologie morale, j’ai été informé que ni l’article ni ses arguments ne posaient de problèmes à la congrégation pour la doctrine de la foi, alors dirigée par le cardinal Ratzinger.

Ce qui m’avait poussé à écrire cet article c’est que, dans le précédent numéro de "The Tablet", Austen Ivereigh, qui en était alors rédacteur en chef adjoint, avait opposé l’une à l’autre - dans un article où il commentait une émission de la BBC, "Panorama", qui avait examiné les déclarations du cardinal López Trujillo - deux opinions exprimées au sein de l’Église à propos de l’utilisation du préservatif comme moyen de lutte contre le sida.

La première opinion était celle du cardinal Godfried Danneels, alors archevêque de Bruxelles, à qui Ivereigh attribuait les propos suivants : “Si quelqu’un qui est porteur du virus VIH a décidé de ne pas respecter l’abstinence, il doit protéger son partenaire et il peut le faire, dans ce cas, en utilisant un préservatif”. Agir autrement, disait le cardinal, serait “transgresser le cinquième commandement”, tu ne tueras pas.

La seconde opinion était une citation de Hugh Henry, alors responsable de l’éducation au Linacre Centre catholique à Londres, qui, n’étant pas d’accord avec la déclaration du cardinal Danneels, avait dit à Ivereigh que l’utilisation du préservatif était un péché contre le sixième commandement, car, “ne respectant pas le caractère de fertilité que doivent avoir les actes conjugaux, elle empêche un don personnel de soi réciproque et complet et constitue donc une transgression du sixième commandement”.

Cela suggérait, comme l’écrivait Ivereigh, qu’un “travailleur immigré qui se rend dans un bordel en Afrique du Sud ne devrait pas, bien sûr, avoir de relations sexuelles ; mais s’il en a, semble suggérer Henry, il ne devrait pas utiliser un préservatif pour éviter de transmettre le sida à la femme, parce que cette utilisation ne respecte pas le caractère de fertilité que doivent avoir les actes conjugaux”. Et Ivereigh concluait : “Aux lecteurs de décider si c’est le cardinal Danneels ou le Linacre Centre qui donne le conseil le plus étrange”.

En lisant cet article, j’ai pensé que les deux conseils étaient fondamentalement défectueux et que le choix entre eux était fallacieux. Le problème était que l’un et l’autre exprimaient leur opinion en termes de normes ou d’obligations morales – utiliser ou ne pas utiliser un préservatif – alors qu’une approche normative était inadaptée pour traiter cette question.

Ce que le Linacre Centre proposait comme l’authentique point de vue catholique était qu’il existe une obligation morale, pour les gens qui s’adonnent à des actes sexuels coupables, de s’abstenir au moins d’utiliser le préservatif – pour éviter un péché supplémentaire contre le sixième commandement et donc rendre moins coupables leurs actes coupables, même si, ce faisant, ils transmettent aux autres ou à eux-mêmes une maladie mortelle. Un tel argument fait croire aux gens, à tort, que c’est l’enseignement de l’Église en matière de contraception qui conduit à ces conséquences opposées à leur intuition ; mais cet enseignement concerne essentiellement l’amour conjugal et l’expression de celui-ci dans les rapports sexuels, et il ne s’applique pas à de telles circonstances. Inversement, si l’opinion du cardinal Danneels est assez plausible, elle retourne l’erreur d’Henry en transformant en norme morale pour ces gens l’obligation d’au moins utiliser un préservatif, afin de ne pas pécher davantage contre le cinquième commandement. Comme Henry, le cardinal Danneels établit ainsi une norme morale en vue de rendre moins immorale un comportement intrinsèquement immoral.

Pour revenir à l’opinion du Linacre Centre : l’enseignement donné par "Humanae Vitae" n’inclut pas la formulation d’une norme morale indiquant comment accomplir des actes intrinsèquement mauvais ; l’Église n’a jamais donné un tel enseignement et elle ne le fera jamais pace qu’un tel enseignement serait clairement contraire au bon sens. La seule chose que l’Église puisse enseigner à propos du viol, par exemple, c’est l’obligation morale de s’en abstenir complètement, pas de l’accomplir de manière moins immorale. Dans certains contextes les orientations morales perdent complètement leur signification normative parce qu’elles peuvent tout au plus atténuer un mal, mais pas tendre au bien ; ce qu’il faut surmonter et qu’il est normatif de surmonter, c’est le désordre moral intrinsèque. Comme je l’ai écrit en 2004, “ce serait simplement un non-sens que de créer des normes morales pour des types de comportement intrinsèquement immoraux”.

L’enseignement de l’Église en matière de contraception n’est pas un enseignement relatif aux “préservatifs”, mais à la vraie signification et au sens de la sexualité et de l’amour conjugal. La question de la contraception est autre chose que la question de l’utilisation du préservatif dans un but prophylactique. La contraception en tant que déclarée intrinsèquement mauvaise est décrite par "Humanae Vitae" n°14 (reprise dans le Catéchisme de l’Église catholique n° 2370) comme une action qui “soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait [en latin "intendat"], comme fin ou comme moyen, de rendre impossible la procréation ”. La contraception n’est pas simplement une action qui empêche effectivement la procréation, mais une action empêchant la procréation qui est précisément accomplie avec une intention contraceptive. (Le fait d’empêcher effectivement la conception ne suffit pas pour qu’un acte soit, au sens moral, un acte de contraception ; voilà pourquoi l’utilisation de pilules empêchant l’ovulation dans le but de réguler le cycle d’une femme pour des raisons médicales n’est pas une contraception au sens moral).

Mais s’ensuit-il que l’on devrait conseiller positivement l’utilisation du préservatif dans des buts strictement prophylactiques ? Les gens qui n’ont pas envie de changer de mode de vie et qui utilisent des préservatifs pour éviter d’être infectés ou d’infecter les autres me semblent avoir conservé au moins un certain sens des responsabilités, comme le pape l’a dit lui-même la semaine dernière. Mais nous ne pouvons pas dire qu’ils “devraient agir ainsi” ou qu’ils sont “moralement obligés” d’agir ainsi, comme le cardinal Danneels semblait le suggérer. Le pape le souligne quand il dit clairement que [le préservatif] n’est pas une “solution morale”. Voilà pourquoi il est également erroné d’affirmer dans ce cas des principes tels que celui du “moindre mal”, selon lequel, pour éviter un plus grand mal, on peut choisir un moindre mal, s’il y a pour cela une raison proportionnée. Cette méthodologie morale, connue sous le nom de “proportionnalisme”, n’est pas un enseignement de l’Église et a été rejetée par le pape Jean-Paul II dans son encyclique "Veritatis Splendor" de 1993 – avec laquelle le pape Benoît XVI est en plein accord.

En disant, comme il le fait, que l’on agit avec “un certain sens des responsabilités” quand on cherche à éviter l’infection, le pape n’affirme pas qu’utiliser le préservatif pour éviter l’infection par le VIH signifie agir de manière responsable. La véritable responsabilité, pour les gens qui se prostituent, serait de s’abstenir complètement de contacts sexuels risqués et immoraux et de changer complètement de mode de vie. S’ils ne le font pas (parce qu’ils ne le peuvent pas ou ne le veulent pas), ils agissent au moins subjectivement de manière responsable quand ils essaient de prévenir l’infection, ou du moins ils agissent de manière moins irresponsable que ceux qui n’essaient pas, ce qui est assez différent.

C’est là un jugement de bon sens, exprimé en termes personnalistes ; ce n’est pas une norme morale positive permettant un “moindre mal”. L’Église doit toujours conseiller aux gens de faire ce qui est bien, pas ce qui est un moindre mal ; et le bien qu’il faut faire – et donc conseiller – ce n’est pas d’agir de manière immorale et de réduire cette immoralité en minimisant les dégâts qu’elle peut causer, c’est de s’abstenir complètement de comportements immoraux. Voilà pourquoi justifier l’utilisation prophylactique du préservatif au motif que ce serait un “moindre mal” est erroné et dangereux, parce que cela ouvre la voie à la justification de n’importe quel choix moral d’un “moindre mal” : faire du mal dont un bien pourrait sortir. C’est également une question mal posée. Les préservatifs "en soi", considérés comme des “choses”, ne sont pas “mauvais” ; dans l’enseignement de l’Église, leur utilisation pour les actes contraceptifs tels que définis par "Humanae Vitae" est mauvaise mais, comme nous l’avons expliqué, cette encyclique ne s’applique pas à la prophylaxie.

Ce que les remarques du pape n’ont pas abordé, c’est le cas d’un couple marié dont l’un des époux est infecté et qui utilise un préservatif pour protéger l’autre de l’infection. Dans mon article de 2004 j’avais assez incidemment évoqué de tels cas et parlé de “raisons pastorales ou simplement prudentielles” qui inciteraient à ne pas utiliser de préservatifs dans ces circonstances. Ce cas est différent du précédent et plus complexe, parce que c’est ce qui constitue véritablement un acte conjugal qui est ici en jeu. Il est important de souligner que la question de la contraception dans le mariage et celle de la prévention de l’infection par l’utilisation du préservatif relèvent de deux problèmes moraux différents.

La question va certainement continuer à être débattue ; mais quoi que l’Église déclare en fin de compte à ce sujet, les pasteurs auront toujours de bonnes raisons d’inciter à l’abstinence dans cette situation, parce que l’utilisation d’un préservatif uniquement pour des finalités médicales est en réalité quelque chose de théorique. Il est probable que – au moins pour les couples fertiles – l’intention de prévenir l’infection fusionnera avec l’intention véritablement contraceptive d’empêcher la conception d’un bébé infecté. Personnellement je n’encouragerais jamais un couple à utiliser un préservatif, mais je l’encouragerais à pratiquer l’abstinence. S’ils ne sont pas d’accord, je ne penserais pas que leur rapport sexuel soit ce que les spécialistes de la théologie morale appellent un péché “contre nature” équivalent à la masturbation ou à la sodomie, comme le disent certains spécialistes de la théologie morale. Mais l’abstinence complète serait le meilleur choix moralement, non seulement pour des raisons prudentielles (les préservatifs ne sont pas complètement sûrs même quand on les utilise systématiquement et correctement), mais parce que s’abstenir complètement d’actes dangereux correspond mieux à la perfection morale – à une vie vertueuse – que d’éviter le danger de ces actes en utilisant un système qui aide à contourner la nécessité d’un sacrifice.

Défendre l’enseignement de l’Église et sa manière d’envisager la prévention de la transmission du virus VIH ne devrait pas nécessiter de faire appel à des arguments contre-productifs et absurdes qui déforment l’enseignement de l’Église. Si nous insistons sur l’abstinence, la fidélité et la monogamie comme vrais moyens d’arrêter l’épidémie de sida, nous n’avons pas besoin de nier que l’utilisation du préservatif par les groupes à haut risque fait baisser les taux d’infection, tout en limitant la diffusion de l’épidémie dans d’autres parties de la population. Mais cette tâche est surtout la responsabilité des autorités civiles.

Le rôle de l’Eglise dans le combat contre le sida n’est pas celui du pompier qui essaie de contenir l’incendie, mais celui de former et d’aider les gens à construire des maisons qui résistent au feu et à éviter de faire ce qui peut provoquer un incendie, tout en soignant, bien sûr, ceux qui souffrent de brûlures. Elle le fait, ce qui est très important, pour offrir la réconciliation avec Dieu et pour soigner les âmes de ceux qui ont été blessés dans leur dignité humaine par leur propre conduite immorale ou par les terribles choix et circonstances qu’impose le sida.

"LE PAPE A VOULU QUE LA DISCUSSION AIT LIEU AU GRAND JOUR"

Interview accordée par Martin Rhonheimer

Q. – Certains commentateurs catholiques qualifient les propos du pape de “changement radical” ; d’autres disent qu’absolument rien n’a changé. Laquelle de ces deux opinions est juste ?

R. – Ni l’une ni l’autre. Commençons par la seconde : “Rien n’a changé”. Ce n’est pas vrai. Le pape Benoît XVI, après avoir – je pense - mûrement réfléchi, a fait une déclaration publique qui a changé le discours sur ces questions, à la fois dans et hors de l’Église. Pour la première fois, il a été dit par le pape lui-même, bien que ce ne soit pas dans le cadre d’un enseignement formel du magistère de l’Église, que l’Église n’“interdit” pas de manière inconditionnelle l’utilisation prophylactique du préservatif. Au contraire, le Saint Père a dit que dans certains cas (dans le cas du commerce du sexe, par exemple), son utilisation peut être un signe de ou un premier pas vers une attitude responsable (tout en précisant en même temps que ce n’est ni une solution pour vaincre l’épidémie de sida ni une solution morale ; la seule solution morale est d’abandonner un mode de vie immoral et de vivre sa sexualité d’une manière vraiment humanisée). Ce sujet provoque beaucoup d’émotion de part et d’autre, raison pour laquelle j’espère que le pas qu’a fait Benoît XVI puisse nous amener à changer notre façon de discuter de ces sujets et à le faire de manière moins tendue et plus ouverte.

Mais la seconde opinion, selon laquelle ce qu’a dit le pape est un “changement radical” est également inexacte.

Tout d’abord, elle ne change en rien la doctrine de l’Église en matière de contraception ; ce qu’a dit le pape confirme plutôt cette doctrine telle qu’elle est enseignée par "Humanae Vitae".

Deuxièmement, sa déclaration ne dit pas que l’utilisation du préservatif ne pose pas de problème moral ou qu’elle est permise d’une manière générale, même à des fins de prophylaxie. Le pape Benoît XVI parle de "begründete Einzelfälle", ce qui, traduit littéralement, signifie “certains cas justifiés” – comme celui d’un(e) prostitué(e) – dans lesquels l’utilisation d’un préservatif “peut être un premier pas vers une moralisation, une première prise de responsabilités”.

Ce qui est “justifié”, ce n’est pas l’utilisation du préservatif en tant que telle : pas, du moins, au sens d’une “justification morale” d’où découle une norme permissive du genre “il est moralement permis et bon d’utiliser le préservatif dans tel et tel cas”. Ce qui est justifié, plutôt, c’est le jugement selon lequel ce geste peut être considéré comme un “premier pas” et “une première prise de responsabilités”. Benoît XVI n’a certainement pas voulu établir une norme morale justifiant des exceptions.

Troisièmement, ce que dit le pape ne se réfère pas aux gens mariés : il a seulement parlé de situations qui sont en elles-mêmes intrinsèquement désordonnées.

Quatrièmement, comme il l’indique très clairement, le pape ne plaide pas en faveur de la distribution de préservatifs, qu’il considère comme conduisant à la “banalisation” de la sexualité qui est la cause majeure de la diffusion du sida. Il mentionne simplement la méthode ABC, en insistant sur l’importance de A et B (“abstain” [abstiens-toi] et “be faithful” [sois fidèle]) et en qualifiant le C (“condoms” [préservatifs]) de dernier recours (en allemand, "Ausweichpunkt") au cas où certaines personnes refuseraient de se conformer à A ou B.

Et, ce qui est très important, il déclare que ce dernier recours relève clairement de la sphère séculière, c’est-à-dire des programmes gouvernementaux de lutte contre le sida. Donc ce qu’a dit le pape ne concerne pas la manière dont les institutions sanitaires relevant de l’Église devraient gérer les préservatifs. Il a donné une indication sur ce qu’il faut penser d’un(e) prostitué(e) qui utilise habituellement des préservatifs, pas de ceux qui les distribuent systématiquement dans le but de contenir l’épidémie, ce qui est la responsabilité des autorités d’État. Pour sa part, l’Église continuera à dire la vérité à propos de la manière vraiment humaine de vivre la sexualité.

Q. – Dans ses propos, le pape Benoît XVI n’appelle pas l’utilisation du préservatif par les gens porteurs du virus VIH un “moindre mal” mais c’est comme cela que certains théologiens et leaders catholiques expliquent ce qu’il a dit. Est-ce que, dans certains cas, le préservatif est un “moindre mal” ?

R. – Décrire comme un moindre mal l’utilisation du préservatif pour empêcher l’infection est très ambigu et peut créer de la confusion. Bien sûr, on peut dire que quand un(e) prostitué(e) utilise un préservatif, cela diminue la malfaisance de la prostitution ou du tourisme sexuel, puisque cela réduit le risque de transmission du virus VIH dans de plus larges secteurs de la population. Mais cela ne veut pas dire qu’il soit bon de choisir des actes mauvais pour parvenir à un but qui est bon.

Étant entendu que la conduite sexuelle immorale devrait être totalement évitée, à mon avis ce que le Saint Père a souligné à juste titre est que, quand quelqu’un qui commet déjà des actes immoraux utilise un préservatif, il ou elle ne choisit pas à proprement parler un moindre mal, mais il ou elle essaie simplement d’éviter un mal — le mal de l’infection. Du point de vue du pécheur, cela signifie évidemment choisir quelque chose de bon : la santé.

Q. – Si le pape dit que l’utilisation du préservatif dans certains cas peut être un signe de réveil moral, ne dit-il pas que l’utilisation de la contraception est quelquefois acceptable ? Ou que l’utilisation de la contraception est préférable à la transmission du virus VIH ?

R. – Le préservatif est conçu comme un moyen d’empêcher les fluides masculins de pénétrer dans le corps de la femme. Son utilisation normale est la contraception. Mais dans le cas dont parle le pape, la raison qui conduit à l’utiliser n’est pas d’empêcher la conception, mais de prévenir l’infection. Il ne faut pas confondre les actions humaines, qui peuvent être intrinsèquement bonnes ou intrinsèquement mauvaises, avec les “choses.” Ce n’est pas le préservatif en tant que tel, mais son utilisation, qui pose le problème moral. C’est pourquoi ce que dit le pape ne se réfère même pas à la question de la contraception.

Il est vrai que certains spécialistes de la théologie morale soutiennent que puisque – excepté dans le cas de partenaires sexuels stériles – l’effet du préservatif est toujours physiquement contraceptif et pour cette raison intrinsèquement mauvais, ceux qui l’utilisent commettent nécessairement le péché de contraception, même s’ils ne l’utilisent pas dans ce but. C’est pourquoi ils affirment que l’utilisation du préservatif rendra un acte déjà immoral encore pire. L’affirmation du pape Benoît XVI – en admettant qu’il ne voulait pas la restreindre uniquement au cas de la prostitution homosexuelle masculine, cas dans lequel la question de la contraception ne se pose évidemment pas – affaiblit cet argument de manière décisive.

Je pense que la seule manière de sortir de la bizarre impasse où conduisent de tels arguments – par exemple l’affirmation selon laquelle il vaudrait mieux, également d’un point de vue moral, que les gens qui se prostituent soient infectés plutôt que d’utiliser un préservatif – est de dire clairement que le préservatif, en tant que tel, n’est pas “intrinsèquement contraceptif” au sens d’un jugement moral. C’est son utilisation et l’intention qui sous-tend cette utilisation, qui déterminent si l’utilisation d’un préservatif constitue un acte de contraception.

Q. – On peut présumer que le pape était conscient de la confusion que ses propos allaient créer parmi les catholiques. Sans vous demander de spéculer indûment sur ses intentions, quel bien peut sortir de tout cela ?

R. – Il est évident que le Saint Père voulait que ce sujet soit discuté au grand jour. Il a certainement prévu le tumulte, les malentendus, la confusion et même le scandale qui allaient en résulter. Et je crois qu’il a pensé qu’il était nécessaire, en dépit de toutes ces réactions, d’en parler, dans le même esprit d’ouverture et de transparence qui a été le sien, depuis qu’il dirigeait la congrégation pour la doctrine de la foi, pour traiter les affaires d’abus sexuels de la part de prêtres. Je pense que Benoît XVI croit en la force de la raison et que les choses vont se clarifier avec le temps. Il a changé le discours public sur ces questions et préparé le terrain pour une compréhension et une défense plus vigoureuses et plus adaptées de l’enseignement de l’Église en matière de contraception, en tant qu’élément de sa doctrine concernant l’amour conjugal et la véritable signification de la sexualité humaine.

 Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.


 

Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 11.12.2010 - T/International

 

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